
perçant des autres inftruments, étonnent les ennemis.
Marcellus, craignant qu’on ne jugeât du petit
nombre de fes troupes par leur cri de guerre ,
donna ordre aux vivandiers, aux valets , & aux
autres perfonnes inutiles dans le combat, de mêler
leurs cris à ceux des foldats. Il jetta ainfi la frayeur
parmi les ennemis , en leur faifant croire que fon
armée étoit extrêmement nombreufe.
5i les ennemis viennent d’un pas précipité vous
attaquer fur une montagne , vous les battrez facilement
en exécutant ce qui fuit.
Mettez fur le penchant de la montagne quelques
troupes , avec un ordre précis de fe retirer comme
en confufion vers le fommet, dès qu’elles feront
attaquées. Que les autres troupes , que vous avez
. au haut de la montagne, faffent en même temps un
mouvement qui punie perfuader aux ennemis, ou
qu’elles fuient, ou qu’elles font en défordre, afin de
les mieux engager à monter d’un pas encore plus
vif. Réfervez la plus grande partie de vos armes
chargées, d’autant plus qu’il ne faut pas qu’un
trop grand feu de votre part empêche les ennemis
de monter à la hâte. Quand vous verrez qu’ils fe
font bien fatigués à monter, n’attendez pas qu’ils
foient arrivés jufqu’au fommet ; mais faites fur
eux une furieufe décharge de tout votre feu ; & ,
fans leur donner le temps de reprendre haleine,
que vos troupes defcendent pour les charger avec
l’arme de main.
Dans un cas pareil, & dans ces mêmes circonstances
, l’armée de Philippe , Roi de Macédoine,
flit défaite par les Phocéens , qui combattoient fous
les ordres d’Onomarque.
L’armée écoffoife , commandée par Douglas,
fut battue près de Berwick par Edouard III ,
Roi d’Angleterre, qui , ayant occupé une montagne
, s’y laiffa attaquer. Les Ecoffois arrivèrent
au .haut li fatigués que les Anglois eurent peu
de peine à les .vaincre.
Il y a deux obfervations à faire fur ce que je
viens de dire. La première eft qu’avant de défi
cendre pour charger les ennemis, il faut que touts
les paffages des autres côtés de la montagne foient
couverts ; de crainte qu’ils ne vinffent à la dérobée
s’emparer du fommet, pendant que vous-donnez
toute votre attention à combattre les troupes qui
fe font avancées les premières.
La fécondé eft que , lors de ce mouvement que
j’ai confeillé , pour perfuader aux ennemis que
le défordre eft parmi vos troupes, il faut avertir
vos foldats que ce n'eft de votreqpart qu’un ftrata-
gême pour mieux engager l’ennemi ; autrement,
ils pourroient prendre pour une véritable crainte
ce trouble faux & fuppofé.-
Jugurtha fit femblant de redouter Albinus & de
fuir devant lui; mais fl eut foin d’inftruire fes
foldats que ce n’étoit qu’une crainte fimulée ,
afin que cet artifice ne les jettât pas dans une véritable
frayeur.
REMPLACEMENT DES TROUPES PLIÉES.
Deux motifs peuvent engager les armées à fe
canonner , ou à fe fufiller longtemps avant que
d’en venir à l’arme de main. En ce cas, tirez des
corps détachés entre les lignes les hommes qui
viennent à manquer dans la première : fi vous
n’avez pas de ces corps détachés que j’ai pro-
pofés, remplacez par des foldats de la fécondé
ligne ceux qui font mis hors de combat dans la
première, &. tirez du corps de réferve les tfoupes
néceffaires pour remplir les vuides de la fécondé
ligne, afin que de cette manière vos deux lignes
foient toujours en état dé recevoir au d’attaquer
les ennemis.
J’ai dit que la première ligne, vaincue ou vic-
torieufe , décide ordinairement du fort de l’armée.
On m’oppofêra l’exemple des Romains , qui for-
j moient la première ligne de leurs haftats , la fe-
! conde de leurs princes , troupe plus robufte que
? la précédente, & mettoient à la troisième ligne
à leurs triaires, qui étoient leurs plus vieux foldats y
; ceux qui avoient ufte plus haute paye, qui étoient
! les mieux armés, & en qui par canféquent oa
| avoit plus de confiance. Cette ohjeâian, qui u
i la première vue paroît folide, eft néanmoins très
J foible , quand on l’examine de près.
I Les Romains commençoient le combat eiï
répandant devant leur front les vélites , efpèce de
I troupes! que je peux comparer à nos- miquëlets*
! Ce n’étoit pas à deflein de mettre les ennemis
| en déroute par cette première attaque , mais afin
S d’eflayer fi, par leurs elcauno.uches ,. ces troupes
[ légères ne pourroient point jetter quelque, dé-
' fordre dans l’armée ennemie , & pour quelle
employât contre eux tine grande partie de fes
' traits. C’étoit dans la même vue que les haftats fe
préfentoient enfuite. Mais,lorfque la bataille ve-
j noit à s’engager, les princes venoient les foutenir
I & remplir les. intervalles de la. premier à ligne..
Si, malgré ce renfort le combat reftoit douteux,
on faifoit avancer les triaires. Ifi.eft donc
évident que les Romains mettoient leur première
• efpérance dans la première ligne, ôc leur reffource
j dans la dernière. . . . :
I Le chevalier Folard dit que Caefar, a la bataille
J de Pharfale & au combat contre les Tenctères ÔC
I les Ufipètes.,. ne forma qu’une ligné. Cet auteur
! penfe que le fuccès de la première ligne décide
■ la viétoire , fur-tout à l’égard de la nation dont le
premier effort eft lé plus à craindre. Pour moi»
j’étends cette maxime à toutes fortes de troupes &
de nations , & je me fonde fur une expérience
confiante , que la première ligne battue renv.e.rfe
les autres, en ne fe retirant pas par lès intervalles
ou par le dehors des ailes de la fécondé ligne.
Tout tu moins celle-ci, quand même elle auroit
des forces fuffifantes pour réfiftér & pour réparer
l’échec, s’intimide en voyant ce mauvais fuccès
dès le commencement de Taâioa.
Àü paffage du Granique, les Perfes formèrent
leur première ligne de dix mille chevaux', & la
fécondé de cent mille hommes d infanterie. Le
combat à la première ligne fut opiniâtre ; mais
Alexandre l’eut à peine mife en déroute que les
cent mille Perfes prirent la fuite, épouvantés par
la défaite de la cavalerie.
Ayez foin fur-tout de remplacer dans les ailes
ceux qui y feront mis hors de combat : ce font
plus les ailes que le centre, qui contribuent au
gain ou à la perte des batailles.
A la journée de Marathon, les ailes feules de
Tannée des Perfes avoient été mifes en déroute
& le centre des Athéniens avoit ete enfonce.
Cependant les Perfes perdirent la bataille, parce
qu’Alcibiade , ayant laiffe fuir les Perfes qui
avoient été battus à leurs ailes, porta toutes f es
troupes contre le centre des .ennemis qui avoit
plié celui de Tannée d’Athènes ; & les Perfes- déjà
vi&orieux ne purent plus réfiftér., lorfqu’Alcibiade
les eut pris en flanc & en queue. On ne peut trop
éviter que, pendant le combat, une troupe des
ennemis , quelque petite qu’elle foit ^ vienne en
flanc alarmer_vos ailes ou attaquer votre réferve ;
parce que le moindre bruit inattendu , qu’on entend
derrière foi, intimide & met en défordre
ceux qui combattent de front. Placez donc quelques
efcadrons à portée dé s’oppofer aux troupes qui-
pourroient venir furprendre vos ailes & votre
réferve. En ce cas ils doivent s’avancer allez pour
que la proximité ou le bruit de leur combat ne
caufe aucun défordre dans vos lignes.
Ariftée , général des Corinthiens, détacha , un
peu avant la bataille d’Olinthe , quelques troupes
de fon armée, avec ordre de charger l’armée
d’Athènes par derrière , dès que le combat feroit
commencé. Caillas, général dés Athéniens , prévoyant
ce qui pourroit furvenir , envoya une
partie de fa cavalerie fur l’avenue par laquelle un
détachement d’Ariftée pouvoit venir le prendre
en queue , & déconcerta ainfi le projet de fon
adverfaire.
Si vous remarquez , pendant le combat, que
les ennemis tirent quelques troupes d’une partie
de leurs lignes , afin d’en renforcer quelques-
aütres ; attaquez promptement le pofte d’où ces
troupes ont été tirées , dès qu’elles en feront un
peu loin, & avant qu’ayant rétabli le combat
dans celui où ôn les envoie , elles ayent le temps
de revenir à leur premier pofte , qui eft demeuré
plus foible : par-là vous les rendrez inutiles. : car ,
pendant qu’elles font en mouvement, elles ne fervent
ni dans l’un ni dans l’autre endroit.
A la bataille de Munda., Cæfar , voyant que
Pompée tirait une légion de'fa droite pour fecou-
• fîr fa gauche , qui etoit en danger , ne détacha
point une autre légion pour obferver celle de
Pompée , &. pour s’oppofer à fes efforts dans, le
nouvel endroit où elle paffoît. Dès qu’il la vit un
peu éloignée de l’aile droite , il chargea cette
aile avec tant de vigueur qu’il la fit plier, avant
que la légion détachée où quelques - antres-
troupes euffent le temps de venir au fecours-
Lorfqu’on tire pendant le combat quelques corps*
d’une partie de la ligne à deflein d’en renforcer
un autre-, il eft à craindre que les autres troupes ,
qui voient que ces corps ont quitté leur pofte , &
qui en ignorent le motif, ne croient qu’ils ont
abandonné le combat.
Une des raifons pour laquelle Pompée le jeune
perdit la bataille de Munda , ce fut que Labiénus
quitta fon pofte pour s’oppofer à Bogud, qui mar-
choit au camp de Pompée : les troupes de celui-ci
prirent ce mouvement de Labiénus poux une
retraite. ' ,.
Pour fecourir ou renforcer une partie de votre
ligne » fans être expofé aux inconvénients dont je
viens de parler, ayez recours aux troupes détachées
que je propofe. Si vous n’avez ni ces.
troupes., ni réferve pour remplacer à la fécondé
ligne les troupes que vous en pouvez tirer pour
fecourir la première, je ne penfe pas qu’il faille
en prendre de celle-ci à deflein de renforcer une
autre partie delà même ligne, à moins que la
nature du ter rein n’empêche absolument Tennemi-
d’aborder la partie de votre ligne d’où vous ayez,
tiré les troupes pour en fortifier une autre..
MOYENS D’ IN T IM ID E R L’ENNEMI
ET D* E N C O U R A G E R SES TROUP E S 1.
SI, pendant le combat, vous découvrez un;
fecours qui vient de vos places , des fourageurs >
qui rejoignent votie armée,. quelques-détachements
que dans la nuit précédente vous aviez mis en em-
bufcade, ou que le même jour vous aviez envoyés
par un circuit, pour venir .tomber en flanc furies
ennemis. ; faites- le. remarquer à vos troupes r
à cette vue. elles poufferont un cri de joie. pour,
s’animer entre elles & décourager d’ennemi, ea
lui donnant occafion de s’açpercev.oir du. fecours>
qui vous arrive.
Si la troupe qui vient à votre fecours, avec
ordre de charger le flanc ou l’arrière des ennemis,
marche, plus près d’eux que de votre armée ,.
& fur-tout, fi. cette troupe n’eft pas- nombreufe ;
différez de la faire obferver à. vos foldats jufqu’à.
ce quelles foient. fort proche de l’ennemi , de
crainte qu’il ne faffe quelque" détachement pour.
Ta charger , avant qu’elle ait. pu, jetter le défordre.
dans, fes lignes..
Dans la nuit qui précède là bataille, envoyez-,
loin de votre camp autant d’hommes qu’il fera
poffible , de ceux qui fuiyent, le bagage , le train,
de l’artillerie. & des. vivres ainfi que. touts-
les payfans, affe&ionnés que. vous pourrez^
affembier. Cette troupe , conduite en ordre par.
quelques officiers & foldats , marchera en batailler
comme, fi elle, voulait, venir prendra Tennemi.es