
preffoient a l’aider , en lui tenant l’étrier ; d’autres
portoient les différentes pièces de ion armure, fes
braflards, fes gantelets, l'on heaume & fon écu.
A l’égard de la cuiraife, nommée auffi haubergeon
ou plaftron, le chevalier devoit la quitter encore
moins que les l'oldats grecs ou romains ne quittoient
leurs boucliers. D ’autres portoient fon pennon,
fa lance, & fon épée : mais , lorfqufil étoit feulement
en route , il ne montoit qu’un cheval d’une
allure aifée &. commode , rouffin, courtaut , cheval
ambiant ou d’amble , courfier , palefroi , ha-
quenée ; car les juments étoient une monture dérogeante
, affeélée aux roturiers &L aux chevaliers
dégradés : c’étoit peut-être , par un ufage prudent,
qu’on les avoit réfervées pour la culture des terres,
& pour multiplier la ra ce , qu’on avoit imprimé
une efpèce de tache aux nobles qui auroient voulu
s’en fervir, & que dès-lors la politique avoit imagine,
ce moyen de maintenir un réglement qu’il
importait de faire obferver par des François : c’eft
ainn qu’un de nos rois , pour fupprimer le luxe ,
ne permit les dorures qu'aux femmes de mauvaife
vie.'
Des chevaux de bataille, ceft-à- dire des chevaux
d’une taille élevée , étoient, dans le cours
d une route, menés par des écuyers qui les tenoient
à leur droite ; d’où on les a nommés deftriers. Ils
les donnoient à leur maître lorfque l’ennemi pa-
-roifloit , ou que le danger fembloit l’appeller au
combat; c’étoit ce quon appelloit monter fur fes
grands chevaux ; expreffion que nous avons con-
lèrvée , auffi bien que celle de haut à la main , &
qui eft venuede la-contenance fière avec laquelle un
écuyer , accompagnant fon maître , en portoit le
heaume élevé fur le. pommeau de la felle. Ce
heaume , auffi bien que les autres parties de fon
armure oôenfive & défenfive | lui étoient remifes
par les divers écuyers qui en étoient dépofitaires,
& touts avoient un égal empreffement à l’armer.
Ils apprenoient eux-mêmes à s’armer un jour avec
toutes les précautions néceffaires pour la fureté de
leurs perfonnes. C ’étoit un art qui demandoit beaucoup
d’adreffe & d’habileté, que celui de raflembler
& d’affermir les jointures d’une cuiraffe ëç des
autres pièces de l’armure , d’affeoir & de lacer
exaérement un heaume fur la tê te , & de clouer
& river foigneufement la vifière ou ventaïlle. Le
fuccès & la fureté des combattants dépendoient
fouvent de l’attention qu’ils y avoient apportée. Les
officiers chargés du heaume, de la lance, & de
l’épée, les gardoient auffi lorfque le chevalier s’en
était défaifi pour entrer dans une églife , ou dans un
autre lieu refpe&able, & dans les nobles maifons
où il arrivoit.
Nous pouvons croire que cet ufage , d’ôter fon
heaume, a donné la première origine à celui de
fe découvrir dans les lieux , & pour les perfonnes
à qui l’on doit de la confédération. Lorfque les ;
chevaliers étoient montés fur leurs grands chevaux,
& qu’ils en venaient aux mains ; chaque é^yyer J
rangé derrière fon maître , après lui SVoîr remis
l’épée , demeuroit en quelque façon fpe&ateur oifif
du combat ; ëc cet ufage pouvoit aifément s’ac^
çonimoder à la façon dont les troupes de cavalerie
fe rangeoient en bataille fur une ligne , fui vie
de celle des écuyers ; l’une êt l’autre étant rangées
en haie., félon la manière de parler ufitée alors. A
peine commencions-nous , dans le fiècle des capitaines
la Noue & Montluc , à combattre- en'ef-
cadron j o u , comme on s’exprimoit alors -, en kofi.
Cependant l’écuyer, fpeétateur oifif en un fens ,
ne l’étoit point dans un autre ; & ce fpeétacle , utile-
à la confervation du maître , ne l’étoit pas moins
à l ’inftruéfion du ferviteur. .
Dans le choc terrible des deux haies de chevaliers
qui fondoient les uns fur les autres les lances
baillées., les uns bleffés ou renverfés fe relevoient,
faififfoient leurs épées, leurs haches, leurs maffes ,
ou ce qifon appelloit leurs plommées ou plombées,
pour fe défendre &. fe venger ; & les autres cher-
choient à profiter de leur avantage fur des ennemis
abattus. Chaque écuyer étoit attentif à touts les
mouvements de fon maître, pour lui donner en cas.
d’acçident de nouvelles armes,parer les coups qu’on
lui portoit, le relever, & lui donner un cheval frais ;
tandis que l’écuyer de celui qui avoit le deffus fe-
condoit fon maître par touts les moyens que lui
fuggéroit fon adroite, fa valeur, & fon zèle ; & fe
tenant toujours dans les bornes étroites delà dé-
fenfive. , l’aidoit à profiter de fes avantages, & à
remporter une viâoire complette. C ’étoit auffi aux
écuyers que les chevaliers confioient dans la chaleur
du combat les prifonniers qu’ils faifoient. Ce
’ fpeâacle étoit une leçon vivante d’adreffe & de
courage ; qui, montrant fans ceffe au jeune guerrier
de nouveaux moyens de Ce défendre, & de fe
rendre fupérieur à fon ennemi , lui donnoit lieu
en même temps d’éprouver fa propre valeur, & de
connoître s’il étoit capable de foutenir tant de travaux
& tant de périls. La jeuneffe foibîe & fans
expérience n’étoit point expofée à porter le fardeau
pefant de la guerre , fans avoir appris longtemps
auparavant fi les forces & fes talents y répondoient.
Une longue épreuve d’obéiffance & de foumiffioa
préparoit celui qui devoit un jour commander à
fervir lui-même d’exemple. Mais l’écuyer ne paf-
foit pas fi promptement d’un fervice paifible à ces
occâfions fi périlleufes. Les cours & les châteaux
etoient des, écoles, où l’on ne difcontinuoit point
de former les jeunes athlètes que l’on deftinoit au
fervice & à la défenfe de l’état. Des jeux pénibles
où le corps acquéroit la foupleffe , l’agilité , & la
vigueur néceffaires dans les combats ; des courtes
de bagues , de chevaux, & de lances , les difpo-
foient aux tournois , qui n’étoient que de foibles
images de la guerre. Les dames , dont la préfence
animoit l’ardeur de ceux qui vouloient s’y diftin-
guer, fe faifoient un noble amufemcnt d’affifter à
ces jeux.
Le récit que nous fait l’hiftorien de la vie dç
Bouckaut peut faire juger des exercices par lesquels
la jeuneffe, endurcie. à la peine Ôc à la fatigue
, fe préparoit au. métier de la. guerre. Maintenant
, dit l’hiftorien, en parlant du jeune Bouci-
câut, u il s’effayoit à faillir fur un cour fier , tout
armé : puis autrefois couroit & alloit longuement
à pied pour s’accoutumer à avoir longue haleine ,
ôc fouffrir longuement travail; autrefois feriffoit
d’une coignée ou d’un mail grande pièce & grandement.
Pour bien fe duire au harnois, & endurcir
fes bras & fes mains à longuement férir , & pour
qu’il s'accoutumait à légèrement lever les bras , il
fai toit le foubreiaut armé de toutes pièces, fors le
bacinet, & en danfant le faifoit armé d’une cotte
d'acier ; failloit, fans mettre le pied à l’étrier, fur
un courfier , armé-de toutes pièces. A un grand,
homme monté fur un grand cheval , failloit de
derrière à chevaûchon fur fes épaules , en prenant
ledit homme par la manche à une main , fans autre
avantage..............en mettant une main fur l’arçon
de la lelle d’un grand courfier, & l’autre emprés
les aureilles, le prenoit par les creins en pleine
terre , & failloit par entre fes bras de l’autre part
du courfier^.............. fi deux parois de plaftr.e fuffent
à une braffe l’une près de l ’autre quifeuffent
de_Ja hauteur d’une tour, à force de bras & de
jambes, fans autre aide , montoit -tout au plus haut
fans cheoir au monter ne au devaloir. Item, il
montoit au revers d’une grande échelle dreffée
contre un mur , fout au plus haut fans toucher des
pieds , mais feulement fautant des deux mains en- j
lemble d’échelon en échelon armé d’une cotte a a- :
cier , & ôté la cotte , à une main fans plus, montoit
plufieurs échelons..............quand il eftoit au
logis, s’effayoit avec les autres écuyers à jetter
la lance ou autres, effais de guerre , ne ja ne cef-
foit t
Il falloit, comme on le .voit par ce récit , que
l’afpirant à la chevalerie réunit en lui feul toute
la force néceffaire pour les plus rudes métiers , &
l’adreffe des arts les plus difficiles , avec les talents
d’un excellent homme de cheval.
Nous ferons donc moins furpris de voir que le
feül titre d’écuyer fut tellement en honneur qu’on
n’a point héfité de le. donner au fils aîné de l’im
de nos rois.
Ce n’étoit pas non plus fans raifon que l’on.fe
defioit de la tendrefte paternelle , qui peut - être
auroit adouci dans une éducation domeftique la
rigueur de ces épreuves. Un chevalier devoit placer
fon fils dans la maifon d’un autre chevalier, pour
y apprendre l’office d’écuyer , pour l’exercer &
acquérir la chevalerie.
Un auteur., qui avoit longtemps fuivi la cour
& le métier des armes, ët q u i, fous le règne de
Charles V , ayant vu fleurir la chevalerie , gémif-
foit d’en voir la décadence fous celui de Charles V I ,
achèvera de nous apprendre par quels degrés, on
y parvenoit dans les temps de fa fplendeur. « Les
jeunes.gens, dit-il, paffoient d’abord par l’état de
poiufuivaiits, portant la lance & le bacinet des chevaliers
* apprenant à monter à cheval, & voyant les ,
trois métiers des armes »; c’eft-à-dire qu’ils fréquen-
toient les cours des princes de leur nation, qu’ils fui-
voient les-armées en temps de guerre, d’où leur
venoit le nom de pourfuivants d’armes ; & qu'ils
alloient, en temps de paix, faire des voyages ou der
meffages dans les pays éloignés, pour acquérir
de plus en plus l’expérience des armes & des tournois
, & pour connoître les moeurs étrangères. En-
fuite ils devenoient archers ; puis écuyers , fervant
à la cuifine & à la table , &. portant derrière-eux
à cheval les malles de leur maître : enfin, admis
à être gendarmes , ils faifoient encore pendant huit
ou dix ans rapprentiffage de la chevalerie , avant
que de la recevoir. Ils employoient de nouveau
tout ce temps à fuivre les tournois -, à faire la guerre
& à vifiter les pays lointains où l’honneur , les
armes , & les dames étoient le plus en recommandation.
Le but de ces voyages étoit de s’inte
truire à la vue des tournois , des gages de batailles
& des autres exercices qui fe faifoient dans les
cours, d’apprendre de nouveaux moyens pour fe
défendre, & des tours d’eferime particuliers. On
ne les étiidioit point légèrement & fuperficielle-
ment ; on les obfervoit avec une attention feru-
puleufe ; & ., afin de n’en point perdre la mémoire ,
on y portoit des tablettes pour enrégiftrer les faits
& les circonftances les plus remarquables. On ne
peut guère douter que les dames , fpe&atrices,
comme nous l’avons dit, des jeux de la jeune no-
bleffe , n’affiflaffent auffi avec plaifir aux exercices
des écuyers; mais il paroît qu’elles s’étoient abstenues
dans les premiers temps d’affifter aux tournois.
L’horreur devoir répandre le fang céda enfin,
dans le coeur de ce fexe né fenfible, à l’inclination
I encore plus naturelle & plus puiffante qui les porte
vers tout ce qui tient au fentiment de la gloire : les
| dames accoururent en foule aux tournois ; & cette
| époque dut être celle de la plus grande célébrité
de ces exercices.,
La veille des tournois étoit, pour ainfi dire,
foiemnifé#par des efpècesde joûtes appeliées tantôt
effais ou épreuves, tantôt les vêpres du tournois , &
quelquefois efcrïmie , c’e ft- à-dire eferimes. Les
écuyers les plus adroits s’y effay oient les uns contre
les, autres avec des armes plus légères à porter, &
plus aifées à manier que celles des chevaliers, plus
faciles à rompre , & moins dangereuiès pour ceux
qu’elles bleffoient. C ’étoit le prélude du fpe&acle
nommé le grand tournoi , la haute ou la forte
| journée du tournoi,.le maître tournoi, le maître
éprouve, que les plus braves & les plus adroits chevaliers
dévoient donner le lendemain à une multitude
innombrable d’affiftants de toute efpèce.
Ceux d’entre les écuyers qui s’étoient le plus
fignalés dans ces premiers tournois, & qui en
avoient remporté le prix, acquéroient quelquefois
le droit de figurer dans les féconds, parmi l’ordre
illuftre des chevaliers, en obtenant eux-mêmes la
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