
cette analyse, qui peut .être utile clans 1<* droit
de la guerre : j’obferve d’abord cette différence
entre une armée Ôc une .troupe de brigands ; celle-ci
ne fait la guerre que pour fon profit-, & l’autre pour
celui d’autrui. Ce premier pas me conduit, ce me
femblé , directement à la vérité. Qu’un corps de
troupes foit nombreux ou non ; qu’il foit compote
de foldats d’une feule nation ou de plufieurs ; qu’il
obéifle a un chef, ou à un plus grand nombre ;
s’il fait la guerre pour lui feul, c’eft une troupe
de voleurs ; mais , fi chargé par fa patrie de la
défendre, ou d’augmenter les poffeffions par la
conquête , il n’a pris les armes , 5c ne fait la guerre
que pour en foutenir les intérêts , défi: ce qu’on
nomme une armée. E t, comme un prince, un r o i ,
un confeil, un lénat, repréfente la patrie ou l’état ;
je définis Yarmée , un corps de troupes avoué par un
état, <$» envoyé par lui pour faire la guerre.
Reprenons maintenant la queftion de PuffendorfL
La définition de Grotius ne ladécide point, parce
quelle eft entièrement vicieüfe , ôc que le mot
ouvertement n’y ajoute rien , une troupe -de: brigands
pouvant faire la guerre très - ouvertement.
Piiffendorff veut déterminer Xarmée relativement
aux forces des attaquants ôc des attaqués ; mars il
y a des forces de plufieurs efpèces. Le nombre en
eft une ; la fcience en eft une ; le courage en
eft une autre. Les trois cents Spartiates aux Thermopiles
étoient un très petit corps de troupes, une
poignée d’hommes , Ôc une puiffante armée ; celle
de Xercès, une armée énorme ôc foible. Mais ces
deux corps étoient armées , parce que l’un étoit
conduit par fon roi , l’autre avoué & envoyé par
fa république.
Puffendorff demande enfui te f i , lorfqu’une puif-
fance a ftipulé, par un traité, que fon allié ne feroit
point paffer d'armée fur fes terres, celui-ci enfreint
■ îe traité , en faifant paffer un grand nombre de
troupes, par petites bandes, furies terres de cette
puifiance. La décifion eft facile d’après la définition
du mot, & il n’eft pas néceffaire de recourir aux
vues non exprimées de la puiffance contractante.
Soit qu’elle ait craint pour elle-même § foit
qu’elle n’ait pas voulu accorder paffage pour aller
attaquer une puiffance voifine , ou qu’elle ait eu
d’autres intentions qu’il ne lui a pas plû de déclarer :
jelle a ftipulé qu’une armée ne pafferoit point fur fes
terres ; une armée y paffe , ôc le traité eft enfreint.
A rmée. C ’eft un corps de troupes avoué par
un état , ôc envoyé par lui pour faire la guerre.
C O M P O S I T I O N .
Les armées Xont compofées des différentes armes
que l’on .met en ufage , ôc dont les deux principales
ou génériques font l’infanterie & la cavalerie.
Mais, comme il y a eu des armées avant
que l’équitation fût connue , ainfi que nous le
voyons chez touts les peuples non civilifés de
l’Amérique , de l’Afrique, & des iles au^rales ,
il eft vraisemblable que les premières armées ne
furent compofées que d’infapterie.
Dans les grands ôc anciens empires d’Orient
Phiftoire nous parle de cavalerie fous Ninus, fous
Sémiramis , fous Ofymandi'as , Séfoftris , Pharaon
& la diftingue des chars , qui étoient une autre*
efpèce d’arme alors en ufage. Il y avoit de la
cavalerie dans les armées vers le temps de Job.
( 132,1. av. J. C. ) Il y en eut peu , fans doute,
dans le pays de montagnes que les Hébreux habi-
toient. L’écriture remarque qu’Abfalon fe fit de
la cavalerie ôc des chars. La nature du terrein
a prefque toujours décidé du nombre de la cavalerie.
Les Perles ôc-les Africains en ont eu beaucoup
, mais prefque toute légère , chargeant par
pelotons, ( Hèrodoi. L. IX. C. a i . ) propre feulement
à lancer des flèches ÔC efcarmoueher. ( Ibid. C. 48.)
Tels etoien les Mèdes , Hyrcaniens , Scythes ,
Parthes , Numides, Ôte. Environ cinq fiècles après
Job , il ne- paroît pas que l’Europe employât de
la cavalerie. Les Grecs n’en avoien't point au
fiége de Troie. Homère, fi exaéf à peindre les
moeurs & à décrire les ufages, n’auroit pas manqué
d’embellir fon poème des ornements que les combats
de cavalerie pôuvoîent y prêter. On ne voit dans
l’Iliade que de l’infanterie & des chars.
Dans les temps poftérieurs, toute la Grèce en
fit ufage j mais n’en eut qu’en petit nombre pendant
très long-temps. Lycurgue inftitua une cavalerie
, & on en voit dans les armées de Sparte ,
dès la première guerre de cette république , contre
Meffene. ( 743 ans av.J. C. ) Les Lacédémoniens
n’avoient point de cavalerie a Platée. Ils en eurent
de temps en temps pendant la guerre du Pélo-
ponèfe, mais en petit nombre, & c’étoient prefque
toujours les Thébains , ou leurs autres alliés , qui la
fourniffoient. Après la prife de Pyle , de Cythère ,
& de Spha&érie , par les Athéniens, ils levèrent
quatre cents chevaux 6c# des archers , contre leur
coutume. ( Thucyd. L. LV, p. 288. A . ) Agifilas
paffa en. A fie fans cavalerie. ( an. 368 av. J. C. )
Il en tira des villes grecques de ce pays, qui lui
fut très-utile , ôc dont il emmena une partie en
Grece. A Leuélres, les Lacédémoniens n’avoient
que fix cents chevaux , ôc c’étoit, fuivant Xéno-
phon , de mauvaife cavalerie; (X. V I ,p . 596 , B.
av. J. C. 368. )
Cette efpèce de troupe ne fut pas plus nom-
breufe dans les armées Athéniennes. Vers les premiers
temps de la république , ( av. J* C. 1330. )
elle fut à peine de trois cents hommes. Ce nombre
s’accrut enfuite jufqu’à fix cents , & dans les temps
les plus floriffants, il ne paffa pas douze cents.
A Marathon ( 471. ) 6c à Platée , ( 481. ) les
Athéniens n’avoient point de cavalerie. Ils en fen-
tirent le befoin dans ces deux actions , 6c levèrent,
peu-après, par le confeil d’Ariftide, dix mille
hommes d’infanterie & mille chevaux. Au commencement
de la guerre du Péloponnèfe , ils pouvôient
armer treize mille hommes d'infanterie 6c douze
cents chevaux, y compris les archers à cheval ;
outre feize mille hommes, tant jeunes que vieux:,
Ôc cohabitants ,. 6c feize cents archers , répandus
> dans les forts du territoire de l’Attique. ( Thucyd.
L. I jpag. 109. A . B. C. ).
[' ' Pendant cette guerre , ils envoyèrent par mer ,
j en Laconie, quatre cents hommes d’infanterie ôc
: trois cents chevaux. Dans leur expédition en
Sicile , ils n’en avoient pas à leur première bataille
contre les Syracufains. J. C. 415. ); On
leur envoya enfuite deux cents- cinquante cavaliers,
auxquels les Egeftains 6c les Catanéens fournirent
des chevaux. Les Athéniens en achetèrent d’autres,
6c formèrent un corps de cavalerie de fix cents
cinquante hommes. ( Thucyd. L. VI, p. 482. ). En
général, ils en eurent toujours en petit nombre ,
parce qu’ils étoient une puiffance maritime , que
le fol montagneux de l’Attiqùe n’étoit pas propre
à nourrir" des chevaux, 6c qu’il y avoit peu de
citoyens en état d’en entretenir 6c de fournir èn
même-temps aux dépenfes des flottes.
La proportion dé l’infanterie à la cavalerie, dans
les armées de Sparte 6c d’Athènes-, fut à-peu-près
èelle de 1 à 10 , jüfqu’au temps d’Alexandre. La
râifon principale de ce petit nombre étoit qu’elle
ne chargeoit pas en troupe : elle h’étôit propre
qii’à inquiéter l’ennemi, harceler 6c efcarmoueher
comme nos houffards : c’étoit donc une troupe très-
inférieure en force à l’infanterie. La feule cavalerie ,
proprement dite , la meilleure 6c la plus nombreufe
qu’ait eue la Grèce , étoit celle de Theffalie , pays
abondant en pâturages. Toutes les républiques
Grecques en eurent à leur fervicé , autant qu’il
leur fut poffiblë : mais ,. comme l’entretien en
étoit fort cher, elles n’en avoient qü’en très petit
nombre. Cette cavalerie rendit aux Thébains de
frands*fervices, 6c devint fur-tout célèbre fous
afon , tyran de Phérès. Alors la Theffalie 6c fes
alliés pouvoient armer vingt mille oplites 6c huit
mille chevaux. ( Xenoph. L. V I , p. 583, D. av.
J. C. 367. ). Elle chargeoit en ligne ou phalange.
On ne pouvoit alors, dit Polybe, foutenir Ion
effort; mais elle n’étoit pas propre à l’efcarmouche,
( L. IV., § 8 , tom. I , pag. 442. 1764. 8°. Ernejli. ).
Philippe 6c Alexandre en firent enfuite un grand
ufage , 6c ce fut fous- ces deux princes que l’on vit
la proportion . de la cavalerie à l’infanterie augmenter
de 1 à.7.
ï . Au commencement de fon règne , Romulus eut
.‘trois mille hommes d’infanterie 6c trois cents- cavaliers.
Lorlque les Antemnates, au nombre de
■ trois mille, fe furent joints aux Romains, l’infan-
vterie fut portée au nombre de fix mille homme§.
Bplans la guerre contre les Sabins, Romulus avoit
vingt mille hommes d’infanterie , 6c huit cents
chevaux , tant Romains qu’alliés. Lorfqué les Sabins
: dirent admis dans Rome , le même nombre 6c la
même proportion fubfifta dans les troupes nationales..
A l'a mort de Romulus , les troupes ,
tant romaines, qu’a llié s é to ien t de quarante - fix
1 mille, hommes d’infanterie , 6c deux mille de cavalerie.
Après i’expulfion des Rois , la légion fut
portée à quatre mille deux cents hommes de pied y
6c la cavalerie ne fut pas augmentée : le nombre
de trois cents chevaux étoit ce que l’on nomma jujlus
equitatus. ( Liv. L. 21. ) Dans la guerre contre
les Gaulois, Lucius Furius Camillus leva dix légions
dans cette proportion. ( ld. L. 7. C. 25 , anno Rom.
404. ) Elle fut la même.fous- le févère Titus Manlius
j (R . 413. ) ; augmentée fous QuintusFabius ,
qui leva quatre mille'hommes de pied 6c fix cents
chevaux. ( R. 456.:'). Lorfqu’Annibal eut détruit
Sagonte, 6c marcha vers lTtalie , les confuls Cornélius
6c Sempronius levèrent fix légions , dont
chacune fut de quatre mille hommes de pied 6c
de trois cénts de cavalerie., La proportion dès
troupes des alliés, levées en même-temps, fut à-
peu-près la même ; fçavoir , quarante-quatre mille
fantafirns 6c quatre mille cavaliers. ( R. 5 3 jX . Sous
le confulat de L. Pofthumiüs Albinus, 6c de T . Sempronius
Gracchus , ( 5.38. ) une légion conduite en
Sicile par T . Manlius Torquatus, étoit de cinqi
mille hommes de pied 6c de quatre cents chevaux»-
( Ibid. L. 28. C. 34.) Dans la fuite de l’hiftoire’
romaine , je trouve : (T. Liv. pajfim. ).
En Efpagne fix mille hommes dé pied, 6c trois^
cents chevaux; autant d’infanterie des alliés du
. nom latin , 6c huit cents chevaux, ( anno R. 542. ).
En Afrique , foüs P. Scipion , lés légions de fix
mille deux cen.ts hommes de pied*, 6c trois cents
chevaux. ( 347. ).
En Afiê , contre Antiochüs , fous lès deux-
Scîpio.ns , deux légions romaines.ôc deux latines ,
chacune de cinq mille quatre cènts. ( 363, ).
En Ligurie ,• quatre légions romaines de cinq,
mille deux cents hommes de pied 6c" trois cents’
chevaux : quinze mille fantaffms alliés de nom
latin 6c huit cents chevaux : dans les-Gaiiles
fept mille alliés de nom latin 6c fix cents chevaux»
En Efpagne quatre mille fantaflins romains 6P deux
cents chevaux ; fépt mille alliés 6c trois ceiff^che-'
vaux. ( 570. ).
En Ligurie , deux légions romaines de cinq!
mille deux cents fantaflins 6c trois cents chevaux ,
chacune avec lë nombre accoutumé d’alliés ; fçavoir
, quinze mille hommes de pied ôc huit cents^
chevaux ; ( 572. ). Dans l’Efpagne c ité r ieü reu n e -
légion romaine de cinq mille deux cents fantaffms
ôc quatre cents chevaux, avec un fupplément de
mille hommes de pied 6c cinquante chevaux ;
de plus , fept mille fantaffins alliés de nom latin ,
ôc trois cents chevaux : on en rappella lès-troupes
romaines 6c alliées , 6c le fupplément, dont le
nombre, formant deux légions , montoit à plus-'
de dix mille quatre cents hommes de pied 6c fix-
cents, cavaliers romains , avec douze mille alliés *
de nom latin, 6c fix cents chevaux. (
En Sardaigne ôc en Iftrie, deux légions dé cma'
millè deux cents hommes de pied 6c trois cents
" chevaux; douze-milfofantaffins alliés de nom latin