
nemis qui font entrés ; & , s’ils ne peuvent pas
les arrêter , toutes les troupes du retranchement
doivent venir fe ranger en bataille derrière le
corps de réferve , tandis qu’il s’avance pour
charger.
Pendant ce premier mouvement, & avant le
fécond , il faut qu’une partie de vos meilleures
troupes, commandées par vos plus intrépides officiers
, fortent par les portes ou barrières qui font
a côté du pofte attaqué $ afin de charger par derrière
ou en flanc les affaillants, qui feront épouvantés
par cette aéfion imprévue.
Ce fut de cette manière que Tituriu^ Fabius,
légat de Cæfar , battit les Aulerciens éburovices
& les Bellocaffes , (habitants d’Evreux & de
Lizieux. ).
Raphaël Montaldo, gouverneur de Chio pour
les Génois, ne pouvant plus foutenir l’affaut que
les Vénitiens lui donnoient, fit-ouvrir fubitement
une porte , par où fortirent fes meilleurs^ foldats :
ils attaquèrent par derrière les. troupes de Venife ;
qui , furprifes de cette aélion inopinée , abandonnèrent
l’attaque, avec une perte confidérable.
Le commandant d’une armée retranchée doit
faire abattre & applanirau plutôt les murailles &
les haies parallèles à fon camp ; combler les chemins
profonds, lorfqu’ils ne font pas enfilés par
le retranchement ; conftruire des cavaliers , ou
mettre de petites pièces d’artillerie fur les voûtes
des édifices qui découvrent les ravins que le retranchement
n’enfile pas, & dont les bords font
trop difficiles à applanir ; démolir les maifons dont la
hauteur commande le retranchement, & à la faveur
defquelles les ennemis peuvent s’approcher fans
péril; enfin, ruiner les chemins , lprfqu’ils font
étroits , & néceffaires aux ennemis pour les char-
riots & ^artillerie.
Si vous fortez de votre retranchement avec
toute votre armée, afin de pourfuivre les ennemis
repouffés dans l’attaque ; vous courrez rifque de
l’être vous - même , s’ils fe rallient & viennent
charger cette partie confidérable de vos troupes
qui fort & défile par. les barrières , ou qui, faütant
en défordre de deffus, le parapet , n’aura pas le
temps de fe former en. allez grand nombre ; fur-
tout fi. les ennemis , comme il eft vraifemblable ,
confervent au moins une de leurs lignes, rangée
en bataille à une petite diftance des affaillants qui
ont été repouffés. Ainfi le plus fûr. eft de vous
contenter de faire continuellement feu fur les
ennemis avec vos . fufils, vos moufquets & votre
canon , lorfqu’ils font retraite de jour , & de
former en même-temps, hors.des portes qui font
à côté de l’endroit d’où .vous faites feu des détachements
de votre cavalerie la plus légère , pour
donner fur. l’arrière - garde des ennemis, lorfque
votre feu ne les incommode plus ; mais elle ne
doit pas s’engager fi avant qu’il lui foit enfuite
difficile de -fe retirer à votre camp. Pour la foutenir
vous conferverez votre artillerie en état dans
le retranchement, & vous tiendrez un bon nombre
d’infanterie dans vos ouvrages extérieurs & vos
redoutes détachées.
Si vous vous déterminez à fortir avec toutes
vos troupes pour fuivre les ennemis repouffés,
parce que vous remarquez que leur armée eft
entièrement en défordre ; commencez par détacher
, le plutôt qu’il fe pourra , des partis de cavalerie
, pour ne pas leur donner le temps de fe
remettre de leur frayeur & de fe rallier. Faites
enfuite marcher en bon ordre quelques efcadrons
pour foutenir ces partis , pendant que le gros
de votre cavalerie &. votre artillerie légère for-
tiront par les brèches , & que votre infanterie
paffera par-deffus le parapet.
Si on ne peut pas monter fur la contrefcarpe ,
votre infanterie furmontera bientôt cet obftacle ,
en fe fervant des échelles qui feront dans votre
armée , ou en applaniffant une partie du retranchement
ou de la contrefcarpe. Ce dernier expédient
eft non-feulement le plus court, parce qu’il fuffit
de lapper un peu de terre ,fans prendre la peine
d’arracher les fafcines & les piquets qui forment le
parapet : il eft: encore le meilleur ; parce que , con-
lervant de cette manière le parapet entier, le camp
demeure toujours en état de défenfe ; foit que
votre armée foit obligée de revenir l’occuper ;
foit qu’elle veuille fe mettre à couvert d’une fur-
prife que peut tenter pendant l’abfence du gros
de vos troupes un détachement des ennemis ; qui ,
en marchant par un chemin différent de celui que
tient l’armée , viendroit pour piller le camp : vous
devez donc laiffer quelques troupes pour la garde
& celle du bagage.
Dans l’endroit où le foffé fera étroit & profond ,
votre infanterie pourra paflèr fur des planches
qu’elle tirera du parc de l’artillerie : s’il eft peu
éloigné , & que cet expédient paroiffe plus prompt
que celui d’applanir la contrefcarpe ; le retranchement
refteroit encore plus en état de défenfe.
Malgré les précautions que vous aurez prifes
le feu pourra prendre au camp. Ordonnez d’avance
que cent hommes par bataillon, & par régiment de
cavalerie des trois brigades campées devant &
aux côtés de Fendroit où eft l’incendie , accourent
promptement pour l’arrêter ou l’éteindre. Il y aura
trois officiers par cinquante hommes > les foldats
auront leurs pelles, leurs pioches, leurs marmites
& gamelles pour porter de l’eau. Si les ennemis
font proches , mettez le refte de l’armée fous les
armes ; parce qu’ils pourroient vous attaquer dans
la confufion & le défordre où ils croiroient que
feroient vos troupes à l’occafion de cet incendie.
( S anta- C r u z .).
C amps r e t r a n c h é s sous les p l a c e s .
L ’ufage des camps retranchés dit M. le marquis
de Feuquières, eft fort bon , quand ils font judi-
cieufement pris, & j’approuve la penfée que M. de
Vauban a eue d’en conftruire fous quelques-unes
des places du Roi : mais il ne faut pas pour cela en
faire fous toutes les places qui feroient fufceptibles
d’une pareille protection , parce qu’on ne pourroit
pas les garnir fuffifamment de troupes , & qu’ainfi
ces camps retranchés feroient plus préjudiciables
que profitables. Voici les cas où je lès approuve.
Lorfque le prince a la guerre à foutenir de plu-
fieurs côtés de fon état, que de quelques-uns de
ces côtés il veut demeurer fur la défenfive, & qu’à
la tête de ce pays il y a une place dont la conftruc-
tion permet d’y placer un camp retranché ; le prince
en peut ordonner la conftru&ion d’avance , afin
qu’il foit b on , & que l’ennemi foit forcé d’attaquer
ce camp dans les formes, avant que de pouvoir
afliéger la place.
Lorfqu’une ville eft: grande , que fon circuit n’a
pu être fortifié régulièrement à caufe de la grande
dépenfe , & que cependant fa confervation eft né-
ceffaire, on peut pour fa protedion y placer un
camp retranché, lorfque fa fituation la rend fuf-
ceptible de le recevoir. Lorfqu’on ne veut garder
qu’un petit corps à la tête d’un p ay s , foit pour
empêcher les courfes de l’ennemi, foit pour pénétrer
dans le pays ennemi, on peut chercher la
ville la plus commode pour les préparatifs dont
je viens de parler, &. y conftruire un camp retranché
, parce qu’il eft plus aifé de fe fervir des
troupes-qui font dans un camp retranché que de
celles qui font logées dans une ville , dont le fervice
ne fçauroit être aufli prompt que celui des troupes
campées.
Lorfqu’on veut protéger une place dominée par
des hauteurs , &. qu’il s’en trouve quelques-unes où
un camp retranché peut être placé de manière que
la communication de ce camp à la place ne puiffe
point être ôtée , qu’il éloigne la circonvallation ,
qu’il ne foit ni dominé, ni fous le feu du canon
de l’ennemi, & qu’il donne quelque liberté au
fecours qu’on pourroit introduire dans la place ,
ou une facilité à l’armée qui veut fecourir , de
s’approchér de ce camp ; on y peut faire un camp
retranché.
Lorfqu’une place fe trouve fituée fur une rivière
, &. qu’elle eft du côté par lequel l’ennemi
là peut le plus favorablement aborder pour en
former le fiège , on peut encore en ce cas avoir
un camp retranché de l’autre côté de la rivière,
principalement fi le terrein fe trouve difpofé de
manière que de cet autre côté de la rivière il fe
trouve une hauteur voifine, & qu’en l’occupant
on force l’ennemi à une circonvallation étendue
de ce côté-là ; parce que cette grande circonvallation
, ainfi féparée &. coupée par une rivière,
rendra la place bien plus facile à fecourir.
On peut encore faire un camp retranché au-
devant des fortifications d’une place, lorfqu’il peut
être fait de manière qu’il éloigne l’attaque , & que
l’ennemi foit obligé a ouvrir une tranchée, à
faire contre ce camp retranché les mêmes établiffements
que pour l’attaque même de la place ; &
lorfqu’après qu’il aura forcé les troupes qui font
dans ce camp à le lui abandonner , la terre qu’on y
aura remuée ne donnera pas des établiffements
contre la place.
Enfin lescamps retranchés font d’un fort bon ufage
dans les circonftances dont je viens de parler ,
pourvu qu’ils foient bons , qu’ils ayent les épaif-
l'eurs convenables pour foutenir les efforts de l’artillerie
.ennemie ; qu’ils foient protégés de la place
qu’ils protègent ; qu’ils y tiennent, & que les flancs
en foient en fureté parla protection du canon de
la place & des ouvrages, & fous le feu de la mouf-
queterie du chemin couvert ; fans quoi ils pourroient
être dangereux à foutenir avec trop d’opiniâtreté.
Lorfqu’on les veut foutenir opiniâtrement,
à caufe de leur conféquence pour la durée d’un
fiège , on y peut faire un fécond retranchement
intérieur, qui fera garni d’infanterie le jour qu’on
craindra d’êtrë attaqué de vive force : afin que le
feu de cette infanterie facilite la retraite des troupes
forcées, & contienne l’ennemi qui les pourfuivroit
avec chaleur jufques dans le chemin couvert de
la place.
Tous les camps retranchés doivent être conftruits
de manière que lès troupes qui y font campées
foient à Couvert du feu du canon de l’ennemi il
ne faut pas que fon artillerie puiffe enfiler aucune
partie ; fi cela é toit, le camp deviendroit fort
difficile à foutenir, trop peu tranquille , & trop
coûteux.
a C e que j’ai dit jufqu’à préfent des camps retranchés
ne regarde que ceux qui font conftruits pour
un corps d’infanterie , pour rendre une circonvallation
plus difficile , pour éloigner l’attaque du
corps dé la place , & par conféquent prolonger
la durée du fiège. Il ne refte plus fur cette matière
qu’à dire quel eft l’ufage des camps retranchés
pour y mettre aufli de la cavalerie.
L’iifage de cés camps n’eft que dans certains cas ,
qui regardent plutôt la guerre de campagne que
celle des fiègés ; & voici quels ils font.
Ou l’on veut dans les guerres offehfives & dans
les défenfives faire des courfes dans le pays ennemi;
ou l’on veut empêcher que l’ennemi n’en
faffe commodément, & ne pénètre dans le pays ;
ou l’on veut pouvoir mettre les convois en fureté
fous une place où il né feroit pas commode de les
faire entrer.
Dans touts ces cas on peut conftruire un camp
retranché fous une place ; & pour lors il faut avoir
plus d’attention à la commodité de la fituation pour
y entrer & en fortir facilement, & à fon voifinage
des eaux, qu’à fa force par rapport à la défenfe
de la place. Cés camps font toujours de fervice ,
pourvu qu’ils foient hors d’infültë , gardés par un
nombre d’infanterie fuffifant, & affez étendus pour
y camper commodément la cavalerie , & faire
entrer & reffortir fans embarras les charrois des
convois.
D d d ij