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lettes de leurs habit-vefte & redingotte feront terminées
par une houpe de laine de la couleur du
parement.
Les chaffeurs feront diftingués par la plume
blanche & verte.
Les chapeaux feront façonnés en laines communes.
Elles feront de bonne qualité & de toifon ;
les laines mortes ou pelades feront abfolument prof-
crites j ne pouvant être liées par le travail. On joindra
auxdites laines vives du poil de lapin, & jamais
de celui de boeuf, qui rend toujours un feutre fou-
le v é , & par conféquent fpongieux : on aura attention
de mettre affez de matières pour que la
forme & le lien du chapeau foient bien garnis.
Lefdites matières feront foulées & travaillées avec
force & avec foin ; & pour que le feutre ainfi com>
pofé foit plus impénétrable à l’eau , on exigera du
fabricant de tamifer en quantité fuffifante, dé la poix
réfine pulvérifée fur les bas tillages dudit feutre ;
afin que, par l’aélion du feu & du travail du foulage
, cette poudre s’incorpore avec la laine & le
poil , & fàffe un feutrage ferré, impénétrable à
l’eau fans le rendre callant.
Les cheveux du foldat feront liés & renfermés
dans un petit fac , vulgairement appellé crapaud,
d’étoffe de laine noire, les cheveux feront fur les
faces , frifés d’une boucle uniforme , allez raccourcie
pour ne pas incommoder ou affujettir le foldat.
Les chapeaux dont les régimens de cavalerie font
pourvus, & les cafques , qui fervent actuellement
de coiffure aux dragons , feront fupprimés après
avoir rempli le tems de leur durée.
Les bas officiers , cavaliers, ou dragons, feront
à l’avenir coèffés indiftiii£i ement avec des chapeaux
de laine bien feutrée, des formes & proportions qui
ont été décrites par l’article 2 du préfent réglement
concernant l’infanterie.
Les cheveux des cavaliers ou dragons feront liés
& ferrés dans un fac de veau noirci, de forme ap-
pellée crapaud ; les chçveux des faces feront frifés
d’une boucle uniforme allez raccourcie ,. pour ne
pas incommoder ou affujettir l’homme de cheval.
Les 'cheveux des huffards feront retrouffés en
queue raccourcie à la longueur de deux ou trois
pouces ; les cheveux des laces feront noués à la
hongroife.
Les bonnets & fchalcos feront de feutre noir,
façonnés à la hongroife, bordés d’un galon de laine
poire, large de neuf lignes.
Les cocardes ou aigrettes feront blanches ; elles
feront fournies & entretenues parles houffards.
Ces coiffures prefcrites à nos troupes fe réduifent
à trois efpeces; fçavoir, le chapeau, fe bonnet de
grenadier , & le cafque.
La forme du chapeau eft ridicule, & ne met à
l’abri ni de la pluie ni du foleil, quand on n’en ra- j
bat point les bords. Sa couleur noire le rend moins
propre à garantir du foleil qu’il ne le feroit par la
matière qü’on y emploie. Cette matière groffière
& fouyent du plus n^auyais choix , s’imbibe facile*-
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ment dans les temps de pluie : c’eft pour ainfi dire J
une éponge que le foldat porte fur la tête. L’humidité
, qu’elle conferve longtemps, caufe des fluxions,
des rhumes , & d’autres maux de ce genre. Lorfque
le chapeau a féché * il devient dur, çaffant, & in-;
commode.
Quant au bonnet de grenadier, fi on réfléchit fur
cette efpece de coiffure , en rejettant le préjugé
qu’imprime l’habitude de voir des hommes ainfi
coèffés depuis quelque temps, on fera furpris de
l’admiffion d’un pareil ufage. Il y a quelque temps
qu’on ne pouvoit porter les chapeaux trop petits;
& dans le même temps on ne trouvoit jamais les
bonnets trop grands. Cependant plus ils font grands,
plus ils font incommodes, pour peu que le vent
fouffle, fur-tout pendant la pluie ; d’ailleurs cette
coiffure eft chère ; & , fi elle peut parer un coup
de labre , elle fait payer bien cher cet avantage
d’un inftant par la peine qu’a le foldat de le contenir
continuellement fur la tête ; & puis , dans le
tumulte d’une aftion , ce bonnet ne tombera-t-il
pas cent fois avant de garantir d’un coup ?
Quel objet d’utilité a-t-on pu avoir, en infligeant
cette bifarre coiffure à l’élite de nos foldats ?
A- t-on prétendu leur donner un air horrible ?
( Mais cette idée n’a jamais été que puérile & ridicule
aux yeux des hommes fenfés & braves :
elle appartient aux peuples barbares ; & , fi jamais
elle fut de quelque ufage dans le temps où les
troupes combattoient de près, elle ne le feroit plus
dans le nôtre.).
Cæfar, qui fçavoit employer des hommes à la
guerre eût regardé nos bonnets comme une epou-
ventail de chenevière ; lui qui difoit fouvent que
fes foldats pouvoient très-bien, même lorfqu’ils
étoient parfumés : jaSlare folitus , milites fuos etiatti
unguentatos hençpugnare poffç. ( Sueton. ).
Il leur donnoit des armes dorées & argentées,'
afin qu’ils en priffent plus de foin & çraigniffent
de les perdre , tam cultos ut argento & auro politis
armis ornaret ; Jîmul & ad fpecïem & quo tenaciores
corum in prtzlio effent 3 metu damni■ ( ibid. ).
Le bonnet ne rempliffant pas l’objet que l’on fe
propofe ; & au contraire étant contre nature , per
fante, embarraffante & fort chère, doit être bannie
pour jamais. .
Il n’en eft pas ainfi de la troifième efpèce; le
cafque eft la feule coiffure vraiment militaire : elle
a quelques inconvénients ; mais il eft aifé d’y re*
médier.
Le cafque a le défavantage de s’échauffer à l’ardeur
du foleil ; & il peut enflammer le cerveau ,
ou au moins y occafionner une chaleur capable
de diffiper le fluide qui doit l’humeâer, de le priver
de fon aéfion , d’y occafionner des engorgements
qui produifent des douleurs vives , des pe-
fanteurs , des étourdiffements, des affoupiffements,
& autres maux qui peuvent devenir très graves.
On peut prévenir cet inconvénient en garniffant
l’intérieur du cafque de forte que l’aétion des rayon*
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'du foleil ne puiffe pas pénétrer jufqu’à la tête , ou
du moins y occafionner ces defordres. ( Touts les
anciens peuples en ont fait l’ufage le plus confiant.
Seroit-ce parce qu’ils étoient plus forts que nous
& plus endurcis à la fatigue ? Cela peut être vrai
pour les Romains ; mais non pas pour touts les
autres. Il me paroît qu’en ceci l’habitude a plus de
pouvoir que l’objet d’utilité. Une expérience de
plufieùrs fiècles avoit enfeigné des formes commodes
, & un ufage confiant avoit appris à porter
le cafque. Les Egyptiens , les Romains, les Grecs
marchoient prefque toujours tête nue , & ne fe
couvroient de leurs cafques que pour le combat ou
le temps de pluie. Et nos preux de l’ancien temps
délàçoient les leurs pendant la grande chaleur. ).
Le cafque eft incommode en temps de pluie ,
parce qu’il laiffe les yeux &. le vifage expofé aux
titillations des gouttes d’eau ; laiffe le col & les
épaules fans couverture : qu’ainfi l’e au, y découlant
du cafqiie, mouille plus qu’avec le chapeau.
( Mais ce n’eft pas au cafque qu’il faut attribuer
ce défaut ; c’eft uniquement à la forme que nous lui
avons donné : celui des anciens garantiffoit les* yeux
du foleil, le cou & les épaules de l’eau de la pluie ;
( V. A rmes ) , & celui de nos chevaliers avoit les
mêmes avantages.).
Cette coiffure nous paroît être la feule vraiment
militaire. Elle eft beaucoup plus faine que le chapeau
: celui-ci , quand .il feroit compofé de matières
infiniment fupérieures en'qualité , à celles
qu’on y emploie, s’imbibe toujours par les longues
pluies, & devient une caufe toujours fubfiftante de
rhumes , de fluxions , & de pleuréfies.
Le cafque eft plus cher que le chapeau ; mais il
n eft pas douteux que lorfqu’il fera bien fabriqué ,
compofe de matières bien appropriées à l’ufage
qu’on en fait , & folidement conftruit, fa durée
compenfera les frais répétés des chapeaux & ceux
des maladies qu’ils occafionnent.
Le maréchal de Saxe confeille le cafque , & dit
que celui qu’il propofe ne pèfe pas plus qu’un chapeau
, n’eft nullement incommode , garantit du
coup de fabre , & forme un très bel ornement.
Il voudroit que le foldat eût les cheveux coupes
& une perruque de peau d’agneau d’Efpagne.
Cependant la chevelure eft un ornement fi beau
& fi naturel, & le foldat françois y e f t fi attaché !
D ailleurs fi 1 on donne au foldat une coiffure qui
le préferve abfolument de l’humidité , il n’a befoin
dès-lors que de la chaleur naturelle pour être pré-
ferve de rhumes & .de fluxions ; la tranfpiration
occafionnée par la peau d’agneau, pouvant être
exceffive, lui feroit plus dangereufe que l’impref-
fion de l’air ne lui feroit fenfible, lorfqu’il porteroit
ion cafque.
Ainfi le cafque , pouvant réunir touts les avanc
é 6* qu’on peut rechercher, eft la feule coiffure
qui a touts égards foit convenable aux militaires ;
& elle ne feroit pas plus difpendieufe que celle qui
eft en règne. ( J ,) . . n
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Examinons celle-ci plus en détail. Le chapeau de
notre infanterie eft fabriqué avec de la laine commune
; il doit être coupé rond ; fa forme doit avoir
trois pouces &. demi de profondeur ; fes ailes quatre
pouces d’étendue : il doit être bordé d’un cordon
de laine noire de neuf lignes de large. Les ailes
en font relevées avec des agraffes ordinaires ; l’aile
gauche eft de plus arrêtée 'par une ganfe noire
attachée à un petit bouton uniforme ; & au deffus
du petit bouton èft une cocarde de bafin blanc :
on remplace chaque année la moitié des chapeaux.
Le chapeau de la cavalerie eft femblable à celui
de l’infanterie, avec cette différence que la forme
a trois pouces neuf lignes de profondeur, & les
ailes quatre pouces trois lignes d’étendue.
Nous demanderons d’abord ici pourquoi la plû-
part des régiments ne s’aftreignent pas à faire le
remplacement de leurs chapeaux de la manière
preferite par l’ordonnance ; nous ex-aminerons en-
fuite fi les chapeaux ne devroient pas être bordés
d’un cordon de laine blanche , & enfin, s’il ne
feroit pas avantageux de donner aux troupes des
chapeaux meilleurs que ceux qu’on leur diftribue.
Le defir de paroître avec beaucoup d’avantage
a déterminé, fans doute, quelques chefs de corps
à faire remplacer dans le même inftant les chapeaux
de touts leurs foldats : cette efpèce de coquetterie
eft blâmable ; en premier lieu , parce
qu’elle eft contraire à la loi ; en fécond lieu ,
parce qu’elle eft mal entendue. Si elle fait briller
les régiments pendant fix mois , elle les met dans
le cas d’être mal coèffés pendant un an & demi.
De cette avidité pour des éloges q u i, ne portant
point fur des objets effentiels ne mérite pas d’être
recherchés , il réfülte un autre inconvénient ; vers
la fin de la fécondé année , les corps, fâchés de
voir leurs chapeaux dans un grand délabrement,
les font touts repaffer ou e à remplacent une partie.
Ces opérations font également vicieufes , puisqu'elles
augmentent de beaucoup la dépenfe de la
coiffure ; fuivons fcrupuleufement ce que la loi
ordonne, & nous pourrons, fi la manie de briller
par des minuties nous faifit, donner des chapeaux
neufs aux foldats que nous ferons parader ou à
ceux que nous placerons au premier rang, & nous
laifferons les chapeaux vieux au fécond & au
troifième rang. Ainfi nous éviterons de porter
atteinte à la loi qui doit toujours être facrée pour
nous, & nous fatisferons le petit amour propre
qui nous excite à vouloir paroître plus beaux &
mieux tenus que les autres. On doit bien fe garder
fans doute d’éteindre ou même d’amortir le defir
que touts les corps militaires ont d’entendre louer
la taillé & la tenue de leurs foldats , mais on de-
vroit faire des efforts pour que ce defir fût tourné
fur-tout vers des objets effentiels, tels que la discipline
, les moeurs , l’inftruâion.
Un bord de laine noire ne fait que foutenir le
chapeau fur lequel il eft placé. Un bord de laine
blanche produit le même effet ; il a de plus l’avan