
par-deffus par voie d’aqueduc. Il faut alors établir
dans la rivière une chauffée qui élève les eaux
au niveau de celles du canal , faire de chaque
côté de la rivière des portes qui foient à chaque
aboutiffant du canal, pour éviter l’enfablement de
ion lit. Cette chauffée doit être conffruite par ar- :
cades pour le deffablement contre la chauffée , j
aiin d’entretenir la profondeur néceffaire pour le j
paffage des barques : ouvrage qui demande beaucoup
d’art pour la diftribution & pour la conf-
truélion.
Une difficulté auffi grande fe rencontre, lorfque,
d’une pente générale qui fuit une rivière, il faut ]
en chercher une autre qui donne dans un autre :
vallon ; de forte qu’il faut franchir un petit point
de partage entre les deux fonds. Dans cette néçef- !
.fité fuppoiée, il faut rechercher avec foin les endroits
où la nature fe montre le plus favorable par
-des ouvertures, & balancer toutes les difficultés
qui s’oppofent à un tel paffage, afin de s’attacher à
furmonter celle qui coûtera le moins, & s’écartera
le moins de la commodité de la navigation.
Le canal de Languedoc a été dans ce cas, en
fa defcente à la Méditerranée , lorfqu’il a fallu
franchir la hauteur qui fépare la rivière d’Aude
d’avec la rivière d’Orbe. On voit que , pour y
parvenir, il a fallu faire beaucoup de détours. Il n’y
a point de partie de ce canal qui foit plus finueufe :
& après tous ceS détours, il a fallu percer une
montagne ; la nature ne montrant rien de plus
favorable, pour communiquer de là pente générale
de l’Aude à la pente générale de l’Orbe,
Quant à la difficulté delà rencontre d’une rivière
en plaine , dont la furface des eaux communes eft
peu au-deffous de celle dû canal qui doit néceffai-
rement la franchir ; fi cette rivière eft petite, il
faut établir une ou deux ouvertures , telles que
celle d’une porte d’éclufe , & f^ire une pile au
■ milieu.
Si on fait deux ouvertures, elles feront formées
par des épaulements & par cette p ile, conftruits
en bonne maçonnerie , revêtus de pierre de taille,
ou de brique où la pierre manque, & ayant dans
leurs tableaux des coulifies, pour y faire defcendre \
les tempes fous l’eau jufqu’au feuil. Ces ouvertures
ne doivent pas fe former avec des portes ,
parce qu’il s’y trouveroit l’inconvénient infur-
montable que, ces portes étant fermées , & les
eaux de la rivière étant abondantes , les empel-
lements étant ouverts ne fuffiroient pas pour
l’évacuation des eaux furvenantes ; l’eau fupé-
rieure faifant aélion contre ces portes, on ne
pourroit les ouvrir : mais avec des.tempes, la
rivière auroit fon libre cours après qu’on les auroit
rptées.
Il faut de plus préparer un ouvrage du côté de
la venue de l’eau. Il faut, à une djftançe fuffifante
pour éviter l’enfablement dans les embouchures du
canal, établir une chauffée dont la crête ou hauteur
foit un peu plus baffe que la hauteur de l’eau du
canal à cef endroit ; afin qu’une barque paffant ü
le rempliffage de cet elpace foit plus prompt. Si on
ne prenoit cette précaution, il faudroit remplir
la rivière de l’eau du canal, jufqu’à la hauteur
des plus hautes tempes, ou de la lurface de l’eatl
du canal, ce qui feroit ridicule. Il eft fuppofé de
plus qu’aux aboutiffants du canal, de chaque côté
de la rivière, il y aura des portes d’éclufe pour
foutenir l’eau du canal, qu’on fuppofe fupérieure
à celle de la petite rivière.
Mais, fi l’on doit franchir une grande rivière, &
qu’elle foit navigable ou rendue navigable au
for-tir du canal, cette rivière étant tantôt haute
& tantôt baffe, il faut que les extrémités du canal
qui y aboutiffent y foient afl'ujetties à fon état le
plus bas , la furface de ces endroits du canal &,
celle de la rivière baffe étant de niveau. Mais
cette partie du côté de la montée du canal ne
doit avoir de longueur que celle d’une éclufe ;
ce qui eft au-delà devant être plus élevé. Cet
efpace de la longueur d’une -éclule | lequel peut
être regardé comme une éclufe même , aura fes.
portes de défenfe du côté de la venue de l’eau
du canal, affujetties à ce que la crue d’eau peut
avoir de plus haut que l’état ordinaire de cette
partie du canal, & la porte d’aval affujettie à la
première. Dans cette difpofition, la différence des
hautes & baffes eaux de la rivière détermine la hauteur
de la porte de défenfe.
Quant à l’autre aboutiffant du canal, du côté
de fa defcente, il faudra que cette partie foit affujettie
à l’état le plus bas des eaux de la rivière,
en faifant une tranchée affez profonde pour être
navigable , jufqu’à la rencontre d’une defcente
du canal ; où il faudra fe ménager de forte qu’il
y ait une double éclufe ; la première aura la
porte d’amont & celle d’aval égales en hauteur,
& affujetties à la plus grande hauteur de l’eau dé
la rivière ; la fécondé ayant fa porte, d’aval affujettie
à la hauteur de la plus baffe eau de la
rivière ; fa defcente étant réglée fuivant celle
^u’on veut donner aux éclufes.
Si la difpofition du terrein le permet ou le
demande , on féparera ces deux éclufes, & on fera
la première de fujétion aux crues d’eau, de la
rivière ; de manière qu’en en fortant, on entre dans
une fuite de retenues dont le fond fera de niveau
au fond de l’extrémité voifine de la rivière ; de
forte que, la rivière étant dans fon état le plus bas,
on puiffe traverfer de niveau cette éclufe ouverte :
l’éclufe qui fuit à la defcente aura les dimenfions
ordinaires. .
Si l’état le plus bas de cette rivière rendoit
impoffible ou de trop de dépenfe la tranchée de la
retenue du çôté de la defcente, on auroit recours
à une élévation des eaux par le moyen d’une
chauffée pratiquée fur le travers de la,rivière, à
quelque diftance plus bas que les embouchures &
prifes du çanal. Tout cet ouvrage étant ainfi fait,
les barques paffejont la rivière par le moyen
d’une
'd’une traille, & les chevaux par une barre : c’eft
à quoi affujétiffent ces pas difficiles.
Il faut, dans le cours de la retenue du point
de partage , à caufe de fa grande étendue,
pratiquer de diftance en diftance des bajoyers
ayant leurs couliffes qui puiffent être fermées avec
des tempes, & à chaque intêrvalle un empelle-
ment ou vanne; afin qu’ayant fermé les bajoyers
d ’un endroit &. ceux d’un autre à certaine diftance,
les eaux puiffent être écoulées de cet intervalle
feulement par cette vanne. De cette manière, ce
qu’il y aura d’eau dans le refte de la retenue fera
confervé, lorfqu’on n’aura à travailler qu’à ce feul
intervalle mis à fec.
Quand un canal defcendu dans une plaine rencontre
une petite rivière qu’il doit franchir ; la
rivière, dans fes eaux çommunes , ayant fa fuper-
ficie à fix pieds au-deffus de celles du canal, il
faut retenir les eaux de chaque aboutiffant du canal
par des portes de défenfe, & fur le travers de la
rivière établir deux rangs d’empellements ou
vannes, fuivant la largeur de la rivière. Chaque
empellement aura quatre pieds de largeur , & leur
hauteur fera telle qu’elle puiffe atteindre du fond
du radier au dit de la rivière au niveau de la
furface "des eaux du canal. Les empellements
d’amont feront ordinairement fermés , & fervi-
ront de digue pour foutenir les eaux de la rivière
au niveau & plus de celles du canal.
Les empellements d’aval feront ordinairement
ouverts , pour laiffer paffer les eaux de la rivière ,
qui s’écouleront par-deffus les empellements dans
les eaux communes. Lorfqu’elles feront élevées,
on élèvera à proportion les vannes d’amont,
pour maintenir les eaux fupérieures de la rivière
au niveau de celtes du canal ; & , Nen ouvrant ces
vannes , on ouvrira en même temps celles d’aval.
Par cette difpofition, les eaux entre les aboutiffants
du canal & entre les portes feront toujours
plus baffes que celles du canal ,* ainfi les
eaux bourbeufes n’y entreront point.
Lorfqu’on fera paffer une barque, on baiffera
les vannes d’a v a l, pour faire parvenir les eaux
jufqu’à leur hauteur, c’e f t - à - d i r e , à celles du
canal, auxquelles elles feront affujetties de hauteur.
L ’efpace entre les deux rangs d’empellements
fera bientôt rempli par les eaux de la rivière ; & ,
ces eaux rencontrant le niveau de celles du canal,
les portes des aboutiffants s’ouvriront, & la barque
paffera. Si la rivière manquoit d’eau, le canal y
fuppléeroit, comme il eft aifé de le comprendre.
Là barque étant pallée » on ouvrira les vannes
d’aval, pour laiffer paffer l’eau comme auparavant
, & les portes de défenfe fe fermeront d’elles-
mêmes. Par ce moyen on paffera une rivière plus
baffe, & on évitera l’enfablement au paffage ;
ce qui eft un objet digne de grande attention.
Lorfqu’on voudra fournir de l’eau à la partie du
canal qui regarde la defcente, on ouvrira les
portes du côte de la montée. Alors les eaux rem-
Art militaire• Tome U
J pliront la capacité de l’entre-deux des deux cours
de vannes; & de-là , ouvrant elles - mêmes les
portes de défenfe à la retenue de la defcente, s’y
introduiront pour fournir à la navigation de cette
partie.
Si on ne faifoit que le rang d’empellement d’aval,'
il arriveroit ce qui arrive au paffage de la petite
rivière de Frefquel dans le canal de Languedoc.
Les aboutiffants de ce canal ont leurs eaux dépendantes
de celles de la rivière qui s’y introduit &
dépofe dû limon & du gravier : ce qui ne peut
arriver dans notre difpofition ; parce que les eaux ,
dans le paffage de la rivière étant toujours, plus
baffes que celles du canal, excepté le temps du
paffage d’une barque : les eaux du canal defcendent
toujours dans ce paffage , & jamais elles 'n’y entrent,
quand même on fe ferviroit des eaux de la
rivière pour faire paffer les barques. Car , fuppofé
que cette eau eût du limon , elle ne parviendrait
jamais qu’à rencontrer les eaux du canal aux
portes de défenfe, à caufe du niveau égal: ainfi,
ne s’étendant point, & les empellements d’aval
étant ouverts , dès que la barque eft paffée , cette
quantité d’eau bourbeufe s’y écoule avec vîteffe ;
& l’eau qui furmonte les vannes d’amont, donnant
enfüite dans le fond , le nettoie fans que rien s’y
puiffe arrêter.
On mettra autant de vannes que la quantité
d’eau de la rivière l’exigera : il fera bon cependant
de ne fe fervir de cette eau, pour remplir l’intervalle
, que lorfqu’elle fera claire.
Lorfqu’on eft obligé, de franchir une grande
rivière navigable, il faut que l’aboutiffant du côté
de la montée y defcende par une éclufe, & que
l’aboutiffant de la defcente ait la furface de fes
eaux déterminée au niveau de la plus baffe eau
de la rivière ; ce qui obligera à une profonde tranchée
, mais inévitable. A la première defcente de
cet aboutiffant on fera une double éclufe ; la première
pour s’accorder aux crues d’eau ; la fécondé
pour defcendre à l’ordinaire. Hors les crues d’eau ,
cette première fera inutile. Si l’étendue du lit en
largeur, ou quelque autre circonftance , rendoit ce
pas non navigable , il faudroit travailler à le
rendre tel.
D E S L E V É E S .
Lorfqu’on veut défendre une plaine des débordements
d’une rivière , par le moyen des le vée s,
on a la mauvaife coutume de faire ces levées
précifément au bord de la rivière ; il faut les conf-
truire à quelque diftance de ce bord, comme à
quinze ou vingt toifes. Les eaux épandues ont
moins de force; & , fi la rivière, donnant d’un
côté emporte le terrein en faifant un creux dans le
rivage, on eft à temps d’y remédier avant que la
levée ait fouffert : mais, lorfqu’elle eft faite fur le
bord même , la rivière, venant à frapper d’un côté,
fappe & dégrade immédiatement la levée.