
du pont Rouge. Les graviers & les fables qui s’accumulèrent
au-devant de cette digue firent perdre
bientôt le fond qu’elle avoit procuré. Pour le
rétablir, on a percé l’extrémité de la digue voi-
fine du pont Rouge par fix épanchoirs à fond, de
neuf pieds de largeur chacun, & on y a dirigé les
eaux par des ouvrages à fleur-d’eau qui traverfent
la rivière diagonalement depuis le pont Notre-
Dame. Les eaux qui fe vuident par ces épanchoirs
forment un courant au-devant de ces ouvrages, &
y entretiennent plus de fond qu’ailleurs : c’eft la
route que les barques fuivent.
Cependant, pour faire paffer les barques & leur
procurer affez d’eau, l’on eft obligé non-feulement
de fermer touts les épanchoirs avec des vannes ,
mais encore- de mettre un rehaussement mobile fur
toute la longueur de la digue. Ce rehauffement,
qui a trois pieds de hauteur, eft fait de madriers
affemblés à charnière avec la têtière de la digue.
Lorfqu’ils font relevés, ils font aflùjettis par des
arcboutants affemblés aulïi à charnière avec leur
bord fupérieur. Les vannes qui fervent à fermer les
épanchoirs font compofées de plufieurs poutrelles
féparées ; on les coule une à une dans les.
rainures des poteaux montants qui bordent chacune
des ouvertures. L’un de ces poteaux eft fixe ;
l’autre, qui peut tourner fur fon axe, èft arrêté par
un arcboutant pendant la durée du rehauffement.
Lorfqu’on veut le faire ceffer, on abat l’arcboutant
par un coup de hache ; le poteau- tourne , les
vannes échappent ; mais une chaîne qui les retire
les oblige de fe ranger à côté du courant. Les épanchoirs
étant ouverts, les eaux ne furmentent plus la
chauffée , & on va abattre à la main fon relèvement
mobile.-
Cette manoeuvre eft une des plus curieufes du
canal ; on la fait plufieurs jours de la femaine, fui-
vant la fréquence dy paffage des barques.
On remédieroit atouts ces embarras, fi on fai-
foit fur la rivière d’Orb un aqueduc pour y faire
paffer le canal; mais cet ouvrage feroit fi difpen-
dieux qu’on ne l’a point encore entrepris.
La rivière d’O rb fert de canal fur un efpace de 446
toifes ; après lequel on reprend fur la rive oppofée
à Béziers,' & au midi de l’O rb , l’embranchement
du canal qui conduit aux huit éclufes de Fonfe-
rane : elles commencent à 427 toifes & finiffent à
572 toifes de la rivière.
Ces huit fas accollés d’un feul trait, & placés
l’un fur l’autre, forment une cafcàde de 145 toifes
de longueur fur 66 pieds de pente. Cette hauteur
eft divifée en huit chûtes de huit pieds trois pouces'
chacune, &. les bateaux s’élèvent par ce moyen
jufques fur la colline. Lorfque toutes les portes font
ouvertes, on voit un fleuve d’eau roulant à gros
bouillons, & formant une belle cafcade.
Après avoir pafle l’éclufe de Fonferane, on
parcourt 27500 toifes fans trouver d’éclufe. Ce
long efpace eft ce qu’on appelle k retenue de
Fonferane : c’eft la plus grande qu’il y ait dans le
canal. Elle n’a aucune pente ni d’un côté, ni de
l’autre : aufli eft-il arrivé quelquefois que l’eau n’y
venoit point, quoique les éclufes fuffent ouvertes :
les plantes qui croiffoient dans le canal fuffifant
pour oppofer une réfiftance à la chute de l’eau dans
le baffin fupérieur de Fonferane. Four y remédier,
on eft obligé de couper les herbes de temps en
temps , & M . Claurade a fait conftruire pour cet
effet une machine qui réuflit parfaitement: nous
allons en donner une idée'.
A l’extrémité d’une barque eft une roue horizontale
de neuf pieds de diamètre, à laquelle on
applique huit hommes fur quatre leviers. Cette
roue engrène dans trois lanternes verticales , dont
les axes portent en-bas des plateaux de quatre pieds
de diamètre. A chacun de ces plateaux font fixées
quatre faulx de neuf pouces de faillie à deux tranchants
; leur mouvement alternatif eft rendu -neuf
fois plus grand que celui de la roue au moyen de
l’engrenage, & elles coupent avec une grande
promptitude toutes les plantes qui les environnent.
Les axes qui portent les plateaux &. les faulx font
entés fur les arbres des lanternes , de forte qu-’on
peut les placer à différentes hauteurs, & les retirer
pour aiguifer les faulx.
La voûte du Malpas eft à trois milles des éclufes
de Fonferane, & à quatre milles de Beziers. Le
canal y entre fous la montagne, l’efpace de 85
toifes. Sa largeur y eft de 19 pieds , fans compter
une banquette de 3 pieds. La voûte a 22 pieds de
hauteur au - deffus de l’eau, & il refte encore environ
autant de hauteur de la montagne, au-deffus
de la voûte. Cette montagne eft de tuf ou d’une
efpèce de pierre tendre qu’il a fallu foutenir par
une voûte en maçonnerie. On y a ménagé de distance
en diftance des chaînes de pierre de taille
fur lefquelle's on a élevé des murs de refend,
qui vont jufqu’à la concavité de la montagne &'
des portes par lefquelles on peut paffer pour vifi-
ter les voûtes: il n’y a qu’une longueur de- 25
toifes qui n’eft pas voûtée. On apperçoit dans
cette partie un banc de coquilles qui règne le long
de la montagne ; & , dans une de fes parties, on
voit quelques veftiges de bitume ou de jaïet. Il
eut été facile de déblayer le deffus de la voûte,
la pierre n’étant pas dure ; mais le paffage eft
affez large, & la longueur affez courte pour^u’il
n’y ait aucun inconvénient à paffer par-deffous’;
on n’a pas même eu befoin d’y pratiquer des
puits pour donner de l’air.
Du fommet de la montagne du Malpas on voit
l’ancien étang de Montadi, defféché par un aqueduc'fouterrein
qui fubfifte encore, & paffe fous
le canal. Il y a une ouverture , par laquelle le
canal peut fe vuider dans cet aqueduc de Montadi
, quand on veut mettre à fec une partie de
la grande retenue. Quelques - uns veulent que
cet aqueduc ait été fait dans le dixième fiècle
par des gentilshommes du p a y s , fous le règne
d’Henri IV ; d’autres le font remonter jufqu’aux
anciens Romains.
On auroit pu éviter cette montagne de Malpas ;
mais le chemin qu’on a fuivi eft beaucoup plus
court pour aller à Béziers, à A gd e , & à Cette,
que touts les autres chemins qu’on auroit pu
prendre. ( Cette percée de montagne n’étoit point
dans le premier deffein de Mr? de Riquet &. An-
dreozzi; mais, comme ils avançoient leur ouvrage
fans projet arrêté , le niveau les conduifit contre
cette montagne y qu’ils fe réfolurént à percer , pour
ne pas faire un très grand circuit. )
A trois milles de la voûte de Malpas, on paffe
près de Capeftang. On y voit des épanchoirs, faits
en 1767, à l’occalion des ravages produits par des
eaux fauvages qui avoient dégradé les rives méridionales
du canal. On y trouve aufli deux rever-
foirs à fleur d’eau , qui font très larges ; s’ils ne
produifent pas tout l’effet qu’on en avoit attendu,
c’eft que l’eau fe vuide lentement & difficilement
quand elle n’eft pas chargée d’une colonne fùpé-
rieure, ou accélérée par la preflion ou par la
chute ; mais ils ont du moins l’avantage de verfer
dès que les eaux dépaffent leur couronnement,
fans dépendre de la vigilance du garde qui. eft
chargé d’ouvrir les épanchoirs à fond.
Le canal paffe vers cet endroit fur plufieurs aqueducs
^ on f it , en 1767 , vers celui du Capeftang,
une réparation qui coûta 40000 écus, & qui en
auroit coûté quatre fois moins dans une autre fai-
fon : la néceflité de rétablir promptement la navigation
obligea les propriétaires d’employer touts
les moyens poflibles pour accélérer l ’ouvrage,
malgré les. glaces, les pluies, la rareté des ouvriers
, la difficulté des tranfports, & la brièveté
des jours.
L ’aqueduc du pont de C effe, à fept milles du
Capeftang, eft un des plus considérables du canal.
U eft compofé de trois grandes arches, fous lefquelles
pâfle la rivière de Ceffe pour aller fe jetter
dans l’Aude, à deux mi’les de là. Comme cette
rivière eft abondante, on s’en fert aufli pour alimenter
lç canal) parle moyen d’une prife d’eau,
qui commence à 1800 toifes du cÆ/nz/, & q ui eft
la plus considérable des quatre prifes d’eau dont
nous avons parlé. On y a ménagé un épanchoir &
un batardeau , ou efpèce d’étranglement du canal,
en maçonnerie, dans lequel on place des pièces
de bois qui ferment la communication, quand on
veut mettre à fec une partie feulement de la grande
retenue de Fonferane. Il y a de femblables batardeaux
en plufieurs endroits du canal.
Cette même rivière de Ceffe , à dix milles au-
deffus de fon arrivée dans le canal, paffe au-
travers d’une montagne 9 ou ellê s’eft fait une ouverture.
très Singulière, appelléepont de Minerve.
A un mille au - delà de l’aqueduc de C effe, on
trouve le Somail, où l ’on a bâti une auberge,
& ou eft la couchée ordinaire pour le bateau de
pofte ; elle eft à fix milles de Narbonne.
On avoit commencé, en 1686, à creufer une
branche de communication , pour joindre ici le
canal avec l’ancien canal de Sijean, ou de la Nouvelle
qui traverfe Narbonne, & qui fe continue
par celui de la Robine, jufqu’à la rivière d’Aude,
à une lieue du canal royal.
A trois milles du Somail, & près du château de
Paraza, le canal s’approche de la rivière d’Aude ,
dont il fuit le vallon jufqu’à Carcaffone, fur une
longueur de plus de 24 milles. Cette facilité pour
la conduite du canal, de laquelle on a profité dans le
principe, a obligé de multiplier les épis, pour
défendre le franc-bord du canal ; mais, au mois
de décembre 17 72 , l’eau étoit montée jufqu’au
niveau du canal ; cette inondation l’endommagea
dans prefque toute fon étendue.
Dans l’ancien projet, tel qu’on le voit dans le
livre des médailles de Louis XÏV ^ le canal venoit
traverfer l’Aude deux fois; mais M. de Riquet
changea fon plan à cet égard, & préféra la route
aékielle, quoique plus dilpendieufe , parce qu’elle
étoit plus affurée.
L’éclufe d’A rgens, qui eft à deux milles de
Paraza, termine la grande retenue de Fonferane,
dans laquelle le canal eft tout de niveau ; mais de
là il recommence à monter vers Carcaffonne.
Dans cette partie, on remarque le rocher de
Roubia, où l’on a creufé 20 pieds de hauteur fur
une longueur de 150 toifes pour y loger le canal,
qui n’a ici que 5 toifes de largeur : on voit aufli,
vers l’éclufe de Pêche-laurier, une élévation de
terre noire qui reffemble à un volcan.
L ’Oignon , qui eft à deux milles d’Argens, eft
un torrent qui s’élève quelquefois beaucoup au-
deffus du canal. On y trouve un aqueduc, une
éclufë , des portes de défenfe, & une prife d’eau ,
qui n’eft pas confidérable, parce qu’elle manque
en été, &. qu’elle ne fournit beaucoup que dans
le temps où l’on peut s’en paffer. Les enfablements
que cette rivière produit s’enlèvent par un ma-
noeuvrage de trois empellements , & lé mur de la
chauffée fert à évaluer le trop plein.
L’éclufe deJouarre, qui eft à deux milles de
l’Oignon, eft la plus Haute du canal : elle a environ
douze pieds de chute ; cependant on la paffe en
huit minutes.
Près de-là eft un épanchoir de 26 toifes de long
Compofé de plufieurs arches à fleur d’eau ; on
l’appelle l ’épanchoir de la Redorte.
Marfeillette, qui eft à fept milles plus loin,
donne fon nom à un aqueduc , par lequel on
compte deffécher un étang voifin , qui a 9000
toifes de circonférence. M. Garipuy, habile mathématicien,
de l’académie des fciences de Tou-
loufe, & dire&eur des ouvrages de la province ,
étant allé voir en Hollande les travaux de ce
genre, a fait l’acquifition de cet étang, & fepropofe
d’en faire le defféchement. Les Hollandois qui
avoient entrepris des defféchements fous Henri IV
s’en étoient occupés. M, Garipuy dirige aufli l’afc>