
qu’aux bas-fonds, où l’on placé fous le canal des
aqueducs d’où elles lortent 6c vont fe perdre dans
•les fentiers des ruiffeatix.
On doit apporter beaucoup d’attention aux eaux
qui viennent dans le canal, ôc fervent à la navigation
: il faut éviter qu’elles foient bourbeufes.
Si elles l’étoient, le canal feroit bientôt comblé
de limon , ôc cefferoit d’être navigable. Pour
éviter cet inconvénient , il faut difpol'er l’arrivée
de ces eaux dans le canal , de forte que l’endroit
par où elles y entrent foit élevé : on leur pratiquera
un baflin ou réfervoir dont le fond fera de
niveau avec la furface des eaux du canal. Ce baflin
fera près du canal-, Ôc les eaux y feront retenues
par un empellement , afin qu’elles ayent le temps
de dépofer leur limon : enlùite on ouvrira l’em-
pellement, pour leur donner entrée dans le canal ,
quand elles né feront plus bourbeufes. -Ce baflin
lera d’une grandeur à difcrétion, félon la quantité
d’eaux qui y viendront. Il fe remplira du dépôt
de limon qu’auront amené les eaux ; ôc , lorfqu’il
en fera trop rempli, on profitera d’un temps de
grandes eaux pour le nétoyer par un aqueduc,
qui de ce baflin paffera fous le canal. Alors, l’em-
pellement qui donne dans le canal, étant fermé ,
on ouvrira celui de l’aqueduc, par lequel les eaux
courantes emporteront le limon , ôc on y aidera
en l’émouvant avec des battes.
Il faut éviter qu’un canal foit trop élevé ou trop
bas , & diftribuer les ~ éclufes de forte qu’on fè
tienne toujours un peu au-deffus des baffes terres,
pour deux grandes raifons. Premièrement, parce
que , les eaux n’étant pas fi élevées, la transpiration
au travers des terres n’en eft pas fi grande,
ôc qu’il ne faut pas tant d’eau pour y fuppléer ;
ce qui eft un objet digne d’attention , ôc à quoi
doivent fervir les eaux qu’on prend au-deffous du
point de partage : fecondement , parce que les
eaux étant un peu élevées , on peut pratiquer fous
le canal les aqueducs néceffaires pour l’écoulement
des eaux bourbeufes des contre-rigoles , qui font
toujours du côté oppofé aux bas-fonds.
Comme les eaux de la retenue du point de partage
doiv ent être ménagées pour la fourniture de
la navigation, les portes de défenfe des deux éclufes
qui la terminent doivent être conftruites Ôc entretenues
avec plus de foin que toutes les autres,
pour éviter la filtration. Mais, dès qu’on eft affez
defcendu, ôc qu’on a des eaux pour fuppléer à la
tranfpiration du lit du canal, la filtration au travers
des portes n’eft pas fi nuifible , puifqu’elle fert à
fournir à la dépenfe de la tranfpiration d’une retenue
à l’autre.
Les Romains ne fe fervoient point d’éclufes dans
leurs canaux : ils n’en avoient point fans doute
l’invention. Mais il paroit que l’on manque dans
celles qui font en. ufage : elles ont trop de descente.
Cela vient de 1 erreur de croire que l’on
gagne à defcendre beaucoup par éclufe , parce
qu’on en évite un plus grand nombre. Cette err'eur
eft facile à détruire, en prouvant qu’on ne
gagne que très peu en croyant beaucoup gagner ■
Ôc qu’on perd infiniment d’un côté qui eft tort à
ménager..
Je lùppofe qu’ayant à defcendre vingt pieds,
on veuille le taire par une feulé éclufe. Les bajoyêrs,
depuis le radier jufqu’au couronnement ,' auront
environ vingt-huit pieds de hauteur : la porte de
défenfe aura la hauteur ordinaire du cours des
canaux. Les portes d’èn-bas auront leur hauteur
proportionnée aux bajoyêrs; le radier ôc les éperons
feront à l’ordinaire. Mais , fi , au lieu de defcendre
d’un feul faut, vous employez deux éclufes,
les bajoyêrs de chaque éclufe feront moindres
prefque de la moitié des autres, la porte baffe auflï,
moindre environ de la moitié. Jüfqu’ici la dépenfe
des deux baffes éclufes ne fera pas beaucoup au-
deffus de celle d’une feule grande éclufe ; ÔC ce
qu’il aura de dépenfe remarquable dans lès deux
petites de plus que dans la grande , ce feront les
radiers, les éperons ôc la ferrure ; qui, à la vérité ,
monteront au double , ou peu s’en faut, de ces
mêmes chofes dans la grande éclufe. Voilà ce qui
peut intéreffer à faire plutôt une feule grande éclufe
que deux petites. Mais un intérêt infiniment plus
confidérable doit l’emporter fur celui-là ; c’eft que^
la grande éclufe dépenfe une fois plus d’eau que
les deux petites. C ar, foit pour la montée , loit
pour la defcente d’un bateau, il n’en coûte qu’une
éclufée d’eau à la quantité totale deftinée à la
navigation ; l’eau qui a fetvi à remplir une éclufe
pour la defcente , fournit à la retenue fubféquente
cette même quantité qu’elle donne à l’éclufe fui-
vante; Ôc cette même quantité defcend ainfi d’é-
clufe en éclufe jufqu’à l’embouchure du canal. Il
en eft de même en remontant. La quantité d’eau
qui remplit la dernière éclufe ôc qui fe perd par
l’embouchure du canal eft reftituée par l’eau de la
fécondé retenue, lorfque le bateau monte la fécondé
éclufe ; ôc , cette quantité d’eau étant ainfi
reftituée de retenue en retenue , il n’en coûte
qu’une feule à la retenue du point de partage.
Ainfi , puifqu’il n’en coûte à la quantité d’eau qu’on
a au point de partage qu’une éclufée d’eau pour
la montée d’un bateau , ôc une autre éclufée pour
fa defcente, toutes les éclufes dans le cours d’un
canal étant moindres en hauteur de la moitié, il
en coûtera la moitié moins d’eau pour la navigation
; ôc une quantité d’eau raffemblée au point
de partage , qui ne fuffiroit qu’à moitié pour la
navigation avec les grandes éclufes , fuffiroit
entièrement avec les éclufes moitié moins profondes
: cet intérêt eft fi grand qu’on doit lui fa-
crifier le furplus de dépenle de deux éclufes pour
une. Dans les établiffements qui font faits pour
futilité du public , le prince ne doit point regarder
fi l’intérêt aétuel de la dépenfe excédera l’avantage
qu’en tirera le public. Il ne doit confidérer que la
fomme de la dépenfe , ôc la comparer à l’avantage
de plufieurs fiècles pour les peuples.
Le canal ayant à communiquer à la Lo ire, la
retenue du point de partage doit être fbutenue
jüfqu’à la croupe de Souffay : ôc même , quand
on ne cômmuniqueroit pas à la Loire, cette même
étendue auroit Ion avantage , en ce que fa longueur
confidérable tient lieu de réfervoir , ôc que la dépenfe
de l’eau pour les bateaux eft d’autant moins
fenfible.
Les portes de défenfe des éclufes doivent toujours
avoir la hauteur égale à la profondeur des
eaux du canal : elle fe règle félon les bateaux dont
on doit fe fervir fur le canal.
On peut ne defcendre que de fix pieds aux
éclufes voifines du. point de partage ; fçavoir, cinq
pieds de porte de défenfe ,. ôc un pied plus bas que
fon feuil ; alors les portes d’en-bas auront onze
pieds de hauteur : à mefure qu’on rencontre de
l’eau , les éclufes doivent defcendre davantage.
G’eft une erreur de faire les éclufes capables de
recevoir deux barques à la fois : il eft rare que
deux barques fe préféntent dans le même moment
à une éclufe; ô c , lorfque leur baflin eft d’une def-
tination à contenir deux barques, il faut une double
dépenfe d’eau. De plus , pour paffer une barque
par une telle éclufe , il fautune fois plus de temps
que pour une éclufe à une barque , à caufe de la
quantité d’eau à faire entrer ôc fortir ; ôc , aux
éclufes d’une barque , il ne faut pas plus de temps
pour paffer deux barques , parce qu’on n’çn met
’ pas plus à les remplir deux fois qu’à remplir une
leule fois une- éclufe à deux barques. A in fi, par
ces grandes éclufes on ne gagne aucun avantage ;
mais on perd' par la dépenfe double d’eau au paf-
fage d’une barque feule : paffagé qui eft ordinaire ,
ôc le retardement en eft plus grand.
Obfervallons pour la defcente de la retenue du point
de partage du côté de l’Océan.
Après avoir bien confidéré ce qui pouvoit être
préférable dans le choix, ou de foutenir cette re-
. tenue aufîi haut qu’on le peut, Ôc à niveau du' piquet
du point de partage , afin d’être plus à portée de
communiquer au bras de la defcente à la Loire ,
ou de tenir cette retenue plus bas d’environ vingt
pieds, en faifant au feuil une tranchée de cette
profondeur ; ce qui eft un petit objet , ôc eéla
pour éviter l'a dépenfe de quatre éclufes; fçavoir,
deux de chaque côté; ôc de plus, pour éviter de
tenir la retenue dans un terrein moins fec ; de plus
encore , afin de franchir le pas de Bellenot, fans
contourner autour du village , en faifant une levée,
partie de maçonnerie au bas dudit village, avec
une grande arcade foüs le canal pour la communication
de chaque côté , Ôc fe foutenant jufqu’au
pas entre le bois de Mozon ôc le mont de Cruau ;
ce dernier parti a paru le meilleur, l’avantage
qu’on y trouve étant préférable à celui de la facilité
du paffage du bras de la Loire ; d’autant plus
que ce fera encore deux éclufes de moins, pour
ce bras, ôc que ce qu’il en coûtera de plus en
excavation de terres, pour la tranchée de la prife
de ce bras , afin de parvenir à la pente vers l’A -
roux fèra compenfé par la fuppreffion de fix
éclufes , qui monterôient à plus de foixante mille
écus. C ’eft pourquoi la retenue du point de partage
depuis le feuil de Pouilly , en allant vers
l’Océan , ira jufqu’au pas entre le bois de Morcn
'ôc le mont de Cruau. Là fera la première éclufe
de l’Océan. A la rencontre du bas de la métairie de
Voucher fera la fécondé éclufe -; au bas de Martroy
la troifième, ôc la quatrième à la croupe de Soul-
f a y , près la métairie vis-à-vis de Giflay.
Suivant cette diftribution , les rivières de Baume
ôc de Bellenot fourniront à la retenue fupérieure
par leurs rigoles affez courtes , Ôc la rivière de
Souffay fournira Tes eaux par la rigole qui contournera
par Martroy ôc par Voucher, en prenant
en paffant leurs eaux, lefquelles iront enfemble
dans la retenue au pas de Moron avant la defcente
delà première éclufe. Toutes ces eaux feront
dépouillées de leur limon par des réfervoirs établis
à Baume , 'au-deffus de Bellenot ôc au-deffous de
Voucher. Chaque baflin aura fon empellement
pour, retenir les eaux , lorfqu’elles feront bourbeufes
, ôc pour les lâcher quand elles feront devenues
claires : il a été dit ci-devant de quelle
manière on devoit dégorger ce dépôt de limon
par-deffous le canal.
Il faut s’arrêter à cette quatrième éclufe , jufqu’à
ce qu’on ait opté de paffer ou par Sémur
en côtoyant l’Armançon , ou de paffer entre
Pluviers ôc Nan-fous-Til, pour defcendre dans le
Serein , Ôc par-là communiquer à Auxerre : route
plus courte , ôc qui femble préférable à l’autre ,
‘ fi le pas eft plus facile que par Semur.
Il faudra , fi on entre dans le Serein, franchir
l’Armançon , depuis la quatrième éclufe jufqu’au
bas de la côte de Giffay, par une levée de maçonnerie
: elle fera avantageufe , quoique degrande
dépenfe ; les ouvrages pour franchir Semur ne
pouvant être que plus chers.
Par cette levée', où le grand aqueduc paffera ,
le canal fera foutenu de niveau jufqu’après la prife
des eaux de Toray , qui font abondantes ôc efti-
mables ', en ce qu’elles ne lont jamais bourbeufes
ôc ne tariffentJ jamais.
Il faut éviter les doubles éclufes depuis le point
de partage jufqu’après la prife des eaux de Toray ,
parce qu’elles' coûtent le double d’eau pour la
'montée , les éclufiers les laiffant toujours vuides,
Ôc cela étant même affez néceffaire : ce qui conf-
titue en un tiers de dépenfe d’eau de plus. C ’eft
pourquoi j’ai diftribué les éclufes féparément,
quoique' j’euffe pu les faire doublés , ôc cela dans
la vue d’épargner les eaux de la retenue du point
de partage. : "
I Une des grandes difficultés à furmonter dans
j le cours d’un canal , c’eft lorfqu’il faut franchir
; une rivière dont lès eaux font de peu plus baffes
; que Celles du' canal', de forte qu’il ne peut paffer