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dommages caufés de particulier à particulier, puif-
qu’ils ne font pas moins des effets de la guerre que
des aéles publics d’hoftilité : ils doivent de part
& d’autre être regardés comme juftement foufferts
en conféquence de la guerre. ( Grot. de jure bell.
L. 1119 C. XX. §. X V , 6 not. /).
A l’égard des révoltes, Yamnijlie eft le moyen
le plus sûr & le plus humain de les appaifer
& d’en étouffer les femences. Lorfque Thrafibule ,
auffi doux après la vi&oire qu’ardent à mettre bas
la tyrannie , eut aboli dans. Athènes celle des
trente , il fit porter une loi qui fut nommée
amnejlie ou loi d’oubli, ftatuant que nul citoyen
ne lèroit ni accufé ni puni pour aucune a&ion
paffée. Cette modération rendit à la république
l'on ancien éclat, avec la paix & la liberté.
Quant à Yamnijlie de la défertion, fon objet ne
peut être que celui de rappeller dans le royaume
des citoyens utiles. Qu’il me foit permis de demander
fi en général les déferteurs peuvent être
confédérés comme tels. Ce ne font prefque jamais'
ni les bons foldats qui défertent, ni les citoyens
qui ont dans le pays une femme , un p ère, une
mère , des enfants, ou autres parents ; ce font
pour la plupart des vagabonds , fans moeurs, fans
principes, qui abandonnent leur patrie par inconf-
tancç, & que le même défaut y ramène , quand
une amnijlie efiace leur faute. S’ils ont appris un
métier dans leur jeuneffe , ils l’ont oublié dans
les troupes. Celui de foldat eft le feul qu’ils puiflent
reprendre ; mais il eft vraifemblable que ce fera
pour le quitter encore & l’aller continuer ailleurs ;
il eft à craindre qu’alors ils ne débauchent quelques-
uns de leurs camarades. S’ils ne s’enrollent pas
à leur retour , ils feront expofés à touts les effets &
toutes les fuites de leur fainéantife & de leurs vices.
L'amnijlie peut en rappeller quelquesruns qui feront
utiles, quelques hommes fages qu’un moment d'erreur,
d’ivreffe, de légèreté , de mécontentement
aura égarés ; mais il y en aura un qui fervira contre
mille qui nuiront. Dans, ce cas le pardon ne fera
qu’une preuve de la clémence du prince ; & fon
objet, îqü;i ne peut être que l’utilité de l’état, ne
fera point rempli. On y atteindroit plus sûrement
peut-être , en ne l’accordant qu’à ceux qui auroient
une famille ou quelque bien-fond., qui pourroient
prouver par les témoignages de leurs officiers qu’ils
ont bien fe rv i, qui auroient donné lieu de préfumer
que leur faute eft plus graciable , qui auroient
un métier qu’ils feroient capables de reprendre
ÿ & qu’ils, auroient exercé.chez l’étranger,
quant à ceux qui ont porté les armes contre leur
pays 3 jl feroit peut-être jufte de les en bannir à
jamais. Si quelque circonftance favorable , telles
que celles dont pn vient de parler, pouvoit leur
faire trouyer grâce ; il faudroit les recevoir feulement
comme artifans, & les exclure de l’honneur
de s’armer pour la patrie. Uamnijlie ainfi modifiée ,
& par-là plus équitable, doit cependant être rare ;
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de crainte que l’efpérance de l’impunité ne ttiùltî-
; plie le délit.
AMUSE TTE . C ’eft une efpèce de moufquet
de l’invention du maréchal de Saxe. « Le canon eft
d’environ cinq pieds de longueur, & du calibre de
dix-huit lignes. Il eft porté par un affût, compofé
d’une pièce de bois adaptée à l’effieu d’un rouage
qui a trois pieds & demi de hauteur. Au haut
de cette pièce de bois , qui s’élève plus que le
rouage, il y a une fourchette de fer fur laquelle
l’effieu repofe ; & fur un des côtés de cette même
pièce un coffre pour enfermer la poudre & les
balles. Elle eft auffi percée près de l’effieu pour
recevoir deux branches de brancard ; au moyen
defquelles, & d’une corde attachée à l’effieu , un
foldat peut traîner facilement toute la machine ,
& deux foldats peuvent la porter.
Elle porte, dit le maréchal , au-delà de quatre
mille pas , avec une violence extrême. Les pièces
de campagne . que les Allemands & 4es Suédois
mènent avec les bataillons , portent à peine au
quart. Cette arme eft fort jufte. Deux hommes
la mènent par-tout. Elle porte des boulets de
plomb d’une demi livre , êç cent coups à tirer
avec elle. Quand on paffe dans des fentiers ,
dans des montagnes ; on recule les barres , &
deux foldats la portent très-raifément : cette arme
peut fervir dans mille occafions à la guerre.,......
Ces amufettes doivent fe porter en avant un
jour de combat. Comme elles tirent au-delà de
trois mille pas ; elles doivent caufer un furieux
dommage à l’ennemi, lorfqu’il fe forme , foit au
fortir d’un bois, d’un défilé, ou d’un village. Quand
même il n’y auroit pas de ces obftacles, il faut qu’il
marche en colonne , & qu’il fe mette enfuite en
bataille; ce qui prend quelquefois plufieurs heures.
Or ces amufettes peuvent tirer au-delà de deux
cents coups par heure. J’en compte, une par centurie.
On peut y joindre celles de la fécondé
ligne. On peut les raffemblçr toutes fur une hauteur.
L’effet qu’elles produifent doit être considérable
, parce que les capitaines d’armes doivent
être exercés à tirer avec ; & cela eft infiniment
plus jufte que le canon, & tire plus loin. Comme
il y en a quatre par régiment, il y en auroit
feize par légion. Ces feize machines raffemblées
un jour de combat vont faire taire dans un moment
une batterie des ennemis , qui' incommo-
deroit la cavalerie voifine ou l’infanterie ëlle-
même ».
L’autorité du maréchal n’a point encore perfuàdé
l’ufage de cette machine. S’il étoit vrai qu’elle
réunît touts les avantages qu’il lui attribue -, elle
feroit très utile. Mais il ne paroît pas par fes expref-
fioos qu’il en ait fait des épreuves bien exaéles
& bien conftatées ; il ne cite aucune occafion où
elle ait eu ces effets extraordinaires ; il en étoit
l’inventeur , & les éloges qu’un auteur donne à
fon ouvrage infpirent quelque défiance. L’arnufette
porte-t-elle en effet à quatre mille pas de but en
blanc ?
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blanc ? La portée relative de nos armes, étant
- beaucoup moindre , doit faire douter de la realite
de celle*i , dont nous ne voyons aucune caufe.
Il eft vrai que la longueur d’une pièce en augmente
en général la portée , mais non pas autant
qu’on le dit ici. De plus , il paroît que le maréchal
ne connoiffoit pas bien précifément la portée de
fon amufette. 11 la détermine d’abord à quatre mille
■ pas, & enfuite en retranche mille. Süppofons qu’elle
porte à quatre mille pas ; il eft difficile de croire
que ce foit avec une grande jufteffe. Plus une pièce
■ eft-longue, plus elle eft ébranlée par l’explofion ,
<& déviée de fa direction primitive ; fur-tout ,
lorfqu’elle n’a beaucoup de poids , ni elle , ni fon
affût. Alors le corps lancé s’écarte d’autant plus de
cette direéfion que le but eft plus éloigné. Il me
paroît donc vraifemblable que ce moufquet monté
fur un affût ne pourroit que donner de l’inquiétude
à l’ennemi, lorfqu’il fe forme , & lui tuer
quelques hommes. Je ne puis croire auffi qu’il
fît taire une batterie : il pourroit tout au plus en
détourner le feu de fa première deftination, en
le faifant diriger de fon côté : on fçait que les
canoniers tirent plus volontiers fur une batterie qui
les inquiète que fur les troupes ennemies. Au
■ refte , je réfère & foumets ces doutes.à l’expérience
qui enfeigne toutes chofes , même aux plus
Igrands hommes.
f\ ANGLE. C ’eft en général l’écartement mutuel
-de deux lignes, depuis un point qui leur eft commun
: ce point eft nommé fommet, ôt les deux
ligues , côtés de Vangle.
. - L’angle eft un des principaux éléments de> Fart
de fortifier. C ’eft par lui que toute partie de fortification
& toute ligne de troupes eft flanquée &
defendue : il eft donc important de l’analyfer ,
pour faire bien concevoir les principes généraux
de la défenfe par les feux ,' foit dans la tadique
des poftes, foit dans la fortification.
' , défenfe que la ligne droite tire d’elle-même ,
c eft-a-dire, la direélion du tir des armes de jet,
que 1 on emploie a défendre un rempart en ligne
droite eft à peu près perpendiculaire à cette ligne,
boit AB , ( Jig. 21 ) , un rempart formant une ligne
droite ; la direction du tir des armes à feu, ou la
ligne de défenfe , fera la perpendiculaire C D ;
parce que le foldat ne tire guères que direâement
devant lui.
Ainfi, dans Y angle rentrant GAB , ( Jig. 22 ) ,
la défenfe fera croifée par lès lignes de tir C D ,
perpendiculaires aux deux côtés de Y angle , &
toutl’efpace D A D E fera bien défendu. Mais l’elpace .
f r EC 9 au-dela du point E , où les dernières
pignes de tir fe croifent, n’eft vu de nulle part &
•,Xefte abfolument fans défenfe.
De meme toute-la partie parcourue par les lignes
j? rtir ’ au-delà des points E , F , font flanquées &
- défendues. Mais, fi Y angle GAB eft obtus, l ’efpâce
compris par les angles G A C , CAB , n’eft vu de
nulle part ; 1 attaquant parvenu ail pied du parapet
Art Militaire. Tome ƒ,
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n’a plus à craindre aucun feu de flanc, & cet efpace
eft d’autant plus grand que T angle eft plus obtuse
S’il eft droit, {Jig. 25 ) , la ligne de tir A c , voifine
de Y angle A , raiera le côté ou la face AB ; & , s’il
eft aigu, elle la verra de revers. Quant à l’efpace
• non défendu C EÇ , il fera d’autant plus éloigné que
les faces feront plus grandes, & Y angle plus obtus ;
( Jig. 24 ). Dans Y angle droit, cette diftance fera la
diagonale dureéfangle formé par les côtés G A , A B ,
& par les lignes de tir. Plus Y angle G A B fera obtus,
plus cette diftance DE , ( Jig. 24 ) , fera grande ,
ainfi que l’efpace défendu &„flanqué D ED . Mais
auffi l’efpace G A B , qui n’eft vu par aucun feu de
flanc , augmente. Ainfi chacun, ayant fes avantages
& lès défauts, doit être préféré fuivant la
longueur de fes côtés, la nature du terrein, l’efpèce
des hommes, & celle des armes.
Si les côtés peuvent être de 120 à 160 toifes-3
Y angle de 80 à 9 0 dégrés fera le meilleur ; puifque
l’ennemi 3 commençant à effiiyer à cette diftance le
feu croifé des deux faces , y fera expofé jufqu’à
ce qu’il joigne le rempart. Mais , fi les côtés font
beaucoup plus courts, par exemple, de 30 à 60
toifes, & que l’efpace à défendre foit étendu ;
Yangle obtus eft préférable. Cependant, lorfque
cet'efpace à défendre a peu d’étendue, comme
dans un défilé ou une gorge de montagne ; Yangle
droit , ou approchant du droit , fera encore le
meilleur.
Quant à l’efpèce des armes , canon ou mouf*
queterie, il faut choifir, fuivant leur portée , Vangle
qui pourra tenir l’ennemi le plutôt & le plus longtemps
expofé à leur feu. Obfervons que , quoique
ces principesfoient généraux, 6c doivent être fuivis
en général, il y a toujours des caufes morales qu’il
faut combiner avec les phyfiques & les phyfico-
mathématiques. Ce qui vient d’être dit regarde fpé-
cialement le foldat tirant de derrière un parapet.
Comme il y eft caché, & qu’il s’y veut découvrir,
le moins qu’il p eut, il tire toujours devant lui ,
& fe contente le plus fouvent de pofer fon fufil
fur le parapet , & de tirer. Mais, lorfqu’il n’a rien
devant lui qu’il n’eft pas plus en sûreté en tirant
de biais que dire&ement ; il tire plus facilement
dans l’unè & l’autre direéfion ; & on peut „ en le
plaçant, s’écarter avec avantage de la rigueur du
principe. Il en eft de même de l’artillerie , foit en
rafe campagne , foit derrière un parapet ; parce
que les canonniers font également à couvert, en
tirant devant eux ou de biais.
Paffons maintenant à Yangle faillant, A B C ,
{Jig. 25 ) j dans lequel chaque côté fournit un feu
perpendiculaire, fuivant les tirs A T , B T , C T ,
& laiffe l’efpace T B T fans défenfe. Cet efpace
eft d’autant plus petit que Yangle eft plus obtus,
Si d’autant plus grand qu’il eft plus- aigu ; parce
que fa différence EBT , (Jig. 26 & 27 ) , à Yangle
droit ( E B T ) , toujours égale à la différence B G C
de Yangle A B C au droit ( A B G ) , eft diminué de
çet angle EBT , dans le cas de Yangle obtus ,