
Ai jet qui la remplifïe avec plus de diftinélion &
d’exaétitude. Il ne le i'urveille pas longtemps en vain :
il le furprend dans une faute grave , le condamne ;
& , après avoir rendu au chef du corps un compte
détaillé des motifs qui Font déterminé à févir3 il
prononce fa deftitution.
La faveur peut aulîi multiplier ce châtiment en
engageant un capitaine à faire vacquer une place
de bas officier, pour y élever un de fes protégés.
Cette circonftance eft plus rare que la première ,
parce qu’elle eft le comble de l’injuftice ; mais il
.ne feroit pas impoffible de trouver des exemples
qui prouvent que tel capitaine n’auroit pas fait
cafter tel fergent, s’il n’avoit pas voulu l’avancement
de tel caporal ou de tel foldat.
La prévention & l’humeur caufeqt auffi beaucoup
de cajfes. Si le premier bas-officier d’une
compagnie a conçu de la haine contre un de fes
fubordonnés , il prête à fon ennemi des torts qu’il
n’a jamais eus; il l’accule de mauvaife volonté,
quand une fimple inadvertance lui a fait commettre
une faute légère ; il noircit fes aélions les
plus innocentes. Comme l’accufé ignore les fautes
qu’on lui impute , il ne penfe ni à Te difculper, ni
à changer de conduite : la prévention s’empare de
l ’efprit des chefs de la. compagnie ; ils croient avoir
vu tout ce qu’on leur a montré ; le capitaine trompé
s’emporte & punit avec humeur ; le dégoût,
s’emparant du bas officier puni irijuftement, amène
la négligence ; le découragement fuit bientôt ; &
il n’y a qu’un pas dm découragement à l’oubli de
touts les devoirs. Le capitaine cajfe donc alors le
bas officier, ou l’engage par de mauvais traitements
à remettre les marques diftinâives de fon
emploi.
Le peu d’éclat & de publicité que l’on donne
aux deftitutions des bas - officiers paroît encore
être un fujet de leur fréquence. Pour fauver à un
bas officier la honte d’être cafte publiquement,
on lui permet de renvoyer les marques diftinéfives
de fon grade ; il fort comme ftmple foldat de la
prifon dans laquelle il étoit entré comme bas-officier
, & fa compagnie feule fçait qu’il a été cafte.
Les officiers fupérieurs qui tolèrent cet abus ignorent
ils que les récompenfes & les punitions font
mifes en ufage moins pour ceux qui les reçoivent
que pour encourager ou contenir les autres hommes
; qu’en récompenfant & en puniftant, on a
moins en vue le pafîe que l’avenir ; q ue , fi les
criminels étoicnt^exécutés en fecret , l’exemple
feroit perdu pour la fociété , & que les récompenfes
non vifibles font prefque milles ? ( V. RÉ-
COMPENSES PÉCUNIAIRES ) .
La manière dont on prononce les cajfes des bas-
officiers eft encore une autre caufe de leur multiplicité.
Nous rayons déjà dit, mais on ne peut
trop le répéter ; les pein.es impofées par un feul
font une imprefljon moins forte que celles qui font
infligées p a r le jugement de pjufieurs. Quand un
feul homme nous condamne, nous pouvons l’acenfer
d’erreur , d’ignorance, ou d’injuftice ; nous
pouvons efpérer que le public jugera comme nous ;
& nous fommes moins fenfib.les à la punition. 11
n’en eft plus de même quand un confeil entier
nous condamne. Si l’amour propre nous fait croire
encore que nous ne fommes pas auffi coupables
que ce confeil l’a jugé , au moins n’efpérons-nous
pas que le public penfera comme nous , & nous
croira viélimes de la haine ou de la prévention.
S i , comme on n’en peut douter , les caufes que
nous venons d’indiquer , multiplient le nombre des
cajfes , & diminuent leur effet, il eft indifpenfable
d’y remédier : on y parviendra en éloignant le pouvoir
arbitraire du choix des bas-officiers, & en
Me banniffant des jugements qu’ils fubiffent. On
trouvera dans l’article b a s - o f f i c i e r , un moyen
d’eloigner le pouvoir arbitraire des nominations ;
on le bannira des deftitutions , en remettant les
jugements au confeil d’adminiftration ; en ordonnant
que le chef de la compagnie rendra compte
par écrit à ce confeil des motifs qui lui font demander
qu’un bas-officier foit cafte ; que ce confeil
foit tenu à des informations , à de? récolements
; en un mot à une procédure auffi régulière
que s’il s’agiffoit de la vie de l’accufé. Et ne s’agit-il
pas de fon honneur ? Pour un militaire , la perte
de l’honneur eft plus cruelle que celle de la vie.
Enfin on peut exiger que l’unanimité des fuffrages
du confeil décide feule la cajfe. Il eft fans doute
des circonftances où la juftice militaire ne peut
marcher avec autant de lenteur, de précautions ,
& de fageffe. Lorfque la voix du peuple appelle
au fecours , toutes les autres doivent fe taire. Mais
quand le calme renaît, que celui qui a cru devoir
agir arbitrairement foit tenu de rendre compte
des motifs qui l’ont déterminé à févir.
Le major d’un de nos régiments d’artillerie,
connu comme homme de lettres & comme excellent
officier , a fait voir à l’auteur de cet article le
procès d’un bas-officier qu’il venoit de caffer. Ce
procès étoit fait avec tout le foin imaginable. On
y voyoit l’interrogatoire de l’accufé , la dépofition
dès témoins, le récolement, la confrontation & le
jugement.
Pour que la cajfe fut plus authentique, & fît un
plus grand effet, le jugement du confeil devroit être
lu devant la compagnie affemblée dans le quartier
du régiment, à fa parade particulière. Il devroit
auffi être lu à l ’ordre de chaque compagnie du
régiment le confeil devroit fpécifier dans la
fentence de cajfe les motifs qui l’ont déterminé à
là prononcer.
L’ufage de lire à l’ordre des compagnies l’état
& le motif des punitions qui ont été infligées dans
un régiment pendant les vingt-quatre heures auroit
les plus heureux effets. Si elle étoit généralement
adoptée , les officiers & les bas-officiers feroient
forcés à mettre de la juftice dans leurs jugements ;
les foldats , entendant chaque jour repéter, un
tel a été puni pour telle faute , feroient chaque jour
quelques
Quelques réflexions utiles ; craindroient d’ être cités
publiquement : l’image des punitions suniroit fi
fortement dans leur efprit. avec celle des délits
qu’ils en commettroient plus rarement ; & , dans
touts les cas j ils feroient moins excufables, même
à leurs propres yeu x, puisqu’ils ne pourroient plus
dire qu’ils ont péché par ignorance. ).
Pour mettre le confeil d’adminiftration plus a
portée de proportionner les peines aux délits , on
pourroit distinguer deux elpèces de cajfations ; une
cajfation fimple & une ignominieufe. La fimple cajfe
feroit prononcée contre celui qui auroit commis
une faute grave, mais à laquelle l’inconféquence
•auroit plus de part que le manque de coeur , de
volonté , ou de fentiment. Celui qui fubiroit cette
punition pourroit reprendre fon rang d’ancienneté
dans la compagnie , & remonter aux grades , fi
une conduite exemplaire le mettoit dans le cas de
les mériter de nouveau.
La cajfe ignominieufe feroit réfervée à celui qui
auroit enfreint les loix de l’honneur , de la probité
, ou de la difeipline : il feroit déclaré indigne
d’être bas officier ; il ne reprendroit pas fon rang
d’ancienneté : on pourroit même le laiffer pour
toujours au dernier rang des foldats.
Tels font les moyens qui nous Ont paru les plus
propres à donner de la force à une punition bonne
en elle-même, puifqu’elle confèrve à l’état militaire
des fujets inftruits ; puifqu’elle eft capable, de
faire une vive impreffion fur les foldats fenfibles à
une augmentation de paye;.fur ceux qui ambitionnent
l’autorité dont jouiftent les bas officiers ;
fur ceux qui défirent de parvenir aux grades plus
élevés ; fur ceux qui font animés par les fentiments
de l’honneur & le defir de la gloire.
Nous n’avons pas befoin de faire obferver qu’un
code militaire bien fait ne devroit laiffer au confeil
d’adminiftration que le foin de juger fi le bas
officier accufé mérite , par la faute qu’il a commife,
de fubir la fimple cajfe ou la cajfe ignominieufe.
S E C T I O N I V .
De la cafte des foldats d'élite.
G’eft dans l’infanterie feule que l’on connoît les
compagnies d’élite. Les hommes qui les compofent
font tirés de toutes les autres compagnies du régiment.
On met un certain foin , un certain éclat à
leur nomination. ( Voye^ G renadiers ) ; mais il
n’en eft pas de même de leur cajfe : elle s’opère
fans appareil j & d’une manière prefque arbitraire.
Les réflexions que nous avons faites dans la feéfion
précédente, peuvent donc être appliquées à ce 11e-
Cl ’ . P ven encore quelques autres qui font
paiticulieres a l’objet dont nous fommes occupés.
11 faut foutenir fans doute l’efprit élevé qui
.anime les grenadiers françois ; il faut que touts
les loldats qui portent ce nom méritent l’eftime
• leurs camarades, & même qu’ils eo jouiffent.
militaire. Tome l.
Maïs n’eft-ce pas ravaler les fufiliers, éteindre ou
affoiblir dans leurs âmes les fentiments de l’honneur
& de la probité , que de faire rentrer parmi
eux les grenadiers qui fe font conduits de manière
à mériter d’être caftes ? On ne doit pas, fans doute,
conferver dans une compagnie d’élite un homme
qui a manqué aux principes de la morale militaire :
mais n’y a - t - i l pas beaucoup d’inconvénients à
le remettre dans les compagnies ordinaires ? Quand
un fufilier voit auprès de lui un grenadier qui
vient 4)être caffé , il doit fe dire, « la délica-
teffe n’eft pas effentielle au pofte que j’occupe,
puifqu’on me redonne pour camarade un homme
qui en a manqué ». De ce raifonnement à l’infen-
libilité morale, le paffage eft rapide , & de l’infen-
fibilité à la baffeffe , il n’y a qu’un pas.
Preffés en même temps par le befoin de conferver
les hommes qui fe font dévoués à l’état militaire,
par la néceffité de conferver aux grenadiers toute
leur énergie , & par la crainte d’avilir les fufiliers,
quel parti devons-HOus prendre ? Affez de moyens
s’offriroient dans une république imaginaire ou
dans une conftitution militaire qui feroit encore
à fon berceau ; mais pour la nôtre , la folution de
ce problème devient extrêmement difficile ; nous
n’avons que des palliatifs à employer. Celui qui
nous paroît le meilleur feroit l’établiffement d’un
corps qui, par fa conftitution moitié militaire &
moitié civile, feroit une efpèce de fentine pour le
refte des troupes : ce corps pourroit être occupé
dans le royaume à des travaux publics , utiles à
l’état, & dangereux ou onéreux pour ceux qui les
exécutent ; ou à garder celles de nos colonies
où un air infalubre fait les plus grands ravages. Si
les légiilateurs militaires regardoient cet établiffe-
ment comme poffible, toutes les difficultés difpa-
roîtroient : ce feroit à ce corps que l’on attacne-
roit les membres des compagnies d’élite qui fe
feroient rendus indignes de cette diftinétion ; ce
feroit là que l’on placeroit les fufiliers q ui, par
leurs vices, auroient mérité de ne plus porter le
nom de foldat national ; ce feroit là que les uns &
les autres, furveillés de près, termineroient leur
carrière militaire , fans troubler la tranquillité publique
, ( V. C ongé infamant) , fans faire rougir
les compagnies d’élite, & fans avilir les compagnies
ordinaires. Cette punition ne feroit pas civilement
deshonorante : le confeil d’adminiftration de
chaque corps auroit feul le pouvoir de l’infliger.
L’établiffement que nous propofons offre quelques
inconvénients ; mais ils nous paroiffent moins
grands & moins nombreux que ceux que nous
I avons expofés dans cette dernière feéfion. ( C ) .
C A S T R AM É T A T IO N . Art de tracer un camp.
C a s t r a m é t a t i o n d e s H é b r e u x .
Dans touts les temps les peuples barbares ont
campé fans méthode & fans ordre. Les nations
civilifées, au contraire , concevant’ qu’en toutes
X x x