
par les verges & d’être renvoyés de leur corps.
Quand les officiers fupérieurs d’un régiment
jugent qu’un de leurs foldats a mérité les verges
& le congé infamant, ils s’adreflest au commandant
de la place & à celui de la province ; ils lui
rendent un compte détaillé des motifs qui les déterminent
à demander que la punition des verges
loit infligée au coupable. Le commandant de la
province rend compte au miniftre de la guerre ,
celui-ci prend les ordres du roi ; il les fait palier
enfuite au commandant de la province qui les
tranfmet au chef du corps. Quand le miniftre a
jugé qu’il y avoit lieu à la punition des verges,
le chef du corps la fait infliger. ( V. Verges. ).
On remet enfuite au coupable fon fac , une vefte
ôt un chapeau ; chacun de ces effets annonce un
Uniterme en général, mais aucun en particulier.
On fait conduire hors de la ville cet être déformais
aum malheureux qu’il étoit coupable on le dégrade
; on lui donne un écu de trois livres, & on
'lu i remet une cartouche jaune dans laquelle eft ,
Signifiée la nature de fa faute.
Nous renvoyons à l’article Verges les réflexions
relatives à l’arbitraire de cette punition ; nous
prouverons là qu’il faudroit qu’une loi bien expreffe
déterminât les fautes pour lefquelles on devroit
l’infliger ; que cette même loi fixât le nombre
d’hommes qui cpmpoferoient chaque file , le nombre
de tours que le coupable y pafleroit, & c ., &c.
Bornons-nous donc ici à parler du congé infamant.
Que peut devenir l’homme que vous chaflez
d’un régiment ÔC que vous abandonnez. fans argent
, fans fecours peut-être à 200 lieues de chez
lui? Accablé de honte, n’ofant reparoître dansfes
foyers, roaudiffant fon fort & fa patrie, fa première
idée eft fans doute d’aller offrir le fecours
de fon bras à une puiffance étrangère. Quoique
la perte d’un citoyen foit toujours une perte réelle,
cette fois elle eft moins fenfible, elle eft même
peut - être un bien ; mais fi l’homme que vous
venez de chaffçr, ne veut ou ne peut fortir du
royaume , il cherché à s’engager dans un autre
•régiment : s’il y parvient, louvent il réuffit par
fes exemples dangereux à corrompre fes nouveaux
camarades. S’il h’ofe ou s’il ne peut redevenir
foldat, il fe joint dans quelque ville de l’intérieur
du royaume, à cette foule de mendiants, qui emploient
louvent la rufe ou la force pour arracher
ce qu’ils ne peuvent obtenir de la commifération
publique. Si un refte d’élévation l’éloigne de ce
parti avilifl&nt, il a fou vent calculé fur la mort.
Il manque de tout, il fe jette dans un bois , & le
premier citoyen qui fe confiant fur la fageffe &
la vigilance de vo$ loix, croit pouvoir voyager
feul & fans armes, eft une viâime qu’il immole
a fa pofition cruelle. Vous jugez qu’il eft dangereux
de conferver cet homme dans un corps militaire
pii il eft connu &. continuellement fur veillé,
où il ne peut qu’avec une extrême difficulté commettre
les yols les moins confidérables, ou jamais
il ne pourra faire couler Je fang, & vous le remettez
au milieu de la fociété, où il fe cachera
facilement , ou perfonne ne fe méfiera de lui ,
ne le furveillera, où la néceffité , où le defirde
la vengeance le rendront encore plus dangereux.
Quand je réfléchis fur cette conduite, je crois voir
un prince faire ouvrir la cage dans laquelle un
des tigres de fa menagerie eft renfermé, parce que
cet animal feroce a fait au travers des b arreaux
de fa lo ge, une petit® égratignure à fon imprudent
ou mal adroit gardien.
Au lieu de rendre la liberté au foldat qui a paflé
par les verges & qui a mérité un congé infamant,
ne vaudroit-il pas mieux, ne feroit-il pas plus conforme
aux loix d’une politique fage , de le mettre
dans 1 impoffibilité abfolue , de faire jamais du mal
a la focieté ? Ne pourroit-on pas le renfermer pour
le refte de fes jours dans une maifon de correâion,
ou il auroit une nourriture faine , & où il fe procu-
reroit par un travail utile , toutes les commodités
de la vie compatibles avec la privation de la liberté?
Qu on ne regarde pas cette peine comme trop
févère ; tout loldat qui pâlie par les verges & qui
a un congé infamant, eft généralement parlant, un
homme qui a quelquefois mérité la corde. Si on
faifoit des objections contre cette punition, nous
renverrions a un autre moyen que nous avons
propofé dans l’article C a s sa tion , & que nous
préférons à celui-ci.
Si on adoptoit un de ces deux moyens , les ré*
giments fe déferoient de bonne heure de ces êtres
pervers qu’on ne punit pas du dernier fupplice,
parce qu on n a contre eux que des fémi-preuves ,
& que les miniftres ne permettent pas qu’on renvoie
j avec un congé infamant, parce qu’ils craignent avec
raifon de yerfçr dans la fociété un poifon des plus
funeftes,
D E S C O N G É S L I M I T £ S;
§• VI I I ,
Des congés limités en général.
Les congés font naturellement divifés en grands
congés & en petits congés.
On donne le nom de grands congés ou de congés
de femeftre à ceux qui commencent ordinairement
pour les foldats, le premier d’o&obre & finilfçnt le
quinze avril.
On donne le nom de petits congés ou de per-
miffiops aux congés limités qu’on accorde aux foldats
, d’une revue du commiflaire à l’autre j leur
durée peut être depuis trois jours jufqu’à foirante.
Les congés limités appelles de femeftre, diffèrent
encore des petits congés , par la folde que touchent
ceux qui en jouiflent.
On connoît pour les officiers trois efpèces de
congés j les congés appellés de femeftre ; les congés
que le miniftre accorde fur les mémoires que les
colonels adreflent aux inlpefteurs , & les congés
que leur donnent les commandants des provinces
. ou des places dans le-fquels ils fe trouvent.
§• I X.
£sfs congés de femeftre accordés aux foldats.
L’ordonnance du 18 oâobre 1777 veut que le
femeftre des bas-officiers & des foldats, commence
le premier o&obre de chaque année , &. qu’il finifle
au quinze avril de l’année fuivante.
Chaque compagnie de grenadiers obtient chaque
année vingt congés de femeftre.
Les compagnies de fufiliers qui font fur le pied
de guerre , obtiennent vingt-cinq congés ,* celles qui
font fur le pied de paix en obtiennent un nombre
proportionné a celui des hommesr dont elles font
compofées..
Les compagnies de troupes à cheval obtiennent
le meme nombre de congés,
L intention du roi eft que les Congés de femeftre
r mr*6nt acc° rc^s fl11’* ^es hommes bien connus ,
îufnfamment inftruits, & defirés par leurs familles.
Sa majefte veut que tout foldat femeftrier, en
aruvant dans le lieu où il fe propofe de palier fon
lemeftre , fafle vifer fa cartouche par l’officier de
la maréchauffée dans l’arrondiflement duquel il le
trouve. .
Les loix militaires exigent enfin que le foldat
qui s eft abfente par femeilre', préfente à fon retour
au régiment un certificat donné par le curé du lieu
dans lequel il aura paflé fon femeftre , que le certi-
,cat J?*** atte^ véritable par l’ofiieier de maré-
ehauflee qui aura vifé la cartouche, & qu’il fafle
connoître que celui qui en eft porteur a mené une
bonne conduite : tout loldat qui ne remplit pas ces
differentes formalités eft privé de fa demie folde ,.
& de l’efpoir d’obtenir par la fuite des concis de
jremeftre.. '
On donne au foldat femeftrier lors de fon départ
une cartouche , fur le dos de laquelle on écrit l’état
des effets que le foldat emporte avec lui , de ceux
qu il laifîe au régiment, & la note de l’argent qu’il
a en malle ou- de celui- qu’il doit à la caille..
Le foldat. femeftrier ne jouit que de la moitié
de fa f o ld e le refte eft verfé dans la maffe de linge
& chauflure & réparti comme nous le dirons au
Jnot Semestre, (paye de femeftre.).
^ Tout foldat femeftrier qui ne rejoint pointa
1 epoque du quinze a v r il, perd la partie de la paye
qu il de voit toucher , & il eft puni comme nous
allons le dire.
Le foldat qui n’outrepaiTe fon femeftre que d’un j
mois eft puni du nombre de jours de prifon égal à
celui de fon abfence.
Pendant le courant des quatre premiers mois, il
elt condamne a une prolongation de fervice de
deux pour chaque mois de retard.
Après 1 expiration des quatre premiers mois il eft
condamne a la chaîne pour huit ans.
C O N f S f
Ce que- nous venons de dire fur les congés de
femeftre des foldats, eft extrait de l’ordonnance
que nous avons citée en commençant ce para-
graphe; de celle du 17 avril11772; du 12 décembre
1775 ; & du réglement du 25 mars 1776. |
Après avoir dit ce que les ordonnances militaires
preferivent relativement aux congés de femeftre des
foldats , nous allons rapporter quelques coutumes
fages que le temps a établies dans quelques régiments
, & faire connoître l’opinion générale des-
militaires fur ce même fujet.
On trouve parmi les gens de guerre un plus grand
nombre de fpéculatifs, que dans toutes les autres
claffes de la fociété ; on entend prefque touts les
vieux militaires , répéter fans celte , fi j’étois mi-
niftre, & c ; fans remonter aux caufes qui produifent
cette quantité d adminiftrateurs ; fans rechercher
fi la plus grande partie de ces penfeurs profonds,
raifonne toujours conféquemment , & fans applaudir
, fur - to u t, ,à leur hardietfe quelquefois1
cinique ; ne peut-on pas, en élaguant beaucoup de
7 urs difeours, faifir quelques idées utiles à l’état :
c eft ainfi qu’en faifant l’analyfe des fubftances les-
plus communes , le chymifte attentif fait quelquefois
des découvertes précieufes à l’humanité i.c’eft
ainfi que le célèbre Helvétius écoutait tout ce
qu on difoit autour de lui : c’eft dans cet efprit qu’il
interrogeoit les hommes qui paroiffoient les moins
propres à l ’inftruire ; il donnoit à cette conduite le'
nom de chaJJ'c des idées.
-Si l ’on laifloit aux militaires politiques le foin
d ordonner des congés de femeftre, telles feroient
a-peu-près les règles qu’ils établiraient.
. l0- D» ne délivreraient les congés aux bas-offi--
ciers & aux foldats qu’au premier de novembre .
mais il Jes prolongeraient jufqu'au premier d’août!.
2 . Ils donneroient des congés au moins aux
deux tiers des foldats , mais tout’ au plus à un-
fixieme des bas-officiers. .
j 3 n’e„"verr° 'e” t en congé que les hommes
dont lmftrudhon ferait complette & la conduite
régulière ; qui auraient un métier-, dont les parents
feraient en état de les loger, de les nourrir ou de
leur procurer du travail, & bien aifes de les avoir
avec eux.
4°- Ils exigeraient que chaque'foldat produisît
avant fon départ un certificat du curé de la pa--
roiffe où il doit aller; que ce certificat prouvât
la vente de tout ce que nous avons demandé dans-
le mimera 3 , & qu’il fût' attefté par le iuee
royal du lieu, ‘ * < b
5 °. ils voudraient que chaque foldat laifllt à fom
régiment la plus grande partie de fes effets.
6 . Qu’il n’en put partir aucun qui n’eut été
v • avec fo*n » Par fon chirurgien-major & oui
ne fut pourvu de l’argent néceffaire pour faire * fa1
route commodément.
7°. Qu’on les obligeât à quitter leur régiment
de très bon matin , & pour s’en affurer , qtfon
les conduisit à une demie lieue hors de leur garnifon.