
42 2 C A N
endroits, il y a des arches pour foutenir lés terres,
Jorlque le roc commence à manquer au travers ou
aux environs de la mine. Il y a auffi de diftance en
ddtance des trous percés dans la voûte, & qui
vont jufqu’à la fuperficie de la montagne pour
renouvelier l’air dans ce fouterrein, & donner une
îllue aux exhalaifbns ordinairement fi dangereufes
dans les travaux de ce genre. Quelques-unes de ces
cheminees ou conduits perpendiculaires ont jufqu’à
37 verges. A 1 entree, 1 arche du canal n’a que fix
pieds de largeur, fur cinq pieds de haut depuis la
lurface de 1 eau ; mais, elle s’élargit enfuite, & deux
bateaux peuvent fe rencontrer & paffer commodément
1 un auprès de l’autre fans fe gêner : auprès de
l«i mine, i arche a dix pieds de largeur.
Depuis le baflïn dont nous avons parlé , le canal
fe.continue jufqu’à Manchefter, & il a environ
neuf milles, quoiqu’il n’y en ait que fept en ligne
droite ; parce qu’il a fallu un détour de près de
deux milles pous conferverle niveau. Le canal eft
aOez large pour qu’on y aille à la voile. De chaque'
coté il y- a un chemin commode pour les voitures
& pour les chevaux qui tirent les bateaux. Le du.
à fait conftruire plufieurs ponts fur le canal, pour
la commodité du public & pour ne point gêner les
grands chemins qu’il traveriè ; mais l’ouvrage conl-
truit auprès du pont de Barton ( Barton-Bridge ) a
quelque chofe de furprentnt. 11 s’agiffoit de faire
palier le canal par-deffus une grande rivière
navigable, nommée Merfey, qui va de Manchefter
a Liverpool. C ’eft ce que l'habile ingénieur,
M. Bnndley, a exécuté en conftruil'ant trois arches
de pierre, allez larges & allez élevées pour laifier
palier les navires fans plier leurs voiles ni abattre
leurs mats. Ces trois arches portent un aqueduc qui
eft la continuation du canal, & fur lequel paffent
les bateaux du duc à la voile , environ cinquante
pieds au-deffus de la rivière. C ’èft un fpeûacle
extraordinaire que celui de voir plufieurs navires
faire, voile en.fe croifant, l’un fur l’aqueduc, & les
autres fous îles < arches. Le canal a une branche qui
fe rend à Stradfort, & doit être pouffé jufqu’à
Liverpool. •. * *
Ca n a u x d e F r a n c e .
Le génie françois s-eft diftingué dans ce genre ,
tant pour le nombre que pour la grandeur & là
beaute des canaux. Celui de Briare fut commencé
fous Henri IV , & achevé fous Louis XIII par les
foins du cardinal de Richelieu. Il établit la communication
de la rivière de Loire à celle de Seine par
le Loing, & a onze lieues de longueur, depuis
Briare juiqu’à Montargis. C ’eft âu-deffous de Briare
qu'il entre dans la Loire , & c’eft à Cépoi qu’il finit
dans le Loing. Les eaux font foutemies par quarante
deux éclufes, qui fervent à monter & à def-
cendre les trains de bois & les bateaux , que l’on'
conftruit pour cet effet d’une longueur & d’une largeur
proportionnées. On. paye un droit à chaque'
C A N
éclufe , pour l’entretien du canal & le rembourfe-
ment des propriétaires.
L e canal d’Orléans fut entrepris en pour
la communication de la Seine & de la Loire : il a
vingt eçlufes. C eft Philippe d’Orléans, régent de
u n c e , -le fit achever fous la minorité de
laouis a V. Il porte le nom d’une ville dans la-
quelle .1 ne pafle pas. Son origine eft au bourg de
Combleux, fitue à une petite lieue d’Orléans.5
Le projet du canal de Picardie, pour la jonflion
des rivières de Somme & d’O il ïy a été formé fous
les mmiftères des cardinaux de Richelieu & de
Mazann, & fous celui de M. Colbert.
Mais un des plus grands & des plus merveilleux
ouvrages de cette efpèce, & en même temps un des
plus utiles, c’eft la jonélion des deux mers par
le canal de Languedoc. Il commence par un rél'er-
v°ir de q“ «re mille pas de circonférence & de
quatre-vingt pieds de profondeur, qui reçoit les
eaux de la montagne Noire. Elles defcendent à
JNauroufe dans un baffin de deux cents toifes de
longueur, & de cent cinquante de largeur, revêtu
de pierre de taille C ’eft-là le point de partage
d oh les eaux fe diftribuent à droite & à gauche
dans un canal de foixante-quatre lieues de long
ou fe jettent plufieurs petites rivières foutenues
delpaceien efpace par cent quatre éclufes. Il y en
a huit auprès de Béziers, qui forment un très beau
lpeètacle : c eft une cafcade de cent cinquante-ûx
toiles de long fur onze toifes de pente.
Ce canal ell conduit en plufiéurs endroits fer
des aqueducs & des ponts très élevés, qui donnent
pailage entre leurs arches à d’autres rivières. Ailleurs
il eft coupé dans le roc, tantôt à découvert,
tantôt en voûte, fur la longueur de plus de
mille pas. 11 fe joint d’un côté à la Garonne près de
I oufoufe ; de l’autre, traverfant deux fois l’A ude,
il pafle entre Agde & Béziers, & va finir au grand
lac de 1 hau, qui s’étend jufqu’au port de Cette. V
Ce monument eft comparable à tout ce que les'
Romains ont tenté, de plus grand. Il fut projette
en 1666, & démontré poffible par ' un grand
nombre d’opérations faites fur les lieux par M. An-
dréozzi qui travailloit par les ordres de M. Riquet
mort en 1680 Quand les grandes chofes font exé-
cutees, il eltfacile à ceux qui lés examinent d’y
defirer quelque peifeâion. C ’eft ce qui eft arrivéici. ■
Un a prop'ofé un réfefvoir plus grand que le premier
, un canal plus large & des éclufes plus grandes •'
mais on a été arrêté par les frais. I ■ .
} L idee dé joindre la Méditerranée à l’Océan par
1 Aude & la Garonne étoit facile à concevoir : il
n y a que trois lieues, vers Limoux, entre les
rivières qui vont à l ’Océan, & celles qui vont à la
Méditerranée. On en forma le projet lous François
I , enfuite fous Louis X I I , en 1539, {Ann. de
Touloufe. La Faille , pr: 133 , ) ; mais cela étoit
prelque impoffibie dans un temps où les .éclufes
n^etoient point connues. Le projet fut repris fous
Henri IV , en 1598 : le cardinal de Joyeufe, ar—
ichevêque de Narbonne, qui en fentoit l’utilité ,
avoit beaucoup infifté à cet égard ; & en 1604, le
connétable de Montmorenci, gouverneur de Languedoc
, fit vifiter touts les endroits par où le canal
pouvoir paffer.
Dans l’hiftoire de Languedoc, {tom. F, p. 363 ,
510 6c 5 1 6 ,) , on trouve que cette queftion fut
agitée plufieurs fois devant les états de Languedoc :
ils en firent mention dans leurs archives de 1614.
Le 23 février 1618, Bernard Aribul leur propofa,
de la part du roi, d'entreprendre un canal depuis
Touloufe jufqu’à Narbonne ; il offroit de faire les
avances nécefiàires , & de ne rien demander à la
province avant la fin de fon travail. Les états occupés
alors d’autres objets & voyant de grandes difficultés
dans ce projet, répondirent que fa majefté en
uferoit félon Ion bon plaifir. Cette propofition n’eut
pas d’autre fuite. Elle fut renouvellée en 1632 , fous
le miniftère de Richelieu, & ne fur point encore
acceptée. -,
Pierre-Paul Riquet de Bonrepos eut la hardieffe
de former cette entreprife, le courage de là fuivre ,
& le bonheur de l’exécuter. L’ame élevée de Louis-
X IV embraffoit volontiers de grandes chofes ; le
zèle de Colbert, des projets utiles :-une telle réunion
devoit avoir de grands effets. Ce fut en 1660
que le roi nomma des commiffaires pour examiner
le ^canal propofé. ( B avilie mém. de Langue d. ).
L’édit donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois
d’o&obre 1:666, autorifa l’exécution de ce projet,
qui fut confacré par une médaille. Neptune y
frappe la terre, & il en fort une fource qui fe répand
à droite & à gauche : la légende eft, Maria
junSla ; l’exergue, fojfa à Garumna ad portum
cetium,1667, Le grand Corneille célébra cette
entreprife par ces vers :
La Garonne & l’Atax, ( l’Aude) dans leurs grottes profondes,
Soupiroient dé tout temps pour voir unir leurs ondes ,
Et faire ainfi couler , par un heureux penchant ,
Les tréfors de l’aurore aux rives du, couchant.
Mais à dés. voeux fi doux , à des flammes fi belles,
La nature attachée à fes loix éternelles
Pour obftacle invincible oppofoit fièrement
Des monts & dés rochets l’affreux enchaînement.
F r a n c e , ton grand roi parle, & les rochers fe fendent:
La terre ouvre fon fein, les plus hauts monts defcendent!
Tout cède ; & l’eau qui fuit les paffages ouverts'
Le fait voir tout puilïant fur la terre & les mers!
M. de Riquet, occupé de ce beau projet, parcourut
les environs de Saint-Papoul & deXaftel-
naudark Quelques vallons de la montagne Noire
conduifoièntles eaux à l’orient, quelques autres à'
1 occident cette difpofition défignoit Remplacement
du point de partage. Il n’étoit encore fécondé
que par un foiitainier, nommé maître Pierre , dont
les connoiffances ne fuffifoient pas à la grandeur de
1 entreprife; M. de Riquet eut recours au fieùr
Ândreozzi, fils d un Italien alors employé dans les
gabelles»
Celui-ci, verfé dans les mathématiques & dans l’hydraulique
| reconnut les vallons parlefquels on pou-
voit conduire & raffembler en un même lieu les eaux
de la montagne Noire. Il s’en affura d’abord par le
nivellement, enfuite par l’expérience que M. de
‘ Riquet fit à fes dépens en fanant creufer, fur une
longueur de plufieurs lieues ,- un petit canal qui
amena aux pierres de Nauroure des eaux que la
nature avoit jufqu’alors conduites à l’O céan, &
d’autres eaux qui defcendoient vers la Méditerranée»
On dit même qu’il apperçut une fontaine fortant
du rocher nommé les pierres de Nauroure , & dont
les eaux alloient vers les deux mers. C ’eft-là qu’eft
en effet le point de partage & le fommet du canal,
élevé d’environ 600 pieds au-deffus du niveau de
la mer. M. de Riquet conçut le projet d’y bâtir
une ville dont le commerce s’étendroit fur l ’Océan
& fur la Méditerranée.
Lorfqu’on eut démontré au grand Colbert la
poffibilité d’amener des eaux en affez grande abondance
au rocher de Nauroure, le roi fit faire le
devis des travaux par M. le chevalier de Cléville ,
commiffaire général des. fortifications du royaume ,
j qui étoit alors un des plus célèbres ingénieurs, &
' l’exécution du projet fut réfolue. Les, états de Languedoc
, affemblés à Carcaffonne en 1666, accordèrent
une fomme de 800 mille écus pour le commencement
des travaux. Le ro i, la province, &
M. de Riquet payèrent lè furplus. L’ouvrage entier
coûta 17480000 livres à 29 livres 7 fols le marc ,
ce qui feroit actuellement 30460000 livres, y compris
le payement des terres pour Remplacement
du canal. Le quart de cette fomme fut avancé
fucceflivement par M. de Riquet, & acquitté en-
fuite fur les revenus du canal. La province fournit
près d’un tiers, &. le roi près de la moitié. Le premier
contrat fut paffé le 13 oâobre 1669, & le a
avril 1677. Le roi érigea le canal & fes dépendances
en plein fief, avec haute, moyenne, & baffe
juftice, relevant immédiatement de la couronne ; &
ce fief & le droit de voiture qui y fut attribué,
furent créés comme un bien propre, non domanial,
non fujet à rachat, & qui devoit paffer, in-
commutablement & à perpétuité, à la poftérité de
l’aquéreur. Tels furent les termes de Rédit & arrêt
interprétatif du mois d’o&obre 1666. Ce fief fut
acquis à l’enchère par M. de Riquet., le 14 mat
1668, pour 200000 liv. dans la partie qui eft depuis.
Trèbes jufqu’à-Touloufe, & le refte en 1669 5 pour
même fomme, à la charge d’entretenir le canal h
.perpétuité.
Enfin, le procès-verbal de vifite & de réception*
du canal fut fait en 1681 & en 1684, après la
fin des travaux , par M. d’Agueffeau , intendant
de Languedoc , aflïfté pur le P. Mourqu.es, Jé-
fuite , qui étoit chargé par le Roi de l’infpe&ion d*»
canal. Ce procès-verbal eft imprimé ; mais M. de
Riquet étoit mort en 1680, quelque temps avans
que le canal fut entièrement navigable» £ U rîy