
q ui, dans un moment, auroit pénétré fes petits
efcarpins : mais pénétrera-t-elle aufli aifement un
cuir fo r t, recouvert de poix , une première femelle
, & un épais contrefort ; cependant, fi on
le craignoit, on pourroit, pendant 1 hiver comme
cela eft d’ufage en quelques régiments, ajouter à
la chaujjure militaire une double femelle, qui ,
n’allant que jufqu’à la moitié du pied , en laifferoit
les mouvements libres, & ne nuiroit point ^dans
les marches. Quand on a le pied fe c , il eft rare
qu’on y ait froid. Si on craignoit encore cet inconvénient
, rien n’empêcheroit de permettre au
foldat de porter pendant l’hiver un chauffon de
cuir très délié , qui viendroît joindre l’extrémité
des bas : rien de moins cher , de plus chaud, &
de plus de durée. En route", on défendrait l’ufa^e
du chauffon , ou pour mieux dire le foldat préviendrait
cette défenfe.
La dernière obje&ion contre la chaujjure propo-
fée eft l’effet du feu. Si le foldat brûle l’empeigne
il eft dans le même cas que s’il avoit brûle fon
foulier. S’il brûle la tige \ accident qui arrivera
très rarement, par la facilité qu’il aura de fe chauffer
le pied à nud ; il lui en coûtera i liv. ou une i liv.
io f. au plus. C ’eft un inconvénient fans doute ;
mais en quoi n’en trouvera-t-on point ? Choififfons
ce qui en a le moins : nous croyons avoir
prouvé que la chaujfure propofee eft dans ce
cas.
Plufieurs autres militaires ont parlé avant nous
d’une culotte fans jarretière , & d’une chaujjure
affez. reflemblante à celle-ci ; mais nous ^croyons ■
avoir démontré les premiers qu’elles réuniffent
toutes les qualités qu’on peut exiger dans une chauffure
militaire ; je veux dire la. falubrité ,1’économie,
la propreté , l’aifance , la légèreté, &c.
Si cette chaujjure étoit jamais adoptée, & que
nous viflions renaître le temps d’une tenue mi-
nutieufe, quelques chefs de corps feraient ^ fans
doute un grand travail, pour trouver un cirage
brillant' ; mais nous croyons devoir prévenir que
tout cirage dans lequel il entrera quelque autre
ingrédient que de l’huile , de la graiffe , du noir de
fumée, fera perdre à la chaujjure propofee une
partie de fes avantages.
Si des raifons que nous n’avons pu prévoir
empêchoient la réforme totale de la guetre , nous
nous eftimerions heureux d’avoir pu démontrer
que la guêtre blanche n’eft bonne que pour la
parade, & qu’elle doit par coniéquent être.réformée
; que la guêtre de drap ne peut fervir a la
guerre, 6c qu’elle doit par conféquent éprouver
le même fort ; que la guêtre de toile noircie
doit être feule confervée ; qu’elle ne doit.monter
que jufqu’à la jarretière de la culotte,; que la jarretière
de la guêtre doit être lupprimée ; & que ,
fi l’on veut abfolument donner quelque chofe à
la parade , on doit fe contenter d ajouter à. la
guêtre une très petite génouilliere de cuir , comine
en. portoient jadis quelques régiments nationaux &
étrangers.
(Nota. Un excellent moyen de rendre le cuir
imperméable à l’eau , c’eft de l’appreter avec du
fuif fondu , avant de le mettre en oeuvre ; enfuite
de frotter de temps en temps de fuif la chaujure s
fur - tout aux coutures , & de l’approcher du feu
à diftance fuffifante pour que le fuif fonde & que
le cuir s’en imbibe. ).
§. I X.
Chauffure de la cavalerie.
Les bottes demi-fortes , en cuir de vache fouple ,
6c cirées en fuif, font, comme nous l’avons dit au
commencement de cet article , la chaujjure de la
cavalerie françoife. Pour fçavoir fi cette chaujjure
eft la meilleure qu’on puiffe lui donner, fuivons
la même marche que nous avons tenue pour
connoître fi la; guêtre eft celle qui convient le
mieux à l’infanterie. , . ,*■
Pour qu’une chaujjure militaire mérité d etre
adoptée pour toute la cavalerie , elle doit premièrement
mettre les cavaliers à l’abri des coups de
pied de cheval, des contufions , &. des frottements
auxquels ils font journellement expofes ; fecon-
dement, elle doit réunir les mêmes-avantages que
la chaujjure du fantaflin, parce que la cavalerie eft
fouvent obligée , pendant la guerre , de combattre
à pied , de mire faéKon , & que , pendant la paix ,
le cavalier ' fert aufli fréquemment à pied qu’à
cheval.
Examinons ft les chaujfures connues réunifient
toutes ces qualités.
Botte demi-forte. La botte demi-forte, ne nous
paraît* avoir aucun des avantages que nous avons
demandés ; elle n’eft bonne à rien .dans l’efcadron ,
puifqu’elle n’a pas affez de confiftance pour garantir
la jambe & le genou du cavalier , & il eft
fi impoflible de s’en fervir à pied que les ordonnances
veulent que la cavalerie, quand elle fait
le fervice de l’infanterie , porte des guetres. fem-
blables à celles du fantaflin.
Botte forte. L’expérience , 6c le fentiment de
quelques écrivains militaires, parmi lefquels il faut
diftinguer le chevalier Folard , ont fait bannir la
botte forte de l’équipement de la cavalerie. Cette
chaujjure avoit en effet beaucoup d’inconvénients ;
elle nous femble cependant mériter la prefçrence
fur la botte demi - forte , qui eft a&uellement en
ufage. Elle avoit au moins quelques avantages ,
quand on étoit à cheval, & le cavalier pouvoit
même, dans un befoin preffant, marcher avpc le
petit efcarpin qu’il mettoit dans la botte forte.
Puifque aucune des chaujfures militaijres connues
pour la cavalerie n’eft parfaite , & qu’il eft même
phyfiquement impoflible d’en trouver une qui foit
également propre à pied & .à cheval, adoptons
celle qui offre le plus d’avantages & le moins
c HE
^’inconvénients. Cette chaujure nous parait etre
celle que nous avons-propofee pour l’infanterie ;
elle diminuera .les dépenfes , puifqu’elle tiendra
lieu de deux chaujfures différentes , 6c elle aura
touts les avantages de la botte demi - forte, fans
avoir aucun de les vices. Nous pourrions appuyer
notre opinion fur l’exemple de la cavalerie grecque
& romaine dont la chaujjure étoit femblable à celle
de l’infanterie ; mais , quand le raifonnement eft
yidorieux, les autorités font fuperflues.
§ . X.
Chauffure des dragons*
Si nous avons prouvé que la cavalerie devoit
adopter la chaujure de l’infanterie, il n’eft pas
douteux que les dragons doivent lui donner aufli
la préférence. Les raifons fur lefquelles cette opinion
eft fondée font trop folides & trop évidentes,
pour que nous ayons befoin de les expofe.r.
g . X I .
Chauffure des hou fards.
La botte à la hongroife dont nos houffards font
ufage eft certainement très bonne pour le genre
de fervice auquel ils font deftinés : cependant on
ne "peut nier que la chaujure militaire que nous
avons propofee ne foit encore . meilleure. Le
mieux ne peut être ici l’ennemi du bien. ( C .)
CHEF-DE-FILE. Voye^ Fil e ..
CH EMIN . ( Génie. ).
Nous devons à la terre toutes les produirons
qui fervent à fatisfaire nos befoins; mais en vain
,1e travail la forceroit-il à produire , s’il ne donnoit
à l’induftrie les moyens d’en préparer les fruits , &
de nous en procurer la jouiflance. Ce n’eft pas affez
d’ayoir femé , moiffonné , cueilli, coupé des bois,
& fouillé des-mines ; il faut que toutes ces richeffes
arrivent aux lieux où , par un nouveau travail,
elles peuvent, en recevant la forme devenir
propres à notre ufage. Ces différents trajets feroient
impoflibles ou ruineux, fans la façilité des chemins■.
La nayigation feroit un art inutile , fi les matières
qu’elle emploie, & qu’elle tranfporte, ne pouvoient
être rendues de l’intérieur des terres aux différents
ports de conftruâion, & d’embarquement. Il n’y
a donc rien , après l’agriculture-, de fieffentiel ou
de plus indifpenfable pour un état que la commodité
& la furçté des chetnins , puifque la fubfif-
tance , le vêtement, la défenfe même de la patrie
en font abfolument dépendantes.
Si je fouteriois qu’il ne peut y avoir trop de
chemins dans les différents genres indiqués par nos
befoins , peut-être: ne ferois-je défavoué ni d’au-
cun habile négociant ni d’aucun propriétaire de
terre , ni d’aucun, habitant de la campagne :
mais , comme je ne fuis affefté que du bien public
, je conviendrai qu’il faut des bornes à toutes
chofes, 6c qu’il y a un milieu, en - deçà , 6c
au-delà duquel le bon ne fe trouve jamais. Cependant
les bornes qu’on “ pourroit fixer à ce
milieu, en matière de chemins , feroient prodigieu-
fement étendues dans un grand royaume tel que
la France , & aufli commerçant. Pour s’en convaincre
il n’y a qu’à réfléchir fur la quantité d’objets
qu’ils embraffent. Il en faut, pour le culte divin ,
un à chaque village qui n’a point de paroiffe, à
chaque hameau 6c a chaque habitation féparée.
Il en faut pour le tranfport des fruits de la terre ,
dans touts les mouvements qu’ils éprouvent avant
d’arriver à la confommation intérieure , ou à leur
paffage chez l’étranger. Quand toutes les voies
qu’on leur fait parcourir ne feroient que de la
quatrième ou de la troifième claffe , il n’eft pas
douteux qu’elles n’emportent un immenfe terrein ;
6c , fi l ’on y ajoute enfuite les routes 6c les chemins
royaux , la comparaifon de. leur fuperficie , à celle
de deux provinces, pourroit bien n’être pas très exagérée
; mais allât-elle à la valeur de trois, le fa-
crifice feroit aufli beau qu’indifpenfable , parce qu’il
fuppoferoit une grande population, une merveilleuse
agriculture, un riche commerce ; & que, fans
ce moyen de le faire fleurir , toute la fertilité de nos
campagnes n’aboutirait qu’à rendre le royaume
impuiffant.
Tout confifte à n’avoir pas de chemins inutiles :
fupprimons touts ceux de cette efpèce ; mais ne
nous y trompons pas. De ce qu’il y a deux routes
pour aller de Paris ' à L y o n , il ne s’enfuivra pas
qu’il y en ait une de trop , puifqu’elles exploitent
chacune à part des pays toutrà-fait différents, &
que le lieu où elles aboutiffent eft digne de cette
dépenfe , autant que celui d’où elles partent ; bien
différentes en ce point de ces routes prefque parallèles
, dont l’une ne débouche aucun commerce ,
6c n’a jamais eu d’autre objet que celui de la commodité
des hommes puiffants qui les ont obtenues.
Ajoutons à cette fuppreflion celle des fentiers
que les voyageurs, principalement ceux qui courent
la pofte , ofent fe frayer au travers des prés & des
terres enfemençées ; ce qui ne vient que de la licence
des villageois qui les ont ouvertes ; & nous
ferons très fûrs de rendre à l’agriculture , par
cette compenfation , une partie confidérable du
terrein que les chemins néceffaires lui ont dérobé :
cumulata juvant.
Quoique ces fentiers ne paroiffent rien au premier
afpeéi , nombrez-les dans un territoire ; lup-
pqtez-en la longueur & la largeur, & vous ferez
furpris de ce qu’ils coûtent à l’état.
Si je ne craignpis d’apprêter à rire à quelqu’un
de ces agréables de' la capitale, qui n’ont jamais
vu que-des bofquets & des jardins fleuris, & qui
ne fçauroient diftinguer l’orge du froment , en
pleine campagne ; j’indiquerais , d’après nos laboureurs
, un autre expédient d’épargne , dont
j ’entends touts les hommes fenfés convenir una