
On fuppléa à ce défaut en conflruifant près de
Saint-Fériol un grand réfervoir qui conferve les
eaux fuperflues de l’hiver ôc du printemps , pour
en faire'ufage à la fin de l’été & en automne :
mais, bientôt après la conflruCtion du baffin de
Saint-Ferriol, l’expérience fit voir que le vallon
de Landot ne fourniffoit pas un volume d’eau fuf-
fifant pour le remplir, ôc que la plus grande partie
des eaux que la rigole de la montagne verfoit
dans la rivière de Sor , pendant l’hiver , étoient
fuperflues; on voulut en profiter. L’extrémité in-
fériéure de la rigole, auprès de Conquet, étoit
beaucoup plus élevée que le baffin de Saint-Ferriol
; mais le coteau des Campmazes barroit le
paflage : en 1687 on furmonta cet ofeftacle', en
perçant la montagne par un canal fouterrein de
dix pieds de largeur , de vingt pieds de hauteur ,
de foixante-dix toifes de longueur, ôc on prolongea
la rigole de la montagne au travers du percé
à une petite diftance de cette voûte. Les^eaux de
la rigole fe précipitent, par une cafcade de vingt-
cinq pieds de haut, dans le ruiffeau de Landot,
qui les porte à trois mille toifes' plus bas près de
Saint-Ferriol ; d’où elles vont fe réunir à la rigole
de la plaine.
Nous avons dit que la rigole qui commence
auprès de R e v e l, à un mille au nord de Saint-
Ferriol , ôc qu’on homme rigole de la plaine , reçoit
aux Toumazes, environ à trois milles plus bas,
les eaux du ruiffeau de Landot ; c’efl-à-dire à trois
mille fept cent vingt toifes au-deffus de Saint-
Ferriol. La réunion de ces eaux , lorfqu’elles font
groffes, pourroitêtre très nuifibleàla partie de cette
rigole' comprife depuis les Toumazes jufqu’à Nau-
roure, d’autant qu’elle efl excavée à mi-côte fur
une grande longueur. Pour prévenir les brèches
que les eaux fauvages pourroient former à fes francs
bords , on a barré la rigole par une porte buf-
quée, placée au-deffous de l’embouchure de Landot,
inférieure à la rigole, au moyen d’un réfervoir ôc
de trois épanchoirs à fond. /
Il y a encore u.n autre réfervoir au-delfous des
Toumazes , à l’endroit où la rigole de la plaine efl
traverfée par le ruiffeau de Saint-Félix.
La longueur totale des rigoles creufées pour
conduire les eaux à Nauroure efl de trente mille
foixante toiles ; fçavoir douze mille quatre cents
quatre-vingts dans la montagne, depuis la prife
d’Alfan julqu’au faut des Çampmazes , & dix-fept
mille cinq cents quatre-vingts toifes depuis le Port-
Louis,près de Revel, jufqu’à Nauroure. On profite
auffi , pour la conduite de ces eaux., de la rivière
de Sor , fur fept mille trois cents-vingt toifes ,
depuis Conquet jufqu’à Port-Louis, ôc du ruiffeau
de Landot, depuis les Campmazes jufqu’aux Tou-
mazes, fur fept mille trpis cents quatre-vingt-dix
toifes.
Il n’y a véritablement que dix-fept milles en
ligne droite , depuis la prife d’Alfan jufqu’au baffin
de Nauroure dans le canal ; mais le chemin que
parcourent les rigoles efl plus que double à cauie
des finuofités par lefquelles on a été obligé de fuivre
les collines qui avoient la hauteur convenable pour
la conduite de la rigole.
Le baffin de Saint-Ferriol, qui fournit une partie
de l’eau du canal, efl fitué à quinze cents toifes
au midi de la petite ville de Revel, à fept milles
de Caflelnaudari , & du canal en ligne droite.
Pour former ce baffin , on a fait choix de l’endroit
où le vallon dans lequel coule le ruiffeau de Landot
fe refferre le plus , au-deffôus d’un endroit affez
large : les deux collines qui le bordent y ont été
réunies par un mur principal de quatre cents toifes
de longueur, ôc de cent pieds de hauteur, garni
de part ôc d’autre d’un terraffement, dont le pied
efl foutenu par un mur plus bas ôc plus court que
celui du milieu. La forme de ce baffin efl irrégulière
, comme les collines qui lui fervent de
bord : fa longueur moyenne efl de huit cents
toifes, & fa largeur près de la chauffée , de quatre
cents toifes.
Pour faire écouler les eaux de ce baffin, on a
conflruit une premièrë vanne , près de l’extrémité
nord du grand mur ; elle les vuide jufqu’à fix
pieds de la fuperficie.
Une fécondé vanne , éloignée d’environ vingt-
cinq toifes de la première, defcend jufqu’à vingt-
trois pieds. Tout le refie, jufqu’à fix pieds au-
deffus du fond, efl vuidé par .trois robinets de
bronze , de neuf pouces de diamètre, fcellés avec
les plus grandes précautions dans le grand mur :
au-deffous des robinets, il y a une dernière iffue
fermée par une forte porte , qu’on n’ouvre que
lorfque les robinets ne donnent plus d’eau ; elle
fert à faire des manoeuvrages , au moyen defquels
les eaux entraînent, dans la partie inférieure du
ruiffeau de Landot, le limon ôc le fable qu’elles
avoient dépofés dans lé réfervoir.
On parvient aux trois ^robinets par une première
voûte de trente-huit toifes de longueur , qui
perce le terraffement extérieur, ôc dont le lo i,
allant en pente vers le grand mur , efl terminé
par un efcalier qui defcend aux robinets. L’eau
qu’ils fourniffent s’échappe par un large aqueduc ,
plus bas que la première voûte , bordée par deux
trottoirs. Lorfqu’ôn ouvre les robinets, tandis que
les eaux du baffin font encore hautes , l’impétuofité
de l’eau efl fi terrible qu’on n’entend plus rien ;
on ne voit que de l’écume ; l’air que l’eau entraîne
par fa chûte dans l’aqueduc forme un courant auquel
on a de la peine à réfifler ; les maffes énormes du
mur & des voûtes en paroiffent ébranlées : auffi
appelle-t-on voûte, d’enfer ce paffage par lequel
les eaux s’échappent.
On a foin tous les ans de mettre à fec le baffin
de Saint-Ferriol, dans le mois de janvier , pour
le nettoyer ôc en réparer les murs. La rivière de
Sor fournit affez d’eau pour la navigation pendant
l’hiver & le printemps; ainfi on a Je temps de
faire les réparations, qui font achevées avant le
mois de février, ôc de remplir enfuite le baffin
avant le mois de juin.
Ce que la rivière de Sor- fournit pendant les
fix mois de l’hiver efl évalué à quatre meules d’eau :
on appelle ainfi le volume qui fort par une ouverture
de huit pouces de large fur fix de hauteur,
avec une chute de huit à neuf pieds ; ce qui fuffit
pour faire tourner un moulin.
Quand on met le baffin à fec pour le réparer,
•on peut le vuid'er en huit jours ; mais il faut au
moins un mois pour le remplir, ôc fouvent deux
mois ; il y a même des-années fèches ,\où l’on ne
parvient pas à le remplir ; la rigole de la montagne
ne fourniffantpas affez. Ordinairement, vers
la fin de novembre , ou au plus tard à noël, on n’a*
plus befoin pour le canal des eaux de ce baffin ;
la rigole de la plaine fuffit, à caufe des pluies de
l’h iver, depuis le mois de décembre jufqu’au mois
de mai.
Pour mefurer la hauteur de l’eau dans le baffin ,
on a conftruit, fur les deffins de M. Garipuy ,
une piramide de foixante-trois pieds de hauteur ;
depuis foixante-trois jufqu’à cent pieds , on fe fert
du mur de la chauffée.
Quand on vuide le baffin par les robinets, on
obferve qu’il s’abaiffe affez uniformément, parce
que les branches horizontales deviennent plus
petites, à mefure*que la preffion verticale 6c la
viteffe diminuent.
La fuperficie de la branche fupérieure des eaux
di&dpafl*11 de Saint-Ferriol étoit de cent-quatorze
mme toifes quarrées en 1684 , fuivant le procès-
verbal de M. d’Agueffeau ; mais alors le réfervoir-
n’étoit pas plein : aujourd’hui, lorfqu’il l’efl cette,
furface efl de cent foixante-quinze milles toifes,
fuivant les mefures prifes en 1769 , par M. Garipuy.
Lorfque les réparations du canal font achevées ,
ôc qu’on veut le remplir, on ouvre les robinets
de Saint-Ferriol , 8t dans l’efpace de dix jours
le canal efl rempli fans que l’eau foit abaiflee dans
le baffin de plus de dix pieds , pour peu que la
rigole de la plaine fourniffe d’eau. C ’efl ordinairement
depuis le 20 feptembre jufqu’au 4 oétobre ,
que le canal fe remplit. Le baffin peut fuffirè ,
non-feulement à remplir le canal, mais à l’entretenir
pendant trois mois, fuivant l’eflime des dï-
reéteurs.
Si on ne compte que la dépenfe journalière des
éclufes , on voit que le baffin contient de quoi
en remplir neuf mille trois cents quatre-vingt-dix,
ou quarante-quatre par jour pendant fept mois ;
o r , pour defeendre deux, barques enfemble il ne
faut que l’eau d’une feule éclufe , qui accompagne
les barques de baffin en baffin pour les faire monter.
En fuppofant qu’elles paffent dix éclufes en un jour,
il faut remplir dix baffins ; ainfi onze éclufes remplies
fuffifent pour deux barques , êt les quarante-
quatre éclufes pour huit barques. Il pourroit donc
paffer huit barques par jour pendant fept mois,
avec la'feule dépenfe du baffin de Saint-Ferriol,
en fuppofant que la rigole de la plaine ait fuffi pour
le remplir : c’efl plus qu’il ne faut pour le commerce
aétùél du canal.
Dans .l’état âétuel de la navigation ÔC du commerce
de Languedoc , il y a autant d’eau qu’il en
faut ; cependant on pourroit en manquer , fi on
avoit à paffer des barques toüts les jours ; mais
il n’en paffe communément que trois ou quatre,
quelquefois aucune ; ôc, fi les paffages augmentent,
on en efl quitte pour envoyer à Saint-Ferriol, ÔC
faire tenir lês robinets ouverts plus long-temps que
dans l’état ordinaire. Si le commerce augmentait ,
on pourroit trouver dans la montagne Noire une
plus grande quantité d’eau.
Indépendamment du baffin de Saint-Ferriol, 6c
de la rigole de la plaine, il y a encore quatre
prifes d’eau , qui fourniffent au canal, du côté de
la Méditerranée. La plus confidérable efl celle de
Ceffe, près de Somail, à quinze milles de Béziers ;
la fécondé efl celle d’O r v ie l, près de Trèbes , à
quatre milles de Carcaffonne , du côté de l’orient;
la troifième efl celle d’O ignon, à neuf milles au-
delà dé 'Ceffe ; la quatrième , qui efl celle du
Frefquel, à trois milles au-delà d’O rv ie l, efl la
moins confidérable de toutes : on y recevoit autrefois
beaucoup de torrents qui enfabloient le canal,
6c l’auroient rendu peut-être inutile. Ce fut M. le
Maréchal de Vauban qui fit remédier à cet inconvénient
, comme nous l’avons d it, 6c qui eut la
gloire de procurer a ce fameux canal le degré de
perfection où il efl aujourd’hui. ( Bélidor , tome
ir , P‘’g-16} ).
Mais , depuis Nauroure jufqu’à Touloufe d’un
côté, ÔC jufqu’à Carcaffonne de l’autre , il n’y a de
plus de prifes d’eau ; les rigoles ôc le baffin fuffifent
pour fournir à la navigation.
Après avoir parlé des principaux objets qui rendent
ce canal remarquable, nous allons le parcourir
dans toute fa longueur , pour infifler fur différents
détails qui méritent d’être connus, ôc nous commencerons
par la table des diflances itinéraires ,
mefurées exactement le long du canal, d’une éclufe
j à l’autre.
T a b l e des diflances des éclufes, o u de la longueur
des foixante - deux retenues , depuis T embouchure
orientale du canal dans Vétang de Thau , du côté
de Cette , jufquà Vembouchure occidentale dans la
Garonne, près de Touloufe.
Toifes*
Retenue de l’étang , y compris l’éclufe du
Bagnas* • • .................................................. *535
Retenue du Bagnàs....................................... * 53°
Traverfée dans la rivière d’Hérault.......... 603
Canalet entre là partie fupérieure de la
rivière d’Hérault, ôc l’éclufe ronde* * * 199
Canalet entré l’éclufe ôc le port d’Agde • • • 270
Retenue de l’éclufe ronde......... .................. 6614
Retenue de Portirasne*................................ 2207
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