
compagnie d’infanterie en eût un certain nombre ;
il paroît que ceci ne fut point exécuté.
Louis XIII ne fut pas le feul qui eut cette opinion.
Le prince Maurice prétendoit que non-feulement
la rondelle , mais encore la targe qui étoit, un
bouclier beaucoup plus grand , auroit été très
utile «contre les piques; & ,'Vil-avoit été le maître,
dit le duc de Rohan , dans fon, traité de la guerre ,
il les auroit remis en ufage. Ce duc même , un des
plus grands capitaines de fon temps étoit fort
de cet avis : mais cette <zmc (|éfenfive ne pouvant
plus guère fery'ir que contre ï’épée, la pique * la
halebarde, & nullement contre les armes à feu ,
ou tout au plus contre le piftolet, on l’abandonna
entièrement comme une arme plus incommode
qu’utile.
Parmi les armes défenlives, il y en avoit dont
tout le monde n’avoit pas droit de fe fervir, Le
hauber qui étoit la principale. & la plus capable
<le réfifter à la lance étok propre aux l’euls chevaliers
, & à ceux qui’ avoient fief de hauber. Il
eft certain que la cavalerie légère n’avoit point
cette arme-; auffi në tenoit - elle guère devant' les
chevaliers dans un combat. Mais les écuyers,
c’eft-à-dire ceux qui par leur naiffance pouvoient
prétendre à la chevalerie , & auxquels il ne man-
quoit que l’âge du un certain temps de fer vice ,
pour arriver à ce rang, combattaient fouvent avec
les chevaliers contre ceux du parti ennemi ; ils
etoient reçus dans les tournois & aux pas d'armes ,
où cette armure étoit fort avâiitageufe & nécef-
faire contre les terribles coups qu’on s’y portait.
Quelles étaient donc leurs armes ? Je réponds
que fans doute les écuyers avoient au moins le
corfelet.ou la cotte de mailles, qui faifoit la prin>-
cipale & la plus néçeffaire partie du hauber , &
de plus le plaftron. Cela paroît affez bien prouvé
par un article. de l’ancienne coutume de Normandie
, manufcrite , où il eft dit : « fi aucun eft
atteint de querelles contre chevalier, il leur doit
amender par pleines armes, & ce eft par le cheval,
& par le hauber, par l’efcu , par l’épée, & par
le heaume. Se il a qui le meffet fut fe t , n’eft pas
chevalier, ne il n’a point de fieu de hauber, més
il deffend fon fieu par pleines armes. Lamende
lui doit être faitte par un roncin , (petit cheval, ) , -
par un gambiex , ( gambiffon, ) , par un chapel,
( calque léger , ) , & parjjne lame , (.plaftron, ) , j
par les chofes dont il fera fatisfaâion de
l’amende ». Il paroît par ce texte que: le chevalier
qui avoit fait injure à un écuyer , de,voit fe battre
contre lui avec les armes d’écuyer.
On voit ici la différence des armes & de la
monture du chevalier, ou de celui qui avoit un
f ie f , qui lui donnoit droit de porter, le hafiber ,
& de ceux qui n’étoient ni chevaliers., ni n’avoient
fief de hauber : car dans les duels particuliers & .
autorifés, ils s’armoient comme ils avoient droit
de le faire à la guerre.
Ainfi le fimple écuy er, s’il n’ayoit fief, de
hauber, n’étoit armé à la guerre que d’un gambiex
ou gambiffon , d’un chapeau de fer , oc d’un
plaftron d’acier : ce qui n’excfiit point cependant
le cprlelet ou la cotte de mailles. Et cela fe peut
conclure de l’extrait d’un vieux cérémonial pour
les - tournois , rapporté par M. Ducange , dans
fa feptième differtation, fur l’hiftoire de Saint-
Louis. Ce cérémonial , après là defcription des
armes du chevalier décrit ainfi celles de l’écuyer.
« Item, le harnois de l’écuyer fera tout pareil,
( à- celui du chevalier , ) , excepté qu’il ne doit
avoir, nulles chauffes ; de mailles , né coiffettes de
mailles fur le bacinet, mais doit avoir un- chapeau
de montauban , 6c fi ne doit avoir nulles bra-
cheres , ( braffarts ou manches de mailles , ) , 6c
des autres chofes fe peut armer comme un chevalier
».
Ainfi l’ecuyer , excepté* les braffarts , la coeffe
6c les chauffes de mailles , avoit le refte de L’armure
, c’eft-à-dire le corfelet de mailles, &c.
L ufage des haubers dura long-temps : le pré-
fident Fauchet en met la fin vers l’an 1-330 , fous
le régné de Philippe de Valois. Il me femblè que
c eft fixer trop précifément l’abandon d’un ufage
qui n’a pas été changé tout d’un coup , ni par
aucune ordonnance du fouverain. M. Foucault,
confeiller d’é tat, qui durant fes diverfes intendances
a eu foin de recueillir dans lès provinces
de fon département , beaucoup de monuments
anciens dont il a enrichi fa bibliothèque 'ÔC fon
cabinet,.a fait graver les figures de trois chevaliers
, dont on voit les figures fur des tombeaux ,
dans l’abbaye d’Ardennes près de Caen. L’un
d’eux étoit nommé Tieffe le Metar , mort en
1331 ; il eft encore repréfenté avec le hauber. On
voit aufli à Ploërmel en Bretagne , le tombeau de
Jean I I I , duc de ce pays, avec le hauber ; il
mourut en 1341. Jean IV , qui mourut en 1399 ;
6c fut enterré à Nantes , eft de même représenté
fur fon tombeau avec le hauber. Tout cela eft
du temps de Philippe de Valois ,- ou poftérieur à
ce temps.
On trouve que d è s j’an 1294 , fous Philippe
le B e l, les armures toutes de/fer étaient en ufage.;
Du T illet dans fon recueil de traités entre 1a- France
-» & l’Angleterre , eh rapporte un de ce prince avec
Jacques de Chaftillon, feigneur de Leufe 6c‘ de
Condé, par lequel ce feigneur s’oblige à lui
fournir pour, une certaine lomme d’a rgent, de
banne rets 6*- chevaliers pris en Hainault } cent armures
de fer; ., Et dans un rôle de 1317 , fous
Philippe le Long, il eft marqué qüe le Daüphin
de Vienne, lui amena trois cents hommes armés'
de fer. Sous le même règne , au fil jet d’un- gage
de bataille , entre M. Jean de Varennes , 6c mef- -
fire Servy de Pequigny, M. d’Evreux devoit fe
trou ver avec foixante armures de fe r , le connétable
avec cinquante , 6tc.. O r , le terme d’armure de
fer ne fignifioit point les; haubers , mais l’armure'
faite de pur fer : Froiffart fe fert de ce terme en
pîufieurs endroits de fon hiftoire pour fignifier les
cuiraffes de pur fer. -
Touts ces faits, prouvent que le changement
d’armure 6c celui du hauber , auquel fucceda l’armure
de pur fer , commença au plus tard fous
Philippe lé Bel ; 6c fous Philippe de Valois l’armure
de fer fut prefque feule en ufage : Froiffart qui
vivoit fous le règne de ce prince , 6c qui a écrit
l’hiftoire de ce temps- là, ne fait guère mention
de haubers, 6c ne parle par-tout que des armures
de fer.
« Meflire Jean de Roye , ditril, meffire de
Trie , maréchal de France , avec meffire Godemar
Du£ay, 6c plufiéurs autres feigneurs, meirent fus
une chevauchée de mille hommes armés de fer ».
{Vol. I , c. 47-)• -
« Monfeigneur Godefroy (d’Harcourt) fe partit
comme maréchal de la route du roi (d’Angleterre) y
avec cinq cents armures de fer ». {C. 122-.).'
« Et au chapitre 49 , l’écuyer l’atteignit tellement
de fon glaiveroide 6c fort ; ( c ’eft-à-dire fa
ban ce )•; qu’onques ne brifa , mais perça la targe 9
les plates , 6c le hoqueton , 6c lui entra dedans lé
çorps. 6c le joignit droit au coeur».
Le,mot de plates en vieux langage fignifioit
des lames ou plaques de fer dont étoient faites
l.es armures. ■-
, Ils ont dedans leurs chefs les Jracine.ts ferme^,
Les efçus à leurs cols dont,il i ot ajfe^ ,
Bonnes plates d'acier, & de glaives affe
Chron. en vers ae du Guesclin.
Je crois que ce qui fit changer les haubers,' :
6c introduire les armures de fe r , ce fut la> pe-
fanteur du hauber jpint au refte du harnois ; elle
étoit telle que les chevaliers étoient quelquefois,
très incommodés dans leur armure , quand la
ehajéur étoit extraordinaire. Quoique celle de fer
fut auffi très pefante , elle l’étoit moins que celle
du hauber fait de doubles mailles, avec le gam-
b.efon , le, plaftron , 6c la: cotte d'armes. Il n’étoit
befoin ni de. gambefon ni de plaftrçn fous la
cuiraffe de fer , parce qu’étant de bonne trempe,
elle n’étoit ni percée ni fauffée par la'lance >; ni
enfoncée dans le corps du chevalier ;• comme les-
mailles l’euffent; été, ^’il n’y avoit point eu.de
gambefon dèffous..
Ce que je dis de là force de ces armures de fer ,
pour réfifter aux coups les plus violents , eft confirmé
par ; Philippe de Comines , au ,fujetr de la
batafile de Fornoue fous Charles VIII. « Nous
avions , dit-— i l , grande fequelle de valets 6c de
ferviteurs , qui touts-eftoient à Tenviron de ces
hommes d-armes Italien^, 6c en tuèrent la plupart :
prefque toucs (les valets),avoient haches à couper
bois . . . . . . dont ils rompirent les vifières des
armes, 6c leur en donnoient d e ’grands coups fur
les tetes ; car bien mal-îfifçz eftoient à tuer , tant
eftoient fort armez, 6c ne vis tuer n u l, où il n’y
eut trqis ou quatre hommes à l’environ ».
Dans le combat auprès de Calais, Froiffart dit
qu’Euftache de Ribâuinont, qui fe battoit corps a
corps contra Edouard roi d’Angleterre fans le
connoître , : lui déchargea de fi terribles coups
fans faûffer fes armes , qu’il l’abattit déiix fois a'
genoux.
Cette manière de s’armer a duré long-temps en
France. Elle > étoit encore en ufâgé fous le règne
du feu roi Louis XIII ; il ÿ “avoit peu de temps1
qu’on avoit cëffé de- fé fervir de la lance dans les
armées.'’C ’étôit une nécelfité de s’armer de la
forte contre cette efpéce d'arme ; on ne pôuvoit
s’èn garantir, -que par la réfiftancé d’ùné forte
armure.
Sur - la fin du règne de Louis X I I I , notre
cavalerie’étoit encore armée de même pour la
plupart ; voici comme en parle un officier de ce
temps-là, qui imprima fin1 livre dés principes de
l’art militaire en 1641. {Bellon, I. part.p. 324. ).'
« Ils font fi’bien armés maintenant, ( nos gens de
cheval, ) , qu’il n’eft: pas befoin de parler d’autres
armes. Car ils ont la cuiraffe à f épreuve de i’arque-
bufe , & lés taffettes , genouillères , 'hauffecol,
braffarts gantelets , avec la falade, dont la vifière
s’élève en haut , & fait une belle monftre..../ il les
faut armer à cru & fans cafaques ; car céla à bien
plus belle monftré j & pourvu que lia cuiraffe foit
bonne & forte , il n’importe du réftè ; il fèroit
bon que feulement la première -brigade qui fèroit
toujours au premier rang eût des lances avec des
iftolets ; car cela fèroit un grand effort, foit aux
Ommes , foit aux chevaux des ennemis. Mais il
faudroit ' que cês lanciers-là fuffent bien adroits;
autrement ils nuifent plus • qu’ils' né fervent ». Il
n’y en avoit plus guère alors qui fuffent adroits
à manier la lancé.
Guillaume du Bellay, dans fon livre de la discipline
militaire , ( Liv. I ; pagi 29. ) ; marque très
diftin&ement la différence de-l’armure des hommes
d’armes , des arquebufiers à cheval, & de la cavalerie
légère , tellç qu’elle, é toit, ou du moins'
ajoute-t-il | qu’elle dé voit être , félon lès ordonnances
du temps de François Ier.
« Les armes de ces gens à cheval,’dit-il, feront
lelonla charge dé chacun ; car autrement fêta armé
l’homme d’armes, que le cheval léger , autrement
que les eftradiots 6c que les arquebufiers. Premièrement,
l’homnie d’armes fera armé de foulerets ,
grèves entières, cUiffots, cuiraffes avec les taffettes ,
georgerin , ahhet avec, fes bavières , gantelets ,
avant-bras , gofféts & grandes pièces : ce que j’ai
ainfi fpécifié par le menu pour raifon des hommes
d’armes du temps préfent, qui veulent être dits
hommes d’armes , & néanmoins être armés &
équipés , tout ainfi que les chevaux légers font.
Et vous fçavez bien qu’un homme armé légèrement
ne fera jamais l’effort que l’homme armé
fûrement peut faire ; lequel ne peut être endommagé
de coups de main , là oùsle cheval léger
eft expofé ■ aux 'éoups en plufiéurs endroits de fa
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