
Elle donne à celui qui en eft revêtu le commandement
général de la cavalerie dans une armée. Il
en fait la revue quand il lui plaît; il renvoyé les"
cavaliers qu’il ne juge pas propres au fervice : il
réforme les chevaux quand il ne les trouve pas
bons ; il vife toutes les ordonnances qui regardent
la cavalerie , & tient la main à leur exécution ;
il travaille avec le roi pour tout ce qui concerne
le détail , 6c c’ëft lui qui propofe les fujets pour
remplir les emplois vacants, & pour les promotions
, foit d’officiers-généraux, foit de brigadiers ,
de meftre-de-camp, de lieutenants-colonels , de
capitainés & de lieutenants , & pour l ’ordre de
S. Louis. Les officiers de cavalerie ne peuvent
quitter leur corps fans qu’il en foit informé. Toutes
leurs commiffions doivent être viféçs de lu i, fans
en excepter -les capitaine-lieutenants des compagnies
de chevaux - légers de la gendarmerie , &
même touts ceux de ce corps & de la maifon du
roi j à qui le prince donne des commiffions de
meftre-de-camp.
Outre la garde que le colonel-général doit avoir
dans le camp , fuivant fon grade , il a une garde
particulière de cavalerie, & deux vedejtes, à la
porte de fon logis , le fabre à la main, ce que
»’ont pas même les généraux d’armée. Cependant
les princes qui ont commandé la cavalerie dans les
armées de France , ont ' eu quelquefois les’mêmes
honneurs que le colonel-général. 11 doit avoir , pour
fa garde , un efcadron avec l’étendart ; mais, pour
épargner à la cavalerie cette fatigue, il ne prend
ordinairement qu’un détachement de cinquante
maîtres , commandés par un capitaine, avec les
autres officiers à proportion. Chaque régiment
monte cette garde à fon tour &, l’éfcadron du
plus ancien régiment la monte le. premier jour
feulement.
Lorfque le colonel-général fort de chez lui, fa
garde monte à cheval. .11 doit être averti de touts
les détachements de: cavalerie qui fortent du camp.
I l peut aller à la tête de ç£s .détachements, quand il
le juge à propos : les officiers qui ont été.détachés
viennent lui rendre compte dé ce qu’ils ont, fait,
vu ou obfervé. Les dirë&eurs & les infpeéleurs de
cavalerie font obligés d’envoyer au colonel-général
un extrait de leurs revues , pour en rendre compte
au roi.
Le maréchal-général-des-logis de la cavalerie eft
tenu de lui apporter l’ordre touts les jours, & de
lui demander en même-temps fes ordres particuliers.
Chaque officier de cavalerie, nommé à un
emploi, doit lui en apporter la patente , afin qu’elle
foit vifée par lu i, & qu’il y mette fon attache.
Il n’eft permis à aucun officier ou cavalier de
s’abfenter de l’armée , pour quelque raifon que ce
puifle être à fans une permiffion par écrit du colonel
général.
Dès qu’il eft dans le camp , le maréchabgénéral-
des-logis doit lui remettre un état de l’ancienneté de
chaque brigadier, meftre-de-camp , lieutenantcolonel,
capitaines-, 6c autres officiers de cavalené
qui .font dans l’armée. .
La juftice eft exercée en fon nom dans ce qui
concerne les foldats d’infanterie. Les gardes-du-
corps & les gendarmes lui doivent le falut en
campagne., la première & la dernière fois quils
le voyént. Il a droit d’affifter au confeil d admi-
niftration de l’hôtel des invalides. En un mot ,
cet officier a autorité fur tout le corps de la cavalerie
, 6c rien ne doit être fait que par fes ordres.
On peut faire remonter l’origine de cette charge
jufqu’au règne de Louis X I I , q u i, fuivant Brantôme
, créa M. de Fontrailies colonel-général des
Albanois. C ’étoit, pour ainfi-dire, la. feule cavalerie
légère réglée qui fut alors en France : 6c cette
cavalerie, fuivant les mémoires du Maréchal de
Fleuranges , étoit de deux mille hommes. ■
On trouve dans Thiftoire de François Ier, fuc-
cefleur de Louis X I I , M. de Briffac avec le meme
titre de colonel de dix-huit cents chevaux-légers ;
c’étoit peut-être tout ce qu’il y en avoit alors en
France au-delà des monts; mais on commence a
voir le titre de colonel., celui de meftre-de-.camp ,
& celui de lieutenant-colonel de la cavalerie dans
l’ordonnance de, Henri I I , de l’an 1543 , concernant
les chevaux-légers *, 6c on y voit que ce prince
les avoit beaucoup augmentés...
Le Comte de Buffy-Rabutin, dans le petit traite
de la cavalerie-légère, qu’il a joint à fes mémoires.,
prétend que les emplois de colonel , de meftre - de-
camp - général ; de la cavalerie n’étoiént que des
çommiftions. fous,le règne de Henri II ; que ce
ne fut que fous Charles IX qu’ils furent, érigés en
charges, qu’on ne donnoit.avant ce temps-là
au< commandant de la cavalerie que cette qualité
de commandant, ou celle de général de la cavalerie
légère. Ce fait ne pourroit être éclairci que
par le titre primordial de l’éreâion de cette charge.
Mais , quoiqu’en diie le comte de Buffy, il eft
confiant par l’ordonnance de 1543 que les titres
de colonel-général 6l de meftre- de-camp de la cavalerie
étoient dès-lors en ufage, 6c donnés à ces
commandants de la cavalerie.
v Ce que dit M. de Buffy touchant féreâion de la
charge de colonel' de la cavalerie en titre d’office ,
faite feulement fous le règne de Charles IX , eft
rendu très vraifemblable , par la forme des ré-
giftres de l’extraordinaire des guerres de ce temps-là.
Depuis l’éreélion de la charge de colonel-général
de l’infanterie par François Ier, on obfervoit dans
ces régiftres, en parlant des monftres 6c du payement
des bandes françoifes d’infanterie, la formule
fuivante : « payé tant à. une compagnie de trois
cents hommes lous la charge 6c conduite d’un te l,
leur capitaine particulier, dont eft colonel M. d’An-
deipt, ou M. de Strozzi, &c. ». Or , jufqu’à l’an
1 5 6 7 ,.cette formule ne fe trouve point dans ces
régifties , quand il s’agit de la monftre ou du payement
des compagnies de cavalerie , mais on la
voit cette année 1567 pour le duc de Nemours,
tolonel-général de la .cavalerie ; il y eft dit ; « a
une compagnie de quatre-vingts hommes de cavalerie
légère fous la'charge. & conduite d’un tel
leur capitaine particulier, dont eft. colonel M. le
duc de Nemours ». Et cela s’eft, encore écrit dans
la fuite pendant quelque temps. Il parpît donc qu’a-
lors l ’office de colonel-général de la cavalerie commença
d’être fur le meme pied que celui du colonel
général de l’infanterie, c’eft-à-dire, érigé en
charge , au lieu qu’auparavant ce n’étoit qit’une
commiffion.
Ce que dit M. de Buffy eft encore vrai, fçàvoir,
que la charge de colonel-général de la cavalerie a été
tantôt unique , & tantôt iéparée en deux ; que l’un
des deux. colonels l’étoit de la cavalerie en France ,
& l’autre de celle en Piémont. La même chofe
avoit. e.xifté plufieurs fois pour le- colonelt général
de l’infanterie. Sous Charles IX , M. de Damville !
fut colonel-général de la cavalerie légère en Piémont
, comme on le- voit dans les régiftres de
l ’extraordinaire des, guerres de l’an 1562 , tandis i
que le duc de Nemours étoit ■ colonel-général de la :
cavalerie en-deçà des monts. .
< Cette féparation des deux charges ne paffa pas
le règne de Henri III ; ce prince ayant imprudemmentcédé
.Pignerol 6ç quelques autres places au
duc de Savoie, dès le commencement de fon règne,
le duc , pendant les guerres de la ligue ,, s’empara
du Mar qui! at de Saluces , 6l le roi n’eut plus de
troupes au-delà des monts : mais, lous le règne de
Louis X I I I , il y eut en France deux colonels-généraux
de la cavalerie par une autre caufe.
. Ce prince ayant pris à fon fervice beaucoup de
cavalerie étrangère , & fur-tout des Allemands ,
„créa une charge de colonel-général de la cavalerie
.allemande , dont il pourvut le colonel Streff. ■ .Après
lui elle fut donnée , en 163-8-, à M. d’Egenteld.
■ Cette nouvelle charge fut entièrement indépendante
d e . celfP du' colonel-général de la cavalerie
françoife. On le. voit dans cette lettre du maréchal
de Chaftillon à M. Defnpyers , fecrétaire
d’état de la guerre, datée du premier juin 163B
.« Moniteur , j’oubliois à vous dire que j’ai reçu
la lettre du R o i, fur le l'ujet de la charge,de colonel-
général de la cavalerie allemande qu’il a plu-.'à fa
majefté donner à M. d’Egenfeld. Pour l'intérêt de
-M.de Gaffion , j’ai fait entendre audit fieur d’Egenfeld
qu’il falloit qu’il attendît que ledit fieur de
Gaffion fût à l’armée , -pour déclarer s’il defire être
au -rang de la ' cavalerie allemande, pour en ce
.cas le reconnoître ; -ou. de la cavalerie françoife,
& être ainfi fous la charge de M. le marquis de
Praflin. Il m’a' témoigné recevoir de bonne part
ce que je lui ai dit. Je fuis très fatisfait de fa conduite,
car il f^comporte fort judicieufement en tout
.ce qu’il fait. ». .
M. de Gaffion ' s’étoit fignalé dans l’armée de
Guftave-Adolphe ,-après la; bataille de. Lutzen, &
)a mort . de ce grand Prince : il revînt'en France
avec le duc de Veymard, 6c il y amena fon régiment
de cavalerie , compofée de François 6c d’étrangers;
C ’étoit un des .plus beaux & des plus
.nombreux de l’armée ; il étoit de, dix-huit cents
chevaux en vingt compagnies. Ce régiment fut
mis fur le pied étranger ; il avoit la paye des étrangers
; Gaffion portoit le titre de c o lo n e l, comme
les commandants des régiments étrangers ; il avoit
une juftice particulière , nommoit à-touts les emplois
, 6c ne reconnoiffôit point pour fupérieur Le
colonel-général de là cavalerie françoife.
Quand M. d’Egenfeld fut n om m è colonel-gcnéral
de la cavalerie allemande, Gaffion refufa de le reconnoître,
fous prétexte qu’il y avoit beaucoup de François
dans fon régiment ; de forte que , difant fon régiment
tantôt françois, tantôt étranger , il refufoit
de fe foumettre 6c au colonel-général de la cavalerie
françoife , 6c à celui de la cavalerie allemande.
M. d’Egehfeld fit quelques. inftances auprès des
maréchaux de la Force & de Chaftillon , pour être
reconnu par M. de Gaffion ; & ., celui-ci le re-
fufant toujours, il étoit à craindre que la querelle
ne fe terminât par un duel, ou que l’un des
deux ne quittât le fervice. M. de Çafliorï foutenoit
qu’il avoit une. difpenfe particulière , écrite de la
main du ro i, pour ne pas être fubordonné au co-
lonel-genéral de la cavalerie allemande ; & M. d’Egenteld
prétendoit donner à fa charge toute l’étendue
qu’elle dëvoit avoir. Ce différent emba—
raffoit beaucoup les-deux-Maréchaux .qui çomman-
doient l’armée des Pays - bas. Le Roi le termina
en déejarant le régiment .de Gaffion: régiment fran-
çois, & en lui ordonnant‘de reconnoître déformais
p,our fupérieur .le, colonel-général 6c- le -meftre-de-
camp-général de .la cavalerie françoife.
Le baron d’Egenfeld s’etant retiré du fervice de
France quelques.années après, il n’y eut plus de
.colonel - général de - la cavalerie allemande., ; cette
charge paroît n’avoir été qu’un démembrement, de
celle de colonel-général, de la cavalerie françoife.
Avant le! baron d’Egenfeld , le colonel-général de la
cavalerie françoife fe dîÇoit auffi colonel de la cavalerie
étrangère. C ’eftçe que prouvent Ies<provificns
du comte d’Alais, datées de 1620 , ou le roi le qualifie
de colonel-général de la cavalerie tant françoife
qu’étrangère; le duc d’Angoulême, fon père Sc fon
prédéeeifeur , avoit les mêmes titres , ôf ils ont
été attribués à touts fes fucceffeurs.
•Au temps du duc d’Angoulême, le colonel-général
..chpififfoit l’armée dans.laquelle il. vouloit. fervir ;
le mçftpe-de-reàmp après lui, & le lieutenant-colonel
apres eux.: on n’a pas toujoùrs eu cet égard pour
.fes fucceffeurs. '
Le colonel - général avoit le droit, de nommer
touts les officiers de fa compagnie , 6c à toutes
celles de l’état-major : mais , en 1675 > lorfque le
comte d’Auvergne fuccéda dans eu:te charge à
! M. de Tu renne , le roi fit mettre. dans fes prô-
vifions les reftriâipns fui vantes : « toutesfois il
ne pourra nommer ni préfenter .a la charge de
[ maréchal-desdogis de ladite cavalerie légère ,
.Y v v v ij