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ennemie en défordre , la culbuteroit facilement fur
le relie , l’étonneroit par fa charge brufque &
inopinée : il ell vraifemblable qu’elle parviendroit
à la diffiper. Si les troupes en bataille, dellinées
à faire feu fur le relie de Y abattis, s’étoient avancées
., elles feroient forcées de fe retirer , de
crainte d’être prifes en flanc ; & , fl elles arten-
doient cette charge, leur déroute feroit certaine.
Mais, fi l’ennemi pénètre dans Y abattis , toute l’ef-
pérance ell dans les réferves ; & cette reflource
appartient à la défenfe générale , commune à
toutes les efpèces de retranchement.
Suppofons maintenant que . l’ennemi tente la
voie du feu.' S’il n’ell point excité par le vent ,
s’il ne prend point rapidement, on peut tenter de
‘ l ’étouffer avec des terres jettées deflus ; ce qui
fuppofe qu’on en a préparées 9 ainli que des travailleurs
avec des pelles. S’il embrâfe Y abattis avec
vivacité , tout n’ell pas encore perdu , pourvu
que vos forces né foient pas trop'inférieures.
L ’avantage ell égal entre vous & l’ennemi. Jufqu’à
ce que les arbres foient en cendres , une barrière
infurmontable vous fépare. Il faut vous retirer à
quelque dillance & attendre la fin de l’incendie.
Alors vous avez le choix ou d’attendre l’ennemi,
ou de marcher à lui ; mais celui qui franchira les
débris fumants & encore embrâfés , ne le fera pas
fans quelque défordre : fon adverfaire doit en
profiter pour le charger, & avbir fait à cet égard
les difpofitions, relativement au terrein Si. à l’ef-
pèce de fes troupes, tant infanterie que cavalerie.
Si vous êtes inférieur en nombre ; ou que d’autres
raifons de temps , de lieu , & de circonflances,
vous obligent à la retraite ; la barrière de feu ,
que l’ennemi a mife entre vous & lui , vous
donne un peu d’avance.
Lorfque votre*ennemi emploira le canon pour
faire brèche , vous n’avez aucun moyen qui puifie
vous en garantir. La brèche étant faite , s’il y
veut entrer en colonne , vous ne pouvez lui
réfifler qu en lui oppofant une colonne ou de
l’artillerie , que vos troupes manqueront & découvriront
tout-à-coup. Il faut la foutenir par de
l’infanterie, placée derrière & de biais fur fes flancs :
celle-ci fera feu fur la trouée en même-temps que
le canon. Si vous manquez d’artillerie, il faut ,
en oppofant colonne à colonne , placer à droite &
à gauche de la trouée deux troupes qui chargeront
en flanc la colonne ennemie dès qu’elle tentera;
d’entrer ; en même - temps votre colonne doit
charger de front. Ces trois attaques étant faites ,
réfolument & bien à propos , il ell difficile que
l’ennemi vous réfifle. Mais , pour que ces mouvements
ayent du fuccès , il faut y avoir exercé
le foldat, & lui rappeller, avant l’exécution, ce
que vous lui avez enfeigné : s’il connoît votre
objet & le flen, il y portera bien plus de courage;
Dans la guerre de 1778, entre l’empereur &
Je roi de Pruffe , les Autrichiens, déterminés à la
jdifenflye, ont fait un grand ufage des abattis ;
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mais, malgré l’excellence prétendue de ce retranchement,
ils y ont fouvent été forcés, fur-tout
dans les petits polies ; & il en a étq de même
des Prulüens. Les Autrichiens s’étoient retranchés
avec des abattis au village de Jægerndorff.
Le lieutenant colonel Trofchke , attaqué par eux
près de ce village , les pourfuivit, & s’empara des
abattis , malgré le feu du canon ôç de la moufque-
terie. Le major pruflien Delpon s’empara, auprès
de Branfdorf, d’un abattis gardé par trois cents
Autrichiens , & le brûla. Le prince héréditaire de
Brunfwick, ayant fait attaquer Branfdorf, Olberfo
dorf, Moefnig & Lichten, défendus par des abattis ,
cës polies furent emportés & les abattis brûlés &
détruits. Les Prufliens en forcèrent encore au pont
de Bæmfch Einfidel. Un -détachement autrichien ,
ayant marché de nuit à un polie entouré d’un
abattis fur le Joannisberg , s’en empara fans grande
perte. Je ne prétends pas cependant que l’abattis
ne puifie être un bon retranchement, mais feulement
qu’il ne faut pas le mettre au-deflus de touts
les autres.
ABSENCE. YJabfence d’un militaire hors de fa
troupe , ell avec permiflion ou fans permiflion.
L 'abfence fans permiflion ell volontaire ou involontaire.
YJabfence Volontaire ell une efpèce d’abandon
que les lôix militaires puniffent avec févérité. Dans
les anciennes républiques-, où chaque citoyen fe
devoir également au l'ervice de la patrie , le délit
d'abfence étoit plus grand dans l’officier que dans
le foldat, en proportion du rang , de la confidé-
ration, des falaires, des récompenfes, & des efpé-
rances qui étoient beaucoup plus grandes pour
celui-là que pour l’autre ; quoique , fuivant la
conllitution & l’efprit des loix de ces gouvernements
, ils fulfent plus près de l’égalité.
Sous là féodalité, les feigneûrs répondoient tant
de leur abfence que de celle de leurs hommes, &
la peine fut pécuniaire. En 12,72., lorfque Philippe
III affembla le ban & l’arrière ban contre le comte
d’Armagnac & le comte de F o ix , les feudataires
qui manquèrent au rendez-vous, furent condamnés
à des amendes proportionnées à leur rang. Le
fervice devoit être de quarante jours. On eftimoit
.la dépenfe du baron à.cent fous tournois par jour ;
celle du chevalier banneret , à vingt ; celle du
Ample chevalier, à dix; celle du fervântou écuyer,
à cinq,; touts furent taxés à une amende plus forte
de moitié que leur dépenfe journalière : le baron
à 300 livres tournois ; le chevalier banneret , à
60 ; le Ample chevalier, à 30.; l’écuyer, à i j .
.Celle qu’ils payèrent pour chaque homme qu’ils
auroient dû fournir , fut déterminée de même à
raifon de 15 fous par jour pour un chevalier, &.
de 7 fous 6 deniers pour un écuyer.
Dans les cpnflitutions politiques préfentes, le
foldat engagé au fervice pour un temps déterminé ,
qui efl ordinairement très-court , efl réputé dé-
ferteur, s’il s’abfente volontairement, &. outre-pafle
i i
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A permiflion d’un nombre de jours déterminé par
la loi. L’officier , fervant librement & de Ion
choix , efl puni par une prifon d’autant de jours
qu’il à excédé fon congé ; & , quand une longue
abfence fait préfumer qu’il abandonne le fervice ;
on nomme à fon emploi. I ln ’efl obligé-flriélement
que par les loix de l’honnêteté naturelle & parcelles
de fon propre honneur , à expofer à fori
chef les raifons de fa retraite. Il n’y a de même
aucune loi émanée du prince , qui fixe le temps
après lequel le chef peut nommer à l’emploi de
1 officier abfent. Le mérite perfonnel, & les fer-
vices de celui-ci , font la mefure des égards du
chef en cette occafion. L’humanité , l’indulgence ,
I honnêteté, l’amitié , doivent régler fa conduite:
II doit, être l’ami de ceux qu’il commande. A ce
titre , il fera lent à coridàmner. Il n’attendra pas
que fon camarade rende raifon de fa conduite :
il la demandera'; il en jugera favorablement ;
il fuppofera que des accidents qu’il ne peut fçavoir,
1 ont empeché d’être inftruit ; il-ne prononcera,
enfin , qu’a l’extrémité. La- temporifation , dans
cette- circonflance , ne peut qu’être utile , & la
précipitation a quelquefois fait perdre à' l’état un
bon ferviteur. Ainfi le ch e f, en différant fon
jugement> évitera le regret amer d’avoir défervi
un innocent, & le remords d’avoir privé fa patrie
de fervices précieux.
. _Qua1^ a 1 abfent , il doit'à fon honneur là
junification *_ de fa conduite.. S’il fie la donne , il
refte expofé au foupçon de légèreté , de mol-
lelle , de refus des fervices qu’il doit à l’état- ,
quoiqu il ne les donne que volontairement. Il en-
courroit même le- foupçon de lâcheté , A le corps
dont il efl membre- étoit defliné à une expédition
prochaine dans le continent ou au-delà des mers.
-L honneur commande alors' Souverainement.., &
nulle raifon n’autorife l'abfence. Je ne parle point
t a dune bataille : on n’y manque pas. Un gre-
nadier, dont un cheval avoit presque écrafe le
pied, fut trouvé par un de fes officiers fur le
chemin du camp , boitant, fe traînant à peine :
B B B U H lui dit-il ; vous feriez mieux à
i Hôpital. Mon capitaine , répond ce brave homme ,
on Je bat demain , & je veux en être. Il y fut en
6 t ' ’ 1 • comuattit avec tout le courage français. ■
La loi qui prefcrit pour certaines clafTes de
citoyens le .tirage à la milice , a prévu le cas de
1 Hbjence. Ceux qui tentent de s’y fouftraire , font
par le fait meme , fournis les premiers au fort ;
, des <îu lls font repréfentés, ils marchent à la
place des citoyens préfents , que le fort a défimiés
après eux ; pourvu toutefois qu’ils ayent les qualités
reqmfes : punition modérée & jüfte du défaut
de volonté. > V . ; , .
ririle d’un.militaire employé aduel-
lement au fervice de l’é tat,»n ;„I1- ddooiitt adniftfeérreerr 1l ’aacdt:ioh '
en jufhce cm le , qui pourroit être intentée con
i £ C™P,e d’une fonûion publique.il ne-peu
pas * Ptéfenter pour répondre à une demand,
4 n Militaire. Terni. I. -
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particulière, dofit la difcuflion exigeroit un long
temps. YJabfence, qui a la même caufe , le di/penfe
aufli en plufieurs cas,des formalités que la loi
prefcrit aux autres citoyens. Dans certains aéles
civils , comme tefiaments , héritages , &c. il eft
cenfé les ignorer , ou être dans l’impoffibilité , foit
de s’en fgire inftruire , foit de les obfervêr. \Jab-
fénee à laquelle fes fondions l’obligent fouvent
pour long - temps , doivent aufli l’affranchir des
foins de tutelle & curatelle , qui le détourneroient
de fes devoirs militaires. Comme il fe doit en
entier à ceux-ci, toute charge civile , toute occupation
, tout office qui l’empêcheroit de remplir
fes principaux engagements , doivent lui être
interdits.
La prefeription ne peut avoir lieu contre les
militaires pendant leur abfence pour le fervice de
l’état. Ils doivent être reftitués dans touts leurs
droits a l’egard des biens dont ils auroient été
privés , des dettes dont un débiteur auroit été
affranchi, des terres & revenus dont leurs créanciers
auroient été mis en poffeflion, pourvu que
la répétition en foit faite par eux ou en leur nom ‘ ,
après leur retour , dans l’efpace de temps prefcrit
par la lo i , & dans celui que leur a permis l’éloignement
où ils fe trouvent.
ABSENT. Tout militaire abfent par congé doit
rejoindre fon corps à l’expiration , fous la peine
portée par les ordonnances. L’officier abfent à une
révue, à un exercicé, efl: puni , s’il ne conflate
que fon abfence a été involontaire. Le foldat abfent
à un appel, efl puni de même; & fi l’abfence
efl prolongée au-delà du temps - prefcrit par la
lo i, il efl réputé déferteur.
A CAD ÉM IE MILITAIRE. Les travaux des
fociétés fçavantes établies' dans toute l’Europe ,
ajoutent fans celle au progrès des connoiflances
humaines. Touts les hommes qui cultivent les arts
& les fciences , en tirent les plus grands fecours ;
toute la fociété en recueille les produits précieux.
Pourquoi la fcience militaire eft-elle feule privée
d’une caufe d’avancement fl puiffante & fl généralement
connue ? Je ne m’étendrai point ici fur
l’utilité des académies. Quels yeux peuvent être
fermés aux lumières qu’elles répandent ? Parmi
les citoyens qui fe dévouent à la culture des arts ,
des fciences ou des belles-lettres , quel efl celui
qui n’a pas fenti l’émulation qu’excitent les récompenfes
diflribuées par ces fociétés ? Dans tel
genre que ce puiffe être , une diftinélion offerte
à la fupériorité des connoiflances , excite une foule
de citoyens aux travaux qui peuvent la mériter.
Une académie militaire établie dans la capitale ,
auroit cet heureux effet dans toutes nos troupes.
On la compofëroït d’anciens militaires , diflingués
par leurs études & par leur expérience. L’honneur
d’y être admis feroit un nouveau prix de leurs
fervices; Lorfque l’âge avancé les auroit privés
de la forcé que demandent les travaux de la guerre
ils auroient encore le bonhgur de forvir-leur patrie