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parce que la matière première en eff fouvent brûlée;
chaque paire de guêtres blanches coûte......... 3tt5 f
Les noires coûtent au -moins * . . . . . . . . . . 4.
.Celles de toile noircie......... .. ............ 2
T O T A L. . • • .'.............. 9*5 f
Voilà donc plus du tiers de Ton décompte consommé
en guêtres. Comment - avec le furplus. fe
pdurvoira-t-il de fouliers , de chemifes, & c ? Cependant
admettons un inftant cette- chauffüre
malgré la cherté, ion poids, fon volume, & voyons
fi elle eft bonne dons les alertes & les furprifes.
Elle èfi trop difficile à mettre. Qu’on batte la générale
à l ’improvifte ; avant que le loldat foit chauffé,
qu’il ait paffé les fous-pieds , boutonné lesguêtres ^
opération longue & difficile quand elles font
neuves ou mouillées, le feu aura fait des progrès
confidérables, l’ennemi aura efcaladé nos murs,
pénétré dans nos retranchements.
Le fqldat viendra fans guêtres, dira-t-on. Mais il
peut être néceffaire qu’il foit ainfi très longtemps ,
qu’il fë mette auffi-tôt en marche pour aller à une
garde, en détachement, pour fe retirer, &c. &
dans une marche cette chaujjure a-t-elle moins
d’inconvénients ?
Elle ejl inutile dans là marche. Un fous-pied caffe ;
l ’homme eft arrêté. Faut-il traverfer un bourbier,
une flaque d’eau ; à quoi lui fert la guêtre ? Garantit
elle le pied ,& la jambe ? Non affurément ;
chaque boutonnière eft une porte-ouverte à l’eau
&• à la boue; & , s’il étoit poffible de fupprimer
les boutonnières , l’eau n’a-t-elle pas un chemin
ouvert entre le tiffu de la toile ou du drap : la
guêtre n’eft donc alors d’aucune utilité ; je dis
même quelle ejl nuifible à l'a fanté.
En arrivant au camp, ou au logement, lé*foldat
eft fouvent de.fervice ; s’il n’a pas le temps de
changer de guêtres , ce qui eft très ordinaire,
l’humidité de celles qu’il porte l’incommode beaucoup.
Il eft prouvé que le féjour d’un vêtement
humide enrhume plutôt que l’eau elle-même. Le
rhume dégénère bientôt en maladie plus grave, par
la continuité de la même caufe, par le peu de
foin que le foldat prend de lui-même, & par le
peu d’attention & de fe cours qu’on lui donne
dans les maladies légères.
Suppofons maintenant que nous marchons par
un temps fec , dans im terrein fabloneux : un caillou,
ou une petite pierre ont pénétré dans le foulier
par l’ouverture du.gouffet de, la guêtre , ou par
une boutonnière ; pour chaffer cet hôte incommode
& dangereux, il faut ôter la guêtre , fe déchauffer,
fe rechauffer, & remettre cette guêtre ;
çependant la colonne file , & le foldat ou ne
rentre à fa compagnie que lorfqu’elle eft arrivée >
foit au camp , foit au logement, ou bien il eft
obligé de courir à perte d’haleine pour rejoindre
^ troupe,
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Les petites pierres qui entrent dans les fouliers
du foldat font d’autant plus dangéreufes qu’il ne
fe refout à les ôter qu’à la dernière extrémité ,
parce qu’il fçait que cettè opération demande
beaucoup de temps. Si la chauffiure étoit aifée à
m?t t r e à ôter, il fe déchaufferoit toutes les
fois qu il fentiroit dans fon foulier la plus petite
chofe capable de l’incommoder.
La ' guêtre, affiujettit le foldat à une dépenfe. Il eft
obligé de réparer les accrocs , les fous-pieds , les
boutons qui manquent ; à laver les guêtres blanches ;
& cirer les noires, toutes les fois qu’il lés porte.’
Il faut *du favon pour les unes , du cirage pour
1 entretien des noires : il en Faut peu, j’en fconviens ;
mais la plus petite dépenfe eft immenfe pour celui
qui na pas fen néceffaire abfblu, & le foldat eft
dans ce cas. Les perfonnes qui ne connoiffent pas
la manutention intérieure des corps font étonnées
comment, avec 1 a liv. par an , on peut entretenir
un foldat en linge & chauffiure. Cela feroit im-
poffible , fi on ne prenoit pas le parti de- lui faire'
faire le fervice pour-des camarades qui travaillent :
mais alors le nombre des gardes double pour celui
qui les monte. Cette dernière confidération devroit
contribuer à faire fup.primer les dépenfes inutiles.1
Les guerres noires exigent des manchettes deguêtres,
& cependant elles tachent quelquefois la culotte
& le bas de l’habit, Tant d’inconvénients forcent
de convenir qu’on ne peut trop'fe hâter de réformer
cette chauffiure. Il ne faut qu’avoir fervï
quelque temps , qu’avoir vu de l’infanterie , pour'
etre convaincu que nous n’avons rien exagéré.
M. le maréchal de Saxe avoit reconnu touté
les inconvénients de la guêtre. Ecoutons-le, pa%;
12. tom. 1. de fes rêveries. « A l’égard des pieds
il n’en eft pas queftion ; les bas les fouliers, 6c
les pieds pourriffent enfemble, parce que le foldat
na pas de quoi changer : & , quand il l’auroit,
cela ne lui ferviroit de rien , parcé qu’un moment
après il feroit dans le même état. Ce pauvre, fol<fat
eft bientôt envoyé à l’hôpital. Les guêtres blanches
le ruinent en blanchiffage ,-n e font bonnes que
pour les revues , d’une chauffiure très incommode,
& très mal faine , de nulle utilité , & très couteufe.
M. le maréchal n’a-t-il pas été généreux en accordant
aux guêtres blanches d’être bonnes pour
la parade. Il me femble qu’elles n’y font pas plus
agréables que commodes ailleurs. Si on va paffer
la revue à quelques pas de fon quartier, pour peu
qu il y ait de boue, elles deviennent noires : s’il y
a dé la pouflière elles deviennent grifçs ; à moins
qu’on ne marche à rangs très ouverts & - :fur'la
pointe du pied marche qui n’eft nullement militaire.
Un régiment étranger, perfuadé de ces vérités
, & devant manoeuvrer devant un prince ,
partit deux heures avant le moment ordonné.
Chaque foldat portoit des guêtres dans fa poche,
ne les mit que fur le champ d’exercice. Ce
moyen feroit affezbon, s’il n’étoit pas ridicule. D ’ailleurs',
pour que la guêtre la mieux faite aille bien
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fur la plus belle jambe , il faut qu’elle foit mife
avec beaucoup de foin ; qu’on juge de fon effet
quand elle eft mal faite, placée fur une jambe de
forme commune, & mile fans .précaution,
M. le comte de Turpin , dans les commentaires
fur Montécuculi, adopte & développe l’argument
du maréchal de-Saxe contre la guêtre. Il dit 3 tom.
ll l.p . 217. «C e n’eft pas -tant le corps qu’il faut
garantir des rigueurs de l’hiver , quoiqu’il foit important
qu’il le foit bien ; mais ce font les pieds ,
parce que le froid fe fait fentir plus lenfiblement
aux extrémités, & que c’eft de l’humidité que
viennent prefque toutes les maladies.Or, il faudroif
imaginer une chauffiure qui pût garantir les pieds
non feulement du froid, mais encore de l’humidité.
».
D ’après cette opinion reçue par un grand- nombre
de militaires, & ladifcuflionimpartiale que nous
venons d’en faire , nous croyons pouvoir dire que
la guêtre doit être bannie du militaire frariçois. Il
y a longtemps qu’on a reconnu. la nécelfité de
changer la chauffiure de notre infanterie. Pourquoi
donc eft-elle toujours la même ? A-t-on craint de
faire un, mauvais choix? «four le prévenir jetions'
un coup d’oeil fur les chauffiures connues, & voyons
fi quelques-unes d’elles ne rempliroient point les
conditions demandées. '
§ . U I.
Chauffiures modernes.
Parmi les chauffiures modernes , confidérons premièrement
la botte-molle ou bottine. Elle garantit
de l’humidité & de la boue ; elle empêche l’in-
tromiffion des grains de fable elle eft aifée à
mettre &. à ôter ; mais elle eft trop chère , & elle
gêne dans la marche , fort par fon poids, foit par
la trop grande liberté qu’elle laiffe au pied.
La bottine à la houffarde , ne montant pas aufli
haut que la botte molle , eft moins chère , moins
pefante ; mais elle a le grand inconvénient de laiffer
le pied trop libre. Voilà un motif d’exclufion pour
l’une & poiir l’autre. ( Obfervons cependant qu’il
ne fubfifte que lorfque la bottine eft mal faite.
*Si lé cou-de-pied eft jufte , la bottine eft affez
ferme, quoique le pied foit fort à l’aife ; & cette
condition eft néceffaire pour que la marche foit
facile , & que le pied ne fe bléffe pas : elle devient
pénible quand le pied n’a pas toute fon ex-
tenfion & fes mouvements libres. (K ) .
Le brodequin eft plus léger, moins cher que
la botte ; il tient le pied affez ferme ; mais il faut
"®JucouP de temps pour le chauffer. L’eau , le
fable, & la boue pénétrent aifément par les oeillets
ou paffe le cordon qui le doit lacer. De plus , il
eft très fuj et à tourner; il s’accule fort aifément,
& il gene le mouvement du cou-de-pied, parce que
ce ltia que fe fait le grand effort du lacet. [Cependant,
ces inconvénients, très-réels dans un brqde-
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quin mal fait, deviennent prefque nuis dans celui qui
l'eft bien. Le temps néceffaire pour le lacer n’eft
pas fort long. L’eau &. la boue pénètrent difficilement,
s’ il y a fous la partie lacée un cuir
large de trois doigts , & que cette partie foit un
peu élevée au-deffbs du cou-de-pied. Il ne gène
le mouvement du cou-de-pied que lorfque le lacet
eft trop ferré : il ne tourne ni ne s’accule pas plus
qu’une autre chauffiure : voilà ce que je tiens de
l ’expérience. (K).j.Puifque le brodequin ne remplit
pas toutes les conditions du problème , il. n’eft
pas ce que nous cherchons.
Les guêtres que portent les payfans, & qui faifant
plufieurs fois le tour de la jambe, s’attachent avec
des cordons , ne nous conviennent pas ; ces guêtres
font trop longues à mettre-, & ont trop mauvaife
grâce. 11 faut réunir l’agréable ÔC l’utile quand on-
le peut fans inconvénient : ( mais il ne faut rie»
d’agréable aux dépens-de l’utile.),
La guêtre de cuir ne diffère que par la matière
& doit être exclue.
La guêtre de roulier, faite en botte jufqu’au-bas
du gras de la jambe, & qui fe ferme là par quelques
boutons, a moins d’inconvénients que la nôtre;
mais , comme elle en a beaucoup encore, elle ne
mérite pas d’être adoptée.
Paffpns à la chauffiure propofée par M. le maré*-
chal de Saxe. « Je voudrois , dit-il, que les foldats
euffent au lieu de fouliers des efcarpins avec de
petits talons de l’épaiffeur de deux écus ; ce qui
chauffe parfaitement bien , & fait marcher de
meilleure grâce ; parce que les talons bas font
porter la pointe du pied en dehors , tendent le
jarret , & effacent par conféquent les épaules. Il
faut qu’ils foient chauffés à nud fur le pied ,& le
pied graiffé avec du fuif ou de la graifle. Les dâ-
môifeaux trouveront cela bien étrange ; mais l’expérience
fait voir que les vieux foldats françois
en ufent ainfi ; parce qu’avec cette précaution ils
ne s’écorchent jamais les pieds ; &. l’humidité ne
les pénétre pas fi aifément, parce qu’elle ne prend
pas fur la graiffe : d’un autre côté le cuir du foulier
ne fe racornit point, & ne fçauroit les bleffer.
» Les Allemands , qui font porter à leur infanterie
des bas de laine , ont toujours une quantité
d’eftropiés , parce qu’il leur vient des ampoules ,
des loups, & toutes fortes de maladies aux pieds
& aux jambes ; la laine étant venimeufe à Ja peau.
D ’ailleurs ces bas fe percent par les. bouts, restent
humides , & pouriffent avec les pieds. A ces
efcarpins il faut ajouter des guêtres d’un cuir délié
qui aillent jufqu’au deffus dé la moitié de la cuiffe
& qui ne foient fermées avec des tirants que juf~
qu’à mi-jambe. Le refte doit être en botte & chauffé
à nud ainfi que les fouliers. Les culottes ne doivent
point paffer de beaucoup la moitié de la
cuiffe : elles doivent être de peau , & avoir des
tirants comme ceux des guêtres à . trois doigts
de leur extrémité. Au haut des guêtres il faut
qu’il y ait dés boutonnières dans lefquelles l’on