
également bonnes , formez une aile de vos meilleurs
corps ; plaeez-y vos meilleurs généraux , &
avec ces officiers & ces foldats d’élite s marchez
à grands pas pour charger l’aile des ennemis qui
leur eft oppofée , tandis que l’autre aile marchera
plus lentement, ou reliera de pied ferme. D e cette
manière, il n’y aura que vos meilleures troupes
qui combattront. Quoique les ennemis s’avancent
de l’autre côté , -ils n’arriveront à l’aile où font
vos plus foihles troupes, qu’après. que vos meilleures
auront combattu ; & , fi celles-ci mettent
l’ennemi en déroute & le prennent enfuite en
flanc, peut-être ne lui donneront - elles .pas le
temps de s’approcher de l’aile où font vos troupes
les plus foibles.
■ Cette conduite réuffit à Epaminondas dans la
bataille de Leuétrés. S'étant mis à la tête de fes
meilleures troupes*, dont il avoit formé une de fes
ailes , il s’avança pour charger les ennemis ,, &
donna ordre à l’autre aile de le tenir éloignée pour
éviter de combattre.
Sur cet ordre de bataille, il faut obferver trois
ehofes. La première eft de commencer de: loin à
incliner infenfiblement la marche fur l’aile où vous
avez mis vos meilleures troupes, afin qu’en, gagnant
quelque terrein dans le mouvement de con-
verfion , bien loin d’être pris en flanc par üaile
ennemie qui lui eft oppofée., elle déborde au
contraire cette aile. Ainfi celle où font vos bonnes
troupes doit avancer un peu plus que l’autre., afin
■ de fe trouver plus près- des-ennemis, qui, de leur
côté, auront plus de chemin à. faire s’ils veulent
marcher contre l’aile que vous avez deffein de leur
refufer.
Si vous prévoyez que. les ennemis , en s’apper-
cevant que vous prenez du terrein fur une de vos
•ailes, en prendront auffi, vous pouvez faire marcher
entre vos. lignes quelques régiments détachés ,
qui les prolongeront lorfque les ennemis n’auront
plus le temps .de faire le mouvement convenable
pour s’y oppofer, fans renverfer entièrement tout
leur ordre de-bataille.
La fécondé chofe à obferver eft de. mettre vos
bonnes troupes vis-à-vis les plus foibles de l’ennemi.
Vég èce, qui fait la même réflexion , dit
qu’il faut mettre à l’aile droite les corps, en qui on
a le plus de confiance, afin qu’ils n’ayent pas à
combattre contre les meilleures troupes des ennemis
, qui ordinairement forment leur aile droite y &
fe trouvent par conféquent devant vôtre aile
gauche.
Cette réflexion répond parfaitement a ce qpe
pratiqua Scipion l’Africain. Ce général fçachant
qu’Afdrubal avoit mis fes meilleures troupes au
centre, forma les ailes de fon armée de fes plus
braves foldats, & les fit avancer pendant que le
centre marchoit lentement, afin qu’ellesmiflent en
• déroute les Carthaginois , avant que le centre de
l’armée romaine, qui' n’étoit compofée que des
troupes les plus foibles , engageât le combat
avec le centre de l’armée d’Afdrubaî, où étoient
fes meilleures troupes.
La troifième obfervation eft de choifir le terrein
le plus avantageux pour l’aile qui doit attaquer
6c couvrir l’autre , s’il eft poffible , par- un
ravin, un canal, un bois, ou une montagne , afin
que- ces obflacles détournent les ennemis de vous
attaquer par ce côté. Lorfque ces avantages ne fe
préfentent pas, on peut couvrir cette aile par des
chevaux de frife, des tranchées, des charrettes ,
beaucoup d’artillerie : ces lortes de défenfes fendront
àufli à relever le- courage des trpupes de. cette
aile, parce qu’elles craindront moins le danger.
S’il eft bon y à l ’égard de toute forte de. corps. ,
de mettre des officiers en ferre-file r cela eft'encore
plus néceflaire dans les nouvelles troupes. J-y
:pofterois donc deux lieutenants & deux .fergents.a
chaque flanc , 6c je mettrois derrière le quatrième
rang les autres lieutenants 6c les autres ler-
gents , avec quelques caporaux, ou de vieux folr
dats , armés de pertuifannes, & un petit parti de
cavalerie. Je ferois publier que ce parti de cavalerie,
ces lieutenants,fergents, 6c caporaux,ont.un
ordre précis de tuer touts ceux qui abandonneront
le combat. Je donnerois- à entendre que cette
difpofition 6c cet ordre ne regardent par les braves
.foldats qui ont de l’honneur & qui défirent, la
gloire ; mais uniquement les lâches qui aimeroient
mieux mourir avec infamie, de la main des. leurs ,
que de remporter par leur courage.& leur fermeté
une viéloire glorieuie. Il faudroit en effet faire un
exemple des premiers, foldats qui refuferoient
d’aller à la charge *ou qui, fans.la dernière nécef-
fité, fortiroient de leurs rangs.
Il y avoit parmi les Suiffes. une loi qui leur
ordonnoit de. tuer eux-mêmes, touts ceux.de leurs
camarades qui abandonneroient le combat- fans
nécelîité. C ’eft ainfi, dit Beyerlinck, « qu une
plus grande crainte l’emporte fur une plus petite, &
que l’appréhenfion d’une mort infâme fait qu’on ne
craint pas. une mort honorable
Dans l'attaque des lignes.de l’armée françoife qui
afliégeoit Turin,le prince de Hanaw tua quelques-
uns de. fes foldats que la frayeur/aifoit fuir ; par
cette aÛion il. obligea les autres de revenir à la
charge.
Les troupes d’Aulus FofthumiuscommençOient à
plier dans un combat contre les Latins, près du lac
Régille. Le diâateur, ordonna aux troupes qui
étoient près de lui, de. traiter comme ennemi tout
Romain qui s'enfuiroit. La crainte d’un péril fi. évident,
& d’une mort fi honteufe, les fit combattre
avec plus- de fermeté, & ils gagnèrent la bataille*
i
Philippe, roi de Macédoine, dans une bataille
contre les Scythes, fe. défiant dune partie de fes
troupes', fit placer en ferre-file des hommes dé
confiance, 6c leur donna le même, ordre. Le bruit
s’en répandit, & les Macédoniens ,, ayant combattu
pourfauver leur vie, mirent les Scythes en déroute.
-En 1588,1e duc de Médina Sidonia , fe difpo-
font à un combat naval, envoya, fur des bâtiments
légers, trois majors à l’avant-garde , & trois
à l’arrière-garde, avec des bourreaux, 6c leur or--
donna de taire pendre tout capitaine de vaiffeau
qui ahandonneroit le pofte qui lui avoit été afligne
pour la bataille.
Régulus rétablit le combat prefque perdu
contre les Samnites, en donnant ordre de tuer a
l’entrée du camp touts les Romains qui , ayant
pris la fuite , venoient y chercher un afyle. Camille
fit tuer un enfeigne qui marchoit trop lentement
contre les Falilques ; 6c Cornélius Coflùs ,
maître de la cavalerie, ht la même chofe dans un
combat contre les Fidénates. '
Plufieurs écrivains confeillent de faire publier un
ban avant la bataille, pour défendre, fur peine de
la vie , atout foldat d’abandonner fon officier, foit
dans le combat, foit dans la retraite.
Notre ordonnance militaire eft formelle à ce
fii]et. Les Spartiates avoient une loi qui les obli-
geoit de vaincre ou de mourir, en privant du droit
de citoyen touts ceux qui, fans néceffité, avoient
quitté le combat, 6c les faifant regarder comme ennemis
de la patrie. Un écrivain , parlant des anciens
Danois, dit qu’ils étoient invincibles, parce
que la fuite étoit regardée comme une impiété 6c.
une infamie, que ton puniflbit avec la dernière
rigueur.
Platon veut qu’on s’affiire de la valeur & de la
fermeté des foldats, en ne-permettant pas que ceux
qui font pris foient rachetés ou échangés , fuppofé
qu’ils ayent mal combattu. Le Sénat romain ne
voulut pas que huit mille foldats romains, qu’An-
nibal, après la bataille de Cannes, avoit faits pri-
fonniers, fulfent rachetés 6c revinrent dans leur
patrie. Ces huit mille hommes avoient été laifles à
r la défenfe du camp. Ils s’étoient rendus lorfque
l’armée romaine ayoit été tnife en déroute; & c’étoit
dans un temps où le Sénat, après quatre batailles
perdues , h’avoit plus en Italie allez de vieilles
troupes à oppofer au vainqueur.
•On pourra'ifi’objeâer , contre le fentiment de
Platon 6c la conduite du Sénat romain , que , fi les
troupes prifonnières ne peuvent pas fe flatter d’un
échange , ellès s’enrôleront dans l’armée ennemie.
Je .répondrai que, fi elles font lâches , les ennemis
n’en tireront pas de tels avantages , qu’on en doive
regretter la perte. Cependant je crois qu’on pour-
roit les échanger, mais qu’en même temps il faut
leur .infliger quelque peine, qui fubfifte jufqu’à ce
qu’elles ayent réparé leur faute.
au lieu dé placer les meilleurs foldats au premier
6c au quatrième rang, formez-enle premier 6c le
fécond.
11 ne fe fait guère d’autre mouvement dans les
batailles, que celui de marcher de front ou par
converfion : cependant, comme il y a.de la fageffe
à prendre des mefures relatives à ce qui peut arriv
e r , les. officiers des corps auront foin de ranger
les vieux foldats de manière qu’on ne confonde
aucune forte d’évolution qu’il feroit neceffaire de
faire. * . ■ .r T .
1 Ne féparezpas les régiments de chaque nation ,
afin que le defir de fe diftinguer des autres les porte
| à. faire de plus grands efforts. • ' •
î En 1512. , à la bataille de Ravenne, Gallon1 de
| poix forma en trois corps les Allemands, les Ita-
• liens ,& les François , dont fon armée étoit coia-
i pofée , & il gagna la bataille.
\ En ne féparant pas les corps de chaque nation
! on trouve cet avantage qu’à une même voix touts
! obéiffent aux ordres qu’on leur donne. Si une brigade
XI -vous fera utile de prévenir les colonels & les
commandants de bataillon de placer les meilleurs
foldats au premier 6c au quatrième rang ; car, fi ces
deux tiennent ferme , les deux du milieu tiendront
ferme auffi. C ’eft ce qu’obferva Ætius dans la tar
taille qü’il gagna contre Attila , roi des Huns.
Si vous mettez en ferre-file les lieutenants, les
fergents, 6cles capora.ux dont j’ai parlé-tçi-deffus »
, ' au contraire, étoit compofée de différentes
nations , il faudroit paffer à chaque bataillon ou a
chaque régiment, pour leur parler en leur langue.
D ’ailleurs, quelle confufion ne cauferoit pas cette
diverfité de bruits de tambours & de trompettes ;
puifque la marche de l’un paroit être la retraite de
l’autre.
On voit dans l’Iliade qu’Heélor, dont les troupes
étoient de différentes nations , en forma des corps
• féparés, & leur donna des commandants qui parloient
leur langue, afin qu’il y eût moins de confufion
dans l’intelligence 6c dans la diftribution
des ordres. •• , . . , ;
Il eft naturel que ceux qui font unis par l’amitie ,
par le fang , ou par la patrie , fe foutiennent mieux
entr’eux dans les périls , que ceux qui ne font pas
unis par de femblables liens.
Les Thébams , & quelques autres peuples, formèrent
un corps de troupes, où il n’entroit que
ceux qui étoient proches parents, ou amis intimes.
Les uns l’appellèrent la troupe focrée | & les autres,
la troupe invincible. Elle fut employée avec fucces
dans les occafions les plus importantes, & les plus
périlleufes. Celle desThebains combattit avec tant
de fermeté 6c de confiance , que touts les foldats
qui la cgmpofoient furent trouves morts dans le
•pofte où le général les avoit places. _ ^
Vos efpions vous donneront avis,, le jour même
de la bataille , de l’habit que porte le général ennemi,
du cheval qu’il monte, 6c des autres marques
auxquelles on pourra le reconnoître. Ils vous informeront
encore , fi, pendant le combat, le général
doit parcourir les lignes , ou s’il doitfe tenir dans
un cèijtain pofte. Sur ces avis, vous nommerez un
détachement de foldats d’élite, g u i, des que la
bataille fera commencée, & que la chofe paraîtra,
poffible, marchera pour faire prifonnier le général
ennemi. Touts les officiers & touts les foldats de ce
i détachement fçauront à quelles marques ils pour»
. H h ij