x 9 ° A V I
& demain a la pointe du jour doibvent donner
fur fon camp. Et je feray une faillie de cefte ville
par un des coftez : de façon qu’il fera bien habile
homme , s’il fe fauve. Je vous en ai bien voulu
advertir ; mais je vous prie que la chofe foit tenue
fecrete ».
Bayard chargea un payfan de porter cette lettre
au feigneur de la Mark, ne doutant point qu’il
ne fût pris par quelque troupe ennemie. Il le fut
en effet à peu de diftance , & mené à Sickingen,
auquel il remit par crainte la lettre dont il étoit
porteur. Le général allemand l’ayant lue , crut que
le comte de Naffaw ne l’avoit placé de l’autre côté
de la Meufe que pour a cejle heure , le facriner. Je congnois bien ne tafche que àd imt-eil p, eqrduree^ M; omnafeisi gpnaeru lre dfea nNg aDffaiewu
il rien fera pas ainfi. Auffitôt il donna fes ordres
pour le départ , & fit repaffer la rivière à fes
troupes. Le comte de NafTaw , entendant les
tambours , envoie fçavoir ce que ç’eft. L’officier
qu’il en chargea vînt lui dire qu’il .avoir trouyé
le camp du leigneur de Sickingen en armes, &
que çé général fe difpofoit à repaffer la Meufe.
Le comte furpris, & voyant que le liège feroit levé
par ce mouvement, renvoie promptement vers
Sickingen , pour le prier de rie pas décamper ,
avant qu’il lui ait pailé & lui repréfente combien
ce changement de pofitîon feroit contraire au fervice
de leur maître. Retourne£ dire au comte de Naffaw,
arépppoéntidt jiet- inle , dqeumee ujere rraieyn p afesr àa il ar ibeonu c, h&er ieque à fon . Et, s’il pvaeur t lem ec ogmarbdaet rà d eq ulio gdeerm aeuuprreèrsa dlee lucaim, pnous verrons à moy. , à lui -ou Le comte , encore plu« fqrpri^ àp £ettp
r-eponfë, & craignant d’être attaqué par un jiômme
qui ne pouvoit alors que lui fémbler frénétique,
met fes troupes en bataille. Celles de Sickingen
paffent la rivière , & fe forment devant’ l’aûtre
corps , comme dans le deffein de fe charger. Le
lendemain les deux généraux s’éloignèrent de la
place. ( Hifi. de Bayé 1619. f . p.. 374. an, 1517. V
Au fiège de Perpignan, par le Dauphin , en
1542, le maréchal d’Anne'baut fe laifta tromper
par un maçon que lui envoyèrent les afliégés,
pour lui perfuader de les attaquer par l’endroit
le plus fort de la place. Le marquis de Guaft,
affiégeant Mondevi, .où Le feigneur de Dros com-
mandoit , lui fit remettre des lettres fuppofées de
M. de Botieres , général des troupes du Roi en
Piémont , par leiquelles celui-ci étoit cenfé îui
écrire qu’il pouvoit prendre confeil de fa fituation ,
& qu’il ne recevroit aucun fe cours. Ces lettres déterminèrent
le feigneur de Dros à fe rendre.
AVITAILLEMENT. Fou rniture de yivres. -
( Voye1 A p provisionnement. ).
AUDACE. Sentiment qui fait braver un danger
auquel il ne paroît pas poffible que l’on échappe.
Ce généreux fentiment, fouvent utile à la guerre,
ne peut, comme touts les autres, être enleigné
que par des exemples.
A U D
Après la défaite & la mort des deux Scipîons en
Efpagne , l’armée conféra le commandement à
Lucius Marcius , jeune chevalier romain , dont
1 efprit & le courage étoient fupérieurs à la fortune
dans laquelle il étoit né. L’exemple & les
leçons de Cn. Scipiôn, fous les ordres duquel il
avoit fervi longtemps , avoient développé fes talents
ôt fes grandes qualités. Afdrubal pourfuivant
fa viéfoire, vint fe prelènter devant le camp des
Romains. A la vue du vainqueur la terreur renait
en eux : leurs armes font oubliées ; ils s’abandonnent
aux larmes , tendent leurs mains vers le c ie l,
accufent les dieux, fe frappent la tête , fe roulent
par terre, & fe regardent l’un l’autre en filence.
Un bruit de trompettes fe fait entendre : c’étoit
1 ennemi. Le délefpoir devient fureur. Ils courent
aux armes , s’élancent .aux portes , contre les vain- ■
qoeurs qui s’avancoient .avec négligence. Ceux-ci,
frappés d’étonnement, fe demandent d’où naît .cette
arrilée, quel eft le général , quel ,eft celui qui pré»-
ffde au camp , qui a donné le fignal ? Frappés de
pes événements inattendus, incertains, flottants,
ils craignent fe retirent. Attaqués auffitôt ils
prennent la fuite. Marcius, jugeant qu’une pour-
luite téméraire pourvoit devenir funefte, ramena
fes troupes, mais fans laiffer échapper ce moment
précieux. Il leur prppofa d’aller le lendemain attaquer
l'ennemi dans fon camp. L'audace du gër-
néral paffa foudain dans toute l’armée’.
Le refte du jour fut donné au foin des armes ,
aux befoins des corps , partie de la nuit au repos :
on fe mit en mouvement à la quatrième veille.
Au-delà du camp ennemi le plus voifin , il y en
avoit un autre à fix milles de diftance, & une vallée
profonde que .des arbres ombrageoient. Au milieu
de ce bois, & à diftance égale des deux camps ,
Marcius cacha une .cohorte romaine, &. quelque
cavalerie. Il conduifit le refte des troupes en filence
au camp le plus voifin ; & n’y trouvant aucune
garde ni aux portes ni à l’intérieur, elles y
entrèrent fans oppofition, comme dans leur propre
camp. Au fignal donné l’armée jette un cri : les
mis .tuent les ennemis demi-endormis , les autres,
le feu en main , embrafent les huttes de chaume ,
d'autre? s’emparent des portes , pour empêcher la
fuitp. Au milieu des flammes, des cris, de la mort,
les Carthaginois éperdus, courant cà & là , fans
rien entendre ni prévoir , fe jettent fans armes
entre les troupes armées ; les uns aux portes, les
autres , trouvant tous les paffages fermés , frarn.
çhiffent les retranchements , s’enfuient vers le fécond
camp , & périffent enveloppés par la cor
fiorte ÔL les cayaliers embufqués.
Marcius ne s’arrêta point. Il marcha fi promptement
à l’autre, camp des ennemis, qu’à peine ceux
qui par hafard avoient échappé du premier, au-
roie.nt pu y porter la nouvelle de fa deftruftion.
Dans celui-ci, comme plus éloigné des Romains ,
la négligence étoit encore-plus grande. Une partie
des foldats étoit au foprage, au bois, ou au butin,
À u fi
te s feules arrhes des gardes étoient à leurs poftes ;
Les Carthaginois étoient couchés ou le promenoient
devant les retranchements & les portes. Ce fut
dans cet\état de défunion Sc de fécurité que les
Romains, transportés encore de l’ardeur du premier
combat,_ & de l’orgueil de leur viétoffe , les lur-
prirent & les attaquèrent. Ils ne purent être arrêtés
aux portes ; mais , aux premiers cris, tout
le camp ayant pris les armes , il s’engagea un
combat furieux. Il eût duré longtemps, fi les boucliers
fanglants des Romains , annonçant aux Carthaginois
leur premier défaftre , ne leur euffent pas
imprimé une terreur qui précipita leur fuite.. (Liv. L. XXV. C. 37 & Jeq. )
Ce fut peut-être d’après- ce grand exemple , que
les ducs de Weimar &. de Rohan-renouvelèrent
le même aéte d'audace dans les plaines de Rhin-
feldt. Ils venoient de perdre une- batai le contre
les Bavarois. Une partie de leurs troupes avoit
péri ; l’autre étoit prifé ; le refte s’étoit enfui à
cinq ou- fix lieues. Us fe voyoient fans vivres ,
fans bagages, fans munitions, fans artillerie : l’armée
viétorieufe- leur avok tout enlevé', excepté le
jugement & le courage. Le duc de Rohan, efprit
hardi & vigoureux , propofe à fon collègue de
marcher aux ennemis. Weimar juge le deffein
digne de l’an &. de l’autre. Ils rallient leurs troupes ,
fondent les officiers- ; ceux-ci les loldats ; touts
répondent qu’ils font prêts. Iis marchent dans l’ef-
pôir d’effacer leur honte par la vengeance. La
vue de cette route qu’il avoient parcourue en
fuyant', redouble leur ardeur.. Us avancent auffi
rapidement que la nuit le leur permet, & dans un
grand filence. Un’ filence plus profond encore
regno.it- au camp ennemi, avec le fommeil. Le
foldat y avoit célébré fa viéfoire, luivant Ion ufage,
en fe remplifiànt d’aliments“ & de vin. Les généraux
avoient rois peu de gardes. Elles étoient- endormies.
L’armée entière fut furprife fous fes tentes.
Quelques-uns réveillés par les cris des bleftés ,
coururent inutilement à leurs armes : le défordre
ne leur laiffoit que le- choix de la mort ou de la
fuite. Une grande partie périr; une autre fut pnfe ;
le refte échappa: Les vaincus, vainqueurs à leur
tour , eurent pour le prix de leur audace tout ce
que l’ennemi poffédoit & ce qu’ffsavoient perdu.
( Folard. tom. /. p. 19 r. an. 1628. )• L'audace fait fouvent triompher une petite armée.
Lor-i’que , fous le règne’ d’Éfféés, (888 ) , les Normands
ravageoient la France , ce prince ne balança
point à les attaquer avec des forces très inférieures!
Us étoient- audacieux eux-mêmes r mais il eft ordinaire
aux hommes de ce caraélère,-d’être étonnés
de le trouver dans les autres. Eudes, avec mille
hommes-de cavalerie-, attaqua une armée de dix-
neuf nû!l.e hommes-, & la défit complètement.
(, H if. de Fr. VelLy , 7 . 2 , p. 177. ).
Gè généreux fentiment peur tirer des plus grands
dangers celui qu’il anime..- Philippe Augufte , plus
brav.e qu’habile.,, marchant- in-eonfidérément- ayec
A U D 199
environ deux mille hommes , tant cavalerie qu’in-
fanterie , fe trouva tout-à-coup en préfence de
l’armée angloife. Méneffier de Mauvoifin , vieux
& expérimenté chevalier , lui conféilloit la retraite. Moi, dit-il, fuir devant Richard , devant un vajfal !
U chargea l’armée ennemie , perça la ligne , &
gagna Gifors. ( Ibid. C.lll.p. 396. Mé^er. T. II.
f°.p. 136, an. 1197. )■■ L’audace de quelques hommes peut jetter 1 épouvanté
& le détordre dans toute une armée. Nous
en avons un exemple antique & célèbre dans là
viftoire que Jonathas remporta fur les i'hiliftins.-
Saü-1 , ayant vaincu fe fuperbe roi des Ammonites ,
congédia fes troupes, & n’en garda que trois mille.
Deux mille relièrent avec lui à Machmas & au
mont Béthel. Jonathas commandoit les mille autres
à Gabaa de Benjamin. Plus courageux- que' prudent
, ce jeune homme , plein d’ardeur , attaqua
& défit un corps de Phihftins pofte près de cette
ville. Auffitôt ce peuple affemble fix mille hommes
de cavalerie , une infanterie nombreufe, & trente
mille chariots. Ces préparatifs effrayèrent les Israélites.
Les Philiftins leur avoient enlevé touts les
moyens de fabriquer des armes : ils ne permettoient
même pas que fes inffruments de labourage & les
haches fuffent tranchantes. On n’auroit pas trouvé
dans tout Ifraël un ouvrier en fer. Saul & Jonathas
étoient les feuls qui euffent des armes. 11 fallut recourir
aux outils, & aiguiler les focs:, les hoyaux „
les fourches, les haches.
Les Philiftins, campés à Machmas, envoyèrent-
trois corps de troupes faire le ravage dans les campagnes.
Les Ifraélites étant cféfarmés', l’effroi les
faiiit : prefque touts s’enfuirent' dans- les montagnes
,. & y cherchèrent un - afylé au-fond des ca—-
vernes. Il n’y en eut que fix cents qui eurent le
courage de- fuivre léurs princes.
Le camp des Philiftins-étoit placé fur une.hauteur
, efearpée de touts. côtés. Jonathas ofa s’en ap-~
.procher feul avec fon écuyer. L'ennemi, mettant-
toute fa confiance dans la force du lieu- qu’il- oc--
eupoit , fe gardoit négligemment. Quelques-uns*
ayant apperçu ces- deux hommes" qui tentoient de-
gravir ; voilà , dirent-ils , lès Ifraélites qui Jortent de leurs cavernes ! Ils lèur crièrent , approcheç , : nous vous montrerons ce que nous fommes. Ce ton
méprifant fut pour Jonathas une preuve de lem*.
fécurité. Alors; concevant 1 efpérance demrprendre
quelque-pofte , il gravit avec ion compagnon-, fut
lés-pieds-& fur les- mains-, jufqu’âu haut de l’efcar-"
pement , trouve • '.es-Philiftins endormis , fe jette,
fur ies premiers qu’il apperçoit-,.& en tue vingt.'-
Les autres; s’éveillant., ignorant ce qui (urvenoit ;
ne pouvant'penlèr que deux hommes teuls ont l'audace de les attaquer , s’enfuient , rép.ancent
l’allàrtne; On crie de touts côtés , on court aux.
armes.- 11 y avoit dans cette multitude plufieurs
nations qui ne s'entendoient nirre le connoiffoient :
elles'fe prirent pour ennemis*, &" fe charge;eut
avec furie. Dans ce moment de contufion", Saul