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l’avant-gatdè dès ennemis & votre arrière - garde ,
les ennemis ne fe laifferont point tromper par
ces apparences , principalement s’ ils font plus
forts en chevaux ; parce qu’ils feront avancer
toute leur cavalerie pour charger la votre, fuppofé
qu’ils la trouvent feule , ou peu accompagnée , & ,
iuppofé qu’ils la trouvent foutenue par toute
votre armée, ils fe retireront vers leur gros. Ge
fige raifonnement fut celui de Philippe V & du
maréchal de Bervick , qui étoit ; d’avis de faire
charger, avec toute fa cavalerie, celle du marquis
de Las Minas, lorfqu’il faifoit retraite à Guada-
laxura ; mais malheureufement ce fentiment. ne
fut pas approuvé des autres généraux , & il ne
fut pas fuivi. (1706.,). Quelque temps auparavant,
le maréchal fe retirant de Barcos, fon arrière,-
garde fut chargée par la cavalerie ennemie. Il en
battit les premiers efcadrons , avec deux régiments
qui foutinrent l ’attaque;: il, chargea en-
fuite , fans lui donner le temps de fe former,' la
cavalerie angloife & la hollandoife , qui arrivoient
fucceffivëment , & avec cinq mille hommes de
cavalerie , il en repouffa plus de vingt mille ,
obligea l’ennemi de fe, retirer ,& acheva tranquillement
fa retraite.
Si vous, avez de prenants motifs pour éviter.d’être
joint par l’avant-garde ennemie , & que les moyens
propofés ici ne fuffifent. pas il ne relie d’autre
reffource que d’abandonner des chariots & des
mulets chargés de bagages: en divers endroits un
peu éloignés les uns des autres ; afin que les .pre^
mières troupes de l’armée ennemie fe débandent *
& s’arrêtent pour enlever les chevaux, & piller
les équipages. Dans ce défordre , l’exemple des
premières troupes fera bientôt fuivi par les autres. •
Quelques rigoureijfes que foient les défenfes , les.
officiers ne feront plus les maîtres de retenir les
foldats ; qui, voulant touts avoir part au butin
retarderont leur, marche, & vous -donneront peut- ;
être le temps de vous échapper. ( SanÜa Crux. ).
Les règles générales données pour l’attaque &
pour la défënfe. doivent être, employées à; l’égard
de ïarrière-garde ; mais il eft très difficile, de les
y appliquer. Dans, un combat, ou dans une bataille
, on a eu le. temps de fe préparer, de recon-
noître le. terrein ^ défaire fes difpolitions. Ici , au-
contraire.., le . terrein change à chaque inftant, &
demande des difppfitions différentes, des. mouvements
fubits ; ce font des défilés , .des plaines , des.
villages, des: bois, des marais: qu’il.faut traverfer,;
des lùrprifes. auxquelles il faut remédier , une
attaque, continuelle à. fupporter,; des troupes ennemies,
à. contenir , tromper -, fuir, attaquer tour-
àrtour, fuivant le changement de, fcène. Le gé=
néral : doit donc avoir une connoiflance profonde -
des. principes une grande habitude de leur application
, l’efprit fécond en reffources, -toujours
attentif, toujours, préfent, rapide en fes.-combinaisons,
clair en fes ordres : les troupes- doivent
etxécmer-aveo^lïurance, promptitude, ik régularité.-I:
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Et tout cela doit exifter à la fois dans touts les>
inftans pendant une longue marche. C ’eft cette
fucceffion , cette continuité, & cette execution
rapide qui font de la conduite d’une arrière-garde
une des parties de la guerre les plus difficiles. Ce
n’eft pas , comme l’a'cru le chevalier Folârd , (tom,
111. L. II. ch. VI. pag. 171. not. Z>v) , que les règles
nous manquent. C ’eft la préfence d’efprit néceffaire
pour appliquer ces règles à une fcène toujours
variée. Il convient lui-même que, comme le pays -
change' à chaqué- pas qu’on fait , i l . faut une attention
infinie , &. changer l’ordre de la marche,
fuivant la nature, des lieux. Cependant il demande
une méthode & des' principes- particuliers
pour cette partie de l ’art. Mais il ne peut y avoir
de tels principes que pour des circonftances constantes.
Si elles font fugitives , fi elles varient fans
ceffe, il: faut recourir aux principes plus généraux-
qui les embraffent toutes ; & , fi elles deviennènt,
pour ainfi dire ,. infinies , on ne. peut y appliquer
que les principes fuprêmes, c’eft-à-dire les plus •
généraux. Auffi, Folard, en voulant affigner ici*
des principes, n’en donne que de fautifs, parce
qu’ils ne conviennent qu’à un petit nombre de
cas. Il avance que là cavalerie eft de peu d’ufage
dans ces fortes d’aélions. Il ne voyoit donc en
ce moment qu’une éfpèce de terrein : là cavalerie ■
peut être certainement d’un grand ufage. à une
arrière-gdrde.y foit pour l’attaque , foit pour là dé-
fenfe. Cela eft fi évident qu’i f change bientôt dè
principes, & qu’en prop.ofant une difppfition pour
l ’attaque, d’une arrière-garde , il fait charger.„en
même temps par l ’infanterie & par là cavalerie.-
D ’ailleurs, dans tout-ce qu’il dit fur là conduite
d’une arrière-garde , oh ne trouve, comme on le *
va voir ,, que. les principes généraux de l’attaque-
& de la défenfe , & pas un feul qufpuiffe convenir
particulièrement & uniquement à-cette partie
de la guerre. On y trouve auffi quelques principes -
particuliers .3 qui, étant généralifés, font défeétueu.x.
« Les attaques à'arrière-gard* demandent :
beaucoup de vigilance, & de hardieffe, moins de
confeiî que d’exécution , & un grand ordre dans-s
le combat comme dans la marche. Il faut encore •
avoir, égard aux temps. & aux lieux : car celles -
qui fe.. font dans les plaines font très difficiles , '&
très dangereufesi Cette partie de là- guerre eft -
renfermee dans les retraites: d’armées ou de corps
de troupes. Il y . a peu de généraux -qui s ’embarquent:
dans ces fortes d’entreprifes > fi l’ennemi, .
quittant la plàine , ne- fe;.voit -pas, obligé-de. s’en---
gager dans: un pays difficile & de défilés : car l a -
guerre, nous fournit de .£ .bonnes-règles .& des ■
mefures fi. fures à. l’égard des plaines , qu’il» eft
bien, difficile- qu’un général expérimenté puiffe être
attaqué., à fon-arrière-garde& qu’il • ne foit. en -•
état ,de la foutenir par fon corps de bataille. To,ut.
dépend .del’exçellençe de fa marc|ie_daffÿf ^g|lrej;, .
& i ’adminiftraition de fe.s colonies ^afin .qpeftd’un
feuri temps., &. .d’une_mên.ie?yinanpjiÿre.. l'armé eiè--
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iffouve en bataille. Dans ces fortes d’affaires 1 avant-
garde , qui marche en intention d’attaquer une
arrière-garde , doit être foutenue de près par toute
l ’armée, ou de la plus grande p a r t ie p o u r s en
fervir aux occurences. Sans cette précaution , une
avant-garde fe trouve en déroute, avant qu on
puiffe avoir le temps de la fecourir : mais il ne
s ’agit pas ici de ces. fortes de -cas : il s agit d une
armée obligée de fe retirer par un défilé au fortir
d elà plaine, & ces fortes d’entreprifes font les-
plus aifées, & les plus fures dans l’execution. -
La connoiflance du pays par où 1 ennemi fe
retire eft i c i , comme dans toutes les affaires de
campagne, la choie du monde la plus importante.
Après avoir attaqué Une arrière-garde, ou l’avoir
pouffée jufques dans le défilé , il faut avoir une
exaéle connoiflance des lieux où l’on s engage :
car dans ces fortes de fituations , il eft -aile a un
général habile de femer & de préparer des pièges,
-ou des embujfcades doubles & triples : E t , quelquefois.,
l ’ennemi qui c-onnoît les lieux -où il
■ marche, & où le gros de l’armée a déjà défilé, nous
•attire dans de mauvais pas par des fuites fimulées ,
•ou fe pofte avantageufement, comme firent les
Etoliens ( devant Aratus Car ils ne crpyoient
pas qu’il fût honteux de fe retirer devant un ennemi
plus fort qu’eux ; mais ils c-royoient qu’il
l’étoit beaucoup plus de fe faire battre •;»& , dans
•ces cas , on évite l’ennemi poûr chercher un pofte
où l’on puiffe faire ferme par l’avantage de la litua-
tion , en attendant du fecours. Voilà bien des
cho.fes à obferver, & qu’on doit prévoir \ & par
•conféquent les leçons qu’on doit apprendre d’avance
plutôt qu’après l ’évènement, &. aux dépens
de fon honneur &. de la patrie.
Dès qu’on eft dans la réfolufion d’attaquer une
■ arrière-garde, on doit couvrir fon deffein de telle
forte que l’ennemi n’en puiffe rien foupçonner,
•dû moins l’ordre dans lequel on veut combattre . . . .
L e meilleur & le plus prudent dans un général
•d’armée eft d’être attentif & bien informé de ce qui
fe paffe chez fon ennemi, & d’attendre l’occafion
de fa marche pour attaquer fon arrière-garde, &
•du moins pour engager une partie de les forces
dans un combat, fi la foibleffe ne lui permet pas
4e . combattre le tout , & de défaire l’une pour
avoir meilleur ' marché de l’autre, par la terreur
qui naît ordinairement d’un premier avantage :
•outre ■ qu’une armée qui fe voit harcelée d’une
■ autre , & qui craint à fon arrière-garde, n’eft jamais
fi affurée que celle qui la fuit...................
Le fecret & la diligence font les deux pôles
fur lefquels roule l’exécution des grandes entre-
prifes , & particulièrement dans une attaque
ddarrière - garde. Si on la fuit perpétuellement en
queue avec de grandes efcarmouches , -cette
■ arrière - garde n’avancera pas beaucoup , non
plus que le gros de farinée ; mais elle s’en
verra appuyée ; & , lorfqu’il faudra entrer dans,
te défilé, elle campera à la tête , & s’y fortifiera
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pour le paffer à la faveur de la nuit , de forte que
l’on peut manquer fon coup } au lieu qu en fui—
vant une autre méthode., on cache fon deffein^,
& on peut être affuré de n’avoir affaire qu’a
/’ arrière-garde , pendant que le gros de 1 armée s en
trouve éloigné. Le meilleur & le plus prudent eft
de ne point branler de fon camp , d etre aux
écoutes, d’avoir plufieurs partis en campagnes ,
pour avoir des nouvelles de l’ennemi a chaque moment,
& de marcher à lu i, lorfqu’on fera averti
-qu’il eft décampé , &. qu’il eft en marche ; alors le
général, fans perdre aucun temps , foit de nuit
ou de jour , détachera fur le champ touts les grenadiers
de fon armée, touts les dragons & la plus
grande partie de fa cavalerie , avec un grenadier,
en croupe pour faire plus de diligence. Toute
l’armée fuivra fans équipage.
M. Folard propofe ici un ordre de bataille
pour attaquer l’ennemi qu’il fuppofe auffi dans un
ordre donné. Ces fortes de fuppofitions n étant
jamais que des jeux d’imagination qui ne peuvent
avoir d’utilité réelle, parce qu’elles^ ne fe reirou-
veroient pas en des millions d années & de corn-
binaifons diverfes , je renvoie le leâeur curieux 4e
la connoître à fon ouvrage ( -tom. Vï liv» I V 1 ch. 3 9
pag. 22 ) . ' .
« I l faut obferver, continue-t-il , que lorlquil
s’agit à’attacpiGi--l’arrière-garde d’une armee , qui ,
au fortir d’une plaine , s’engage dans un défilé de
montagnes ; il faut que l’infanterie égale au moins
en nombre la cavalerie ; outre que le mélangé de
ces deux armes qui fe foutiennent réciproquement,
relève le courage & les efperançes de toutes les
deux ».
Je vais donner quelques exemples d attaques
d’arrière-garde, & je réfumerai enfuite les principes
qu’on en peut tirer, en les rapportant aux pria-,
cipes généraux cfattaque & de défenle. ^
Les Belges s’étant raffemblés pour venir combattre
Cæfar , & n’ayàht pu ni prendre Bibrax ni
pàffer devant lui l’Axone, ( aujourd’hui 1 A lin e ) , ni
l’engager à une aâion dans un lieu defavantageux ,
affembllrent un confeil, & décidèrent que le mieux
étoit 4e retourner dansleurs domiciles, de s allé m-
bler de toutes parts pour défendre ceux dans le pays
defquels les Romains introduiroient leur armee , de
combattre fur leurs frontières plutôt que fur.celles
d’autrui, & d’y vivre de leurs propres grains qu ils
poüvoient y avoir en abondance. A^ ces raifons-
fe joignit celle de l’approche de Divitiac & des
Æduens, (habitans de l’Autunois ) , de la frontière
des Bellovaques, ( habitans du Beauvoifis ) : on ne
pouvoir leur perfuader de s’arrêter plus longtemps,
& de ne . pas fecourir leurs compatriotes»
Cette réfolution étant prife , iis fortirent de leur
camp à la fécondé veille,( neuf heures du foir),avec
•beaucoup de bruit & de tumulte , fans ordre , laps
commandement, parce que chacun vouloir avoir
la tête de la 'marche, & revenir au plutôt chez