
exécutées fans vaines fupercheries, & odieufes fub-
tilités : fi elles font violées, ce n’êft pas manifef-
îement. Nos moeurs ont corrigé des abus atroces ,
qui n’ont jamais été que funeltes au genre humain.
Les Turcs mêmes, quoique la politique de leur
gouvernement ôc de leurs princes n’ait d’aütre
objet que la confervation de leurs états, & l’ambition
d’en acquérir d’autres par toutes fortes de
moyens, regardent depuis plufieurs règnes comme
un point d’hbnneur l’obfervation des traites qu’ils
font avec les chrétiens. Celui qui fut accordé à
la garnifon de Neuhaufel, en 1663 , en eft une
preuve.
Mais leur hiftoiie antérieure n’eft remplie que
d’exemples de capitulations violées ; comme ceux
de Mahomet I I , ôc de Soliman , général de l’empereur
Soliman II.
Le premier, à Négrepont , ayant flipulé avec
Paul Orizzo, qu’il lui iauveroit la tête , le fit fcier
par le milieu du corps ; & ce barbare prétendit
n’avoir pas violé f i capitulation. Le fécond capitula
avec un nommé Pachéço , gouverneur du château
pour les Portugais , fous condition que touts
ceux qui l’avoient détendu auroient leurs perfonnes
fauves. L’article fut figné en ces termes ; mais le
général Ottoman fit enfuite couper la tête à Pachéço
, fous prétexte que la tête 8tle corps n’étoient
pas compris dans la capitulation.
On mépriferoit aujourd’hui, on détefteroit comme
perfide un général qui , ayant fait une trêve pour un
certain nombre de jours , attaqueroit fon ennemi
pendant la nuit : ou q u i, devant remettre la moitié
des vaiffeaux qu’il auroit pris, les partageroit touts .
en deux : en effet, des fubtilités auffi odieufes méritent
de tels fentiments.
Je ne crois pas qu’aujourd’hui les Turcs, tout
féroces qu’ils font encore à plufieurs égards, ofaffent
commettre de femblables horreurs : la crainte des i
repréfailles les contiendroit ; & il faudroit que les
princes de l’Europe eufïent bien du fens froid pour
les fouffrir. Il y auroit affurèment une injuftice
indigne de nos moeurs a&uelles d’aller enlever au
Turc fes poffefïions, comme firent autrefois nos
dévots & iniques aïeux, par leurs ftupides croifades.
Mais le danger du fyftème qui tendroit à perpétuer
une barbarie aufïi deftruâive que la violation des
traités , des loix naturelles, & du droit des nations,
feroit un motif légitime pour les autres puiffances
d’abattre jufqu’à l’anéantiffement celle qui auroit
cette férocité, 8c ne voudroit connoître de loi qu’un :
infolent caprice. ( J ).
Nous allons raffembler ici les conditions que
demande ordinairement le gouverneur qui fe voit
obligé de rendre la place qu'il a défendue. '
Elles varient fuivant les différentes circonfiances
& fituations où il fe trouve. Voici les plus ordinaires.
i ° . Que la garnifon fortira par la brèche avec
armes ,8c bagages, chevaux , tambour battant ,
.mèche allumée par les deux bouts,balle en bouche,
drapeaux déployés, un certain nombre de pièces
de canon & de mortiers , avec leurs armes, ôc des
affûts de rechange, des munitions de guerre pour
tirer un certain nombre de coups ; pour être conduite
en fureté dans la ville- qu’on indique , 8c qui eft
ordinairement la plus prochaine de celles qui appartiennent
aux afîiégés : on obferve de mettre par
le plus court chemin , ou on indique clairement celui
par lequel on veut être mené. Lorfque la garnifon
doit être plufieurs jours en marche pour fe rendre
au lieu indiqué, on demande que les foldats foient
munis de provifions de bouche pour quatre ou
cinq jours', fuivant le temps que doit durer la
marche par le chemin dont on eft convenu.
2°. Que l’on remettra le foir, ou le lendemain
à telle heure , une porte de là ville aux afîiégeants ,
& que la garnifon en fortira un jour ou deux après,
fuivant ce dont on fera convenu à ce fujet de parti
& d’autre.
3°. Que les afîiégeants fourniront un certain
nombre de chariots couverts , c’e f t - à - d ir e , qui
ne feront point vifités, & en outre des chariots
pour conduire les malades & les bleffés en état
d’être tranfportés , & en général toutes les voitures
néceffaires pour emporter les bagages de la garnifon
, 8t l’artillerie accordée par la capitulation.
4°* Que les malades & les blelîés, obligés de
refter dans la ville i pourront en fortir avec tout
ce qui leur appartient , lorfqu’ils feront en état
de le fa ir e ,-& qu’en attendant il leur fera fourni
des logements gratis , ou autrement.
5°. Qu’il ne fera prétendu aucune indemnité
contre les afîiégés , pour chevaux pris chez le bourgeois
, 8c pour les maifons qui ont été brûlées ,
& démolies pendant le fïège.
6°. Que le gouverneur, touts les officiers de
l’état-major , les officiers des troupes, & les
troupes elles-mêmes , 6c tout ce qui eft au fervice
du roi , fortiront de la place fans êtrefujets à
aucun aâe de repréfailles , de quelque nature que
ce puiffe être , 8c fous quelque prétexte que ce
foit. '
7 0. Si ceux auxquels on rend la ville font d’une
autre religion que les habitants, on ne manque pas
d’inférér dans la capitulation que celle des bourgeois
fera confervée dans la ville. On peut même
étendre, cette condition aux loix 6c réglements
civils.
8°. Que les bourgeois 6c habitants feront maintenus
dans touts leurs droits, privilèges 6c prérogatives.
90. Qu’il fera libre à ceux qui voudront fortir
de la ville d’en fortir avec touts leurs effets, 8c
d’aller s’établir dans les lieux qu’ils jugeront à
propos. On y marque auffi quelquefois , ( 6c on
le d o it, lorfqu’on craint que l’ennemi ne traite
avec trop de rigueur les bourgeois, à caufe des
marques d’attachement qu’ils auront données pendant
le fiège pour le prince dont ils quittent la
domination K qu’ils ne feront ni inquiétés ni recherchés
pour aucune des chofes qu’ils auront pu
faire avant ou pendant le fiège.
io°. On met auffi dans la capitulation , qu’on
livrera les poudres 6c les munitions qui fe trouveront
dans la place, 6c qu’on indiquera les endroits
où il y aura des mines préparées.
n ° . Que. les prifonniers faits de part 6c d’autre
pendant le fiège feront rendus.
Il faut oblerver que pour qu’une place foit reçue
a compofition , il faut qu’elle ait encore des vivres
8c des munitions de guerre au moins pour trois
jours ; fans quoi elle le trouveroit obligée de fe
rendre prifonnière de guerre. Mais, fi l’affiégeant
uen eft point informé, 6c que la capitulation tnt
été fignée, il ne feroit pas jufte de retenir la garnifon
prifonnière de guerre, lorfqu’on reconnoî-
troit fa difette de munitions.
Quand l’ennemi ne veut point accorder de capitulation
, à moins que la garnifon ne fe rende prifonnière
de guerre ; 6c qu’on fe trouve dans la
fâcheufe néceffité de fubir cette lo i , on tâche de
l’adoucir autant qu’il eft poffible, 6c on convient
alfez communément.
1 °. Que le gouverneur 6c les principaux officiers
garderont leurs épées , piftolets , bagages , ôcc.
2 . Que les officiers fubalternes, au-defïbus des
capitaines , auront leurs épées feulement , avec
leurs uftenfiles ou bagages.
3 °* Que les foldats ne feront ni dépouillés , ni
difperfés.
4°. Que la garnifon fera conduite en tel endroit
pour y demeurer prifonnière de guerre.
5 . Que les principaux officiers auront la per-
miffion d’aller vaquer à leurs affaires pendant deux
ou trois jours.
6°. Q u e , lorfque la garnifon évacuera la place ,
il ne fera pas permis de débaucher les foldats,pour
les faire déferler.
Lorfque toute la capitulation eft arrêtée, il entre
dans la place un officier d’artillerie des afîiégeants,
pour faire , conjointement avec un officier d’àrtil-
lerie de la garnifon, un inventaire de toutes les
munitions de guerre qui fe trouvent dans la place :
il y entre auiîi un commiffaire des guerres , pour
faire un état des munitions de bouche qui s’y
trouvent encore.
Lorfqu’on prévoit être dans la néceffité de fe
rendre, 6c que l’on a des magâfms confidérables
de munitions de guerre ou de bouche , on en gâte ’
autant que l’on peut avant de parler de fe rendre ,
afin qu’il n’en refte dans la place que ce qu’il doit y
en avoir pour pouvoir capituler , 6c que l’ennemi
n en profite pas : fi l’on attendoit, pour les brûler J
o* gâter , que l’on entrât en capitulation , l’ennemi
pourroit inîifter à ce qu’ils fuflent confervés ; mais'
il ne peut plus y penfer lorfqu’on a pris fes précautions
auparavant.
Dès que les afîiégés ont livré une porte de leur
vifle aux afîiégeants, le premier régiment de l’ar-
mee s en empare, 6c y fait la garde.
Lé jour venu que la garnifon doit fortir de la
i place , on fait mettre l’armée allégeante fous les
armes ; elle fe range ordinairement en deux haies
de bataillons, 6c d’eicadrons , 6c la garnifon paff«ç
au milieu. L’heure venue de la fortie , le général
8c les principaux officiers fe mettent à la tête de-s
troupes, pour la voir défiler devant eux.
Le gouverneur fort à la tête de la garnifon ,
accompagné de l’état-major de la place, 6c des
principaux officiers ; il la fait défiler dans le meilleur
ordre qù’il lui eft poffible. On met ordinairement
les anciens régiments à la tête ôc à la queue , 6c
>. les, autres au milieu avec les bagages. Lorfqu’on
a de la cavalerie, on la partage de même en trois
corps pour la tête , le centre , 6c la queue. On détaché
des cavaliers 8c de petits corps d’infanterie
pour marcher le long des bagages, 6c veiller à
leur fureté , afin qu’il n’en foit pillé aucune partie.
L’artillerie accordée par capitulation marche
après le premier bataillon. Lorfque la garnifon eft
arrivée à la place où elle doit être conduite , elle
remet à fefcorte les otages des afîiégeants ; ôc,
j lorfque cette efcorte a rejoint l’armée, on ren-
| voie les otages que les afîiégés avoient laiffés pour
l a fu reté de l’efcorte , des chariots, 6c autres chofes
; accordées par l’armée afïiégeante pour la conduite
de la garnifon.
Lorfque la garnifon eft prifonnière de guerre ,
on la conduit auffi avec efcorte jufqu’à la ville où
on doit la mener fuivant la capitulation.
Tout ce qui eft porté dans les capitulations doit
être facré 6c inviolable, 8c l’on doit entendre touts
les termes dans le fens le plus propre 8c le plus
naturel ; cependant on ne le fait pas toujours. II
faut que le gouverneur apporte la plus grande
attention pour qu’il ne s’y gliffe aucun terme équivoque
6c fufceptible de differentes interprétations :
il y a nombre d’exemples qui prouvent la né.cef-
fité de cette attention.
Lorfque la garnifon d’une ville où il y a une
citadelle capitule pour fe retirer dans la citadelle,
il y a quelques conditions particulières à demander,
telles que font celles-ci :
Que la citadelle ne fera point attaquée du côté
de la ville ; que les malades 8c bleffés, qui ne pourront
être tranfportés, relieront dans les villes &
dans les logements qu’ils occupent; 6c qu’après
leur guérifon il leur fera fourni des voitures 8c
des paffe-ports pour fe retirer en toute fureté dans
une ville qui fera marquée dans la capitulation. On
doit ne laiffer entrer dans la citadelle que ceux qui
peuvent y être utiles pour fa défenfe : les autres
perfonnes . qu’on nomme communément bouches
inutiles, ne doivent point y être fbuffertes. il faut
faire inférer dans la capitulation qu’ils feront conduits
dans une ville voifine de la domination du
prince , 6c que l’on indiquera. On doit auffi convenir
d’un certain temps pour faire entrer toute la
garnifon dans la citadelle, 6c marquer expreffément
que pendant ce temps il ne fera fait de la part de