
hiftoriens Suédois , aflez de troupes, mais nifoldats
ni habileté. Le corps qu’il envoya en avant fans
aucun deffein, n’étoit, ainfi que toute fon armée ,
qu’une foule de payfans qui traversèrent la forêt
comme pour une battue de loups. ( Jo. Mam.
Goth. hiß.— Eric. Ol. fuec. hiß.— Dalin. Sÿca
rikes hißor. )
Un autre exemple plus remarquable eft celui de
1 armee du maréchal de Créquy, attaquée & battue
un §rand fourage. Le duc de Lorraine
afljégeoit Trêves. La France venoit de perdre fon
éclat & fés forces ; Turenne ne vivoit plus. Créquy
sétoit approché de cette place à delTein de la
recourir. 11 1 avoit fait fçavoir à M. de Vignori,
qui en étoit commandant. Celui-ci avoit répondu
que rien ne preflbit, & que M. le maréchal pou-,
voit ne pas fe hâter. Créquy vint camper à quelque
diftance de Confarbruck, au confluent de la Saare
« de la Mofelle. Ses deux ailes étoient appuyées
a des bois. Derrière lui étoit une montagne; en
avant un petit bois fort clair, que le chemin tra-
verloit ; en avant du bois une hauteur fur laquelle
il mit un efcadron pour obferver & donner des
nouvelles. Il fit garder le pont, où étoit une tour
dans laquelle il mit du canon.
Ce camp étoit trop éloigné du pont & de la
tour pour les bien défendre. La garde qui en étoit
chargée etoit beaucoup trop foible : elle ne con-
liitort qu’en un lieutenant & vingt hommes. Il
falioit ou camper beaucoup plus près, o u , fi le
terrem ne le permettoit pas , porter près de la
nviere un gros corps tien retranché; fortifier aufli
la tete du pont, & y mettre une bonne garde. La
montagne & les défilés que l’armée avoit derrière
elle , étoient un autre défavantage. Le maréchal
n ayant pas voulu camper auprès de la Saare &
du pont . aurait dû mettre devant lui le défilé en
leconde ligne ou barrière. Un troifième défavantage
de cette pofition , non moins grand que les
deux autres , étoit l’éloignement des fourages.
Le ftege avançoit lentement. Le duc de Lorraine
cratgnoit quelque entreprife concertée entre Créquy
ec la garmion. Comme il fçavoit que trois mille
hommes etoient partis de l’armée françoife pour
fe rendre en Bretagne, il jugea que s’il avoit lurle
maréchal un avantage conftdérable , il lui ferait
aulh facile de prendre la place que difficile de le
taire en fa prefence. Informé qu’une grande partie
de la cavalerie devoit aller au fourage , & ne
pouvoir y aller que très loin, il part de fon camp
la nuit du 10 au n août 1675 > ™rche le long
de la Mofelle , derrière un rideau très voifin de
Confarbruck , a couvert duquel il fait fa difpo-
iition. Enfutte il s'avance vers le pont , dont il
s empare facilement. Le maréchal n’avoit fait
rompre qu’une arche de ce pont : on y jetta
des planches. L’mfanterie y pa®;, & ]a cavalerie, !
x f de“x colonn,e s i traverfa la; rivière au-deffus
oc au-dellous , a des gués qui auraient dû être
lompus , mais qui n’étoient même pas connus , I
ou avoient été négligés. L’infanterie étoit fur la
rive gauche, avant que M. de Créquy tût informé
de la marche. C ’étoit une triple négligence : l’une
de la part du général, qui devoit communiquer
à la rivière par des- polies de cavalerie ; l’autre
de la part de l’ofîicier de garde au pont : celui-ci
devoit faire avertir au premier bruit. Enfin, le
commandant de Trêves , inftruit de la rqarche des
ennemis , auroit dû envoyer auffi-tôt au camp du
maréchal : la: communication étoit libre.
On vint dire à M. de Créquy que. les ennemis
pafloient le pont. Il fe flatta d’y être aflez tôt pour
attaquer leur avant-garde , ôc répondit : plus il en
paß er a, plus il y en aura de battus. Ce propos eût
été bon, s’il l’avoit fait précéder par de la précaution
ÔC de la vigilance. Il lit battre la générale ,
& fut très furpris , dit M. de Quincy, ( hiß. milita
tom. I , pag. 452 ) , lorfqu’il vit la foibleffe de
fes elcadrons , ôc qu’il apprit que le refte étoit
au fourage. M. de Feuquières rapporte qu’il l’avoit
envoyée fourager au-delà du défilé qui étoit derrière
fon camp. En effet, il paroît invraifemblable que
prefque toute la cavalerie d’une armée foit abfente
à l’iniçu du général. Mais, fi les fourages n’étoient
poflibles que de l’autre côté de la montagne , la
pofition n’en étoit que plus défavantageule, ôc plus
mal prife. S’il y en avoit à droite ou à gauche ,
il falloit commencer par eux, ôc réferver les autres
pour les derniers.
Cette cavalerie rappellée fe, jetta en confufion
dans le défilé, le paffa lentement, arriva en défordre
, hors d’haleine, ôc ne put être formée que
fort tard fur le champ de bataille beaucoup trop
éloigné d u , camp. Une autre-faute confomma la
perte de la bataille. M. de Créquy avoit envoyé
prefque touts les chevaux de l’artillerie à Thion-
ville pour y chercher un convoi : il n’y en eut
pas aflez pour amener le canon.
Lorfque la cavalerie fut rentrée dans lé camp ,
le maréchal fe mit à la tête , traverfa le bois ,
& fit marcher fon infanterie en colonne, à droite
ôc à gauche du bois. Cette difpofition fingulière
étoit due fans doute à la précipitation du mouvement
, ou peut-être analogue à la connoiffance
que le général avoit du champ de bataille. Lorfqu’il
y arr iva, l’armée ennemie étoit formée prefque
en entier. 11 fe trouva fi inférieur en nombre ,
que fes troupes ne purent former qu’une ligne.
Le danger lui parut grand. Cependant l’efpérance
ne l’abandonnoit pas encore. Il comptoit fur le
fecours de M. de V ig n o ry , qui commandoit à
T rêves, & avoit une forte garnifon. Le maréchal
lui avoit ordonné de fortir avec une partie de
fes troupes , s’il voyoit le duc de Lorraine paffer
la Saare, ôc de l’attaquer par derrière, lorfqu’une
partie de l’armée auroit paffé le pont.
La droite de l’armée françoife attaqua la gauche
de l’ennemi avec avantage. Mais le comte de la
Marck , commandant de notre gauche , s’étant
avancé pour occuper une hauteur qui lui paroiffoit
importante, eut à foutenir une attaque des plus
vives. Après une vigoureufe réfiftance, elle fut
obligée de céder. Le comte de*Grana la fuivit à
la tête de l’aile droite ennemie , la prit en flanc,
ôc la rompit entièrement. En même-temps notre
aile droite , attaquée de touts côtés , fut rompue ,
rriife en fuite , Ôc toute l’armée dans une déroute
complette. M. de Créquy avoit. rallié quelques
efcadrons derrière le village : les fuyards y mirent
le défordre. Une partie fe jetta dans Metz , l’autre
dans Thionville , ôc le maréchal dans Trêves. Le
régiment des gardes françoifes ôc celui de Ver-
mandois fe diftinguèrent dans cette adlion.
M. de Vignory n’avoit appris la marche des
ennemis que de quelques efpions qui lui avoient
été envoyés par M. de Créquy. Il s’étoit mis aufli-
tôt à la tête d’une partie de fes .troupes. Mais ,
comme il pafloit le pont-levis , une • des chaînes
frappa la tête de fon cheval : il tomba dans le
foflé qui étoit fec , & mourut à l’in fiant Tes
officiers , ignorant fon deffein , rentrèrent dans la
place. Ainfi M. de Créquy, couvert par la Saare ,
Ôc Ja MofeHe contre une armée fupérieure, felaiffa,
par une fuite de négligences, ôcde fautes, forcer à
une attion générale, qu’il lui étoit facile d’éviter.
Il y a d’heureufes • circonftanees qui rendent
sûre la viéloire. Dans un pays ; de montagnes ,
l’ennemi peut être enfermé entre des torrents groflis ;
par l’orage. Vous devez profiter de fa, fâcheufe
ütüation pour lui enlever des: corps détachés , ÔC
faire des dffpofitions qui le forcent à combattre .
avec défavantage. Quelques éclufes ouvertes à
propos, ou quelques digues rompues , peuvent
inonder fon camp. Approchez vous la veille aufli
près qu’il fera poflible, ôc campez fur .une hauteur
a l’abri des eaux. Lâchez-les pendant la nuit.,
afin que le trouble ôc le défordre foient plus grands.
L ennemi furpris , effrayé, fe divifera , fuira fans
armes de touts côtés. Au point du jou r, attaquez
fes corps féparés ôc prefque fans défenfe. C e fut
ainfi que le foudan d’Egypte , ayant fait fecret-
tement élever les digues du Nil en certains endroits., 1
de crainte que les eaux en les débordant , comme
il arrive chaque année , ne priffént une route
contraire à fes vues, noya une partie de l’armée
chrétienne , commandée par André I I , roi de
Hongrie, ôc força l’autre à recevoir les condi- ;
tions qu’ il voulut lui accorder.
Je trouve dans notre hiftoire un exemple à
peu près femblable. Sous de malheureux règne ]
de Charles V I I , Montargis étoit afliégé par trois
nulle Anglois. La place commençoit, à manquer
de munitions. Elle demandoit au roi un fecours
qu il étoit P®u en état de lui donner. Cependant,
comme il étoit important de la conferver , le
batard d’Orléans fe chargea de la dégager. Il y
tut envoyé avec feize cents hommes , un erand
nombre de chevaliers, ôc la Hire. L’arrivee de
ce lecours ayant été annoncée aux afliéeés »ranima
-leur courage. °
Plufieurs ruiffeaux & courants d’eau qui fe jet-
toient dans le Loing, au-deffus ôc au-deffous de la
v ille , avoient obligé’ les Anglois à former trois
attaques féparées.Leurs quartiers pouvoient s’entre-
fecourir par des ponts de communication. Soit
hafard ou, deffein concerté ,_;( ce qui eft plus vrai-
fem blab le ) ce fecours arriva au moment où les
afliégés, ayant ouvert leurs éclufes,venoient d’inonder
le camp des Anglois & , leurs ponts. La Hire
attaqua le quartier du général la P o il, le força,
ÔC vint fe joindre au batard d’Orléans , qui atta-
quoit celui de Suffolck. En même-temps la garnifon
fit: une fortie , & ce fécond quartier fut détruit.
Ceux qui voulurent fe fauver à celui de
Warwich périrent dans les eaux. Warwich , fré-
miflant de voir .égorger fous fes yeux les deux
tiers deTarmée angloiiè , fans qu’il pûtles-fecourir ,
fe retira en bon, ordre , fur une hauteur voifine.
Les généraux françpis- , fatisfaits.de leur avantage
& de la levée du fi.ége , ne le fuiyireqt pas..
Une troupe occupée du pillage d’une ville ,
d’un c am p o u d’une campagne, eft pour ainfi-
dire livrée à fpn ennemi. Sempronius informé
qu’Annibal avoit, envoyé un détachement de cavalerie
gauloife 6c numide", & deux mille hommes
d’infanterie ravager les terres des Gaulois, fituées
entre le Po & la Trébie , fit marcher contre ce
parti la plus, grande partie de fa cavalerie, 6c
mille hommes de trait. Ils le joignirent au-delà
de la T réb ie , l’attaquèrent vivement, dans l’ef-
pérance de lui enlever le butin qu’il avoit fait ,
& le mirent en déroute. S i , tandis que les troupes
effrénées du connétable de Bourbon fe livroient
dans Rome à tout ce que peuvent l’indifcipline ,
la cupidité , l’ivrefle , & la débauche ; tandis qu’ils
égorgeoient les maris, deshonoroient leurs femmes
ôc leurs filles , faifoient des dames romaines leurs
fervantes , promenoient dans les rues les chefs
de l’églife , montés fur des ânes, 6c les accabloient
d’injures 6c d’outrages ; fi , dis-je , le duc d’Urbin,
Saluce ÔC Rangone, qui avoient une armée ôc une
artillerie nombreufe, euflent donné l’aflaut à la
"fàlle , le/fuecès étoit infaillible. Dans une allarme
qui fut donnée à ces troupes occupées du pillage ,
on voulut en, .vain rappeller le foldat ; tout entier
à fa pro.ie, il ne revint pas à fes drapeaux».
Un plus grand capitaine auroit faifi cette occa-
.fion, comme le fit Céfar contre les Germains ,
qui avoient. paffé le Rhin : « Lorfque fon armée
s’approcha d’eux >, ils tentèrent de l’arrêter par des
négociations ôc lui demandèrent de ne pas avancer
plus près de .leur camp ». Céfar répondit que
c’etoit ce qu’il ne pouvoit accorder. Il fçavoit
qu’une grande partie de leur cavalerie avoit été
envoyée , quelques jours auparavant, de l’autre
côté de la Meufe , fur les terres des Ambivarites ,
pour fourager ôc piller.
Il n’é.toit pas à plus de douze-milles de l’ennemi,
lorfque les envoyés revinrent à lui. Ils le trouvèrent
en m arch e ôc . le fupplièrent de ne pas avancer
D 'i j