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•font renfermés les hommes qui ont manqué légèrement
contre le bon ordre & la.' difcipline : on
.punit, dit-il, dans notre état * les fautes les plus
légères ; mais suffi on y tient compte des plus
petites vertus. Le relie du rez - de - chauffée eft
cleûiné à des folles oh les foldats apprennent à
lire & à écrire. Il eft occupé auffi par des buanderies
, des écuries , des remifes , & des magafins ,
dans lelquels font renfermés nos tentes & tout l'appareil
des combats. En nous-faifant remarquer que
touts ces appartements font voûtés, &. mis à l’abri
de la bombe : ces voûtes, ces cafemates paroiffent
ici fuperftues , nous dit le vieux militaire ; mais
elles font infiniment utiles dans les villes de guerre ;
elles font plus faines que celles qu’on peut conftruire
dans l’épaiffeur des remparts ; pendant un fiège ,
elles font un abri sûr & tranquille pour les malades
6 les bleffés, & on peut y renfermer les vivres
qui font néceffaires à la garnifon. Un efcalier de
pierre nous conduit enfuite dans les étages fupé-
rieurs. Vous ferez étonné, reprit notre guide , de
la manière dont nous fommes couchés chacun
de nous a fon lit; il eft petit à la vérité3 mais il
eft bon , & on y dort à merveille. A ces mots,
nous entrâmes dans une des chambres. Elle me
parut -grande , fpacieufe , & propre ; une grande
fenêtre , qui occupoit toute la hauteur de l’appartement
, le rendoit clair & fain. Au premier coup
d’oeil je n’apperçus que des bancs , une table &
un poêle ; bientôt après je vis les lits ; ils étoient
relevés contre le mur. Un mécanifme très fimple
aidoit aux foldats à baiffer & à relever leur couchette.
Pendant que je confidérois les differentes
parties de ce lit, & que je réfléchiffois fur les avantages
qu’il devoit produire , le vieux militaire fe
< rapprocha de moi, ôc il me dit : j’ai couché pendant
très long-temps avec deux de mes compagnons
: vous vous feriez difficilement une idée des
nuits 'cruelles que je paffois alors ; je m’eftimbis
heureux quand le fommeil venoit pendant une ou
deux heures me faire oublier mes maux : il m’eft
arrivé - quelquefois de m’endormir fain & bien
portant, & de me réveiller atteint d’une maladie
contagieufe. Nous devons ce changement agréable
au foldat, utile & économique pour l’état, à un
de nos généraux. Il n’avoit pas befoin de ce nouveau
titre pour mériter & obtenir notre amour.
Pendant que notre'guide exprime les fentiments
dont il eft pénétré, nous arrivons à une des extrémités
du bâtiment. Nous y trouvons une vafte
infirmerie deftinée aux foldats dont les maladies
légères n’exigent pas un traitement long & difficile :
c’eft-là auffi qu exempts, de tout fervice , font placés
ceux q»i ne rapportent des hôpitaux qu’une
convalefcence encore mal affurée. Mieux nourris ,
mieux couchés que le refte de leurs camarades , on
les voit bientôt reprendre le cours de leurs devoirs ,
fans craindre de funeftes rechutes. Un air pur &
falubre circule dans cette infirmerie : elle eft exactement
conftruite d’après les excellents principes
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de M. Maret, de l’académie de Dijon. Vous devez
remarquer, nous dit notre guide , qu’on n’a employé
dans la conftruélion de cette maifon que
des pierres &. du fer ; les chaffis des fenêtres , les
châlits font de ce métal : les portes feules font de
bois ; ainfi les bâtiments ont moins à craindre des
incendies, & ils font plus folides & plus durables.
Après avoir parcouru les différents étages, notre
guide nous mène fur le comble de l’édifice : il étoit
conftmit d’après les idées de M. Etienne. C ’eft ici,,
nous dit-il., que nous venons refpirer Pair pur de
la campagne ; c’eft le lieu le plus fréquente de la
maiion ; k s hautes baluftrades dont il eft entouré
préviennent tout accident. Le corps de logis qui
eft vis-à-vis de nous , parfaitement femblable à
celui que nous venons de parcourir , eft encore
deftiné pour les foldats. Les deux pavillons qui
forment les petits côtés de la cour font deftinés à
nos officiers ; ils y logent touts. Aucun d’eux n’a la
liberté d’avoir une chambre dans la villes Les chefs
& les capitaines font au premier étage ; les officiers
fubalternes occupent les étages fupérieurs ; chacun
a fa chambre ; ainfi tout le monde eft plus libre.
Les appartements des ’ anciens officiers font plus
confidérables que ceux des jeunes gens : ils ont „
outre leur chambre , un petit cabinet, une cüifine»
& un logement pour leurs domeftiques. Les meubles
que lé roi fournit font propres & commodes ; auffi
perfonne n’eft tenté d’enfreindre la loi qui défend
d’en faire porter d’ailleurs. Au premier étage , on a
confervé , comme je vous le ferai voir , une fallè
commune , oh l’on trouve les papiers publics ,
des plans & des cartes militaires. Près de-là eft:
une bibliothèque peu confidérable, mais compofée
des livres militaires les plus inftruéfifs , & des meilleurs
hiftoriens : nos officiers fe jraffemblent là „
tantôt pour s’inftruire de la théorie de leur métier »
tantôt pour fe délaffer par quelques jeux agréables.
Comme les chefs fe font un plaifir & un devoir de
fe mêler à ces amufements, jamais on n’y joue
un jeu ruineux, & jamais les difcuffions ne dégénèrent
en difputes. Vous fentez combien une
pareille inftitution eft préférable à celle des cafés
publies.
Nous redefcendîmes enfuite dans la cour : c’eft
i c i , dit notre guide , que fe font les exercices
appelles de détail ; nous ne fortons dans la plaine
voifine que pour les manoeuvres en grand, & pour
apprendre à conftruire les ouvrages de campagne ,
ou à dreffer un camp.
Après avoir traverfé la cour, dans laquelle une
foule de foldats s’êxerçoient à la lutte , à la courfe,
ou jouoient à des jeux faits pour augmenter leur
adreffe , leur agilité , .& leur force, nous parcourûmes
les pavillons des officiers. Nous les trouvâmes
conformes à la defcription qu’on nous en
avoit faite. Dans les places frontières, dis-je au
militaire- refpe&able qui nous conduifoit, on eft
obligé de renfermer les édifices deftinés au logement
des tioupes., dans l’enceinte des remparts 5
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H n’a donc pas été poilible de le procurer là toutes
les commodités dont on jouit ici. Cela eft vrai en
partie, me répondit-il; auffi fe borne-t-on à choifir
un afpeâ riant, un emplacement fain ; on fe garde
bien aujourd’hui de bâtir les cafernes proches de
ces hauts remparts qui réveillent fans ceffe des
idées triftes , qui bornent la vue , & empêchent de
refpirer l’air falubre de la campagne. C ’eft en avant
ri’un grand baftion vuide , éloigné du front naturel
•de l’attaque , qu’on élève ces édifices. L’intérieur
du baftion eft changé en un jardin bien cultivé,
•qui offre au foldat une promenade agréable, un
travail utile au développement de fes forces , &
un fupplément à fa nourriture. On a fait fubir le
même changement' au refte des ouvrages : les
villes n’en font pas moins fortes, les états-majors
m$ins riches , & le foldat eft mieux nourri & plus
roDufte. Dans les villes deftinées à renfermer plusieurs
bataillons , on a éloigné les quartiers les uns
des autres; on ne leur a donné que la capacité
neceffaire pour contenir deux bataillons au plus ;
au moyen de ces précautions , on craint moins les
furprifes, & les différentes parties de la place font
également gardées. On n’a pourtant pas conftruit
par-tout des cafernes telles que celles-ci ; on s’eft
contenté de refaire , d ’après è.e modèle , touts les
anciens quartiers à mefure qu’ils ont eu befoin
d’être réparés ; & , quand on a trouvé l’occafion
d’acheter ou d’obtenir quelquës-uns de ces grands
édifices élevés par la piété de nos pères , dans
l ’enceinte des villes , près des portes , & toujours
dans les fîtes les plus heureux , on en a fait des
chrps de cafernes & on s’eft rapproché le plus
qu’on l’a pu de celui que vous voyez ; ainfi-ces
inaifons , autrefois inutiles , parce qu’elles étoient
devenues défertes , font utiles aujourd’hui, en ce
qu’elles déchargent le peuple du pefant fardeau du
logement en nature.
Pendant que notre conduéleur parloit ainfi , je
refléchiffois'profondémeht : il devina ce qui m’oc-
•cupoit: Vous fongez aux fommes immenfes qu’ont
dû- coûter ces édifices ? Les foldats ont -fout fait :
on a raffemblé les ouvriers des Afférents régiments ;
des officiers intelligents ont été chargés de leur
police; des ingénieurs habiles ont dirigé les travaux ;
un léger fupplément de paye a latisfait les ouvriers
& les manoeuvres. Les matériaux de cette maifon ,
par exemple, ont été raffemblés , travaillés; dans
une campagne, & la conftru&ion de l’édifice n’a
duré que deux ans. Quand, même ce corps de
cafernes n’auroit été élevé qu’à grands frais, l’état
îi’eft-il pas dédommagé par les avantages qu’il en
retiré f
J allois propofer encore quelques légères obfer-
vations, quand ,un fignal militaire fe fit entendre.
Mon guide me quitta ; il emmena avec lui le jeune
citoyen, qui bruloit plus que jamais du defir d’être
admis parmi les défenfeurs de la nation. J’affiftai à
U1\ e? r€1Cr c®urtî'mai? tait avec exaéiitude & avec
préciiioru II fut terminé par la cérémonie impo-
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Faute du ferment militaire qu’on fit prêter au nouveau
foldat. Je fortis enchanté de ce que j’àvois
vu , ôc defirant fortement que touts les édifices
deftinés au logement des gens de guerre reffem-
blaffent à celui que je venois de parcourir. ( C ).
Paffons à ce qui concerne la- conftruéKon des
cafernes dans les places. Nous le tirerons de la
fcicnce des ingénieurs , par M. Bélidor. L .1V. C. 10.
Outre les avantages que donnent les cafernes
pour l’obfcrvation & le maintien de la difcipline,
elles garantiffent d’un grand inconvénient ; c’eft
que , lorfque la garnifon eft logée chez -l’es* habitants
, le gouverneur ou le commandant d’une
place ne peut, en temps de guerre, faire fortir le
moindre corps de troupes, fans que toute la v ille1
en foit informée : & s’il arrive quelque allarme
on ne raffemble la garnifon qu’avec beaucoup déT
peine & de temps. Au contraire cafernes y
on peut faire des difpofitions fecrêtès, & les
troupes y font toujours raffemblées.
Les cafernes fe conftruifent de plufieurs manières
félon la fituation de leur emplacement. Quand on
a un efpace affez étendu pour faire une grande
cour entourée de bâtiments , elles font fort commodes,
parce qu’elles fe ferment d’elles-mêmes ,
& que les chambres étant plus ramaffées, on peut’
en moins de temps faire exécuter les ordres du gouverneur,
du commandant de la place , ou de celui
de la troupe.
Cette difpofition de cafernes convient à l’infanterie
, parce qii’elle peut fe renfermer dans la cour
pour les exercices de détail. Elle Convient auffi à
la cavalerie , parce que celle-ci a befoin d’une cour
pour le fervice journalier des chevaux ; al'ors; on
fait les chambres au-deffus des écuries, &. un cor'-
ridor qui règne tout"-au tour du quartier, pour
communiquer d’une chambre à l’autre : ou bien ,
fans faire de corridor, on pratique des efcaliers de
diftance en diftance ; mais ils prennent beaucoup
de place mal à propos ; au lieu qu’ayant un corridor,
deux ou trois efcaliers fuffifënt. Il eft vrai
qu’il rend lès chambres du premier étage un peu
obfcures comme on le remarque aux quartiers
de cavalerie qui font dans la plupart des villes de
Flandres : mais on peut remédier à cet inconvénient
en faifant le bâtiment moins écrafé. •
Quand les cafernes fe bâtiffent le long du rem-
part vers les courtines , comme M. de Vauban l’a
pratiqué en beaucoup d’endroits, elles font com-
pofées d’un grand corps de bâtiment pour loger-
les foldats ; aux extrémités duquel il y a des pavillons
pour les officiers : ces logements font pref-
que toujours à deux ou trois étages, fans y comprendre
le rez-de-chauffée.
Dans chaque corps de cafernes 'double , on fait
à chaque étage quatre chambres , dont deux répondent
à l’efcalier qui eft de leur côté, & les deux
autres au leur. Chaque chambre doit avoir 22 pieds
de long dans oeuvre , fur 18 de profondeur, pour
placer quatre lits. Celles du rez-de-chauffée doivent
Y v v ij