
k t t e , alors lieutenant-colonel d’une brigade du |
corps. Il etoit compofé de trois mille cinq cents
hommes d élite , au nombre defquels fe trouvoient
trois cens carabiniers. Il étoit chargé d’efcorter
quelques courriers que le général françois vouloit'
envoyer en divers endroits. Plufteurs lieutenants-
colonels de l’armée avoient reçu précédemment
la même commiffion , & avoient été forcés de
rentrer fans l’avoir exécutée. La Valette fut plus
heureux, ou , pour mieux dire , plus habile. Secondé
par les carabiniers , qu’il plaça toujours oit
le danger étoit le plus preifant ; il n’éprouva aucun
échec, & ramena beaucoup de prifonniers.
Le maréchal de Belle-Ule embraffa à fon retour
•M. de la Valette, le combla d’éloges ; & , lorf-
que dans cette armée on vouloit parler d’un détachement
glorieux, on citoit celui de la Valette.
Limpérieufe nécetTué ayant forcé le maréchal
de Belle-Ifle d’abandonner Prague, & de fe retirer
vers Egra , il confia aux carabiniers, entremêlés
avec les grenadiers de fon armée, le foin de couvrir
fa retraite. Quels efforts de courage & de patience
ne durent pas avoir à faire les troupes qui
• iormerent l’arrière-garde de cette armée ? Elle fut
obligée de traverfer, pendant un hiver très-rigoureux
, trente-huit lieues d’un pays couvert de neige
& totalement dévafté ; elle manquoit de provifions
oe bouche, de magafins, & de cavalerie ; elle étoit
forcée d’éviter les chemins connus, de s’en frayer
de nouveaux, & de combattre une multitude de
troupes légères qui ne ceflèrent de la harceler, ni
pendant le jour, ni pendant la nuit.
1743. Les carabiniers rentrèrent en France dans -
le mois de février. On s'occupa tout de fuite à réparer
les pertes qu’ils avoient effuyées ; on remplaça
les chevaux qu’ils avoient perdus ; la cavalerie
leur fournit cent maîtres, & quatorze bataillons
de milices eurent ordre de leur envoyer chacun
cinquante hommes de choix. Les carabiniers
récréés^, pour - ainfi-dire , fe trouvèrent la même
année a la malheureufe affaire de Dettingue, ils
renversèrent d abord, avec la maifon du roi, deux
lignes entières d’infanterie, & revinrent plufieurs
™.ls a k* charge. Ils né fe rebutoient point, dit
M. de Voltaire 3 mais la valeur la plus grande peut-
elle repouffer les maux qu’une impatience trop
v ive de la part des chefs, & une difcipline peu
exacte de la part des troupes entraînent toujours
avec elles. .
1745- Après l’affaire de Dettingue, les carabiniers '
palserent en Flandre. Us fe trouvèrent à la bataille
deFonteno1 , & chargèrent au commencement de
J action avec leur împétuofité ordinaire: mais ils
éprouvèrent le même fort que le relie de l’àrmée-
françoife : ils eurent à cette première attaque vingt
officiers tues ou bleffés. Lorfque l’artillerie que le
maréchal de Richelieu avoit propofé de conduire
contre la fameufe colonne l’eut ébranlée, les carabiniers
entrèrent dans fes premiers rangs , & vengèrent
leurs camarades tués dans la première
charge. Quelques officiers des carabiniers prétendent
que leur corps entama le premier la colonne
ennemie : quelques écrivains accordent cet avantage
a la maifon du roi. Il eft difficile de décider
quelles font les prétentions les mieux fondées ;
mais il eft poffible qu’elles le foient également,
puifque les Carabiniers n’attaquèrent pas le même
, iront de la colonne que la maifon du roi. On peut
ajouter que, dans la lettre circulaire que le roi fit
écrire aux evêques de France, pour leur annoncer
le fuccès de fes armes à Fontenoi, & peur leur
preferire d’en rendre des avions de grâce à l’Être
fupreme, fa majefté parle nommément du corps
des carabiniers. « Je ne puis, dit le ro i, donner
allez de louanges à la valeur que mes troupes, fur-
tout celles dè ma maifon, & mon régiment des carabiniers3
ont fait paroître fous mes yeux dans une
occafion de cette importance ».
1746. I -es carabiniers turent employés au liège
de Bruxelles : ils y firent le fervice de grenadiers,
& fournirent chaque jour cent hommes à
la tranchée. Le jour de la capitulation, deux cents
hommes de ce corps étoient commandés pour
-attaquer un ouvrage avancé.
I747; Si, pendant la bataille deRaucoux, les
carabiniers relièrent dans l’inaâion comme le refte
ide la cavalerie, il n’en fut pas ainfi- à celle de
Lawfeld. Deux brigades de ce corps enfoncèrent
huit efeadrons de dragons royaux anglois. Ce fut
cet aéle de valeur, & l’apparition du refte des
carabiniers qui déterminèrent la fuite de la cavalerie
de l’aile gauche ennemie : ce fut un carabinier
qui prit le général Ligonnier. L’hiftoir-e ne nous a
pas confervé fon nom ; mais elle nous a tranfmis
la conduite noble & généreufe. Le général Ligonnier
, voulant rallier les Anglois qu’il commandoit,
fe trouva invefti par le corps des carabiniers. La
prefenee d’efprit ne l’abandonne pas ; il feint d’être
françois , fe met à la tête d’une troupe de carabiniersy
& les excite à la pourfuite des Anglois. Un
cavalier de ce corps reconnoît que l’officier qui
les cbnduit n’eft pas françois ; il s’approche de
lui avec adreffe , le faifit , & lui dit : « Vous
n etes pas des nôtres ; je vous fais mon prifon-
nier J?. M. de Ligonnier découvert cherche à fé-
duire le carabinier. Il tente d’abord fon ambition ,
lui avoue qu’il eft général anglois, lui promet un
avancement très rapide; «Je ne veux fervir que
mon ro i, réplique le carabinier ; fuivez moi ».
Alors le général Ligonnier tenté la cupidité de
celui dont il dépend ; il lui offre deux cents gui-
nees & fa montre. Le carabinier, moins fenfible
encore à cette offre qu’à la précédente , remet
fon prifonniër entre les mains de fon capitaine,
rentre daas fon rang, & continue de combattre*
Les récompenfes que Louis X V fit donner au
carabinier qui avoit pris M. de Ligonnier , la
manière noble &^pleine d’humanité avec laquelle
fa majefté reçut le général anglois ne font point
de notre fujet» Nous ne parlerons pas non plus
/
de la conduite des carabiniers proche de Cour-
traijQ-'& de l’inveftiffement de Maftricht, parce
que nous ne pouvons nous permettre les détails.
1757. Les carabiniers fe trouvèrent à la bataille
d’Haftembeck; mais ils ne chargèrent point: ils
marchèrent pendant le refte de la campagne à
l’avant-garde de l’armée, firent la courfe de Zell,
la retraite de Heffe, & entrèrent enfuite dans le
pays de Juliers.
1758. Les carabiniers étoient à Crévelt, à la
gauche de l’armée. Ils effuyèrent pendant cinq
heures le feu terrible d’une artillerie nombreufe
& bien fervie. L’infanterie françoîfe ayant eu du
deffous * les ennemis déployèrent dans la plaine ,
vis-à-vis des carabiniers, un corps nombreux de
grenadiers. Les carabiniers follicitent avec ardeur
la pérmillion de fondre fur cette infanterie ; & le
comte de Gifors fe met à leur tête. Réfolus de
vaincre ou de mourir , ils ne confidèrent point
qu’ils ne font foutenus d’aucun coté , que le ter-
rein leur eft d é fa vo rab leq u ’ils vont être accablés
par l’artillerie ennemie chargée à cartouches..
Ils marchent ; ils franchiffent un ravin large & profond
, derrière lequel les ennemis fe croyoient en
lureté , ils renveriènt tout ce qui fe préfente devant
eux ; cavalerie, infanterie , tout eft mis en
fuite. Us arrivent enfin fur la lifière d’un bois dans
lequel ils ne peuvent pénétrer. Dans le même
moment, une nombreufe décharge de mouqueterie
les foudroie. Le comte de Gifors bleffé tombe de
cheval; lés ennemis s’en emparent, & les carabiniers
défefpérés de ne pouvoir vaincre , font forcés
à faire retraite.
Cette journée de Crévelt nous offre une anecdote
particulière , trop glorieufe à Ton auteur &
trop inftrudlive , pour que nous la pallions fous
filence. Un chemin affez large traverfoit le ravin
dont nous avons parlé plus haut. M. de Bulliond,
cornette des carabiniers, à peine forti de l’enfance ,
fe rencontre visrà-vis de ce chemin : il trouve par
conféquent plus de facilité que fes camarades à traverfer
le ravin. Suivi par deux maréçhaux-de-
logis & par vingt - cinq carabiniers , il fond fur les
ennemis & perce leur ligne. Les Hanovriens revenus
de leur étonnement fe refferrent, & ferment à
M. de Bulliond le chemin de la retraite. Que fera
dans cette circonftance épineufe un jeune militaire
dépourvu d’expérience? Sa valeur , fon courage,
fa prefenee d’efprit lui relient : il s’adreffe à fes
marechaux-des-logis : un d’eux nommé Jaquemault,
lui confeille dé pourfuivre fa pointe, & d’aller fe
jetter dans des bois voifins ; d’où, par des détours,
“ Pou^ra regagner l’armée. Ce conleileft aufti-tôt
adopte , & le bois tvaverfé. Une petite plaine fe
prefente enfuite. A l’iriftant où Mj. de Bulliond y
entre, ildécouvre une troupe nombreufe de cavalerie.
Dès que celle-ci apperçoit l’étendart que
portoit le jeune cornette , elle imagine que c’eft
la tete d une colonne ennemie viélorieufe : elle
fi retire, & laifTe à nos braves le pàffage libre.
Dans cette côurfe , M. de Bulliond rencontre trois
officiers fupérieurs des ennemis; il les fait prifon-
niers , & les conduit dans une petite ville voifine.
Il y fait rafraîchir fa troupe-; & la nuit lui prête à
peine une ombre favorable qu’il fe remet en
■ marche, fuit des chemins détournés , & rejoint
l’armée françoife. Quelque glorieufe que Toit cette
conduite, ce qui fuit nous paroît encore mériter
plus de louanges,. M. de Bulliond eft présenté
au prince de Condé : fon àltefle féréniffime le
reçoit avec bonté, loue fa conduite, & lui permet
de demander la récompenfe qu’il defire. « Monfei-
gneur , répond Bulliond , j’ai appris que M. de
Saint-André, mon colonel & mon bienfaiteur,
eft prifonniër : j’en ai fait un du même grade;
je ferois trop heureux f i , par un échange , je pou-
vois rendre au roi un auffi bonferviteur ». Grecs &
Romains , avez-vous dans vos faftes de plus beaux
exemples? Quel degré de gloire n’auroit pas atteint
notre jeune héros , qui venoit de recevoir la com-
miffion de capitaine , comme prix de fes vertus
guerrières, fi la mort ne l’avoit enlevé peu de
temps après. Mais revenons au corps défc carabiniers.
i7<59. Quatre cents hommes tirés des régiments
de milice, & qu’on donna aux carabiniers , avec
une nombreufe remonte qu’on leur accorda , les
mirent en état de rentrer en campagne. Les Anglois
fe préfentent en colonne dans la plaine de Minden.
La cavalerie françoife les attaque en vain ; les gendarmes
& les carabiniers ayant à leur tête le piince
de Condé , qui les anime par fon exemple autant
que par la v o ix , chargent à leur tour. Sous la
conduite de ce chef, ils fe furpaffent eux-mêmes:
ils entament de toutes parts cette redoutable colonne
, qui 'répare continuellement fes pertes.
Enfin , épuifés de fatigue , couverts de fang & de
bleflùres,, ils font forcés dé renoncer à une victoire
que le malheur des circonftances rendoit
impoffible.
1760, 1761 & 1762. Pendant ces campagnes,
les carabiniers ont continué de montrer la plus
grande valeur & le zèle le plus confiant : les généraux
les ont toujours employés avec confiance &
avec fuccès. Mais, comme dans ces trois campagnes
ils n’ont point combattu en corps-, nous
terminerons cet article , en copiant une lettre que
jj M. le maréchal d’Eftrées écrivit à M. le duc de
Choifeul du camp de Cronbach. Elle eft importante
en ce qu’elle juftifie le corps des carabiniers
des imputations calomnieufes qu’on avoit répandues
contre eux à l’occafion de l’affaire du 24 juin
1762.
Lettre de M. le duc de Çhoiseul a M. le maréchal
d ’E s TRE ES.
a Qn m’-écrit de l’armée, monfieur le maréchal,
que les carabiniers ont refufé de charger le 24.
Quoique je n’y ajoute aucune fo i, la place que
T r t i)