
Mytiléniens, reprëfentoit qu’il faut plutôt ufer de
clemence envers ceux de qui l’on peut efpérer qu’ils
referont obéijfants 6» fidèles, qu’à l ’égard de ceux
qui, en demandant pardon, confervent une difpofi-
tion ennemie. Avec de tels peuples , il feroit à
propos de démanteler les places que vous conservez
en conféquence de votre vi&oire, ou du
traité de paix, &. dans^efquelles vous n’avez pas
deffein de mettre garaifon. Il n’eft pas moins important
de défarmer les habitants ; de leur prendre
les vaiffeaux qui pourroient fervir en guerre ; de
régler par les articles de paix le nombre de galères,
de vaiffeaux,de troupes, & déplacés, que
le prince ennemi pourra conferver & entretenir
là contribution qu’il payera, les otages & lesfuretés
qu’il donnera pour l’accompliffement du traité.
Les Athéniens, ayant vaincu les Thafiens,
prirent leurs vaiffeaux, & les obligèrent à leur
payer un tribut. L’Athénien Myranide ufa de la
même précaution à l’égard d’Ægine. Thucydide,
Agnon, & Pharnion, traitèrent de même les Sa-
miens , & leur demandèrent des otages pour fureté
du traité de paix.
Il y a des portes qu’il faut fortifier ou démolir
dans un pays dont la fidélité eft fufpeâe, & différents
expédients qu’on peut mettre en ufage pour
defarmer les peuples, afin d’éviter qu’ils ne fe révoltent.
( Voyeç R évolte. ).
Si votre prince, après avoir fait la paix, licentie
quelques troupes étrangères, faites en forte qu’elles
fe retirent contentes ; afin que, s’il en a befoin
dans une autre oceafion , elles reviennent avec
plaifir, ou que les états qui les ont données en four- -
niffent plus volontiers.
Artaxerxe Ochus , roi de Perfe, après avoir
conquis l’Egypte , licentia les grecs qui l’avoiem
Servi dans cette conquête ; mais, avant que de les
renvoyer , il fit à touts des préfonts proportionnés
au grade & au mérite de chacun d’eux.
La manière gracieufe avec laquelle on congédie
les troupes étrangères fort encore à éviter qu’elles
n e . défolent le pays en fe retirant : autrement elles
le regardent comme ennemi, pour ainfi dire.
Les régiments étrangers, qui viennent au fervice
d’un autre prince, rtipulent ordinairement dans leur
traité qu’ris ne pourront pas être congédiés pendant
im certain nombre d’années; cependant la
paix fe fait, avant que le terme prefcrit foit expiré
; & le prince demeure chargé de ces troupes
étrangères., qui lui coûtent cher, & dont il n’a
plus befoin. Mais, comme il ne doit jamais manquer
à ce qu’il a promis, il peut prendre.des arrangements
avec les colonels , les républiques, ou les
princes avec lefquels il a fait le premier traité ; afin
que, pour quelques femmes, on confente que
ces régiments fe retirent. C ’eft ce que divers
princes ont fart à l’égard des Suiffes, pour ne pas
contrevenir à ce qu’ils avoïent rtipulé avec les cantons
, & pour conferver leur amitié, fuppofé qu’on
eût befoin d’eux une fécondé fois.
Je penfe aurti qu’il eft néceffaire de prendre les
melures convenables pour ne pas mécontenter
les troupes de votre nation que vous réformez,
& celles que vous confervez : il y auroit de l’in-
juftice a mettre en oubli les fervices partes, lorfque
vous croirez n’avoir plus befoin de ceux dont vous
les ayez reçus. Il faut d’ailleurs faire réflexion que
la paix, quelque ftable qu’elle paroiffe, peut ceffer
apres quelques années ; fi les troupes ont éprouvé
dans la guerre précédente que vous ne récom-
penfez ni les fervices ni le mérite, elles ne s’expo-
feront au péril qu’autant qu’il fera précifément néceffaire
, pour ne pas manquer abfolument à leur
devoir. «
Sethon, prêtre de Vulcain, devenu roi d’E-
gypte, oublia dans la paix dont le royaume jouif-
foit que la guerre pouvoir fuccéder : il ôta aux
troupes les terres que les rois fes prédéceffeurs leur
avoient données. Mais , lorfque Sennachérib attaqua
l’Egypte avec une puiffante armée, toutes les
troupes de Séthon refusèrent de combattre.
Ce feroit une grande ignorance que celle de
regarder les^ troupes comme inutiles pendant la
paix, & de confeiller de leur ôter les privilèges &
les exemptions dont elles jouiffent pendant la
i guerre. Par-là, loin de porter les paÿfans à embraf-
lèr le métier de la guerre , on infpireroit aux fol-
dats le defir de redevenir payfans. S’ils ne jouiffent
dans le fervice militaire d’aucune cliftiuéiion
plus grande , ils préféreront leur premier état , où
rts auront moins de fatigue, & gagneront davantage.
( N a. M. de Santa-Gruz parle plus ici en
militaire qu’en homme d’état. Le métier paifible
de cultivateur n’eft pas moins utile que celui d’homme
de guerre : il feroit jurte que l’un & l’autre fuffent
honorables. ).
Je confens que, durant Ja paix, on retranche à
1 officier- cette partie plus confidérable de paye
qu’on lui aceordoit en temps de guerre, à caufe
de l’augmentation de dépenfe à laquelle il eft obligé;
parcequ’alors le prix des vivres augmente, &. que
les officiers ont befoin d’un plus grand nombre de
chevaux & de mulets que pendant la paix. Mais ce
que je ne comprends pas, c’eft laraifon qu’on peut
avoir, pour ôter à l’officier réformé qui continue
de fervir la plus grande partie des appointements
qu’il avoit, lorfqn’il étoit en pied : la réforme ne
lui ôte ni fon grade, ni la nécemtê de vivre de la
meme manière, & avec une certaine décence ;
parce qu’il eft réformé, il n’a pas plus de liberté de
s’abfenter du régiment, & il n’y fait pas moins le
fervice que les officiers en pied. Il me paroît donc
raifonnable de donner les mêmes appointements
aux uns & aux autres-, & d’ajouter feulement à
ceux des capitaines en pied ce que l ’on trouvera
convenable pour les gratifications & les recrues :
s’ils fe donnent plus de mouvement, s’ils prennent
plus de foin -en ce qui concerne leurs compagnies ,
ils en retirent auffi quelque profit, & ils ont fur les
officiers réformés l’avantage confidérable d’être
préférés, pour remplir les emplois d’un grade fupé-
rieur qui viennent a vaquer.
On pourroit employer, à l’égard des officiers
réformés, un autre expédient, qui feroit auffi équitable
& moins difpendieux : ce feroit de permettre
qu’ils fe retiraffent dans leurs familles avec
la moitié ou le tiers de leur paye. Ils recevroient
çes appointements dans les capitales de. leur province
, fur un certificat de vie figné parles g o u v e r neurs
bu par les juges des villes les plus voifines
du lieu de leur demeure ; & ,, à mefure qu’il vien-
droit à vaquer dans le régiment quelqu’emploi do
leur grades, on les rappelleront pour les remplir.
S’il y en avoit qui n’euffent n’i maifon, ni
biens , ni famille, & qu’ils ne puffent pas vivre avec
la moitié ou le tiers de leur paye, je penfe qu’on
les pourroit laiffer dans les régiments, en leur donnant
là paye entière.
Afin qu’il n’y ait pas un grand nombre d’officiers
réformés à la paix, on peut fufpendre la nomination
des emplois vacants , lôrfqu’on prévoit que
la guerre pourra finir dans un an ou environ ; & ,
lors de la réforme , on a des emplois dans les régiments
qu’on laiffe fubfifter, pour plufieurs officiers
des corps réformés.
Il eft extrêmement avantageux de conferver,
pendant la paix, plus dè troupes qu’il n’en faut
pour les garnifons des places: mais, pour éviter
de laiffer les troupes dans l’oifiveté , on doit les
occuper durant la paix à des travaux qui ayent
rapport à leur profeffion. On peut employer les
troupes qui ne font pas en garnifon aux fortifications
des places, ou à quelques autres ouvrages
pour le fervice du prince. Alors on leur donnera ,
.au-deïa de leur pain & de leur prêt, le tiers de ce
que gagneroient- d’autres travailleurs ; parce que le
roi ne paye pas le foldat feulement pour combattre
mais auffi pour le fervir dans tout ce qui peut regarder
l’avantage de fon royaume.
E X E M P L E S .
Après ces principes détaillés, je vais donner des
exemples, foit de leur jufte application, foit des
fautes commifes par quelques généraux. Les batailles
des anciens , ayant plus de rapport avec la
■ ta&ique que n’en ont eu les nôtres jufqu’à préfent,
trouveront place à l’article T a c tiq ue .
: Nous avons peu de remarques auffi juftes &
auffi judicieufes que celles de M. le marquis de
Feuquières ; ainfi je vais les rapporter dans leur
entier, comme étant les plus inftruélivés que les
militaires puiffent lire. J’en reéfrfierai feulement
le ftyle en quelques endroits, & Supprimerai celles
qui. n’ont pas un rapport direâ à l’objet de cet
article..
B A T A I L L E D E S I N T Z H E I M.
Le 6 juin 16 74, M. le maréchal de Turenne
donna Une grande bataille à Sintzheim . dans lar
quelle il eut tout l’avantage.
Ce général, pendant que lé roi faifoit la conquête
de la Franche-Comté, avoit, avant l’ouverture
dè la campagne, affemblé une partie de fon armée
dans la haute Alface, pour empêcher que les Impériaux
ne fiffent palier dans les villes foreftières,
(Rhinfeld,Waldshut, Seckingen, & Lauffembourg),
un corps de troupes pour entrer en Franche-Comté
& troubler les progrès du roi.
Par cette difpoüfion , les ennemis, voyant que
ce feroit inutilement qu’ils tenteroient le Secours de
cette province , affemblèrent de leur côté un corps
affez confidérable qui vint camper au-deffus de
Sintzheim , & qui avoit devant fon camp cette
petite v ille , dans laquelle il y avoit de l’infanterie,
& un chemin creux qui epuvroit la droite de ce
camp au-delà de la ville.
M. de Turenne fit faire à fes troupes une marche
longue & vive , pour les porter de la-haute Alface
à Philisbourg, fans que les ennemis en euffent con-
noiffance & en priffent de l’ombrage pour leur
camp de Sintzheim. Il paffa le Rhin à Philisbourg,
prit une partie de l’infanterie qui étoit dans cette
place , & marcha toute la nuit à Sintzheim , ou il
arriva à la vue du camp des ennemis de fort bon
matin.
Ce général fit fes difpofitions pour combattre ,
dès qu’il eut reconnu la fituation du camp & la
pofition de l’ennemi ; qui, dans la penfée que M. de
Turenne feroit obligé d’attaquer la ville de Sintzheim,
& delà prendre avant que de faire combattre
fa cavalerie , crut fon porte inattaquable.
_ Cependant M. de Turenne, ayant fait approcher
fon infanterie de la ville , en laiffa une partie pour
amufer celle de l’ennemi par la tê te , pendant
qu’avec le refte & à la faveur du chemin creux ,
dont le fond n’étoit pas vu de la ville , il fe porta
fur le flanc droit de l’ennemi, qui fut un peu mis en
défordre & obligé de s’éloigner de ce chemin : cè
qu’il ne put faire fans changer fa difpofiticn.
Ce mouvement donna le temps à M. le maréchal
de Turenne de faire déboucher fa cavalerie & de
la former fous la proteéfion du feu de l’infanterie ,
( jettée dans les vignes & les haies qui étoient à fa
droite fur la hauteur.). Pendant ce temps-là la ville
fut forcée. M. de Turenne profita de ce fuccès pour
étendre fon front entre la ville & la ligne des ennemis
; qui , étant fur un terrein fupérieur,ne vou*
iûrent pas en perdre l’avantage en marchant en
avant ; M. de Turenne marcha vers eux en montant.
Après plufieurs charges il les rompit & les
battit entièrement, avec perte de la plus grande
partie de leur infanterie, de beaucoup de cavalerie*.
&. de leurs bagages.
Cet exemple fera connoître deux diofes ; l’une *
qu’un corps de troupes n’eft pas en fureté , quoiqu’il
y ait une grande rivière entre fon ennemi
&. lu i, lorfque cet ennemi eft maître d’un pont
fur cette-rivière ; parce qu’il ignore toujours les