
d’Olpes contre les Mantinéens , les Lacédémoniens
& les Ambraciotes , il accorda aux troupes
de Mantinee & de Lacédémone, la permiflion
d enterrer leurs morts ; mais il convint en fecret
qu’elles prendroient ce prétexte pour abandonner
les Ambraciotes. Il attaqua ceux-ci immédiatement
«après, & les défit fans peine.
E N T R E P R I S E S
S U R L E S P L A C E S E N N E M I E S .
P dix. Licentiement & Réforme.
U eft quelquefois inutile , ou même dangereux ,
xle continuer la pourfuite, parce que l’ennemi a
paffé une rivière dont il a coupé les ponts ; ou
parce qu il^ fait retraite de nuit dans un pays coupé
par des défilés, ou peu connu de vos troupes.
Alors, (& meme dans le cas où vous pouvez poursuivre
fans crainte , & où votre armée eft fi fort
fuperieure en nombre aux ennemis, qu’outre les
détachements neceffaires pour la pourfuite , il refte
encore allez d’autres régiments pour les employer
à quelque nouvelle entreprife ) ; alors, dis-je , en-
voyëz-les par le chemin le plus court fe faifir des
avenues de la place fur laquelle vous avez deffein
d entreprendre ; afin que les ennemis n’ayent pas
le temps d y introduire dés vivres , de l’artillerie ,
& des munitions de guerre. Comme l’ennemi, avant
la bataille perdue, n’avoit peut-être pas lieu de
croire que vous alfiegeriez cette place, il fe peut
qu’elle foiî mal pourvue, ou que fes défenfeurs,
intimides par la déroute de Leur armée , ne falTent
pas une refiftance auifi opiniâtre qu’ils l’auroient
laite dans un autre temps.
Dans le confeil que Scipion l’Afriquain tînt
Immédiatement après avoir défait l’armée d’A f-
drubal & de Syphax, il fut réfolu que le mènerai
marcheroit ayec toute la diligence poflible
pour fe rendre maître des place.s voifines , & que
Lælius & Maflinifla , prenant les Numides &. une
partie des légions romaines, fuivroient Syphax dans
l'a retraite ; afin de ne pas lui donner le temps
de former quelque nouveau deffgin, ou de raf-
fembler de nouvelles forces. Plufieurs villes, conf-
^ernées par la défaite de Syphax, fe hâtèrent de
yenir fe rendre au vainqueur.
En 1683 , l’armée ottomane ayant été battue
devant Vienne , Jean Sobieski s’arrêta cinq jours
dans les environs de cette v ille , afin que fes habitants
&. fes defenfeurs fe puffent repofer fans
crainte. Apres les extrêmes fatigues qu’ils avoient
fouffertes, Charles IV , duc de Lorraine , penfoit
au contraire qu’il falloit ne donner aucune relâche
aux Turcs , & les pourfuivre vivement, pour ne
leur pas laifler le loifir de jetter des troupes dans
leurs places. Ce confeil étoit prudent ; les Turcs
munirent leurs places, & il en coûta beaucoup
pour les prendre. Il eft fur-tout avantageux de
s’emparer promptement des avenues d’une place
dont les habitants, affe&ionnés pour votre prince,
font fupérieürs aux troupes qui la défendent, parce
qifalors ils profiteront de cette occafion pour
obliger la garnifon à fé rendre. Les perfonnes
affidées que vous avez dans une place ennemie,
& qui font avec vous d’intelligence, peuvent aufïi
vous en faciliter la prife en plufieurs manières.
S i, outre les troupes détachées à la pourfuite ,
ou même f i , après l’avoir ceffée , il vous refte des
forces çonfidérables & fort fupérieures , divifez-
les pour faire le liège de quelques places & le
blocus de quelques autres.
Quand Charlemagne eut défait à Mortara l’armée
de Didier , roi des Lombards, il envoya la moitié
de fes troupes devant Vienne, l’autre devant Pavie,
& fe rendit maître de ces deux places; de l’une
par les intelligences & la force ; de l’autre, par
la famine. Baudouin & Tancrède ayant battu
pour la fécondé fois l’armée des Sarazins , ils divisèrent
leurs troupes, & affiégèrent en même temps
Laodicée & Ptolémaïde, places extrèmementfortes,
qui fe rendirent cependant, parce qu’il me fut pas
polfibie aux infidèles d’affembler une armée allez
forte pour les feeourir.
Pour entreprendre en même temps fur différentes
places, je fuppofe qu’elles font fituées de manière
1 qu’il eft aifé d’empêcher les fecours d’y entrer ,
& que les troupes qui les inveftiffênt peuvent y
recevoir leurs convois. Je fuppofe encore que chaque
corps ou chaque détachement de votre armée eft
fupérieur à la garnifon de la place , & aux troupes
que les ennemis peuvent raffembler pendant le
fiège, foit en les failant venir des autres provinces,
foit en recrutant leur armée battue.
Les places dont les avenues font en petit nombre
& fort étroites ne peuvent pas recevoir de fe-
cours, quand même l’armée ennemie feroit plus
nombreufe que celle des affiégeants. Quoique vous
trouviez cet avantage , n’éloignez ni n’engagez un
trop grand nombre de vos troupes au fiège d’une
place, fi les ennemis peuvent en affiéger quelques
unes des vôtres plus importantes pour vous
que celle que vous pourriez leur prendre, ll'vous
feroit peut - être impoffible de venir au fecours ,
ou il faudroiî avoir la honte de lever un fiège ,
après y avoir perdu du temps, des munitions ,
& des hommes.
Dès que Trafybule , Alcibiade , & Théramène
eurènt, avec les forces d’Athènes, gagné fur. mer
& fur terre les deux batailles de Cyfique contre
les Spartiates & leurs alliés , ils fe divisèrent en
trois corps , afin de faire en même temps des conquêtes
éloignées les unes des autres. Les Spartiates
1 fe prévalurent de cette dgfunion ; ils affiégèrent &
prirent l’importante place de Pile.
Chaque détachement, lorfqu’il arrivera devant
une place ennemie , doit la fommer de fe rendre,
pendant que fa garnifon peut croire que c’eft l ’avant-
garde de toute votre armée : & , .quand vous ferez
ces détachements , ne communiquez point aux
uns la route que les autres doivent tenir; faites
au
au contraire croire à chacun d’eux que le gros de
l’armée le fuit. Les commandants auront ordre de
menacer les gouverneurs des places & châteaux
de ne pas efpérer de capitulation, s’ils ne fe rendent
pas avant que toute l’armée s’approche. Je fçais
bien que ce ftratagème ne réuflira point à l’égard
des places affez bien pourvues; mais il peut avoir
fon effet pour les petits châteaux & pour celles
dont le gouverneur peu habile, & la garnifon com-
pofée de nouvelles troupes, intimidées par la défaite
de leur armée , fe perfuadeiront n’agir pas
contre leur devoir, en tâchant de fauver leurs
perfonnes & leurs équipages ; o u , lorfque la garnifon
étant beaucoup moins nombreufe que les
habitants, vous menacerez ceux-ci de ravager la
campagne.
- Nous avons vu une place fe rendre aux maraudeurs
de Louis X IV , parce que le gouverneur &
la garnifon les prirent pour l’avant-garde de l’armée.
Les détachements deftinés à entreprendre fur
les places ennemies doivent empêcher qu’il n’y
entre des vivres ; y faire entrer au contraire plufieurs
bouches inutiles ; s’en approcher par une
marche fecrète, & enlever les troupeaux ; dreffer
des-, embufcades contre. la garnifon de la place ;
tâcher d’en furprendre quelques fortifications détachées
; empêcher que la garnifon ou les habitants
ne retirent de la campagne les fourages, les vivres ',
& les matériaux qui peuvent fervir à faire des
fafcines ; aller au-devant des fecours-, & les battre
lorfqu’ils tentent de s’approcher; fe rendre maître
des ponts , & rompre lés chauffées des places
fituées fur des rivières, ou fur des lacs qui ne font
pas navigables ; s’emparer des villes & des bourgs
qui font les plus fufceptibles de défenfe , & fitués
au pied de quelque fortereffe ; empêcher que la
garnifon abatte les murailles, les haies , & tout
ce qui pourroit fervir à s’approcher à couvert ;
qu’elle détruife les arbres ou brûle les fourages
hors de la portée, du canon ; qu’elle ruine les puits
ou les fontaines &. fources néceffaires à votre
armée ; qu’elle détruife les maifons éloignées qui
peuvent fervir à loger les principaux officiers ou
à former des magafins & des hôpitaux ; qu’elle
n’abatte des tours qui, par leur élévation, commandent
quelques ouvrages du front qu’on peut
attaquer, fur-tout fi ces tours ont des voûtes , qui
, bien étayées, ayent affez de force pour foutenir
de l’artillerie ; employer la plus grande attention
& la plus extrême vigilance , pour éviter qu’en
attendant que le gros de l’armée s’approche , le
détachement foit battu par la garnifon , ou par
les troupes qui tiennent la campagne.
Si vous manquez des munitions, néceffaires, ou
des troupes fuffifantes pour attaquer deux places
en même temps , affiégez la plus importante &
la plus forte. Il eft à prefumer qu’après la bataille
que vous venez de gagner , elle fe rendra plus
facilement que fi vous l’attaquiez lorfque les ennemis
auront repris courage , fe feront refaits, &.
Art militaire. Tome 1.
que vous aurez perdu une partie de vos troupes à
prendre quelque autre place.
Annibal, abandonnant l’Italie , revenoit fou vent
fur fes pas pour la confidérer , & avec de grande»
imprécations contre lui-même , il fe failoit des
reproches de ce que, le jour qu’il avoit gagné la
bataille de Cannes, il n’avoit pas marché droit
à Rome , ainfi que Maharbal le lui confeilloit.
Cortès ne voulut pas foumettre les petits états qu’il
traverfa avant que d’arriver au Mexique : fa maxime
étoit quil faut d’abord s’en prendre à la tête plutôt
qu’ aux membres , parce quon attaque alors avec
toutes fes forces ce qui peut faire plus de réfiftancè.
Jarimare , prince de Rugen , n’eut pas plutôt
défait à la bataille de Neftuved l’armée d’Eric V I I ,
roi de Dannemarck , qu’il alla faire le fiège de Copenhague
, dont il fe rendit maître : entreprile qui,
dans une autre cirçonftance , auroit été extrè-„
mement difficile.
Au refte ) je ne prétends point que , vous con*
fiant uniquement en votre viéfoire , vous vous
engagiez devant une place extrêmement forte , fans
avoir fait les préparatifs néceffaires pour l’attaquer.
Quoique le gain d’une bataille puiffç porter les
afliégés à fe rendre quelques jours plutôt , foit
parce qu’ils font intimidés par la défaite de leur
armée , foit parce qu’ils n’efpèrent aucun fecours ;
néanmoins, fi la garnifon a de l’honneur , elle né
fe f rendra point qu’il n’y ait brèche , & on n’en
fait point fans artillerie , fans poudre , &. fans
boulets. Votre armée ne fubfiftera point devant
cette place fans magafins de vivres ; & , fi quelqu’une
de ces chofes manque, on perd un temps
| qu’on auroit pu employer à des opérations plus
favorables.
Il fe peut qu’après une bataille perdue , le princé
ennemi fe jette dans une de fes places ; foit parce
qu’il fe trouve dans le voifinage avec une efcorte ,
ou qu’il craint d’être coupé dans fa retraite par des
partis. Dans ce cas , hâtez - vous d’envoyer des
détachements pour occuper toutes les avenues , fi
vous vous trouvez en état d’en faire le fiège où
le blocus.
Quoique le prince ennemi ne fe foit pas enfermé
dans fa capitale, il feroit important de la
prendre ; cette conquête entraîneroit celle de tout
le pays. Il eft vrai que les capitales font pour l’ordinaire
fort avant dans l’intérieur de l’état, &. qu’iï
eft difficile d’y arriver ; mais une vi&oire lève
fouvent de grands obftacles, qui auparavant pa*
roiffoient infurmontables.
Dès que Saladin , fùltan d’Egypte , eût battu
Gui de Lufignan , il marcha vers Jérufalem ; qui ,
n’attendant point de fecours, fe rendit le 28 fepr
tembrè 1185.
Guillaume le conquérant marcha droit à Londres
dès qu’il eut défait l’armée d’Harald I I , roi d’Angleterre.
A peine, Richard, duc d’Y o r ç , & Ri*
chard, duc de Berwick , eurent gagné la bataille
de Nprthampton contre Henri V I , qu’ils marp
P