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demanda* quartier & miféricorde, ou bien il étoit
tué. ( Fa ichet, L II. Duc ange , glojfar. ).
On lit dans le roman de la rofe :
Pitiez qui a touts bien s’accorde ,
Tenoit une miféricorde :
Certes, fe li a&eurs ne ment
Perçeroit pierres, diamens.
Et dans Guillaume Guyart, an 1301:
Plufieurs piétons françois alla,
Qui pour prifonniers n’ont pas cordes ,
Mais coutiaux & miféricordes ,
Dont on doit fervir en tiex feues.
Et en l’an 1313
Fauchons, tranchans , efpées elères }
Godendas , lances émoulues ,
Coutiaux , miféneordes nues.
Et dans la charte de la commune d’Arras de
l’an 12,21 : Quicumque cuitdluni eum cufpide, yel
curtam fpathulam, vel mifericordiam, vel aliqua
arma multritorïa portaverit, &c. Quiconque portera
un couteau pointu ou une épée courte , ou une
miféricorde , ou quelques autres armes meurtrières,
&c.
Ces miféricordes étoient encore d’ufage en
France vers l’an 1316 , comme il paroît par un
inventaire d'armes qui eft à la chambre des comptes
de Paris, fait par un nommé Doublet. Item, huit
épées de Touloufe & deux miféricordes. Item, deux
épées & une miféricorde.
Nous avons encore des poignards anciens ; il
y en a plufieurs à Chantilly ; mais, comme ni nos
hiftoriens, ni nos romanciers ne nous difent point
précifément qu’elle étoit la figure de la miféricorde,
on ne peut la repréfenter ici.
La lance fut long-temps Y arme propre des chevaliers
&. des gendarmes. Il n’étoit permis autrefois
qu’aux gentilshommes &. perfonnes de condition
libre de la porter dans les armées : elle eft
appellée en latin lancea ; mais elle eft aufli très
fouvent défignée par le mot de hafla : c’eft dans
cette lignification que Guillaume le Breton la
prend, en parlant des armes propres des gentilshommes.
On faifoit ordinairement les lances de bois de
frêne, parce qu’il eft roide & moins caffant. Les
piques de l’infanterie ont été du même bois par
la même raifon. Dans l’énumération des armes
données à Geoffroy, duc de Normandie, il eft
d it , qu’entr’autres armes , on lui mit en main une
lance de bois de frêne, armée d’un fer de Poitou.
Guillaume le Breton , parlant du combat de
Guillaume des Barres contre Richard d’Angleterre
, auprès de Mante, dit, en ftyle poétique ,
que leurs boucliers furent percés par le frêne.
Le paffage d’un autre auteur > f Albert, aq. p. 4 ,
C> 6. ) , nous apprend la même chofe, & en même- .»
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temps que les lances étoient fort longues. «Les
lances des François, dit-il, étoient de bois de
frêne, avoient un fer fort aigu ,■ & étoient comme
de longues perches ».
On les fit enfuitè plus courtes & plus greffes.
Ce changement arriva , lorfqu’un peu avant
Philippe de V a lo is, l’ufage vint, pour les chevaliers
éc la gendarmerie, de combattre à pied ,
même dans les batailles, &. dans les combats réglés.
Alors ils accourciffoient quelquefois leurs lances
en les coupant par le bas de la hampe ; cela s’ap-
pelloit retailler les lances, c’eft ce que témoigne
Froiffart en divers endroits. ( 7o/n. I , c. 51 ,_6*c.).
Voici ce que dit à fujet le préfident Fauchet.
« La lance qui aufli s’appelloit bois , je crois par
excellence, & encore glaive , & puis quand elles
furent plus groffes, bourdons ; & bourdonnaffes ,
quand elles turent creufes , ( ce dit Philippe de
Comines parlant de la bataille de Fournoue ; mais
le même Comines témoigne qu’elles étoient
creufes...., ) , a toujours été Y arme du chevalier,
plus longue toutefois que celle d’aujourd’hui, &
comme celle des Polonois, encore que les chevaliers
n’euffent point d’arrêt ferme , à caufe que
leur haubert étant de mailles , l’on n’eût feeu où
le clouer, ( cet arrêt ) , fur les mailles ; les che-
1 valiers ne laiffoient de clouer fur la felle, ou
appuyer le gros bout contre l’arçon de là felle
de leurs chevaux, je crois bandée de fer à l’an-
gloife : mais il ne me fouvient point d’avoir v eu .
-peintes des lances qui euffent des poignées comme
aujourd’h ui, avant l ’an 1300 ; ains toutes unies
depuis le fer jufqu’à l’autre bout, comme javelines:
lefquelles, même du temps de Froiffart , les
chevaliers étant defeendus à pied rognoient pouf
mieux s’en aider au poufîis. En ce temps-là les
guerriers penfoient que les meilleurs fers de lances
vendent de Bourdeaux...... Après l’envahie,effais,
ou courfe, du temps de Froiffart, il falloit mettre
pied à terre , rogner , comme j’ai Hit, fon glaive ,
( c’eft-à-dire fa lan ce ), & d’icelui pouffer tant
qu’on eût renverfé fon enhemi. Cependant choif-
fant la faute de fon harnois pour le bleffer & tuer ;
& lors ceux qui étoient plus adroits & avoient
meilleure haleine , pour durer à ces pouffis de
lances , étoient eftimez tes plus aperts hommes
à’armes, c’eft-à-dire, dextres , ruzés & experts ».
On omoit les lances d’une banderolle, auprès
du fer ; ( la Noue, difeours 18 ) ; c’étoit une coutume
très aucienne ; on la trouve dès le temps
des croifades. ( Alberr aq. L IV , c. 6. ).
Il arrivoit ordinairement, dans les rudes chocs ,
que les lances fe fracaffoient & fautoient en éclats.
C ’eft pourquoi, dans les tournois , pour dire faire
un affaut de lances, on difoit rompre une lance :
ainfi le combat, avec cette arme, quand il fe
faifoit -à cheval, ne duroit qu’un moment; on la
jettoit après le premier choc, de on en venois
à l’épée.
Guillaume Guyart, en racontant la defeente
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<}e Saint Louis auprès de Damiette , s’exprime
ainfi :
Après le froifïels des lances,
Qui ja font par terre femées |
Giettent mains à blanches efpées, Defquelles ils s’entrevaïffent ;
Hyaumes & baçinets tentiffent ,
Et plufieurs autres ferreures ;
Coutiaux trespercent armeures«
Lorfque, dans le combat de deux troupes de
fendarmerie, l’une contre l’autre, otijvoyoit, dans
une , des lances levées, c’étoit un figne d une
prochaine déroute. C ’eft ce qu’obferve d Aubigne ,
dans fa relation de la bataille de Coutras. ( tom. 111,
/. / , c. 1 7 .) . En effet, cela marquoit que les
gendarmes ne pouvoient plus faire ufage de leurs
lances, parce qu’ils étoient ferrés de trop près
par les ennemis.
L’ufage de la lance, dans les armees, ceflà en
France long-temps avant que les compagnies d ordonnance
euffent été réduites à la gendarmerie
d ’aujourd’hui. Le prince Maurice l’abolit entièrement
dans les armées de Hollande. Il en eut une
raifon particulière; c’eft que le pays ou ^ faifoit
la guerre contre les Efpagnols, eft marécageux,
coupé de canaux & de rivières, fourré, inégal,
& qu’il falloit, pour les lanciers, des pays plats
& unis , où ils puffent former un aflez grand
front, & courir à bride abattue fur la même ligne ,
dès qu’il avoient pris carrière, c’e f t - à - d ir e , à
fpixante pas de l’ennemi.
Mais il eut encore d’autres raifons , qui lui
furent .communes avec la France. Les lanciers ,
jufqu’à ce temps, étoient prefque touts gentil-
hommes y Henri III avoit même déclaré, par
fon ordonnance de 1575 , que non-feulement les
lanciers, mais les archers des ordonnances dévoient
être de noble race. Or , les guerres civiles
avoient fiait périr une grande partie de la nobleffe
de France aufli bien que des Pays-bas, &■ on avoit
peine à fournir de gentilhommes les compagnies
d’ordonnance.
11 falloit que les lanciers euffent de grands
chevaux de bataille très forts,-de même taille ,
dreffés avec grand foin, très propres à touts les
mouvements que demandoit le combat de la lance.
Il étoit difficile d’en trouver un grand nombre
de cette forte : ils coûtoient beaucoup ; & il y avoit
peu de gentilshommes qui fiiffent en état de faire
cette dépenfe ; les guerres civiles ayant ruiné la
France & les Pays-bas.
Le maniement de la lance demandoit une grande
habitude & un exercice très fréquent. Cette habitude
s’acquéroit dans les tournois & dans les académies.
Les guerres civiles ne perftiettoient plus
depuis longtemps l’ufage des tournois ; & la plupart
de la jeune nobleffe s’engageoit dans les
.troupes, fans avoir fait d’académie ; elle étoit par
-ponfequent peu habile à fe fervir de la lance,
Qn abandonna «donc peu-à-peu cette arme, &
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on ne s’en fervoit plus guère fous le règne de
Henri IV. On ne connoît point d’ordonnance
donnée par ce prince pour l’abolir : mais George
Bafta , fameux capitaine des armées de Philippe 11,
roi d’Efpagne, & de celles de l’empire, marque
expreflement, fous Henri IV , l’époque du retranchement
des lances dans les armées françoifes,
puifqu’ilécrivoit vers ce temps. Il parle de ce changement
, dans fon ouvrage fur la cavalerie legere.
( l. I V , c. 7. ). « L’introduéHon des cuiraffes ,
dit-il, ( c’eft-à-dire, des efeadrons de xuirafliers ) ,
en France , avec un total banniffement des lances,
a donné occafion de difeourir quelle armure feroit
la meilleure , & c . «. C ’eft donc vers ce temps que
les lances furent abolies dans nos troupes. Les Espagnols
en- eurent encore ; mais en petit nombre.
« Ils font les feuls, dit le duc de Rohan , dans
fon traité de la guerre , dédié au roi Louis XIII ,
qui ayent retenu quelques compagnies de lances,
qu’ils confervent plutôt par gravite que par raifon ;
car la lance ne fait effet que par la, roideur de
la courfe du cheval, &. encore il n’y a qu’un rang
qui s’en puiffe fervir ; tellement que leur ordre
doit être de combattre en haie ; ce qui ne peut
réfifter aux efeadrons : & fi elles combattaient
en efeadrons, elles feroient plus d’embarras que
de fervice ».
Les François fe font fervis pendant long-temps
de la hache, de la mafle d’arme, & de la maffue.
Guillaume le Breton dit, en décrivant la bataille
de Bovines :
Nunc clava cap ut, aune veto bipennis,
Excerebrat.
On employa d’abord la hache ordinaire ; enfuite
celles à qui l’on donnoit le nom de haches d’armes.
Le manche en étoit beaucoup plus menu, & le
fer avoit deux côtés ; l’un femblable à celui des
haches ordinaires , mais plus court, & quelquefois
plus large ; l’autre , étoit une affez longue
ppinte de fe r , ou un croiffant fort pointu par les
deux bouts , ou avoit quelqu’autre figure. On en
voit encore dans nos arfenaux ; & on en donne
quelquefois à des foldats dans les forties , ou dans
les affauts. Il y en a plufieurs à Ghantilli, &. de
formel très variées.
' Les haches danoifes étoient autrefois les plus
eftimées.
Et portent glaives , & efpies poitevines ,
Haches danoifes pour lancier & férir.
Rom. de GARifr.
La plus dangerenfe de toutes les haches étoit
la befague, parce qu’elle étoit tranchante de deux
côtés.
Trop bien faifoit la béfague ,
Qui efi par les deux becs ague.
Difoit un ancien poète, qui écrivoit en 1376.
* Là mafle ou maffue fut aufli très fréquemment
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