
fiee qu après avoir foutenu au moins trois affauts
au corps de la place.
5 C e formulaire eft ancien & antérieur à l’ufage
d attaquer une place avec une artillerie auffi nom-
breufe qu’on le fait à préfent. Mais on peut du
moins exiger qu’un gouverneur faffe de fon mieux
pour défendre fa place ; qu’il emploie avec fageffe
& capacité touts les moyens qui lui auront été admi-
niftres par le prince , pour une bonne défenfe ; &
qu il ne demande a capituler que lorfqu’il lui fera devenu
ablblumentimpoffible de garder plus longtems
là place fans expoler la garnifon à être forcée.
Quelque valeur &quelque habileté qu’ait un gouverneur
; quelque déterminée que foit la garnifon
a bien faire fon devoir ; le'défaut de vivres ou de
munitions , & l’impuiffance de défendre une grande
brèche, font des raifons auxquelles la valeur, le
2èle pour le prince & fâ patrie font obligés de
céder.
Jufqu’ ici nous n’avons parlé que de l’efprit dans
lequel on doit capituler ; ou de l’ame, fi je peux
m exprimer ainfi , des capitulations : voyons - en
maintenant le corps, c’en -à - dire la forme qu’on
leur donne.
, La manière dont une capitulation fe fait aujour-
à hui êft que , par l’ordre du commandant de la
place , on arbore fur la muraille un pavillon blanc ;
ou , ce qui eft plus ordinaire , un tambour vient
iur le rempart, bat la chamade, & crie à haute
.voix que ceux de la place demandent à traiter.
r ^ es Ie moment , ~'lè gouverneur fait cefler la
réparation des brèches ck les autres travaux, & fait
défenfe de tirer fous peine de la'vie.
Dès que la chamade a été battue , le général des
amegeants fait fortir deüa tranchée l’officier qui y
commande. Cet officier va fèul, & ne porte point
d ’autres armes que fon épée ; il ne pâlie point le
lieu que le tambour lui marque.
Le général de l’armée affemble fon confeil de
guerre poifr délibérer fi on traitera ; & pour l’ordinaire
, on conclud à entendre les proportions du
commandant. Le général, pour ne point laiffer aux
■ affiégés le temps de reprendre haleine ou de recè-
_voir du fecoùrs, lui envoie au plutôt des députés.
L e gouverneur de la place n’eft jamais du nombrè
de ceux qui viennent traiter : c’eft une chofe établie
qu'il ne fort point de fa place , tant qu’elle eft af-
fiegee ; non-feulement pour capituler , mais même
pour fe mettre à la tête des forties. Cette récrie eft ‘
foit.iage ; mais elle n’eft pas fort ancienne : nous
î r° uYons Pldfîeurs exemples du contraire dans nos
hnroires; & , pour ne pas remonterft haut,l’amiral
de Viilars., qui eOmmandoit dans Rouen,, lorfque
Henri IV 1 affiegea , conduiftt plufieurs forties en
perfonne, & s’y : conduiftt avec autant de valeur
que de capacité.
Quant a la capitulation, les députés du commandant
fortent par le guichet d’une des portes ,
ou quelquefois par la brèche, quand le fofîe eft fec :
•n les a même, en certaines occasions ? defcendus
par le rempart avec des cordes. Le général envole
en même-temps un ou plufieurs officiers en otage
dans la ville pour la fureté des députés.
Ceux - ci font leurs propofitions & .les mettent
par écrit. Le général les examine dans fon confeil ;
accorde les unes & refufe le% autres., félon qu’il
juge à propos ; on difpute de part & d’autre ,
chacun pour fes avantages : enfin on conclud ; ou ,
les députés étant renvoyés & les otages rendus ,
on recommence à attaquer & à fe défendre.
On eft fort exa£ à peler touts les termes, pour
n’y laiffer aucune équivoque quripuiffe donner
lieu au général ou au gouverneur de chicaner fur
l’exécution. Dans l’article où l’on marque le lieu
où la garnifon doit être conduite après la reddition
de la place, on ne manque point d’y marquer
qu’elle y fera menée par le plus court chemin 9
ou par celui qu’on fpécifie.
Ce qui arriva en 1638 , fous le règne de Louis
X I I I , durant le fiège de Saint-Omer, que faifoient
les maréchaux de la Force & de Châtillon , a
rendu très attentifs fur ce point. M. de Manicamp ,
maréchal de camp', &. M. de Bellefond, meftre de
camp , furent attaqués dans le fort du Bacq, près
Saint - Orner , par le général Picolomini. Ils fou-
tinrent plufieurs affauts , dans lefquels ils tuèrent
neuf cents hommes aux affaillants. Enfin , ne pou-
vant plus tenir , ils capitulèrent. Un des articles
de la capitulation étoit qu’ils feroient conduits en
France. Il fut obfervé', mais on les conduiftt au
travers des Pays-Bas, par le Luxembourg. Ils s’en
plaignirent ; on ne leur fit point d’autre réponfe ,
linon que ceux qui donnent la loi ont droit d’interpréter
les articles indéterminés , & qui ne font
pas affez clairs. Je ne crois pas qu’on employât
aujourd’hui de femblables artifices. Eluder ainfi
des conventions par des fophifmes , c’eft manquer
à la bonne fo i , & s’expofer aux repréfailles fi l’ennemi
eft capable de ne pas rejetter des moyens
auffi méprifablës.
Quand le général eft affuré que la place ne peut
lui échapper, il prefcrit les conditions telles qu’il
*ui \plait. Pour l’ordinaire , il accorde par généro-
fite des marques d’honneur à un gouverneur qui
s eft bien défendu ; mais, fi les ennemis en ont mal
ufé en pareille rencontre , il s’en fouvient & les
traite de même.
Autrefois on capituloit fimplement, & plus franchement.
Le gouverneur ne faifoit point de difficulté
‘de fortir de fa place pour traiter lui-même
avec les affiégeants : ou bien il envoyoit un héraut
d’armes avec fon équipage de héraut , qui lui fer-
voit de fauf-conduit, pour avertir que le commandant
vouloit parlementer, ou il venoit lui-même
aux créneaux delà place , & appelloit quelqu’un des
affiégeants.
On en voit plufieurs exemples dans Froiffarî ;
& en particulier un commandant anglois, nommé
Jean Normeck , quidéfendoit Angoulême en 1346,
contre le de Normandie, Ce chevalier étant à
l ’extrémité , & n’étant point fur de les habitants,
fongea à fe retirer avec fa garnifon. 11 alla lui-même
aux créneaux ; ayant fait ligne avec fon chapeau
y il dit qu’il vouloit parlementer. Le duc de
Normandie v in t, croyant qu'il fe vouloit rendre.
Mais celui-ci dit qu’il n’en étoit pas là ; que ce
qu’il vouloit étoit que, comme c’étoit le lendemain
la Chandeleur , il ne fe fit réciproquement aucun
aâ e d’hoftilité. Le duc de Normandie y ayant
acquiefcé, Jean partit le lendemain matin avec fes
troupes & fon bagage , fans qu’on les en empêchât ;
le duc de Normandie ayant donné fa parole qu’il
n’y auroit aucun a&e d’hoftilité entre eux.
Nous ne ferions plus dupes d’un tel ftratagème ,
& nous regarderions cette retraite de Jean Nor-
meqk. comme un aâe d’hoftilité qui anntille- la
convention ; mais on voit par là avec quel fcru-
pule on obfervoit alors les capitulations.
Les princes & les chevaliers de ce temps n’avoient
rien de plùs à coeur que d’être religieux obferva-
teurs de leur parole. C ’étoit le plus outrageant de
touts les reproches que celui d’y avoir manqué ,
& il n’y avoit rien à quoi ils fuffent plus fenfibles.
Les duels , beaucoup moins fréquents en France
dans ce temps qu’ils ne le furent depuis , n’avoient
ordinairement pour fujet que ce reproche. Cette
droiture & ce point d’honneur durèrent jufqu’aux
guerres civiles qui s’allumèrent dans le royaume au
Jujet du calvinifme. Alors il n’y eut prefque aucune
fidélité dans les capitulations ; tantôt, parce que
les commandants n’étoient pas maîtres de leurs
troupes, tantôt pour çaufe de repréfailles qui ne
finiffoient jamais ; les dernières étant regardées
comme une nouvelle injure qu’on prétendoit avoir
d^oit de venger. D e là venoit ordinairement que les
commandants & les foldats des villes attaquées fe
défendoient jufqu’à l’extrémité , & aimoient mieux
s’expofer à périr d’affaut qu’à périr fans combattre
par la mauvaise foi du vainqueur.
[ Obfervons que dans les guerres de religion il
y a toujours des têtes échauftées qui donnent aux
•traits les plus famts & les plus innocents des interprétations
conformes à leur haine pour le parti
contraire. Saint Auguftin n’a certainement pas d it,
;pour éteindre la bonne foi parmi les hommes que,
félon le droit divin, tout eft jufte aux fidèles &.
que les hérétiques ne pofsèdent rien. L’interprétation
littérale de ce paffage & fon exécution ne font certainement
pas permifes aux fidèles : fans cela non-
feulement , comme dit Barbeyrac dans fa préface
du droit de la nature des gens , ce principe abominable
renverferoit de fond en comble la fociété
humaine ; mais feroit oppofée aux paroles de J. C.
& aux préceptes de l’évangile. ( J. ). ]#
Dans ces anciens temps, les villes qui capitu-
loient, outre qu’elles députaient pour capituler ,
envoyoient d’ordinaire plufieurs otages au camp
ennemi tant pour la fureté de ceux qu’on envoyoit
réciproquement dans la place, que pour
.répondre fur leur tête des hoftilités qui pourroient I
fe faire durant la capitulation, L’ufage étoit que
ces otages fuffent gardés, non pas touts enfemble
dans une'tente, ou dans une maifon renfermée
dans le camp ; mais qu’on les répartit entre les
principaux officiers de l’armée , qui dévoient auffi,
après la capitulation, partager entre eux les prifominiers
& le butin qui fe trouvoit dans la place.
( D a n ie l . Milit. franc. Tom. I er, L. V I l î , C. 2.) .
Il ne nous refte qu’un petit nombre de ces capitulations.
Celles que l’on voit font pour le fond
allez femblables à celles que l’on fait aujourd’hui :
c’eft l’énoncé-, article par article, des demandes
du gouverneur ; St le général affiégeant les accorde,
modifie , ou refufe.
On met dans ces capitulations des articles relatifs
à l’efpèce de la guerre. Si on combat pour la religion
: ( heureuiëment cette phrénéfie s’éteint dans
l’Europe , & malgré les efforts que font encore
de temps en temps quelques fanatiques, on n’a
pas lieu de craindre qu’elle revienne ) : f i , dis-je ,
la religion a été la caufe ou le prétexte de la guerre ,
on doit mettre entre les principaux articles que la
place ne fera point pillée, ni les habitants moleftés
dans leurs biens ; qu’ils feront reconnus pour fidèles
fujets du prince vi&orieux ; qu’ils jouiront des fran-
chifes & prérogatives dont jouiflent les autres fujets
avec le libre exercice de leur religion , prêtres ou
miniftres, églifes ou temples.
Ceux qui fe défendent pour l ’intérêt de leur
prince, ou pour leur propre liberté, doivent y
mettre qu’ils auront touts la vie fauv e , & qu’il
ne fera fait aucun tort ni injure tant aux foldats
de la garnifon qu’aux bourgeois de la v ille , foit
qu’ils lortent, ou qu’ils demeurent dans la place.
Quand ceux de la place font des féditieux qui fe
font révoltés , & ont violé le droit des gens , les
affiégeants ne doivent les recevoir qu’à difcrétion :
Ces fortes de perfonnes font indignes de l’honneur
d’entrer en capitulation ; ou, fi un général veut leur
faire quelque grâce , il en fait châtier quelques-
uns pour l’exemple.
Quoique de nos jours les procédés entre ennemis
foient touts fondés fur la générofité , le
chevalier Folard dit cependant qu’un gouverneur
qui capitule ne fçauroit être trop exaél à pefer
les termes de la capitulation , pour n’y laiffer aucune
équivoque qui puiffe donner lieu au général
de chicaner dans l’exécution : faute de ces préemptions,
les vainqueurs ont fouvent abufé de leur
fu^ériorité. Cet auteur en cite plufieurs exemples
tirés de l’antiquité, tels que celui que fournit Polybe
au fujet des Locriens ; d’Alexandre qui viole un
traité fait avec les Indiens ; des Romains au fiège
de Carthage ; du traité des Samnites avec leurs
ennemis ; des Romains avec les Campaniens &
► les Volfques ; d’Alexandre avec Arimaze ; de Céfar
au fiège de Namur , d’Annibal à Salamanque.,
Sic. ( Voyei G r o t iu s , traité de la paix & de La.
guerre. ).
I Aujourd’hui, en Europe, les capitulations fo»t