
O n ia donne pendant les mois de,l’année les
plus rigoureux , aux caporaux qui font de garde ,
& aux foldats qui font en faâion. L’ufage de la
tapote eft très fage : il peut feul prévenir plufieurs
des maladies dont les troupes font affeéîées» Comment
en effet un foldat qui fort d’un endroit où
l’on a fait un feu de corps de garde, & qui va paffer
une ou deux heures fur un rempart, expofé au
grand air, & fbuvent au grand froid, n’éprouveroit-
il pas toutes les maladies qui fuivent ordinairement
une tranfpiration diminuée ou fupprimée. Si ,pour
prévenir les effets que produit une différence de
température aufîi confidérable & aulfi fubite , on
vouloit empêcher le foldat de faire beaucoup de
feu dans le corps de garde, il mettroit fur le
compte de l’avarice, peut-être même de la rapacité
, ce qui feroit l’effet d’une attention prévoyante
pour fa fanté. Si on ordonnoit aux caporaux
de faire refter fous le portique du corps de garde,
pendant environ un quart d’heure, les hommes
q u i, pendant l’hiver , doivent aller en faâion , ou
ceux qui en reviennent , on obvieroit bien à
quelques-uns des inconvénients que nous avons
reconnus ; mais combien de coupables cette loi ne
feroit-elle pas ? Le caporal veut relever promptement
les fentinelles, pour retourner auprès du feu ,
Sc. le foldat quitter le poêle le plus tard qu’il lui
eft poffible, ou s’en rapprocher le plutôt qu’il le
peut. Les gilets que M. de Zimmerman propofe ,
& dont nous avons parlé dans l’article C a p o r a l ,
pourroient garantir des tranfpirations fupprimées;
mais ce moyen feroit très difpendieux. Tenons-
nous -T en aux capotes ; rendons - en l’ufage général
dans tout le royaume, & veillons à ce que,
par vétufté , elles ne deviennent pas inutiles. [ C ].
CAR ABIN S. On nommoit ainii une efpèce de j
troupe de notre ancienne milice. C ’eft aux carabins
que nos dragons ont fuccédé. M. de Montgom- *
mery dit que les Efpagnols font les premiers qui
en ont fait ufage : les carabins ne formoient point
un corps féparé dans les troupes de France , fous
Henri IV ; mais un certain nombre étoit incorporé
dans une compagnie de chevaux légers , c’eft-
à-dire de cavalerie , ou plutôt y étoient joints,
fans être du corps. Ils étoient quelquefois jufqu’au
nombre de cinquante ; ils n’avoient point d’autre
capitaine & d’autre cornette que ceux de la compagnie
; mais un lieutenant, un. maréchal des logis,
fk deux caporaux.
Leurs armes défenfives étoient une cuiraffe
échanorée à l’épaule droite, afin de mieux coucher
en joue ; un gantelet à coude , pq.ur la main de
la bride ; une cabâffet en tête ; & , pour armes
offenfives, une longue efcopette de trois pieds
& demi au moins, & un piftolet.
Leur manière de combattre ito it de former un
petit efcadron , plus profond que large , à la
gauche de l’efcadron de la compagnie des chevaux
légers ; d’avancer au lignai du capitaine jufqu’à deux
cents pas d’un efcadron de lanciers, & à cent,
fi c’étoit lift efcadron de cuirafïiers"; de faire îetï#
décharge rang à rang, l’un après l’autre , & puis
de fe retirer à la queue de leur efcadron. Si les
ennemis avoient aufîi des carabins, ils dévoient
les attaquer, non pas en gros , mais en efcarmou-
chant , pour les empêcher de faire feu fur les
chevaux légers, lorfque ceux-ci marchaient pour
charger.
Ils étoient deftinés à entamer le combat, à
protéger les retraites , & à efcarmoucher. Il en eft
fouvent parlé dans l’hiftoire d’Henri IV ; mais il y
en avoit avant le règne de ce prince. Il en eft
fait mention dans l’extraordinaire des guerres ,,
dès le temps d’Henri II. L’hiftorien Dupleix
prétend que ceux de fon temps qu’on appelloit carabins
étoient ceux -là même auxquels , fous le
le règne d’Henri I I , on donnoit le nom d’argoulets ;
& d’Aubigné dit que ce. ne fut que fous Henri
III que le nom de carabin commença d’être bien
en ufage pour cette efpèce de milice. Il eft certain
que le fervice des argoulets & celui des carabins
étoient fort femblables.
Cette milice fubfiftoit du temps de Louis X III ÿ
comme nous l’apprenons de Bellon , dans
fes principes de l’art militaire. Il 'décrit ainfi
l’armure de cette milice : ils auront la cuiraffe &,
un pot ou falade , fans autre arme défenfive ; & ,
pour armes offenfives, une greffe arquebufe à rouet
de trois pieds, ou un peu plus, ayant gros calibre »
l’épée au côté, & un piftolet court. Ils porteroient*
fi l ’on vouloit, les cafaques, &. les gamaches au
lieu de bottes , pour mettre mieux pied à terre au
befoin. Étant ainfi armés & montés ,. ils peuvent
combattre à pied & à cheval , & fe mêler à la
cavalerie. ».
Les carabins qui, fous le règne d’Henri IV , ne
faifoient point de corps féparé dans les troupes ,
& étoient joints aux compagnies de cavalerie légère
, fous les capitaines de ces compagnies, formèrent
des régiments entiers fous le règne de Louis
X I I I . Il s’en trouve dans l ’état des armées de l’an
1643 j -jufqu’à douze régiments étrangers. On fit
fous ce règne, pour les carabins , ce qu’on a fait
fous Louis XIV pour les carabiniers ; on les fépara
delà cavalerie légère pour les mettre en régiment»
& fous Louis X IV pour les grenadiers , dont on
a formé, à la vérité, pour la campagne feulement »
en 1759 ou 1760, des bataillons.
Les plus fameux carabins du règne de Louis
XIII furent les carabins de d’Ârnault, meftre de
camp d’un de ces régiments , qui étoit de onze
compagnies ; touts gens déterminés comme le
furent depuis les dragons de la Ferté.
Alors , félon l’état des armées, la garde des
généraux étoit ordinairement compofée de carabins•
11 y eft marqué que le maréchal de la Meilleraye
avoit pour fa garde trente carabins \ le maréchal
de Chatillon , autant ; le duc d’Angoulême , qui
confmandoit en Picardie , autant : M. du Hallier
lieutenant général, en avoit v in g t, ôte.
Il y àvoit une charge de général des carabins ;
elle fubfifta même depuis la fuppreflion des carabins
, qui ne fe fit que plufieurs années après la
paix des Pyrénées : il eft encore fait mention des
carabins, dans une ordonnance de Louis X IV . M.
le comte de T e ffé , depuis maréchal de France,
acheta cette charge du comte de Quincy , l’an
1684 , la fit lupprimer par le r o i , & en même
temps obtint pour lui la création de l’emploi de
meftre de camp général des dragons.
Sur l’ancienneté des carabins en France , on
peut dire que, comme ils étoient originairement
des cavaliers efpagnols , ils devinrent un.mélange
de bafques & de gafeons , qui prirent leur nom
de l’arme karal dont ils ufoient : mot qui en arabe
fignifie tout inftrument de guerre , &. qu’ils -ne
commencèrent vraifemblablement à paroître en
France qu’avec les rois de Navarre, Jean d’Al-
bret & Antoine de Bourbon, qui poffédoient la
haute & baffe Navarre , la Bifcaye , & les provinces
de Bigorre, de Bearn , de Foix, de Com-
minges , d’Armagnac , & autres , qui furent réunies
à la couronne par l’avènement d’Henri IV.
Il n’eft donc pas étonnant qu’il fe foit vu en France
une milice compofée des peuples parmi lefquels
étoit né un de nos rois, & qui avoient eu ce roi
pour maître avant qu’il montât fur le trône.
Quoi qu’il en foie, Henri IV avoit mis une de
ces compagnies de carabins dans fa garde : elle
avoit peut-être été fa garde du corps , tant qu’il
ne fut que roi de Navarre ; & c’eft cette compagnie
qui fut enfuite la première des deux compagnies
des moufquetaires. ( Daniel, mil. Fr. T. 1. L. 4. C. 3.
p■ BBB!
CARABINIERS. Nom d’un régiment de cavalerie
françoife. Par l’ancienneté de fa création , il
feroit le douzième ; mais à caufe du nom de royaux
que portent les régiments qui le précèdent, il n’occupe
que le vingt-deuxième rang. '
Quoique le. régiment des carabiniers foit compris
dans le corps de la cavalerie françoiie , & que
fon meftre-de-camp propriétaire prenne l’attache
du colonel général de cette cavalerie , il aura cependant
ici un article particulier : la conftitution,
fon armement, & les prérogatives honorables &
utiles dont il jouit, rendent néceffaire cette diftin&
ion.
On donne prefque indifféremment aux carabiniers
le nom de corps, & celui de régiment. La
première de ces deux dénominations eft celle qui lui
convient le mieux. Les troupes de cavalerie qu’on
défigneïpéeialement par le nom de régiment ont
en effet très peu de reffemblance avec les carabiniers;
&. , comme on l’a vu dans l’article brigade
9 il eft vicieux de donner le même nom à
des objets qui ne font pas femblables-.
Suivant 1 opinion la plus commune & là plus
vraifemblable, les carabiniers tirent, leur nom de
1 arme de jet dont ils font pourvus. ( Voye^ le commencement
de la fécondé fetlion de cet article.).
Les carabiniers portent le furnom de carabiniers
de Monfieur, parce que M on sieu r frère du ro i,
eft meftre-de-camp propriétaire de ce corps.
Pour donner une notion exaéfe du corps des carabiniers^
nous dirons d’abord ce qu’il eft actuellement;
nous parlerons enfuite des principales variations
qu’il a éprouvées ; nous rapporterons enfin ce qu’il
a fait pour le fervice dé l’état. Nous voudrions pou-,
voir donner à cet-te dernière feétion tout le développement
qu’elle mérite : mais la nature de cet
ouvrage nous force à n’offrir à nos leéteurs qu’un
tableau rapide des aétions que les carabiniers ont
faites, & de celles auxquelles ils ont eu une très •
grande part.
Si le gouvernement eft jamais perfuadé de la
nécefïité de faire compofer l’hiftoire de chaque
régiment au fervice detFrance, (Voye{ H is to ir e ) .
l’écijivairi qui fera chargé de rédiger celle des carabiniers
trouvera à l’état major de ce corps une
quantité confidérable de bons matériaux. Ils font
confiés à M.Pillerault, quartier-maître-tréforier ,
qui les a mis dans le meilleur ordre , & qui a bien
voulu nous les communiquer. C ’eft dans cette
fource , & dans la milice françoife du père Daniel ,
que nous avons puifé les détails que nous donnerons,
S E C T I O N Ire.
Formation & divifion du corps des carabiniers.
Le corps des carabiniers a , comme le refte des
troupes françoifes, deux formations différentes ; une
pour la guerre & l’autre pour la paix. Il doit être
porté pendant la guerre à 1560 hommes ; & , pendant
la paix, il n’eft entretenu que fur le pied de
1300 maîtres. Dans ces deux nombres on ne comprend
ni les officiels , ni les deux adjudants , ni le
timbalier, l’armurier , les deux maréchaux experts,
& les deux felliers.
Comme, au nombre des hommes près , la conftitution
du corps des carabiniers eft la même pendant
la guerre que pendant la paix, nous nous bornerons
à taire connoître cette dernière.
J Le corps des carabiniers eft divifé en deux brigades;
chaque brigade eft par conféquent com-
! pofée de 650 hommes.
-Chaque brigade eft divine en cinq efeadrons
j ou compagnies ; chaque efcadron eft donc com-
pofé de 130 maîtres.
Chaque efcadron ou chaque compagnie eft divifé
en deux pelotons ; chaque peloton en deux
feéîions ; & enfin chaque feâion en deux brigades.
La brigade eft. donc de 16 ou 17 carabiniers.
Ce rapprochement des deux mots, brigade ,
fait fentir la jufteffe des réflexions que nous avons
faites , en commençant l’article brigade; & il nous
engage à dire ici avec M. de Condorcet ; « la per-
feétion de la langue de chaque fcience contribue plus
qu’on ne l’imagine à y rendre les découvertes
plus promptes & plus faciles n.