
inutilement des fonds 6t des hommes dont l’emploi
fer oit. très nécefl'aire ailleurs ; une compagnie qui
n'eft pas divilée- d'après de bons principes, manoeuvre
avec difficulté; fa police intérieure marche
d’un pas inégal, & fes forces imal diftribuées, ne
produifont pas tout l’effet qu’on devoit en attendre.
Pour réfoudre les problèmes qui nous occupent
il faut examiner quelles ont été la force & la divifion
des compagnies dans les époques heureufes
ou malheur eu fes' de l’état ; rapporter ce que les
écrivains militaires ont dit fur ces divers objets ;
confulter le génie de la nation ; confulter l’opinion
des gens de guerre, & jetter enfin un coup d’oeil
attentif fur la taéfique de l’infanterie.
Après avoir examiné féparément, calculé même,
£ l’on peut parler ainfi , ce que demande chacun
de ces objets eh particulier ; on les confidérera
comme s’ils étoient réunis , & comme s’ils n’a-
voient plus une.force composée & commune. - C ’eft
ainfi qu’on pourra fe fiatter de trouver une formation
non feulement bonne en elle-même, mais
encorè convenable au peuple pour lequel on travaille.
-
Un livre très curieux & très utile en même
temps'-j feroit celui qui nous apprendroit, quelles
étoient la force la compofition & la divifion des
compagnies de l’armée françoife , lors des grands
évènements qui ont fait époque dans la monarchie ;
dans une hifloire militaire françoife, dont l’auteur
de cet article s’occupe depuis quelque temps , il
efpère faire les rapprochements dont il vient d’indiquer
- la néceffité ; ce -livre feroit pour le législateur
militaire un guide bien plus sûr que la collection
des ordonnances. Celles-ci nous apprennent,
il eft vrai , tout ce.qui a été fait, & celui-là nous
enfeigneroit à diftinguer ce qui eft bon , d’avec
ce qui eft médiocre , & d’avec ce qui eft mauvais.
Le • militaire q u i, pour porter un jugement affuré
,£ur la compofition , la formation ■ & la divifion des
compagnies françoifes -, parcourt les ordonnances
de formation , voit la force , la compofition &
la divifion des compagnies varier d’année en. an^
n é e , & fur-tout à chaque révolution qu’éprouve
le miniftere , il trouve des compagnies de vingt-
cinq , de trente , de trente^cinq , de quarante
hommes , ainfi fucceffivement jufqu’à deux cents ;
& le nombre d’officiers aufli peu confiant que celui
des Soldats '& des bas-officiers : au milieu de ces
variations il peütremarquer néanmoins que, pendant
toute là durée du règne de Louis-le-Grand,
ce règne fi célèbre dans nos fàftes militaires par
les victoires qui font illuftré, les compagnies françoifes
enrégimentées ne furent jamais très fortes ;
qu’elles ne furent prefque jamais çompofées-de plus
de cinquante hommes ; qu’elles furent prefque toujours
commandées par trois officiers , & conduites
par cinq ou par dept bas-officiers. L’adminiftra-r
tion intérieure des compagnies ernpêchoit, dira-
t-on peut-êtré , de réunir un très grand nombre
d’hommes fous le même chef, .mais cette raifon
n’eft que fpécieiife. Si Louvois, à qui on ne peut
refufer un génie vaftè &. de grandes connoiflances
dans l’art militaire , Louvois, fous qui tout plioit,
eût imaginé qu’il fallût former de groffes comp
agniesrien ne l’eût'arrêté.1
Puifque le paffé, malgré l’oblervation que nous
venons de faire , ne peut fixer notre incertitude,
cherchons ailleurs les lumières qui nous manquent.
Après avoir parcouru tous .les. ouvrages fyHématiques
fur l'art militaire qui depuis un demi-
fiècle ont vu le jour en France , on eft forcé de
convenir que la plupart de leurs auteurs ont été
plutôt entraînés par le charme de la nouveauté
que par l’amour du bien public ; auffi , loin de
copier fervilement les écrivains', qui les ont précédés
, ils le font, autant qu’ils l’ont pu , éloignés
de leurs idées. De cet amour pour la nouveauté
on a vu naître une foule de fyftèmes militaires
qu’il feroit long & inutile de. rapporter. Cette di-
verfité d’opinions auroit pu cependant produire
de grandes lumières , fi les auteurs, ou les partifans
de chacune d’elles , nous avoient fait part des raifons
qui les ont déterminés adonner telle force & telle
compofition aux compagnies de l’intante. ie françoife
; mais comme ils le font contentés prefque
toujours de faire connoître leurs défirs lans les motiver
& fans daigner’combattre leurs adverfaires,
leurs travaux font prefque infruéfueux pour nous.
Un- des moyens les plus- propres à perfectionner
une légiflation-quelconque, confifte à .interroger
avec loin l’opinion publique ; il y a longtemps
qu’on l’a dit , qu’on a reconnu que-;çelui qui
l’avoit dit le premier avoit -énoncé une grande
vérité. Voulez vous donc fçavoir quelle doit être
la force , la compofition & la divifion des compagnies
de l’armée françoife, n’errer ni fur le nombre
d’officiers qui doivent les commander, ni fur celui
des bas-officiers .qui doivent les conduire, con-
fultez la Voix publique , &. fçaçhez quelle eft l’opinion
générale dès.militaires. Les principes que ces
derniers .adopteront feront ceux dont vous devrez
faire ufage, ils feront parfaitement analogues au
•cara&ère national , & c’eft ce que vous devez
chercher avec le plus grand foin. On ne doit pas
s’occuper en général de la meilleure conftitution
militaire , mais de celle qui convient parfaitement
au peuple à qui on la deftine.
Suppofons qu’il fût poffible d’évoquer & de raf-
fembler les mânes d’Ariftote , de Platon, de Solon
& de Licurgue , de Thomas Morus & de Locke ,
d’H aller, de Montefquieu & de Roufleau ; fup-*
pofons encore , que ces génies immortels, ayant
écarté les préjugés nationaux, & banni les opinions
particulières , créaffent des loix pour une
république imaginaire , le réfultat de leur travail
feroit fans doute le chef-d’oeuvre de l’efprit humain.
Cependant, fi un peuple déjà civilifé en
partie, pénétré pour eux d’un faint refpeét, adoptoit
fans modifications le code qu’ils auioient rédigé,
il éprouveroit ayant peu que ces loix admirables
en elles-mêmes , lui leroxent inutiles &• qu’elles
pourraient même devenir dangereufes. « 11 n’en
eft pas , dit avec raifon Mi Robinet., dans le discours
préliminaire du diélionnaire univerfel, il n’en
eft pas des légiflateurs , comme des ftatuaires ; ceux-
ci choififfent le marbre qu’ils veulent façonner^,
ceux-là font obligés de travailler fur les peuples ,
tels qu’ils font. Le grand profil êm# qu’ils ont à
réfoudre, n’eft pas de trouver les meilleures loix en
elles-mêmes , mais les meilleures que comporte
l’état des hommes à . qui elles font deftinéês.
Après avoir confulté ce qu’on a fait dans les
fiècles paffés , &. ce qu’ont dit les écrivains militaires
; après avoir confulté l’opinion publique &
le caraâère national, un légiflateur occupé de la
force , de la compofition , 6c de la divifion des
compagnies de l’infanterie françoife , doit encore
faire attention. aux. loix de la taéfique , parce que
la conftitution des troupes doit plier plutôt fous
leur volonté, qu’elles ne peuvent s’accommoder
aux caprices, & à l’efprit de fyftè.me.
La manoeuvre la plus fimple, la mieux calculée,
en un mot la meilleure change dë nature, quand
elle eft exécutée par une troupe qui n’eft pas auffi
nombreufo que celle fur laquelle le taéficien avoit
opéré ; elle change encore de nature, quand les ,
divifions & les fubdivifions de la troupe qui l’exécute
, ne font pas pareilles à celles qu’il avoit fup-
pofées, & quand le nombre des officiers ou des
bas-officiers, n’eft pas tel qu’il l’avoit imaginé;
il faut donc, qu’une armée, une brigade, une compagnie,
foient çonftituées de manière à ce que
toutes les parties qui les compofent, puiflent dans
toutes .les fuppofitions poffibles, former des corps
toujours les mêmes, & toujours exaéiement divi-
fibles jufqu’à l’unité : ces deux conditions font in-
difpenfables. Nous aurons occafion de le prouver
plus d’une fois dans le cours de cet ouvrage.
Après avoir fait connoître les guides que l’on
doit fuivre, pour arriver à une bonne formation,
effayons de propofer celle que nous avons conçue.
Nous efpérons qu’on voudra bien ne nous juger,
qu’après .avoir réfléchi fur les motifs qui nous ont
déterminés.
Nous verrons dans l’article régiment, qu’ils de-
vroient tous.être compofés de deux bataillons;
chaque bataillon partagé en deux demi-bataillons
appelles divifions; & chaque demi-bataillon ou
divifion en quatre compagniesv
Un régiment feroit donc compofé de feize com-
pagnies, dont quatre compagnies d’élite, ôc âouze
compagnies de fiifiliers; outre ces feize compagnies
que nous appelions de combattants, il pourroit
y avoir à la fuite de chaque régiment, deux comr-
pagnies ,dë remplacement, 6c une compagnie de
recrues.
Cette divifion -d’un régiment, fi elle étoit une
fois adoptée , devroit etre générale ; toutes les
troupes d'une même nation doivent être formées
de la même manière, quand des raifons du plus
I grand poids ne contrebalancent pas les avantages
que produit une formation uniforme. Toutes les
troupes dépens de pied,.même celles qui paroif-
font lé plus particulièrement confacrées à maintenir
l’ordre dans les endroits que nos rois habitent,
devroient être foumifos à cette formation.
Faire la guerre avec le plus grand fuccès poffible ,
eft le but qu’on a voulu atteindre, quand on a
donné une formation particulière à des troupes,;
de toutes les formations, il. n’en eft qu’une qui
foit la meilleure ; fi la formation qui mérite la
préférence, eft celle qu^nt certains corps diftingués
de l’armée- Françoife , il faut la donner au refte
de l’infanterie ; fi celle de l’infanterie eft préférable
à celle de ces corps difiingués, il faut qu'ils
prennent cette, dernière forme-; ce que nous venons
de dire des corps diftingués, :eft exactement applicable
aqx troupes étrangères foudoyçes, 6c ne
peut offrir aucune difficulté npuvélle.
Nous ayons divile chaque régiment en. deux
bataillons , chaque bataillon en deux divifions 6c
.chaque divifion en quatre compagnies, parce que
d’après le principe que nous avons, établi précédemment
, principe duquel on ne doit jamais s’écarter
, toute formation militaire doit être divifée
6c fubdiyifée de manière à ce que l’on puifle def-
cendre jufqu’à ,1a. plus petite _ divifion , par des
nombres pairs 6c multipliés de 2 , c’eft-à-dire 6a -
32 16 , 8 ,4 6c 2.
Nous avons propofé de former quatre compas
grues d’élite , parce qu’il eft effentiel d’appuyer la
droite 6c la gauche de chaque bataillon par des
corps qui ayent un. nom diftingué à foutenir, 6c
une réputation à conferver. ;
Nous avons multiplié le nombre des compagnies
d’élite par les raifons que nous avons rapportées
dans le paragraphe V de l’article chaffeur.
Nous avons propofe deux compagnies de remplacement
dans chaque régiment, ou une dans
chaque bataillon , parce que , la précifron. & la
bonté d’une, manoeuvre dépendent fouvent &
même prefque toujours , de l’égalité confiante des '
divifions de la troupe qui doit l’exécuter.
Nous avons propofé une compagnie de recrues
pour que les combattants foient toujours des
.hommes tnftruits.de leurs devoirs , & façonnés
a la difeipline ; en adoptant cette compagnie , on
ne craindra plus de voir l’ignorance ou l’infubordt-
nation rendre douteux le fuccès des affaires générales
ou particulières ; les hommes nouvellement
enrôlés ne. parviendront aux compagnies de combattants
qu’après. avoir percé toute' la compagnie
qü’après avoir gagné la tête de celles de remplacement
; l’on ne portera,1e nom de foldat, &
■ la date des fervices ne comptera que du jour où
l’on fera inferit parmi les combattants ; l’on pourra
renvoyer à ces compagnies, les hommes dont on
aura lieu d’être peu content ; ces compagnies feront
donc naître dans l’ame des anciens foldats une
idée de fupériorité qui aura des fuites heureufes &