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du butin, fuivant leur cara&ère ; par des intérêts
politiques, fi les circonfiances le permettent, ou
par des offres & des promettes; alors l’éloquence,
la connoiffance des hommes , l’adreffe dans les
négociations fervent beaucoup à un général. Pre-
fentez à leurs yeux la victoire facile & fes avantages
certains, les contributions abondantes dont
vous promettrez une grande part, la prife des
places fortes dont vous ferez briller à leurs yeux
lè pillage ou la rançon ; & au contraire le danger
de la retraite, le péril où feront vos alliés eux-
mêmes fi vous ne pouvez foutenir l’effort d’un
ennemi devenu fupérieur en nombre, le danger
qui les attend dans leur pays même, fi l’ennemi
veut fe venger du fecours qu’ils vous ont donné.
Prévenir la difette.
Cherchez l’a&ion, lorfque, manquant d’argent ou
de fubfiftances, vous pouvez craindre que vos
troupes ne défertenten grand nombre & n’aillent
augmenter les forces de vos ennemis ; mais évitez la
témérité du conful Spurius Servilius. Les Véïentes,
qui s’étoient emparés du] Janicüle, pafsèrent le
Tibre pendant la nuit, vinrent l’attaquer dans ,
fon camp, & furent repouffés avèc beaucoup de
perte. Ce fu c c è s jo in t à la difette des vivres
où étoient Rome & l’armée', le porte alors à précipiter
des entreprifes qui ne dévoient être que
promptes. Il forme fes troupes en bataille & les
conduit témérairement contre les Yéïentes campés
fur le Janicüle ; il en fut rèpouffé plus honteu-
fement qu’il ne l’avoit été la Veille. Un heureux
hafard fauva fes troupes. Son collègue AuluS
Virginius attaqua d’un autre côté les ennemis.
Servilius fecouru revint à la charge , & les
Etrufques s’abandonnant à la fuite, périrent prefque
touts.
Plufieurs raifons fe réunifient quelquefois pour
engager à chercher Taéfion. Ce furent le défaut
a&uel d’argent & le défaut prochain de fubfiftancesj
qui engagèrent les généraux de Charles-Quint à
donner la bataille de Pavie ; ce furent l’imprudence
& la témérité obftinée de François Ier qui
la lui firent accepter, 8c toutes fes fautes qui là
firent perdre, *■
Maître de Milan, fupérieur en nombre , il
devoit fuivre Bourbon, Pefcaire, & Sforce~: c’étoit
le moment de la célérité. Il les auroit empêchés
d’augmenter leur armée : une marche fur Lôdi où
jls s’étoient retirés auroit déterminé à- reprendre
fon alliance, les Vénitiens qui ne s’en étoient détachés
qu’à regret. Ce fut ce que fes plus habiles
généraux lui repréféntèrent ; mais Bonivet, dont
il fuivoit toujours le confeil pour fon' malheur,
lui perfuada d’aflïéger' Pavie , afin d’aflurer les fubfiftances
de l’armée par la prife de cétte place, qui
pouvoir feule les intercepter.
Tandis qu’il étoit occupé’ à ce liège, le papé
Clément- V I I lui perfuada - unq autré' opération
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non moins funefte, celle d’envoyer un détache*
ment vers Naples, pour y attirer les Efpagnols qui
étoient dans le Milanois. François y envoya huit
cents hommes de cavalerie & quatre mille d’infanterie
, fous les ordres du Duc d’Albanie. Le
viceroi effrayé vouloit en effet évacuer le duché
de Milan, & mener au plutôt vers Naples les
troupes Espagnoles ; mais Pefcaire, plus habile, lui
fit voir que ce leroit perdre à la fois le duché
de Milan & le royaume de Naples;,que le roi,
maître de l’un, marcheroit aufli-tôt vers l’autre ;
au lieu qu’en l’attaquant & le retenant dans le
duché même, fon détachement, trop foible pour
rien entreprendre, fe diftipéroit fans combat.
Cependant les généraux de l’empereur em-
ployoient, àraffembler des forces, un temps précieux
que leur ennemi confumoit inutilement devant
Pavie : ils avoient déjà une armée plus nom-
breufe que la fienne. Un fécond détachement qu’il
avoit envoyé au marquis de Saluces, pour féconder,
une entreprife fur Gênes, l’avoit encore affoiblie.
Le ro i, n’ayant pas affez de forces pour hafarder
une bataille qu’il prévoypit, demanda un renfort
aux Suiffes : il vint promptement 8c fut retiré de
même. Un aventurier ayant fait quelques courfës
fùr lés frontières des Grifôns ; ceüx-ci, qui avoient
mis dans leurs conditions qu’ils pourroient fe retirer
s’il y avoit guerre dans leur pays, partirent
au nombre de fix mille : il n’y eut ni prières ni
offres qui puffent les engager à un délai de huit
jours.
L’armée- impériale étoit en état de iecourir
Pàvië ; mais, comme elle n’avoit pas reçu de folde
depuis long-temps, fes chêfa doutoient qu’elle fut
difpofée à l’obéiflance. Pefcaire, ayant aflemblé
les Efpagnols , leur ràppella les victoires qu’ils
avoient remportées fous fes ordres ; « celle qui
vous attend, leur dit-il, eft plus digne de votre
courage : vous ferez prifonniëirs un roi de France
& touts les princes de fon fang : un "butin , dés
rançons immenfes vous enrichiront à jamais ; 8c
cette viéioire n’eft pas doüteufe ; vous la tériez ;
elle eft en vos mains. Vous allez combattre une
armée déjà vaincue , affoiblie par deux détacher-
men'ts confidérables, épûifée par les rigueurs de
la faifôn & les travaux d’un long fiège ». Les
Efpagnols, animés par l’efpéranoe du butin, s’écrièrent
que Pefcaire les conduisît au combat.
Les Impériaux,s’étant rendus maîtres du château
Sain t-Ange , s’approdioient de F armée françoffe,
Le roi avoit raflëmblé toutes fes forces , 8c reçu
un renfort de trois mille hommes d’infanterie &
de trois cents chevaux légers commandés par Jean
de Médicis.Un autre corps Italien de mille hommes,
qui venoit joindre l’armée, fut maffacré prefque
en entier par la garnifon d’Alexandrie. Le quartier
des Italiens ayant été forcé par une .fortie de la
place, 8c Jean de Médicis bleffé d’ûn coup d’àiv
quebufç ; fes foldats ? fe trouvant fans chçf ^ s é-
foiçnt débandés.
* Les généraux françois les plus diftiiigués par
leurs talents & leur expérience, le vieux la Tré-
A moille , Louis d’A rs , le maréchal de Chabannes
® & le maréchal de F oix , confeilloient de lever le
m fiège & de fe retrancher à la Chartreufe ou à
JBirafque. On y auroit eu des fubfiftances allurées :
H on pouvoit y attendre de nouveaux renforts. Au
H x contraire les ennemis ne tirant plus de contribuai
tion du Milanois, ne recevant plus d’argent de
l ’empereur, manquant de folde 8c de fubfiftances,
’I fe leroient infailliblement débandés. Le pape,
inftruit de la fituation des Impériaux, mandoit
au roi de temporifer feulement quinze jours ou
■ trois femaines ; l’affurant qu’avant ce terme les
Allemands retourneroient dans leur pays , que les
. Efpagnols iroient à Naples, & qu’il auroit le
Milanois fans effufion de fang. Mais le roi, aveuglé
par Ion courage, defiroit plus de combattre que
; les ennemis eux-mêmes. Bonivet, Saint-Marfaut,
Brion Chabot & autres favoris , fe déclarèrent
hautement contre le plus fage deffein, parce qu’il
n’etoit pas celui du monarque. Ils l’affermirent
dans le fien par un pompeux étalage de fes forces.
Il eft vrai qu’elles auroient pu fe mefurer avec
celles de l’ennemi, fi les troupes euffent été com-
plettes. Le roi, en calculant fur ce pied, d’après
; fes flatteurs, fans déduire ce que les maladies &
la défertion lui avoient enlevé, fe trompoit de
|près de moitié.
Impatient de combattre , il envoya propo-
|îer à Pefcaire un duel de huit contre huit, ou
vingt mille écus fi dans vingt jours il engageoit
la bataille. Le marquis lui répondit que la plus
^flatteufe rècompenfe qu’il eut reçue 8c qu’il pouvoir
efpérer de fes longs fer vices, étoit cette prér
férence que le -roi lui accordoit fur touts les autres
guerriers de l’armée Impériale; qu’il ne pouvoit
cependant accepter l’honneur que lui offroit fa
jmajefte, parce qu’il ne pouvoit expofer fa vie
■ •fans l’agrément de l’empereur : quant à la bataille,
il 1 affuroit qu’elle leroit fatisfaite avant les vingt
jours qu’il lui plaifoit de preferire, & fans qu’elle
fit de fi grands frais. Il oioit lui confeiïlër, ajou-
réferver fon argent pour la rançon d’un
pnfonnier de haut rang.
||f: Befcaire ne tarda point à remplir cet engagement
: cependant fon intention & celle des autres
généraux fe bornoit à faire entrer un fecours dans
V*C* ^our la em p lir , ils voulurent s’emparer
du parc de Mirabel. Leur camp étoit peu éloigné
ou nôtre. Dans la nuit du 24 février ( 152.5 ) ils
jurent deux fauffes attaques & renversèrent en
meme temps quarante ou cinquante toiles des
*àurs du parc. Cette brèche fervit de paffage à
deux ou trois mille arquebufiers Efpagnols, accompagnes
de quelques" »chevaux légers. Enfuite mar-
choient les vieilles bandes allemandes & efpa-'
gnôles dont chaque aile étoit protégée par un gros
fiTr M'ref eindîar-? eriev* Ces trouPes dirigeoient
I S ? ^ abeij> aiffant a leur gauche le quartier du
roi dont la fituation étoit fort avanta^eufe. Leur
deffein n’étoit pas de l’y attaquer ; mais de pafier
outre s’il la gardoit, ou de la combattre, s’il fortçit
de fes retranchements pour s’oppolër à leur paf-
fage. ■ _
Les Impériaux étoient obligés de pafler à la tête
du camp françois & à la-portée de l’artillerie:
elle fit fur cette armée un effet terrible. En.même
temps le.duc d’Alençon, qui avoit fon quartier
a Mirabel, envoya le leigneur de Brion charger
une troupe Elpagnole qui vouloit pafler à notre
droite , la défit, & lui prit quatre ou cinq pièces
de campagne.
Les troupes allemandes & efpagnoles mar-
choient fans ordre & précipitamment vers un
chemin creux pour s’y mettre à couvert de l’artillerie.
Le r o i , craignant qu’elles ne lui échap-
paflënf, & cédant à fon imprudent courage, abandonna
fon pofte pour fuivre les ennemis. Ce
mouvement le porta entr’eux & fon artillerie.
Ceux-ci, voyant fa faute & leur avantage , fe
raflemblent. Leur gendarmerie & trois mille arquebufiers
à pied s’avancent avec intrépidité. Le
.roi marche à eux, tue de fa main Je marquis.de
Saint-Ange, commandant du premier elcadron,
rompt & culbute cette troupe, & pénèt.- e jufqu’à
l’infanterie commandée par Bourbon & Pefcaire;
fnais il ne put en aborder le front hériffé de
piques, & fut expofé- au feu des arquebufiers qui
fe trouvaient fur font flanc. Les Suiffes, placés
a fa droite# avoient devant eux quelques bataillons
de Lanfquenets Impériaux qu’ils eurent ordre
de charger : le feul Diesbach fit fon devoir 8c y
perdit prefque toute fa troupe. La frayeur faifit
fe .re“ e » fe débandèrent & s’enfuirent jufqu’à
Milan. Nos-Lanfquenets, devenus célèbres fous
le nom de bandes noires, mais en trop petit
nombre pour s’oppofer à cette’ infanterie, remplacèrent
en vain les Suiffes : ils furent défaits &
leurs chefs périrent. La Trémouille étoit fans v ie ,
Chabannes pris , Louis d’Ars, Buffy, Clermont-
Tonnerre, les autres chefs tués ou bleffës. Bonivet
accourant d’un pofte éloigné voit ce défordre, 8c
jettant un cri de défefpoir, s’élance au milieu des
ennemis pour couvrir fa faute par une mort honorable.
Le roi invefti, bleffé à la jambe, un cheval
tue fous lu i, ayant à fes côtés lept hommes tués
de fa main, écartoit à coup d’épée ceux qui l’ap-
prochoient. Il crioit qu’il ne fe rendroit qu’au
viceroi. Un chevalier inconnu vint fe placer près
de lui & l’aida quelque.temps à repouffer les foldats
Elpagnols : c’étoit Pomperant qui avoit fuivi le
connétable de Bourbon dans fa fuite. Lorfou’il
en eut impofé à cette foule infolente, il fe jetta
aux pieds de fon roi & fe fit connoître. Le comte
de Lannoi étant accouru, mit un genouil en terre
reçut l’epee du roi , & lui en prélenta une autre.
Quelques inftants auparavant, Bourbon ayant
apperçu fon ennemi Bonivet étendu fans vie : ak l
mïjérable, dit-il* que de maux tu as faits à la France l