
employée. Philippe de Dreux, évêque de Beauvais,
proche parent de Philippe Augufte, fe fervoit de
cette yme-ftans les combats , perfuadé que Ton facré
caractère lui permettoit de tuer, pourvu qu’il n’y
eût point effufion de fang.
On montre encore aujourd’h u i, dans l’abbaye
de Ronce vaux, deux maffues, que l’on dit avoir
été celles de Roland & d’Olivier, ces deux preux
fi fameux dans nos romanciers du temps de Charlemagne.
~Ce font des bâtons gros comme le bras
d’un homme ordinaire, & longs de deux pieds
& demi. Il y a un gros anneau à l’un des bouts ;
on y attachoit une chaîne , ou un fort cordon ;
afin que l’arme n’échappât. pas de la main., à
l’autre bout font'trois chaînes, auxquelles pend
une boule. Celle' d’une des maffues eft ronde, &
de fer j l’autre, eft d’un autre métal , un peu
oblongue , & canelée , ou de la figure d’un melon ;
chacune eft du poids d’un boulet de huit livres.
11 n eft pas douteux qu’avec cet inftrument, & un
bras vigoureux, nos paladins pouvoient affommer
a plaifir ^ un homme , couvert de fes armes , f i
tant & bien atrempées que fu(fient.
Il y a peu d’hommes de notre temps, qui fuffent
affez forts pour manier ces lourdes maffues. Il y en
ayoit davantage en celui de ces héros ; parce que,
dès leur premières années , on exerçoit les enfants
a porter & manier des poids fort pefants. Cet exerc
ic e ,'& plufieurs autres , accroiffoient & entrète-
noient leur force naturelle.
11 eft parlé de la maffue dans tous nos hifto-
riens. Quoique les armes propres des chevaliers
& de? gendarmes fuffent la'lance & l’épée , ils
employoient toutes fortes d(armes, telles que la
maffue, la hache, l’épieu,- & plufieurs autres.
On voit a Chantilli deux de ces anciennes maffues ,
dont le bout forme une efpèce de grille cilindrique,
faites de verges de fe r , environ de la.longueur
& de la groffeur d’un doigt. L’une a fix , &
1 autre fept de ces verges de fe r , qui font toutes
terminées par un bouton. Voici les figures des
diverfes haches &. maffes d'armes, tirées des anciens
monuments.
Fig. 63. Maffe dû armes de Bertrand du Guefclin.
64. Maffe dû armes de Roland & d’Olivier.
65. Maffes d'armes de Çhantilli.
66. Autres maffes.
67. Hache d’armes de Cliffon,
68. Maffue.
L e mail ou maillet fut auffi u nearme employée
dans les combats. Jean V , dffc de Bretagne , dans
un mandement pour convoquer les communes de
fon duché, met un mail de plomb au nombre des
armes- que les foldats pouvoient porter.
Dans le fameux combat des trente, livré en
1 35:I>. Billefort, du parti des Anglois, frappoit
d’un mailletpefant vingt-cinq livres. Jean Rouffelet,
chevalier, & Triftan de Peftivien , écuyer, touts
deux du parti fran ço isfu ren t abattus d’un coup
de mail, & Triftan de Peftrvien, autre écuyer
du même parti , feleffé d’un coup de marteatu
On lit dans la chronique manufcrite de Bertrand
du Ghefclin :
Olivier de Clijfon dans la bataille va ,
Et tenait un martel qu’à Jes deux mains porta- ,
Tout ainfi qu’un boucher^ abattit & ver fa.
• Et plus bas :
Bertran de Glaicquin fat ou champ plénier ,
Où il ajfaut Anglois au martel d’acier :
Tout ainfi les abat, comme fait le boucher.
Le mail ou maillet, & le marteau dé armes, diffé-
roient,en ce que le revers du maillet étoit quarré,
ou un peu arrondi par les deux bouts , & que le
marteau dé armes avoit un coté quarré & arrondi,
& l’autre en pointe ou en tranchant. De-là, l’an-
cien mot marteleis , pour dire»un combat. On lit
dans Guillaume Guyart, fous l’an 1200.
Moult fa fier le marteleis ,
La noife- & le cliqueteis.
t Une autre preuve de l’ufage des maillets eft la
fedition des Parifiens, au commencement du règne
de Charles VI. (1383 ). De nouveaux impôts en
furent la caufe. Ils forcèrent l’arfenal, & en tirèrent
des maillets pour s’armer & attaquer les commis
des douanes : ce qui leur fit donner le nom de
maillotins. Enfin , on v o it , dans les mémoires de
Fleur ange, que les archers anglois, au temps de
Louis X I I , (1498), avoient encore des maillets.
Une autre forte" d'arme, nommée fauchon ou
fauchard, étoit une efpèce de ferpe tranchante
des deux côtés, mife au bout d’un long manche.
L’Anglois Hutcheton de Clamaban. en fit ufage au
combat des trente.
Fig' ^9* Mail ou maillet.
70. Marteau d'armes?
7 1 . Fauchon ou fauchard.
Le nom de pique n’eft pas fort ancien. Il ne
paroît pas da,ns notre hiftoire avant le règne de
Louis XI ; c’étoit alors une arme propre aux Suiffes ,
de qui les François l’empruntèrent.
Quoique te nom foit moderne, Y arme eft fort
ancienne. Ce qui paroît avoir déterminé tes Suiffes
à en renouveller l’ufage ; c’eft qu’après avoir fecoué
. le joug de la maifon d’Autriche, ils fe virent attaqués
par une cavalerie nombreufe ; & comme ils
n’ayoient ni cavalerie, ni les moyens d’en entretenir
, ils eurent recours à cette afme , qui en
effet a été depuis employée au même ufage dans
toute l’Europe.
Les Flamands fe fervoient de piques , dès le
temps de Philippe 1e bel. Ce fut principalement
avec cette arme qu?ils repoufsèrent les François
à la fanglante journée de Courtrai, l’an 1302;,
Guillaume Guyart la décrit ainfi,, fous 1e nom
flamand de godendac,
A grands bâtons pefants, ferrés ,
Avec leur fer agu devant .
Vont ceux, de France recevant. '
Tiex baftons au’ils portent en guerre b
Ont nom Goaendac en la terre :
Godendac, c’eft bon jour"/ à dire,
Qui en françois le veut décrire.
Cils baftons font longs & traitis }
Pour férir à deux mains failis ;
Et quand l ’on en faut au defcendre ,
Si cil quifiert ( frappe ) y veut entendre j
Et il en fâche bien euvrer,
Tantoft peut fon cop recouvrer ,
Et férir , fans s ’aller moquant,
Du bout devant en eftocant ,
Son ennemi parmi le ventre ;
Et U fers eft agu qui entre.
Nos François ont toujours eu de la peine a s accommoder
de la pique. La Noue , dans fon treizième
difcours, dit que de fon temps , c eft-a-dire ,
'fous Chartes IX , & Henri I I I , on avoit peine a
trouver des foldats qui vouluffent être piquiers ;
« & d’autant, dit-il, que tes foldats ne veulent
plus aujourd’hui porter de eorfelëts. (C étoit 1 armure
défenfive du piquier. ). Cet ordre aideroit
à les mettre en ufage & en honneur ; ce qui n’eft
pas fi mal aifé àfaire qù’on penfe. Mais il feroitbon
de commencer par tes capitaines, qui ont les
premiers rejette l’ufage de la pique ».
Quant à la hallebarde ', & à la pertuifanne , du
Bellai croit, ( Dificipl. mïlït. L. 2 ) , qu’elles viennent
auffi des Suiffes : on ne s’en fervoit plus en France
avant le règne de Louis XI. Un journal dun
curé d’Angers, cité par Fauchet, porte , «qu’en-
viron 147j , ce prince fit faire à Angers, & autres
bonnes villes, de nouveaux ferrements de guerre,
appellés hallebardes, des piques, dagues, & autres
ferrements , qui furent portés à Orléans ». Ceci
prouve en même temps que l’auteur de la difci-
pline militaire , qui vivoit au plutôtfous Louis X I I ,
(1498), fe trompe , lorfqu’il dit que la hallebarde
fut une invention de fon temps.
Fig>,72.. Pique.
, g* 73. Hallebarde.
■ 74. Pertuifanne.
Nous avons parlé jufqu’à préfent des armes d’ef-
crime ; paffons à celles de jet.
A r m e s d e 1 J e t.
Les François en ont eu de plufieurs efpèces :
nous en remarquerons dèux principales, dont la
première étoit nommée quarreau, ou garrot, en
latin , quadrellus , quarellus , quadrïlus, quadrum.
Qui non cejfabant jaculis fimul atque quadrellis ,
Eminus & miffis in eum favire fagittis.
GuiixelM'. Érito. pag. 204.
Ces flèches étoient nommées quarreaux, à
raifon dëf leur figure. Oh lit dans Guillaume 1e
Breton {pag. 291. ) :
...................... quadratce cufpidis una,
Pendet arundo.
Il s’exprime ainfi} on parlant du quarreau qui
bleffa Richard, roi d’Angleterre, à mort, au temps
de Philippe Augufte. ~
Les quarreaux étoient empennes, & quelquefois
empennés d’ airain.
Volent piles plus que pluie par pre\ ,
Et les faiettes & carriaux empennés.
Rom. DE Garik.
Et font jetter leurs efprïngales ;
Cà & là fonnent li clairain ,
Li garrot empenné d’airain.
Guyart. an. 1304.
Les autres flèches étoient jettées avec l’arc ; les
quarreaux avec la balifte, ou l’arbalête.
Nec tamen inter ea ceffat balifta vel arc us.
Quadrellos haie multiplient, pluit die fagittas.
Il y avoit même des quarreaux tirés avec Parc;
I l prend fon arc d’aubor , & fi le' tendië,
Met en la corde un grand quarrel d’acier.
Rom. DE Garin.
Il y eh avoit donc de différentes grandeurs, les
uns lancés par les baliftes, les autres par l’arc &
l’arbalête.
D ’Aubigné donne 1e nom de quarreau, du temps
de Henri IV , à des baltes de piftolet; peut-être ,
parce qu’on fe fervoit quelquefois de baltes quar-
rées.
L ’autre efpèce de flèche s’appelloit vireton ; il
en eft fouvent fait mention dans nos anciens historiens.
Celui de Chartes V I , en parte au fujet
d’un affaut donné à Melun en 1420, par les allemands
de l’armée d’Angleterre. « Mais, en .re-
» montant ( tes foffés ) , dit-il, les arbaleftrieis de
» la ville tes fervoient de viretons par 1e d o s ,
» qui entroient jufques aux pennons ». C ’eft-à-
dire, jufqu’à l’endroit oh ils étoient empennés.
On tes nommoit viretons, parce qu’ils tournoient
en Pair par 1e moyen des ailerons, ou pennes 9
ou pennons, ainfi que l’auteur tes appelle.
Il paroît qu’on ne donnoit les deux noms de
quarreau , ou de vireton , qu’aux flèches des arbalètes.
Le nom de vireton , par fon étymologie,
pouvoit convenir à toutes fortes de flèches empennées
, parce qu’elles viroient ou tournoient toutes
en Pair; mais on l’avoit fpécialement attribué aux
plus grandes.
On trouve encore dans quelques cabinets de
curieux , ou dans tes anciens châteaux, des flèches
dont on fe fervoit autrefois en France. La plupart
font toutes unies, & n’ont qu’un fimple fer pointu :
dans les unes il eft quarré, dans tes autres arrondi,
en d’autres plat & triangulaire : mais il y en avoit
dont la forme étoit plus recherchée., afin de
rendre tes bleffures plus dangereufes. On en trouve
j tes figures dans lès oeuvres du fameux chirurgien
Ambroife Paré, qui, dès le temps de François I ,
fuivoit les armées. Cet auteur traitant de la cure
des bleffures des gens de guerre, caufées, foit par