
plufieurs lignes ; ôbfervant, toutes les fois que vous
le pourrez , de laiffer trois ou quatre cents pas
d’une ligne à l’autre.
IV . Si vous êtes en plaine , campez fuivant
l’ordre de bataille ; 8c fi votre camp ne peut être
alluré, comme il eft dit à la maxime I I f a ite s
des retranchements , afin que l’ennemi ne puiffe
vous obliger de combattre que vous n’en ayez le
deffein., ou que les circonftances ne vous mettent
dans la néceflité d’en venir à une aâi-on.
V. Si le pays eft coupé , 8c que vous n’y
puifliez pas camper régulièrement, partagez votre
armée , mais fans trop écarter les corps les uns
des autres. Faites occuper les chemins, les villages
, châteaux , cenfes, & tout ce qui pourra
lier le front de votre camp , 8c fuppléer à Ton
irrégularité.
VI. Dans un pays de montagnes , campez les
troupes fuivant l’afliette des lieux ; mais, toujours
de manière que les plus avancées puiffent être
foutenues promptement par les autres ; gardez les
défilés & toutes les'gorges par où l’ennemi pourroit
arriver ; qu’aucune partie de votre camp ne foit
foumife à des hauteurs d’où il puiffe vous incommoder
; occupez celles d’où vous pourrez découvrir
Tes mouvements, & qui cachent les vôtres.
VII. La cavalerie devant agir avec célérité ,
qu’elle foit toujours campée dans la plaine ; mais.,
.s’il fe trouve vis-à-vis l’une de vos ailes un bois ,
un village , ou quelqu’autre endroit où l’ennemi
ait jetté de l’infanterie, afin que protégé de fon
feu il puiffe rallier fa cavalerie ; mettez à l’extrémité
de cette aile quelque infanterie, qui foit à
portée de foutenir à fon tour la cavalerie. Cette
difpofition a été pratiquée de tout temps, 8c les
exemples en font très communs dans les mémoires
ÔC hiftoires des guerres. '
VIII. On campe ordinairement la cavalerie aux
deux ailes de l’armée ; quelquefois on ferme les
ailes par une ou plufieurs brigades d’infanterie.
Il arrive aufli qu’on porte toute la cavalerie fur
une aile ; une autre fois on la campe en fécondé
ligne. Cette dernière difpofition s’obferve principalement
dans un pays dé montagnes ; alors on
n’en place dans la première ligne qu’aux endroits
où elle peut agir. Réglez-vous toujours , à l’égard
de ces difpofitïons differentes, fur le terrein ; ne
le diffribuez : aux troupes qu’autant qu’il leur fera
propre & avantageux , foit par fa nature , foit
par la difpofition de l’ennemi que vous aurez en
tête. Un champ de bataille , quelque bon & quel-
q’u’âvantageux qu’il foit perd tout le mirite de
fa fitiiation , fi chaque arme n’eft en fa place ;
c’eft-à-dire, poftée dans le terrein qu’illui convient :
il faut toujours qu’une arme puiffe être foutepue
par l’autre.
IX. Ne campez jamais fur le bord d’une rivière
ou d’un ruiffeau , que vous ne laiffiez entre
l’une ou l’autre 8c le camp un efpace fuffifant pour
.ranger l'armée en bataille, & pour que vous pe
puifliez être incommodé du feu de l’ennemi qui
fe trouveroit campé fur l’autre bord.
X. S’il ne faut pas, fuivant la maxime précédente
, que votre camp foit près du bord d’une
rivière ou-d’un ruiffeau, lorfque l’ennemi eft fur
l’autre bord , vous devez encore bien moins vous
en éloigner , tellement que vous ne voyiez pas
ce qui s’y paffe. La bataille d’Hochftet fut perdue
en 1704 , 8c nous fûmes furpris au camp de Bur-
gufflen en 17 6 1, en avant de Caffel, parce que
les généraux manquèrent d’obferver cette maxime.
XI. En quelque pays que vous campiez , ayez
foin de reconnoître les chemins , les rivières ,
ruiffeaux, gués, châteaux , bois, 8c autres endroits
qui feront aux environs ., & faites-les occuper félon
qu’ils feront plus ou moins importants , par leur
fituation, par rapport à vous ou à votre ennemi.
XII. Le front 6c les ailes de votre camp étant
bien connus, bien fermés,& bien couverts, que
les derrières en foient libres ; qu’il y ait plufieurs
chemins ouverts aux vivres ; en un m o t, que les
communications en foient bien établies.
XIII. Si vous êtes obligé de prendre votre quartier
général à la tête de votre armée , qu’il foit
couvert par un corps de troupes 8c quelques brigades
d’artillerie.
XIV. Obfervez effentiellement de vous camper
de manière que les mouvements que pourroit faire
l’ennemi par fa droite ou par fa gauche ne vous
obligent point à quitter votre pofition ; mais qu’au
contraire, par quelque mouvement femblable de
votre part, il foit.forcé d’en faire un, confidérable ,
& de vous abandonner le pays.
X V . Enfin , quoique vous l'oyez fur Toffenfive,'
prenez toutes fortes de précautions pour la fureté
de votre camp, où le voifinage de l’ennemi peut
à tout moment engager quelque affaire ; foyez en
tout vigilant & ex aâ , afin que votre ennemi n’imagine
point que vous le méprifez , & qu’il n’en
devienne pas plus audacieux & plus entreprenant.
Dans la guerre: défenfive comme dans l’offenr
fiv e , les camps de raffemblementfont loin ou près
.de l’ennemi.
Les premiers n’ayant rien de différent de ceux
qu’on prend en pareil cas lorfqu’il s’agit d’une
guerre défenfive, on fe difpenfera de répéter ici
ce ,qui en a déjà été dit au commencement de
l’article précédent. Ajoutons cependant qu’il-eft
effentiel de prendre- ces camps de bonne-heute,
i d’autant qu’ils ont quelquefois pour objet de ruiner
f un pays avant que l'ennemi entre en- campagne,
| afin de le lui rendre plus difficile à traverser , &
i de lui oppofër une efpèce de barrière, comme fit
le maréchal de Créquy en 1677.
i Les féconds ont de. commun avec ceux qui
! font à portée de l’ennemi dans la guerre offenfive
toutes les maximes qui concernent ces derniers ;
mais il en eft encore quelques-unes qui leur font
particulières.
I C ’eft ici principalement qu’il faut .avoir la con-^.
noiffance la plus exa&edu pays , pour, affeoir Ton
camp dans uïie pofition avantageufe ; qui.,, par fa
fituation., puiffe empêcher l ’ennemi de vous attaquer,
ou d’entrer dans votre pays 8c d’y pénétrer,,
foit pour faire quelque fiège , foit pour
vous couper les communications avec vos derrières
, 8c vous forcer à vous retirer : c’eft ici
qu’un coup d’oeil prompt & pénétrant eft on ne
peut pas plus :.néçeffaire-pour le choix des pofi-
tions ÔL des poftes, qui doivent en faire la fureté :
enfin c’eft en ce cas plus qu’en,aucun autre qu'un
général doit trouver. dans fes talents & dans fon
génie des reffources de toute efpèce , qui puiffent
lùppléer à l’avantage du nombre, balancer la füpé-
riorité de l’ennemi , & rendre fes projets inutiles,
Outre les maximes générales & particulières que
vous avez vues ci-devant, pratiquez les fuivantes.
I. Evitez autant que vous le pourrez de camper
en plaine, où vous trouverez bien moins d’avan^- j
tage 8c de fureté que par-tout ailleurs ; nul obftacle :
ne pouvant cacher à l’ennemi les mouvements 8c ,
manoeuvres de votre armée, ni l’empêcher d’agir,
<8c de tirer le parti qu’il voudra des circonftances.
Campez au contraire dans les montagnes, où
vous ferez difficilement découvert,& où la fitua-
,tion 8c la nature des lieux peuvent vous mettre
en état' de ne pas craindre la fupériorité ,dü
nombre.
II. Ayez fur-tout égard à l’étendue du terrein,
ainfi qu’au nombre 8c a l’efpèce de troupes:dont
.votre armée eft çompofée. Une trop grande étendue
eft dangereufe, en ce qu’elle eft difficile à
garder & à défendre : un terrein trop refferr.é eft
incommode ; les troupes y font les unes fur les
autres, & les manoeuvres y deviennent très embar-
raffantes.
III. En quelque pays que vous foyez, retranchez
toujours votre camp de toutes les manières
connues , le plus promptement & le plus furement
qu’il vous fera poflible. En tirant un bon parti de la
fituation des lieux 8c du terrein pour la difpofition
.de vos troupes y vous ferez en état de ne pas craindre
l’ennemi.
IV. Ne négligez point de faire .beaucoup de
communications. En général, que votre champ de
bataille foit aifé, que vos troupes puiffent s’y lou-
tenir, fe iècourir les unes les autres, 8c combattre
avec avantage.
V . Que votre camp foit tellement difppfé 8c couvert
qu’il ne puiffe être enfilé ni incommodé d’aucune
part.
V I Si vous êtes couvert par une rivière, con-
noiffez-en touts les ponts & les gués, laites-les
occuper ; & , fi votre armée ne peut être à portée de
foutenir ces différents poftes , ayez des corps intermédiaires
qui puiffent le faire.
VII. Reconnoiffez avec'le même foin les marais
qui fe trouveront à la tête ou fur les flancs de votre
camp, pour fçavoir s’ils font praticables ou non : il
eft arrivé, plus d’unô fois que ces marais n’étoient
que'des, prés fecs. En généralque vos points d’appui
foient furs : voyez tout par vos, yeux , parce
qu’il n’y a rien dans une pofition qui ne foit de
conféquence, & qui ne mérite votre attention.
Il vaut mieux , félon le duc de Rohan , prendre un
nombre infini de précautions inutiles, que d’en
oublier une feule qui peut être néceffaire.
. VIII. Si vous avez des inondations à craindre ,
faites conftruire.des digues,,détournez les eaux.
IX. Gardpzrvous de camper l’une ou l’autre de
vos ailes'derrière .un marais ou quelque autre obftacle
où elle ne puiffe manoeuvrer facilement, 8c.
où elle vous devienne inutile en cas d’attaque ,
comme le fit à Ramillies le maréchal de Villeroi ;
qui fe priva par une difpofition femblable de toute
fon aile gauche
X. Placez votre artillerie fur les hauteurs , 8c
par-tout où .elle devra faire, le plus d’effet, relativement
à la rdifpofition de votre front, 8c, à celle
que l’ennemi fera dans le cas de faire pour vous
attaquer.
XI. Que votre retraite foit toujours affurée ;
i évitez de vous pofter dans quelque terrein d’où
vous ne puifliez fortir que par un. défilé où votre
ennemi'vous combattroit avec avantage, 8c pourroit
vous enfermer 8c vous forcer de mettre bas les
armes.. Le prince d’Orange à Séneff, le maréchal
de Créquy à Confarbrick, ,:le roi d’Angleterre à
Doettingen , avoient péché contre cette maxime ;
8c par une faute femblable , un corps de Prufliens
fut battu par les Autrichiens à Maxen, près
Drefde, en 1759, 8c forcé enfuite de mettre bas
les armes.
XII. Faites^en forte d’ôter à l’ennemi les fourrages
des environs, en les allant chercher d’abord
le plus loin que vous pourrez, 8c enfuite de plus
près en pluspiès mais n’annoncez jamais d’avance
le jour auquel vous devrez fourrager, 8c n’en ayez
point de fixe, pour que l’ennemi n’en foit point
informé, 8c qu’il ne puiffe profiter de ce moment
pour vous attaquer.. Tâchez de fourrager le même
jour qu’il fourragera, parce qu’alors vous courrez
moins de rifque d’être attaqué ; mais que ce foit
avec les plus grandes précautions : s’il s’apperçoit
que vous faffiez vos fourrages en même-temps que
lui, il pourroit feindre tout ce qui eft d’ufage en
pareil cas, 8c faire enfuite rentrer fes fourrageurs
pour tomber fur vous inopinément.
XIII. Que votre camp foit tellement fitué 8r.
.difpofé que, votre pays étant couvert, l’ennemi
ne fe puiffe placer près de vous-fans s’expofer à
recevoir quelqu’échec• ; que, pour pénétrer plus
! loin , il foit forcé de vous y venir chercher 8c com-
I battre avec défavantage, ou qu’au moins il ne parvienne
point à vous dépofter fans faire un grand
détour qui vous donne le temps de le prévenir où
il voudroit aller, 8c de rompre fes projets.
XIV. En conféquence de la maxime précé-
] cédente, ayez à l’avance reconnu de bons camps
j dans touts les endroits par où l’ennemi peut per