
vi&oires confécutives qu’ils avoient remportées en
Italie , lorfque l’armée de Rome étoit beaucoup
plus nombreufe.
Josèphe rapporte que la bataille qui fe donna
entre les Ifraélites du parti d Abfalon, 6c ceux
du parti de David, fut extrêmement opiniâtre,
parce que ceux-là, très fupérieurs en nombre, ne
trouvoient rien de plus honteux que de fe laiffer
vaincre, 6c que les autres faifoient les plus puif-
fants efforts pour remporter une vi&oire d’autant
plus glorieufe qu’ils étoient fort inférieurs.
Tâchez d’infpirer à vos nouveaux régiments une
noble émulation , qui les porte à vouloir imiter
la valeur & la fermeté de vos vieux corps. C’eft
à quoi Cæfar rèuffit, lorfqu’il combattit Scipion
à Thapfe. Vous pouvez même promettre à ces
nouveaux régiments que ceux qui fe diftingueront
à la bataille ne feront pas réformés à la paix.
Si votre armée eft compofée de troupes de deux
différentes nations ; 8c fur-tout, fi elles font op-
pofées entre elles , 8c jaloufes l’une de l’autre,
faites entendre à chacune que l’autre a réfolu de
faire voir dans le combat qu’elle l’emporte fur fa
rivale, 6c que vous en jugerez par les-effets 6c
le fuccès de la bataille.
Le maréchal de Montluc mit utilement cette
maxime en pratique r à l’égard des Gafcons 6c des
Efpagnols qui fervoient en France , aux ordres de
dom Louis de Carbajal. Ce fut à .la bataille de
Ver, que les Catholiques gagnèrent fur les Cal-
viniftes.
Vous tâcherez aufîi d’excfter une noble émulation
entre l’infanterie 6c la cavalerie, afin qu’elles
s’efforcent à l’envi' de l’emporter l’une fur l’autre :
le conful L. Valérius employa heureufement ce
moyen dans la bataille qu’il gagna contre les Eques
6c les Volfques. •
S’il n’y a pas longtemps qu’une autre armée de
votre prince a remporté une viéfoire , repréfentez
à vos troupes quelle honte ce feroit pour elles
fi elles étoient vaincues, 6c avec quel mépris
elles feroient regardées par celles qui viennent
d’être vi&orieufes.
Ce qui excita l’armée de M. Horatius à montrer
dans le combat cette fermeté qui la rendit vic-
torieufe des Sabins, ce fut la vive peinture que
ce conful fit à fes troupes de la rifée 6c du mépris
auquel ils fe verroient expofés s’ils retournoient
à Rome vaincus, tandis que l’armée de l’autre
conful L. Valérius venoit de triompher des Eques
6c des Volfques.
En paffant le long des lignes appeliez par leur
nom les officiers de votre connoiffance, 8c dites
leur en peu de mots que vous attendez de leur
courage qu’ils fe diôingueront en ce jour : ce peu
de mots ranimera leur ardeur, 8c fera naître dans
ceux qui l’entendront, le defîr de les imiter6c
même de. les furpaffer.
Rappeliez à vos troupes la mauvaife foi avec
laquelle les ennemis ont agi en diverfes ocçaûons,
8c les rigoureux traitements que vos prifonnien*,
vos concitoyens 6c leurs familles en ont reçus. En
un mot, n’oubliez rien de tout ce quiefl capable d irriter
votre armée contre l’enhemi ; la colère donna
jfouvent plus de force que les bleffures n’en otent.
N’avez-vous jamais pris garde , dit Platon , que
la colère eft invincible ?
Alexandre , pour irriter fon armée contre les
Tyriens, leur exageroit l’infulte qu’ils avoient faite
aux ambaffadeurs-qui alloient traiter avec eux de
la paix, 6c en qui, difoit ce monarque , « touts
les droits des gens avoient été violés ».
P. Emile anima fes troupes contre les Ligures ,
en leur peignant vivement la mauvaife. foi de cette
nation , qui, pendant une trêve, avoit ofe attaquer
le camp des Romains.
Repréfentez aux troupes que leur gloire
leurs biens , 6c le falut de leurs familles , font le
prix du combat; que l’ennemi, s’il eft vainqueur ,
profitant de fa viéloire, pénétrera dans les états de.
votre prince, que fes provinces feront défolées,
furçhargées de contributions ; leurs femmes expo-
fées à la licence du vainqueur ; que ce font leurs
foeurs , leurs filles , leurs femmes , leurs parens ,
leurs amis, la patrie, leurs loix qui attendent d eux
ces glorieux effets de leur valeur 6c de leur courage
: çes repréfentations ne conviennent qu aux
troupes nationales.
Paul Émile , avant la bataille de Cannes, exhor-
toit les Romain^ à ne pas. combattre comme les
troupes auxiliaires , dont la condition ne. devient
pas plus heureufe par la vi&oire., 6c qui ne fe
battent que parce que les traités lesy obligent :
■ « c’eft à vous, leur difoit-il, à faire voir dans
cette bataille que vous combattez pour vous-mêmes«, .
pour la patrie , pour vos- femmes 6c pour: vos
enfants». S
Lorfque les ennemis- exercent une religion différente
de celles de vos troupes, exagerez a vos :
foldats l’obligation de combattre avec courage pour
obtenir la faveur du ciel; Rappeliez ajeur mémoire,
le fouvenir des temples que. ces memes ennemis-
ont profanés , des prêtres qu’ils ont maltraites, des,
outrages qu’ils ont exercés contre la religion | de ■
vos pères. Ce fut ainfi qu’Alexandre Vitelli mf-
pira cette ardeur que les Allemands , les Italiens ,..
6c les. Hongrois firent paroitre dans l’entreprife de.
Budei
Ezéchias-, animant les-Ifraélxtes , leur difoit que , ,
quelque puifîante 6c nombreufe que leur parut
l’armée de Sennachérib , elle étoit très ioible ,,
puifqu’ils dévoient fe promettre une protection.du.*
ciel que ces infidèles ne. pouvoient pas efperer.
Lorfque vous 6c vos ennemis profeffez là meme
religion ; fi la juftice eft évidemment du côté de-
votre fouverain, repréfentez à vos troupes que le.
. ciel qui protège la bonne caufe.fe déclarera en leur ,
I faveur.- "
Quand Henri , roi d’Angleterre, fut invefti par.
les, François, dont l’armée étoit fupérieura. ea>.
Nombre à la Tienne, il raffura fes trohpes en leur
difant : « -pourquoi craindre une armée nombreufe
? Le jufte Dieu protégera la caufe jufte ».
•' Exagérez à vos foldats les richeffes de l’armée
& du pays ennemi ,-qui feront la réçompenfe de
leur valeur s’ils remportent la viéîoire.
Pharafmane, avant de combattre Orode, mon-
troit à fes troupes l’or dont les harnois des Mèdes
étoient couverts.
Darius repréfentoit aux Tiennes combien l’armée
d’Alexandre devoir être riche , après tant de pays
qu’elle avoit faccagés 6c pillés.
Annibal, avant la bataille du Téfin , propofoit
à fon armée toutes les richeffes de Rome pour le
prix de la viâoire.
Promettez au nom de votre prince qu’on affif-
tera de toutes manières les familles de ceux qui
feront tués ou eftropiés dans le combat : ce qui
abat fouvent le coeur des foldats , c’eft de penfer
que s’ils meurent, ils laiffent leurs filles 6c leurs
femmes réduites à la plus dure néceffité.
- Diodoré , parlant des promeffes que ceux de
Rhodes firent à leurs troupes, lorfque cette place
fut affiégée par Démétrius Poliorcète , dit qu’il fut
ftatué « qu’on donneroit la fépulture aux corps de
ceux qui feroient tués dans cette guerre , que leurs
pères , leurs mères 6c leurs enfants feroient nourris
6c entretenus , leurs filles dotées aux frais du
public , 6c les fils un peu avancés en âge, couronnés
au théâtre dans les fêtes de Bacchus.
Promettez aux régiments , ou à la brigade qui
la première enfoncera la ligne des ennemis , une
double paye pendant la guerre, 6c le pas furies
corps plus anciens. Cette elpèce de réçompenfe
durable donne beaucoup d’émulation. David employa
ce moyen pour animer les Ifraélites contre
les Jébuféens.
Je fuppofe que vous ferez entendre à vos régiments,
qu’il ne leur eft pas pour cela permis
de fe détacher de la ligne > afin d’arriver avant
les autres , 6c de rompre les premiers celle des
ennemis.
Qu’on foit prévenu dans votre armée que vous
punirez par quelque marque humiliante les régiments
qui, étant les plus proches de ceux qui
rompront la ligne ennemie, ne feront pas la même
chofe ; 6c que cette marque de leur lâcheté durera,
jufqu’à ce que dans un autre combat ils ayent
recouvré leur réputation.
Un moyen plus fort, mais plus rigoureux, pour
obliger les foldats à faire leur devoir , fut celui
qu’employa Vercingentorix ; qui, avant la bataille
'■ qu’il préfenta en Auvergne à Cæfar, obligea
touts fes cavaliers à jurer qu’ils rotnproient deux
fois les lignes des Romains , fous peine , contre
ceux qui n’accompliroient pas ce. ferment , de
s’avouer eux-mêmes indignes de revoir leurs parents
6c leur patrie.
Le conful Marcus Fabius ne voulut accorder à
fes troupes la permiffion qu’elles lui demandoient,
d’attaquer les Véiens 6c les T ofcans , qu’après
leur avoir fait promettre avec ferment de ne pas
abandonner le combat quelles ne fuffent viéîo-
rieufes. ;
Lorfque vous avez pénétré un peu avant dans
le pays ennemi, expofez à votre armée l’impof-
fibilité de faire retraite , fi vous perdez la bataille ;
parce que vous avez des rivières derrière vous;
que vous manquez de magafins ; que les peuples
ne font pas affeélionnés pour vous ; qu’ils prendront
les armes, couperont les ponts , garderont
les gués , 6c vous difputeront les défilés des montagnes.
Vous repréfenterez fortement à vos troupes
qu’il ne s’agit pas feulement de combattre pour la
viéîoire , mais pour leur falut 6c leur liberté.
Alexandre, qui s’étoit avancé jufques dans le
coeur de la Perle, fit avant la bataille d’Arbelle
ces • mêmes repréfentations aux Macédoniens.
Annibal, avant la bataille du Téfin , rappelloit
à fon armée le fouvenir de tout ce qu’elle avoit
fouffert, 6c des difficultés qu’*elle avoit rencontrées
au paffage des Alpes , tant par les difficultés des
montagnes 6c du paffage des rivières que de la
part des peuples ennemis : il ne nous refte, leur
difoit-il, d’efpérance de falut que dans la viéîoire.
• Jonathas Machabée , avant de combattre près
du Jourdain , montroit à fes troupes « qu’elles
avoient derrière elles cette rivière, des marais,
des bois , 6c par conféquent aucun moyen de
retraite ».
Dites à vos foldats que, s’ils gagnent la bataille ,
ce jour va les faire jouir des fruits de la viéîoire ,
6c finir touts leurs travaux, fans qu’ils ayent à
craindre pour la fuite 'la-viciffitude du fort des
cormes ; qu’ils ne perdent pas, dans une heure de
temps, ce qui doit faire le bonheur durable de leur
vie 6c de leur patrie.
Annibal, avant la bataille de Canne, difoit à
fes foldats : » Ce jour va finir toutes vos fatigues ,
6c en vous donnant l’empire 6c les richeffes des
Romains , vous rendre les maîtres du monde ».
1 Prévenez vos troupes qu’il fe peut que les ennemis
ayent quelques perfonnes de leur parti dans
votre armée , qui, pour y jetter la confufion 6c le
défordre , crieront au milieu du combat, nous
fommes coupés ; mais que ces cris ne doivent pas
les porter à faire d’autres mouvements que ceux
qui leur feront ordonnés ; quand même elles verroient
des corps fe retirer en bon ou en mauvais
ordre, parce qu’il y a quelques régiments à qui
vous avez donné des inftruélions lecrètes pour
feindre à propos une fuite , afin d’engager les ennemis
à leur défavantage. Gette précaution empêchera
que votre armée ne perde courage, à la vue
des accidents qui pourroient furvenir , 6c qui fin-
timideroient peut-être, fi elle n’avoit pas été prévenue.
A la bataille d’Almanza, les ennemis commencèrent
à mettre en défordre une des ailes de
notre première ligne : les troupes de la feçonde
vouloient alors mal-à-propos s’avancer ; mais
L 1 ij