
Soleil. Cette ville s’étend le long d’un grand môle ,
devant lequel font des lacs où fe jette le canal ».
Ce fu t, fuivant Diodore , Ptolémée II , qui
acheva l’ouvrage, & fit conftruire au lieu le plus
propre un diaphragme, ou une efpèce d’éclufe que
l’on ouvroit, lorfqu’il vouloit palier, & qu’on re-
fermoit aufli-tôt. Le courant d’eaux qui remplif-
foit le canal étoit nommé le Ptolémée, du nom de
celui qui l’avoit formé. Son embouchure étoit auprès
d’une ville nommée Arfinoé.
Au contraire de ces deux auteurs, Pline rapporte
que Ptolémée fit creufer un canal large de
cent pieds, 6c profond de trente , fur une longueur
de trente-fept mille cinq cents pas jufqu’aux fontaines
amères , 8c que la crainte de l’inondation,
o u , fuivant d autres, celle de corrompre par les
eaux de la mer celles du N il, qui étoient la feule
boiffon des Egyptiens, le détourna de fon entte-
pnfe; parce qu’on avoit trouvé la mer Rouge
plus haute de trois coudées que les terres d’Egypte,
i l ajoute plus bas que Ptolémée Philadelphe donna
fon nom à la rivière qui paffe près d’Arfinoé, ville
qu’il avoit fondée 8c nommée du nom de fa fceur.
Enfin, fuivant Ptolemée le géographe, une rivière
p0Lta.n\ le nom de Trajan (Tlçcuclvoç 'teoTetuoç') ,
pafloit a Babylone & à Héroopolis. ( L. IV, ch. ƒ.).
Eft-ce le canal voifin de Babylone , aujourd’hui le
Caire , qui reçoit /éncore les eaux du Nil pendant
les inondations, que quelques-uns nomment
d Adrien ? Il eft vraifemblable que celui - ci
n etoit que l’ancien canal de Darius, rétabli peut-
être fous Trajan ou fous Adrien ; il coule encore
aujourd’hui du Nil par le Caire vers Balbeis, 8c
on le nomme Khalitç-abu-meneggi. C ’eft le même
que Ptolémée renouvella eny ajoutant une branche
venant de Phaccufe.
x Les autres c anaux de l’Egypte fervoient moins
a la navigation qu’à l’arrofage. Le plus confidé-
rable eft celui que Moeris fit conftruire pour mener \
les eaux du Nil dans le grand lac qu’il avoit fait
creufer. Ce canal avoit quatre-vingt ftades de
longueur, ( 7 5 60 t . ) ,8c trois cents pieds de largeur.
(4 1 t. 3 p. 2 p.). L’entrée en étoit fermée,,
& pouvoit s’ouvrir à volonté, afin que, dans les
grandes crues du fleuve , on pût donner aux eaux
un écoulement, & ne laifler aux terres que celles
qui fuffifoient pour les fertilifer : Diodore dit que
la dépenfe de l’ouverture ou de la fermeture de
ces éclufes montoic à cinquante talents ou envi,
ron trois cents mille de nos livres. (Z . l ,p . 48. D .).
Dans les temps poftérieurs, Omar voulant pourvoir
à l’approvifionnement de Médine qui fouffroit
de la famine, 8c y faire tranfporter des bleds
d’Alexandrie , fit creufer un nouveau canal, ou
peut-être^ réparer l’ancien. Celui d’Omar com-
mençoit à Foftata , ville établie près des ruines
de Mifra, dévaftée par Amri, lieutenant d’Omar ,
&. fe rendoit à Colzuma, port du golphe Arabique.
Les géographes font partagés fur la fituation de
Mifra, Quelques-uns ont cru que c’étoit l ’ancienne
Memphis ; d'Herbelot, Pococke , 8c d’Anville £
que c’eroit Babylone, aujourd’hui le Caire. Amri
fit faire cet ouvrage 8c le nomma khalit{ émir
eimutnenin ou canal de l’empereur des fidèles.
Un autre canal, portant le nom de Jofeph , commence
au N il, vers le 28e degré de latitude, fuivant
Pococke, defcendvers le nord jufqu’au 29®
degre 20 minutes ; d’o ù , tournant à l’occident,
il va fe terminer au lac Moeris. Il a cent verges de
large , (ou 44t. 4p. 6 p. 2-fl.), & quarante pieds
anglois de profondeur, (3 7 p. 10 p. 8 fl.) . La
dimenfion en largeur eft à-peu-près celle qui eft
attribuée par Diodore à l’ancien canal de Moeris.
La pofition eft la même ; mais la longueur de ce-
lui de Jofeph eft beaucoup plus grande. Il faut
donc que ce foient deux ouvrages différents, ou
que 1 ancien ait été prolongé,, ou qu’il y ait erreur,
foit dans le nombre du texte de Diodore,
foit dans la détermination de Pococke. Un autre
canal fortànt du lac du côté de l’occident, eft
maintenant à fec 8c nommé bar mêla me.
En Afie, l’Euphrate 8c le Tigre furent joints par
un canal, attribué par quelques auteurs à Nabu-
codonofor. ( Eufeb. prcepar. Evang. L. IX. ). Il fut
nomme Nahar malcha ou canal royal. Le voyageur
Teixeira a cru en retrouver les ruines dans la
vàllee de Choabedeh, qui eft à cinq ou fix lieues dé
Baffora. D ’Anville dit qu’on en voit encore une
embouchure dans la rivière de Saleh..( Mém. des
B. L. tom.XXX3pag. 186.). On ignore fi çe canal
eft celui dont Ptolémée place l’origine entre Maf-
fique 8c Babylone , par 32 degrés 30 minutes de
latitude fuivant d’Anville , 8c l’embouchure à
Apamée par 30 degrés 59 minutes.
Pline parle d’un canal que fit conftruire Cobare
gouverneur du pays. Quelques auteurs ont cru
que c’étoit la rivière nommée Chobar ou Chébar.
Les empereurs''Trajan , Septime Sévère, &
Julien , firent creufer un troifième canal entre
Coche & Ctéfiphon : la pofition de touts ces
ouvrages eft aujourd’hui très-incertaine.
Le l igre & l’Eulée, nommée aujourd’hui Karun,
j furent joints par un canal dont les troupes 'd’A lexandre
firent ufage , 8c qui fert encore a la navigation.
, La Chine entière eft coupée par des canaux
qui fervent à l’arrofage 8c à la navigation. Les
bateaux y vont à la voile, 8c fur-tout à la rame :
ce ne font point des chevaux qui les tirent : dans
tout ce que les hommes peuvent faire à un prix
modique, les Chinois n’emploient aucun animal.
Les terres font cultivées juiqu’au bord des canaux
8c des riv ières ; on n’y laifle qu’un fentier : les
canaux font plus utiles fans doute que les grands
chemins : ils rendent les tranfports plus faciles ,
fertililent les campagnes,8c fourniffent en poiflon
une partie de la fubfiftance du peuple. On ne cofi-
noit point en Chine le luxe de nos carroffes : les
prairies n’y abforbent point plufieurs milliers d’arpents,
qui étant enfemencés nourriroient en Eu-,
Vope une multitude d’habitants que la faim con-
fume lentement ou que la misère empêche de
naître. Un terrein qui ne produit rien de propre à
nourrir des hommes eft ftérile aux yeux des Chinois.
Le principal 8c le plus grand de touts ces canaux
eft YYun-léang ou canal royal. Il commence au
fleuve P a y , qui defcend des montagnes de Tar-,
tarie ; 8c , joignant l’Ouei 8c le fleuve Jaune, il va
fe terminer au fleuve Bleu après un cours d’environ
cent quarante lieues.
Ce grand ouvrage fut commence l’an 1289 >
fous le premier des empereurs Tartares-Mogols
qui régnèrent fur la Chine. Les Tartares nomment
ce prince Kublai, les Chinois Chi-tfu, les Européens
Xun. Le canal ne fut achevé que fous la
dynaftie des Ming. Il eft revêtu en pierres par
Intervalles , fuivant que le terrein a exige ce travail.
On y voit des bateaux qui font les feules
habitations dé leurs propriétaires , 8c il y. en a
un fi grand nombre en quelques endroits qu’on
peut les nommer des villes flotantes. Une grande
quantité d’éclufes fervent à paffer d’une partie
fupérieure à l’inférieure , ou de celle-ci a 1 autre.
On y trouve aufli des plans inclinés fur lefquels
on tire les bateaux avec des cabeftans. Ailleurs
le lit du canal eft reflerré pour diminuer l’écoulement
des eaux , 8c les bateaux font tirés dans ces
efpèces de détroits par d’autres bateaux qui vont
à la rame.
Xercès, conduifant toutes fes forces contre la
Grèce, 8c craignant que les vents 8c la tempête ne
le pouffaffent contre le mont Athos, où quelques
années auparavant ils avoient brife une de fes
flottes, fit couper l’ifthme large de douze ftades qui
joignoit la montagne au continent. Ses troupes
firent ce travail fous les fouets , dit Hérodote, 8c
furent aidés par les habitants des contréeis voifines.
Le canal avoit affez de largeur pour que deux toi-
r-èmes puffent y paffer l’une à côté de l’autre. Avant
de commencer ce travail, Xercès avoit écrit au
mont Athos en ces mots : Athos, montagne fuperbe ,
qui s’ élève jufquflü c iel, noppofe pas à mon entre-
prife tes grands & difficiles rochers : Ji tu le fa is , je te
couperai & te jetterai toi-même dans la mer. ( Herodot«
L. VIL c. 21 & feq. Plutarch. de ira cohib. av.
/ .C .4 8 o .).
En Europe, le génie vafte 8c hardi des Romains
entreprit le premier de grands travaux de ce genre,
non pour l’utilité du commerce 8c de l’agriculture,
mais pour les ufages de la guerre qui étoit fon objet
principal.
Marius, campé vers le bas du Rhône , 8c ne pouvant
approvifionner fon armée par les embouchures
de cette rivière, qui étoient enfablées, fit creufer entre
la mer 8c le Rhône un canal d’environ 8 lieues,
qui apporta facilement les vivres dans fon camp .(Plu
tarch. Mar. tom. 1, pag. 414- A . ) ( An. de R. 651- ).
Drufus Néron , voulant porter fon armée plus
^rapidement contre les Chauques 8c les Frifiens,
( l ’an de Rome 7 4 a , ) joignit le Rhin 8c l’Yffel par
un canal que d’Anville place entre 23 degrés 38
minutes 8c 23 degrés 45 de longitude, 52 degrés
1 minute, 8c 5 2 degrés 7 de latitude. Tout ce que
les géographes modernes en ont dit de plus ne font
que des conjeâures. Ce même canal fervit enfuite
a l’armée de Germanicus, l’an 16 de l’ère chrétienne.
( Dio. Z. IV, p. 622. D. Sueton. Claud. c. L
Tacit. Ann. L. 11, c. 6 , § . ). ^
Trente-quatre ans après, Corbulon oblige par les
ordres de Claude d’interrompre fon expédition
contre les Chauques, 8c ne voulant pas laifler ôifive
fon armée , fit creufer entre la Meule 8c le Rhin un
canal d’environ vingt-deux milles de longueur ,
dont nous ignorons la vraie pofition. Cependant
Cluvier conjeéhire avec affez de vraifemblance
qu’il alloit de Leyde à Delft. Le général romain, en
faifant conftruire cet ouvrage , eut encore pour
objet d’empêcher les inondations du reflux de la
mer. ( Tacit. Annal. Z. X I , c. 20. Dio. Z. L X , p •
788. D. ).
Tels ont été les principaux ouvrages de ce genre,
exécutés par les anciens. Paffons a ceux des modernes.
En Ruflie , Pierre I a fait creufer un canal entre
Mofcow 8c Saint-Pétersbourg. Celui que le duc de
Bridgewater a fait conftruire en Angleterre, près
de Manchefter, pour tranfporter dans cette ville
8c autres endroits le charbon de fes minés , eft un
ouvrage qui mérite d’être connu en detail.
[ On a creufé au pied d’une vafte montagne, près
de Worfleymille , fitué à environ fept milles de
Manchefter, un large baflin, qui fert de port aux
bateaux, 8c de réfervoir pour fournir l’eau nécef-
faire à la navigation. Enfuite , afin de tirer commodément
le charbon de la mine , qui s’étend fort
avant dans la montagne, on a coupé dans le roc un
paffage fouterrein, affez large pour que des bateaux
plats 8c, longs puiffent aller jufqu’aux ouvrages.
Le niveau eft fi bien ménagé que l’eau ,
qui fait aller un moulin à l’entrée du paffage, y
coule 8c refte à la profondeur de près de cinq pieds :
ce paffage fouterrein fert encore à recevoir les
eaux qu’on puife de la mine, 8c qui, fans cette
décharge., inonderoient les travaux. On entre dans
le paffage fur une petite flûte , ou un bateau long
de cinquante pieds, fur quatre pieds 8c demi de
large , 8c deux, pieds trois pouces de profondeur ,
propre à tranfporter le charbon de terre, 8c que
l’on mène à la rame. On fait environ trois quarts
de mille au travers du rocher avec des.flambeaux.
A cette diftance de l’entrée, on trouve les travaux
de la mine, 8c le canal-fe divife en deux branches ;
dont l’une, traverfant les ouvrages, continue en
forme’de rue étroite jufqu’à près d’un quart de mille;
l’autre tourne fur la gauche, 8c s’étend à-peu-prës
aufli loin ; mais elles pourroient être pouffées plus
avant, 8c par la fuite on pourra couper d’autres
branches femblables, félon que les veines de la
mine l’exigeront pour l’exploitation. Dans certains.