
quelle a fur des rivières qui ne font pas navigables,
ou d’un polie bien muni 8c bien gardé,
peut Cuivre un chemin différent de celui que les
ennemis ont pris, quoique celui-ci fût plus con-
.venable pour les atteindre ou pour les couper.
■ Si- votre armée enfonce en divers endroits les
-lignes ennemies , 6c fi elle pourfuit vivement
-les troupes battues ,‘elles fe retireront encore fé-
parées & par différents chemins, prenant chacune
le plus court 6c le plus voifin du polie qu’elle
occupoit au centre ou aux ailes. ‘En ce cas, tâchez
d’être bien informé du nombre de chaque troupe
par les efpions , les déferteurs , les payfans , ou les
partis qui ont obfervé fa marche , 6c envoyez
après chacune un détachement plus fort qu’elles,
pour les pourfuivre, , afin d’achever leur défaite ,
ou de la retarder au paffage des défilés. Détachez
en même temps un fort parti de cavalerie qui
fera toute la diligence poffiblepour s’emparer d’un
pont ou d’un paffage, vers lequel les-ennemis
-doivent faire leur retraite , foit pour s’y joindre
6c s’y rallier, foit pour fe jetter dans leurs places ;
les fuyards, fe voyant pourluivis de touts côtés ,
croiront que chacun de vos détachements efl
toute votre armée, 6c ne feront aucune réfiftance
quand vous lès joindrez.
Lorfqu’Alexandre eut battu , dans la Sogdiane ,
le rébelle Ariomazès, il donna un détachement à
Epheftion, un autre à Cænus , 6c conduifit le rèfte
de l’armée, afin d’achever avec ces trois différents
corps la défaite des ennemis , qui s’étoient dif-
perfés en petites troupes fur-les montagnes.
L’armée de Xercès, défaite à Platée , fit retraite
en corps féparés 6c par différents chemins. Celui
qu’Artabaze commandoit fut le feul qui trouva
fon falut’dans une fuite accélérée ; les autres furent
battus par les Grecs, qui s’étoient auffi divifés en
autant de corps que leurs ennemis.
Hercule Bentivoglio , chef des Florentins , prit
la téfolution d’attaquer Livien, commandant dés
Pi-fans , qui fe retiroit de Campile à Pife. Il le
fuivit avec fon infanterie, 6c détacha en même
teçnps la moitié de fa cavalerie pour incommoder j
fon arrière-garde , tandis que l’autre moitié difpu-
toit à l’avant-garde les pafl’ages des défilés ; il parvint
ainfi à le joindre, 6c le battit.
L’armée athénienne, commandée par Démof-
th ène 6c par Nicias , fe retiroit de devant Syra-
cufe. Hermocrate, général des Syracufains, envoya
un détachement pour occuper les défilés que
l’avant-garde avoit à paffer ; 6c ,avec le gros de fes
•troupes , il harcela pendant trois jours l’arrière-
garde ennemie. Les Athéniens , obligés de s’arrêter
pour fe défendre, donnèrent au détachement le
temps d’exécuter fa commiffion ; & , fe voyant enfermés
de toutes parts , furent contraints de fe
rendre;
Les troupes qui pourfuivent l’ennemi pendant
là: nuit doivent aller à très petit bruit, & n’avoir
ni: pipes, ni mèches allumées*. Empêches auffi
qu’on batte la caiffe, de crainte que les ennemis
ne doublent le pas, ou ne prennent un chemin
différent de celui que vous tenez, ou ne fe rangent
en bataille, pour vous attendre ou vous attaquer.
Il vaudroit mieux, au contraire, ..vous fervir de
vos efpions doubles, ou employer quelque autre
rufe, pour leur perfuader que vous les pourfuivez
par une route différente.
Les Platéens qui, fous les ordres de Téénète &
d’Eupolpidas , faifoient retraite vers Athènes ,
n’évitèrent les Thébains qui les pourfuivoient,
que parce qu’ayant connu par les feux du camp le
chemin que ceux-ci âvoieht pris , ils changèrent
de route fi à propos 6c fi pçoînptement que les-
troupes de Thèbes ne purent les fuivre.
Hermocrate , pour empêcher que les Athéniens,,,
qu’il venoit de battre, n’entraffent en des défilés ■
qu’il vouloit occuper le premier, fit répandre dans,
leur armée qu’ils étoient coupés. Ils* crurent que-
cet avis leur venoit des Léontins leurs alliés, §C‘
s’arrêtèrent pour délibérer fur le parti qu’ils avoient
à prendre : pendant ce temps Hermocrate occupa,
les défilés, 6c l’armée athénienne,, enfermée de-
toutes parts, fut obligée de fe rendre.
Si les ennemis fe retirent en divers* corps.féparés,.
6c font retraite par un pays dont les habitants foient
guerriers 6c affeélionnés à votre prince y dès que.
vous aurez gagné»fa bataille, envoyez dans touts-
les lieux vers lefquels l’armée ennemie doit paffer
des ordres précis de prendre les armes, de lui
difputer le paffage, les gués, les défilés, 6c d’empêcher
que fes partis ne s’étendent fur les côtes ,~
pour enlever les vivres. Ordonnez de rompre les-
ponts , de retirer'les bacs 6c les bateaux des rivières.
Touts ces obftacles, foit qu’il faille, réparer'
ou conftruire des pont^, foit qu’il faille prendre-
des chemins de détour,.retardent la fuite des ennemis,
6c donnent-à vos troupes lb temps' de les,
atteindre..
Quand les IfraëBtea, fous, la conduite de Judas-
Machabée, eurent battu l’armée deNicanor, ils
pourfuivirent les fuyards pendant tout un jour.;,.
depuis Adazer jufqu’à Gazara,.6c les habitants de.-
la Judée, aceoururent.de toutes parts pour exterminer
les relies de cette malheureuie armée.
Le duc Hamilton , battu par les Anglois , faillite
retraite vers l’Ecoffe avec quatrè mille chevaux,..
Les gens du pays, qui n’éteient point affectionnés
pour Charles I ,. s’oppofant au paffage de ces?-
troupes , les obligèrent de rentrer dans l’intérieur du
royaume ;.6c ,,comme, elles dépériffoient 6c dimi—
nuoient chaque jour, Hamilton fut obligé de fe
rendre, à difcrétion.
Les Mexicains, qui pourfuivoient Cortès dans
fa retraite vers TJafcala, envoyèrent ordre à touts
lès habitants des-lieux par où lest troupes efpa-
gnoles-dévoient paffer , de leur difputer le paffage ,..
6c de retarder leur marche jufqu’à l’arrivée de
l’armée du Mexique, qui s’étoit arretée pour
folemnîté de la pompe funèbre & de la fépiilttire
des fils de Montezuma.
Il feroit bon que vos ordres fuffent- portes par
des officiers natifs de ces mêmes lieux où ils font
envoyés , afin qu’à leur perfuafion 6c fous leur
conduite les habitants puffent agir avec plus d’art,
d’ordre , 6c de valeur.
Si un corps ennemi, qui fait retraite, 6c que
votre cavalerie a joint, tient ferme fur une montagne
forte par la fituation, ou dans un lieu fermé ,
elle ne doit point l’attaquer, mais fe faifir des polies
qui peuvent l’empêcher de continuer fa retraite ;
afin que, fur l’avis prompt 6c circonftancié que le
commandant de cette cavalerie vous donnera,
vous ayez le temps d’arriver .avec de l’artillerie,
& tout ce qui eft néceffaire pour forcer cette
troupe à fe rendre.
Après la bataille d’Almanza , un corps ennemi
de près de fix mille hommes d’infanterie fe retira
fur une montagne. La cavalerie qui le pourfuivit
en occupa les paffages, pour attendre le maréchal
de Berwick : celui-ci arriva fuivi d’une troupe nom-
breufe, 6c cette infanterie fe rendit alors fans combattre.
On évita ainfi la perte que la cavalerie
efpagnole auroit foufferte , fi , dans un terrein auffi
défavantageux , elle avoit voulu attaquer l’ennemi.
Pour ramaffer,les armes, qui relient fur le champ
de bataille, 6c qui n’ont point de maîtres , fervez-
yous de ces hommes que j’ai deftinés pour retirer
les bleffés, ou des vivandiers , des valets , 6c
autres perfonnes qui fuivent l’armée , ou même
des troupes que vous n’employez pas à pourfuivre
l’ennemi. Donnez ordre que ces armes foient portées
à trois ou quatre endroits defignés, ou il y
aura des commiffairës des guerres, qui pour le
compte du roi les payeront le tiers ou le quart de
- ce qu’elles peuvent valoir. Celles qu’à certaines
marques on reconnoîtra appartenir aux régiments
de votre prince , leur feront rendues pour la
même fomme qu’on a donnée à ceux qui les ont
apportées : mais les autres doivent être au profit
du prince 6c de l’armée.
Le général doit fe faire apporter les timbales,
les drapeaux , 6c les étendarts que l’on prend fur les
ennemis , pour les envoyer à fon prince. Il feroit
j ufle de récompenfer les régiments qui les ont enlevés.
.V IG ILANCE NÉCESSAIRE APRÈS
L A V I C T O I R E .
Quoique vous foyez.Viâorieux , craignez d’être
battu, fi votre armée fe débande pour le pillage ;
fur-tout fi les ennemis ne font pas éloignés, 6c
conlervent quelques troupes en ordre de bataille.
Quand un corps confidérable, des ennemis fuit
en grande confufion, prenez garde que vos troupes
ne tombent 'dans le même défordre, par le defir
de joindre'plus promptement les fuyards; ceux-
ci pourroient fe rallier plutôt que vous, 6c vaincre
à leur tour, principalement fi leurs troupes, armées
plus légèrement 6c moins fatiguées , peuvent
fe réunir plus facilement à leur arrière-garde que
les vôtres à votre avant-garde : ou fi elles font
accoutumées à fe battre à la débandade, 6c que
les vôtres foient accoutumées à combattre en
ordre de bataille.
Curion , légat de Cæfar , avoit défait complètement
l’armée de Juba : cependant il fut battu ,
parce qu’il pourfuivoit avec fi peu d’ôrdre 6c de
prudence que , de cinq cents chevaux , il y en eut
trois cents qui ne purent fuivre par excès de laffi-
tude. La plupart de fon infanterie refta auffi en
arrière ; de forte .qu’il «’avoit que deux cents cavaliers
6c peu de foldats, lorfque Juba fe rallia 6c
le chargea.
Géfarion, général lufitanien , qui avoit été défait
parMummius, obferva que les vainqueurs le pourfuivoient
en grand défordre; il revint fur eux ;
leur tua dix mille hommes, recouvra le bagage
qu’il avoit perdu, 6c pilla le camp des ennemis. ;
Conon, commandant de l’armée navale d’Athènes,
feignit de fuir, 6c fe laiffa pourfuivre par
là flotte lacédémonienne , jufqu’à ce qu’il vît
qu’elle avoit perdu tout ordre de bataille. Alors
il fondit fur elle 6c. l’obligea de fuir réellement :
mais l’autre aile , où Conon n’étbit pas, pourfuivit
avec tant d’imprudence les .Spartiates que Calli-
cratidàs , commandant de la-flotte de - Sparte ,
l’ayant ralliée j battit celle d’Athènes,
Vous pouvez néanmoins détacher à. la débandade
quelques efcadrons de votre cavalerie "la
plus légère, afin de ne pas donnée aux; ennemis
le temps de fe-ralliet ; mais foutenez ces efcadrons
par quelques - autres qui s’avanceront en
bon ordre , 6c qui feront fuivis du refte de la
cavalerie , enfuite de toute l’infanterie en bataille.
On peut auffi mettre en croupe de la cavalerie
quelques foldats d’infanterie, pour les laiffer dans
un défilé, afin de foutenir cette première cavalerie
, qui pourroit être repouffée. Toutes ces
troupes, 6c fur-tout le gros de vôtre infanterie
6c de votre cavalerie, ne doivent pas être fi
fort éloignées les -unes des autres que les ennemis
foient en état de les attaquer féparément,
avant-qu’elles fe puiffent réunir 6c former en bataille.
A
Si un corps confidérable fait retraite après le
combat par un pays de bois 6c de montagnes,
il ne fuffit pas que les détachements deftinés à
incommoder leur arrière-garde ne marchent qu’en
bon ordre, 6c ne s’avancent pas trop ; il faut
encore que , vers le front 6c les flancs, ils étendent
des batteurs d’eftrade, foutenus par de
petits partis , afin de donner avis , dès qu’ils
découvriront quelques troupes des ennemis. Dans
ce -cas , il eft indifpenfable d’envoyer recon-
noître , avant que de s’engager dans un mau-
O o ij