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de fa compagnie, &.fur touts ceux avec lefquels
il eft de fervice.
Le caporal a les mêmes devoirs à remplir que
le brigadier ; il a donc befoin des mêmes con-
noiffances, des mêmes qualités morales & phyfi-
ques : ainfi nous renvoyons le leéleur à la feélion
IV de l’article B r i g a d i e r : avec cette exception
cependant que le caporal, étant un bas-officier d’infanterie,
n’a pas befoin de connoître ce qui eft
uniquement du reffortdu bas-officier de cavalerie.
Les droits des caporaux font les mêmes que
ceux des brigadiers.
Quant à la manière de choiftr les caporaux,
Voyeç l’article b a s - o f f i c i e r -. N ous croyons y
avoir indiqué une manière affez fure de ne faire
caporaux que des fujets dignes de l’être.
Quoique nous ayons détaillé dans l’article b r i g
a d i e r les devoirs que les ordonnances impofent
aux caporaux ; pour completter leur inftruélion,
nous croyons devoir inférer ici quelquès confeils
que M. de Zimmerman leur donne dans l’ouvrage
intitulé : eJJ'ais de principes d’une morale militaire.
Nous.n’efpérons pas que les caporaux viennent
puifer dans cette encyclopédie ce que nous y avons
fait entrer pourfeux : mais quelque officier pourra
leur communiquer ce qui les concerne ; & , après
avoir lu cet article aux bas-officiers de fa compagnie
, les engager à s’y conformer.
Si les moyens que M. de Zimmerman confeille
d’employer ne font pas les meilleurs dont on .
puiffe faire ufage , s’ils ne font pas même touts ,
praticables, au moins ils peuvent engager quelques ;
militaires à en chercher de plus utiles.
M. de Zimmerman fuppofe un dialogue entre
deux caporaux, la Franchife & la Liberté. Nous
aie nous arrêterons pas aux premiers compliments
qu’ils fe font ; aux déclamations de la Franchife
fur la néceffité d’un feul commandement ; aux
confeils qu’il donne au major de fon régiment,
qui lui valent la prifon ; à fes principes fur les
alignements ; nous copierons encore moins fes
idées fur la marine roy ale, & les réflexions de
la Liberté fur la population du royaume ; on nous
diroit : Non erat his locus. Tranfcrivons feulement
ce qui eft du refïort des caporaux, & ce qui
peut leur être véritablement utile. Nous ne changerons
pas. les exprefîions de M. de Zimmerman ;
il a voulu avec raifon faire parler aux caporaux
leur langage ordinaire. « la Franchife. Tu fçais
que, dans le régiment, on m’a choifi pour caporal
înftruâeur ; & toutes les recrues qu’on m’a confiées,
au grand étonnement des majors, font entrées dans
la première elaffe fix femaines avant celles des autres
inftruéfeurs.— Comment t’y prends-tu donc ?—
L e voici. Dans les chambrées des recrues qui font
à mes ordres, j ’ai établi de petits jeux militaires,
qui confiftent à exécuter le plus vivement poffible
les temps de la charge, & ^quelques autres" qui
contribuent à l’agilité des bras , & à la bonne
grâce du corps. La récompenfe du plus habile ef^
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d’être fervi le premier à table , & loué devant les
autres foldats. Les moins diligents font bernés &
condamnés par leurs propres camarades à faire les
tours de fatigue de la chambrée. Après le repas,
je les mène a la promenade ; je les accoutume à
marcher du même pas ; je commence à marquer
la cadence par quelques chanfons qui les tient gais.
Quand nous arrivons au pied de quelque hauteur *
je les fais monter brufquement, je n’exige plus de
pas : je leur crie feulement de ne pas fe défunir.
Arrivés à la cime , je leur montre un arbre , une
pierre, un buiffon ; je leur commande de defcendre
fur ce point à toute courfe, & de s’y former auffitôt
l’un à côté de l’autre. Sur le champ nous marchons
en avant, toujours avec la petite chanfon : pour
eux , ils exécutent toutes cés manoeuvres dans
le plus grand filence. Trouvons-nous un fbfTé ?
Nous le fautons. Eft-il large & profond? Nous l’efca-
ladons. S i, parmi mes recrues, il s’en trouve d’indolents
& de pareffeux, les autres tiennent un confeil
où je préfide, & fur-le-champ on leur adminiftre
une petite correélion qui occafionne des propos
plaifants , & fait naître la gaité •; de façon que
nous faifons une ou deux lieues fans nous en
appercevoir. Je les ramène au gîte, & je vois
avec plaiftr que les jafnbes vont machinalement
enfemble , au bout de quinze jours, & que des
■ laboureurs, & des hommes courbés fous le poids,
des travaux, deviennent leftes & in g am b e s&
me rendent grâce d’avoir abrégé le temps de
leur apprentiffage, tout endes divertiffant.— Ce que
tu me dis là eft d’un bon & honnête militaire. Com.
ment eft-il poffible qu’on t’ait fi peu récompenfé ?
— Je porte avec moi ma récompenfe ;un vrai militaire
ne murmure point. Les deux premières vertus
qu’il doit s’efforcer d’acquérir, ce font l’obéiffance
& la patience. Mais j’ai joui long- temps intérieurement
des fervices que j’ai rendus autant que je
l’ai pu dans un pofte auffi obfcur que le mien.
J’ofe me vanter d’avoir confervé au roi pour ma
part quarante hommes au moins dans, les dernières
campagnes, qui feroieftt morts comme tant
d’autres dans les hôpitaux ; voici comment. Dan,s
les grandes marches d’armées , la chaleur vive racornit
les pieds. Dès ce moment, la tranfpiratiofr
y étant interceptée, il s’enfuit l’engourdiffement,
la laffitude, & l’éclopement. Dès-lors la quantité
de traîneurs, qui finiflent prefque touts par aller à
l’hôpital : malheur qui diminue infenfiblement les
armées. Pour m oi, dès la première marche , auffitôt
arrivés au camp, (ne vaudroit-il pas mieux
dire une ou deux heures après notre arrivée
au camp ) , je menois mon efcouade au plus
prochain ruiffeau. Affis fur fes bords 4 je leur
faifois prendre un pedivulve : après quoi chaque
foldat, muni d’une lame de bois durcie au feu ,
en raclant fes pieds-, emportoit la corne détrempée
par le pedivulve. Avant de partir, on fe lavoit les
bras. & les mains. Touts étoient étonnés qu’un
moyen fi fimpfe les délafsât au point de retrou?-.
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ver prefque leur vigueur première : ils fe fehtoïent
la tête dégagée , le fang calmé , de la gaité., de
l’appétit, & leur fommeil étoit tranquille & profond.
Or tu comprends qu’en prenant des précautions
pour la fureté du camp, une armée peut
faire la même chofe,_L’armée avoit-elle encore
de longues marches à faire ? Nous avions une pro-
vifion de graille pour graiffer nos pieds ; ufage né-
ceffaire à touts fantaflms. Dès que la chaleur de la
marche avoit racorni la graille avec la peau du pied,
nous recourions au pedivulve & à la lame de bois.
Pour mettre mon efcouade à l’abri des vieillitudes
du froid & du chaud, qui fe fuccèdent fur-tout ,dans
les pays feptentrionaux , j’avois gagné fur les foldats
qu’avec quelque argent de leur engagement, je leur
fournirois une camifolle , un caleçon, & des chauf-
fettes de flanelle, qu’ils ne quittoient ni jour ni
nuit , lorfque les grandes chaleurs étoient palfées ,
fi ce n’eft pour les nétoyer : ce qui fe faifoit avec
un peu d’eau-de-vie mêlée avec de l’eau ,, puis
féchés à l'air. Cette leffive empêche la vermine,
& pouffe à la tranfpiration. Cette doublure fur
tout le contour du corps faifoit un effet merveilleux.
Plus de fluxion de. poitrine , plus de rhumatifme,
plus d’engourdiffements occafionnés par la fraîcheur
de l?air & de la terre , fur laquelle nous
couchions. Les foldats fe fentoient-ils quelque mal-
aife ? ils fe frottoient le corps avec un mouchoir,
auffi de flanelle ; enforte que le moindre mouvement
rappelloit la tranfpiration & les guériffoit
comme par miracle. ( Nous croyons, avec la franchife
que l’ufage du gillet de flanelle feroit très
utile. ).
J’avois auffi obfervé que ce qui abattoit le plus
les foldats dans les marches forcées, c’étoit le
manque de fommeil, & l’ufage empoifonné &
journalier de l’eau-de-vie pure. La fatigue extrême,
jointe à cette boiffon fpiritueufe , defsèche le fang,
y produit la fermentation : de-là la fièvre, l’hôpital
& la mort. Je l’avois donc défendu pure dans
mon petit diftriéf : je permettois feulement, dans
les cas indifpenfables ., de la mêler avec de l’eau
Si. de tremper fon pain dedans ; après quoi, je
leur faifois encore boire de l’eau. Cette méthode
les rafraîchiffoit au lieu de les échauffer. Pour
éviter les longues veilles dans les marches forcées ,
nous avions contraéîé l’ufage de manger en marchant
de la viande froide , ou du fromage avec le
pain : c’étoit autant de pris fur l’ennui du chemin.
En mangeant on oublioit la fatigue ; cette reftau-
ration rappelloit les forces & la gaité. Quand
l’armée s’arrêtoit pour manger , nous dormions &
nous ne faifions cuire nos viandes que ,lorfque nous
.étions aflurés d’être plus ftables que dans une halte
ordinaire. Tu ne fçaurois croire combien ce moyen
nous a réuffi. Quand toute l’armée étoit rendue de
fatigue, nous feuls étions frais & difpos. Je me
confolois , par la bonté de ce régime , du ridicule
que cherchoient a me donner certaines gens*J’a-
jouterai donc à ce que je t’ai dit , qu’il feroit
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très important que , dans chaque compagnie , il y
eût un leéleur, & qu’on le munît de bons livres
compofés exprès , renfermant une morale propre
à être fentie de cette multitude guerrière. Cette
morale devroit venir à la fuite du récit de quelques
belles aéfions , qui animeroient leur volonté &
l’envie de fe diftinguer, en leur montrant le chemin
du»véritable honneur , qui ne confifte pas à
fe bien battre , puis piller & détruire , mais à être
humain quand l’ennemi eft vaincu ; à fçavoir fe
contenter de peu ; à fouffrir patiemment la faim ,
la foif, & toutes les peines attachées à lëu rp ro -
feffion. Il y auroit 'donc une leélure d’ordonnée
deux fois la femaine , après l’appel du foir , avant
que les foldats fé miffent au lit. Cette leélure fe
feroit par le fergent de la compagnie le plus inftruit.
Ah ! fi les généraux & les chefs des corps font
fenfibles à la véritable gloire , cette culture d’une
bonne morale en eft le chemin. Je ne donne pas
des idées vagues ; tout ce que je dis , je l’ai mis
en pratique , & il m’a réuffi au-delà de mes efpé-
rances. C ’eft toujours de mon efcouade qu’on a
tiré des caporaux & des fergents qui font encore
les plus diftingués du. régiment. Ainfi , dans cette
partie, il n’y a pas de raifon pour que cent mille
hommes ne puiffent faire ce qu’une compagnie
peut exécuter.
J’ai penfé fouvent auffi , au milieu même du
combat ^'combien il feroit important d’avoir dans
chaque bataillon quelques anciens foldats bien
connus par leur fens froid & leur courage , qui
feroient gratifiés exprès pour tenir quelques bons
propos aux foldats , quand o.n voit que l’on touche
à quelque moment critique. T u conçois que ces
hommes doivent être ignorés de tout le régiment,
excepté des chefs. Cette politique militaire veut
être cachée aux yeux du vulgaire ; tu fçais, ainfi
que moi, quelle fenfation prompte & fubite produit
un bon propos de foldat à foldat dans ces moments
de crife : il contient les foibles & ranime
les braves. Si c’eft l’officier qui les tien t, à moins
qu’il ne foit aimé, fa troupe le foupçonne de n’avoir
que fa gloire ou. fon intérêt en vu e , & qu’il
y facrifie tout ; mais il peut reprendre le propos
&. le faire valoir : il auroit alors fon double effet. »
On ne peut nier que la plupart des idées de M.
. de Zimmerman ne foient très heureufes, & faites
pour produire les plus grands avantages ; mais
malheureufement ce ne lont ni les bonnes idées ,
ni les réflexions fages qui manquent aux militaires
François; c’eft une volonté forte & confiante, &
un ardent amour du bien : on ne verra ces fen-
timents renaître que lorfque les grades & les ré-
compenfes feront diftribués par le mérite au mérité
, & non par la faveur à fes protégés. [ C ]»
Pour les fondions des caporaux dans les poftes ,
voye^ Ser v ic e des places , Service de c amp
a g n e , aux articles P laces & C amp a gn e .
I C A P O T E , long manteau de bure , ayec ca*
! puchon.
R r r ij