
es retïram trop près d’eux pour des raifons parti-
cu »ères , ont ete furpris. 11 eft vrai qu’ils ont
prouvé ce malheur de nuit : mais les grandes
gardes d un camp n’ont pas l’unique objet de garantir
des furprifes : elles ont encore celui d’empêcher
que des partis ennemis n’approchent allez près du
caiiip pour le reconnoître. C ’eft ce dont un petit
nombre de batteurs d’eftrade ne garantiroit pas. 11
eroit certainement très incapable d’empêcher l’approche
d un gros parti ; qui, au contraire, ne rif-
quera point de pénétrer une chaîne de grandes
garaes, dont il pourroit être enveloppé 8c accablé
dans ia retraite ou dans fa Fuite.
Les anciens le retranchoient même pour une
nu?t, parce qu ils avoient bien moins de travail que
nous n en aurions pour remplir cet objet dans la
valre etendue de nos camps : il faudroit dont: pour
re^iI^ er ^ue nous nous refferraffions comme ils le
faifoient dans un cercle ou dans un quarré : ce qui
ieroit, comme je viens de le dire, la joie de notre
ennemi. Les retranchements font utiles fans doute :
ns etoient même néceilaires en quelque forte aux
Romains, parce qu'ils ne fe gardoient pas fort
. iî1.aux dehors, 8c que cette précaution les garan-
tifioit des ffirprifes. Cependant ils ne s’y fioient pas
tellement qu’ils n’euflent lur les hauteurs voifmes
, es Ipéculateurs en polie fixe , qui donnoientl’a-
larme au camp par des fignaux, lorfque l’ennemi
paromoit. Nos gardes font cet office, 6t nous nous
retranchons moins fouvent, parce que nous nous
gardons mieux, 8c que nous fommesplus à l’abri
des furprifes. Les Grecs qui n’étoient pas des igno-
raîî ? ƒ ans *art (ie k guerre ne ^ retranchoient pas
auiîi fouvent que les Romains. Ils choififfoient feulement
des polies forts par leur nature, 8c n’y
ajoutoient 1 art que lorfque des circonftances particulières
le demandoicnt ;-c-e‘ft ce que nous fai-
fons qbmme eux, 8c ce qui me paroît très raifon-
nable. L’ufage des Romains convenoit à leurs coutumes
; celui des Grecs convenoit aux leurs 8c à
leur génie ; celui que nous fuivons convient aux
nôtres. S’il eut été auffi mauvais que Folard vou-
droit le faire croire, Turenne, Condé, Catinat,.
Luxembourg, ne l’auroient-ils pas changé ? ( K .) .
Les camps retranches doivent être choifis dans un
terrein qui ne^foit pas dominé, 8c où les troupes
puifient etre a couvert du feu du canon de l’ennemi,
de manière que fon artillerie n’en puilfe enfiler
aucune partie.
Il faut fur-tout avoir attention à la commodité
de la fituation, pour y entrer 8c en fortir fans
embarras ; & que l’étendue en foit afTez confidé-
rable pour que 1 armee puiffe y camper à fon aife,
& que les débouchés, tant pour l’artillerie que pour
les convois, en foient aifés.
Avant de conftruire des retranchements, il faut
bien examiner la pofition que le terrein permet de
leur donner. Il faut voir fur-tout fi elle ne peut être
tournée ; fi elle couvre entièrement le pays qu’on
veut garder, ou les villes pour lefquellc.s on a le
plus a craindre ; fi les derrières en font libres ; fr les
fourrages y font abondants; fi les vivres peuvent y
arriver facilement; s’il y a de l’eau 8c du bois;
enfin , fi Y ennemi ne peut entrer dans le p ay s ,
qu après avoir forcé le camp. Ce n’eft que lorfque
toutes ces circonftances fe trouvent réunies qu’il eft
avantageux de retrancher une pofition.
Les règles principales qu’il faut obferver dans la
conftruélion des retranchements font de bien choifir
la fituation, de profiter des hauteurs,, des marais j
des rivières; de former des inondations, défaire des
abattis, afin d’en rendre l’abord difficile fur toute
fon étendue , qui ne doit être ni trop grande ni trop
refferrée ; parce que ce ne font pas les retranchements
qui arrêtent l’ennemi, mais les troupes qui
les défendent.
Ces premières attentions doivent être fuivies
d’autres bien plus effentielles ; fçavoir, d’obferver
qu’un retranchement foit bien flanqué, de manière
qu’il n’y ait aucun point que l’ennemi puiffe attaquer
fans être expofé à plufieurs feux qui fe
croifent ; que le foflé en foit large 8c profond ; 8c
que le parapet, qui eft formé de la terre que l’on
tire du folle, foit allez haut pour couvrir luffifam-
ment les troupes qui le défendent, 8c allez épais
pour rélîfter à l’effort du boulet.
Un camjfë que l’on place derrière un retranchement
doit en être éloigné hors de la portée du
canon. Les troupes font bientôt rendues à un retranchement
, lorfque l’ennemi marche pour l’at-"
taquer.
h Le grand art confifte à mettre l’ennemi dans la
nécefîité d’attaquerles points les plus forts, ceux où
les retranchements ont été conftruits avec le plus
de foin-, 8c dont les foliés font les plus profonds,
les plus larges, 8c garnis de paliffades. Il faut
creufer des puits dans les endroits les plus expofés
en avant du folié, 8c placer des chevaux de frife
aux barrières. Il faut fur-tout bien appuyer les retranchements.
S’ils viennent joindre une rivière, on
y conduira le folié fort avant, 8c on lui donnera la
profondeur néceffaire pour empêcher qu’on ne
puiffe le palier à gué ; s’ils viennent s’appuyer à un
bois, il faut les fermer à cette extrémité par une
redoute; 8c faire dans le bois de grands 8c bons
abattis. Si l’on néglige ces précautions, on rifque
d’être tourné. ( Un bois n’eft un appui que parce
qu’il eft facile de le fortifier par des abattis;une
rivière n’eft un appui que lorfque l’ennemi n’eft
pas maître de l’autre bord. Il n’y a d’appui fur
qu’un précipice, un montagne ou un marais impraticable
). ( K. ).
Les retranchements le plus difficiles à attaquer,
8c les plus faciles à defendre, font ceux que la fituation,
dju terrein permet de former en entier de redou-f
tes élevées fur tout le front de la première ligne.
Ces redoutes doivent être cpnftruites avec foin ,
8c allez grandes pqur contenir chacune un bataillon
avec fon canon. Elles doivent être placées à quatre-
yingt toifes de diftan.ce l’une de l ’autre, 8c pré-'
fer-ter un angle dans la campagne, afin de pouvoir
fe protéger mutuellement. Elles doivent être
fraifées, avec un chemin couvert paliffadé, 8c un,
folié auffi large 8c auffi profond qu’il eft néceffaire.
Il doit y avoir des puits creufés fur toute l’étendue
de leur glacis , avec un pieu pointu au milieu de
chaque puits 8c des chevaux de frife à leur
barrière.
On peut embraffer ainfi un efpace auffi confi-
dérable , que par tout autre ouvrage ; mais cette
méthode exige un grand travail pour conftruire les
quatre faces 8c le chemin couvert des redoutes.
Un pays de bois entremêlés des petites plaines .
forme la fituation la plus avaotageufe pour un retranchement
de cette efpèçe.
On conftruit alors les redoutes dans la plaine,
8c dans le bois des redants à cent ou cent vingt
toifes l’un de l’autre, 8c joints, par des abattis,
ou par des lignas dont le parapet foit fraifé, 8c
le folié paliffadé.
Derrière les lignes, on fait des abattis, 8c on y
laiffe des ouvertures afin que les troupes qui gardent
les lignes y ayent des paffages, en cas qu’elles
foient forcées 8c obligées de fe retirer.'
.. Ces abattis doivent être à quarante toifes derrière
les lignés ; c’eft un obftacle de plus auquel
l’ennemi ne s’attend pas ; on place du (canon vis-à-
vis de leurs ouvertures. Le refte de l’armée, qui
n’eft point employé à la défenfe des retranchements
, doit être plaçé à cent cinquante toifes derrière
les abattis.
En général, il faut bien fe garder de faire des
retranchements ou des abattis que l’on ne peut
protéger par une chaîne de bataillons, foutenue
d’une bonne réferve d’infanterie, pour la porter
- aux endroits où le fecours fera néceffaire. Les
abattis fur-tout ne font bons qu’autant qu’ils font
défendus par beaucoup d’infanterie 8c d’artillerie.
S’ils font faits de gros arbres 8c avec foin, ils ne
peuvent être détruits qu’avec du canon, 8c cette
opération en demande beaucoup. S’ils font devant
les lignes, ( 8c trop près), ils forment fans doute
un rempart de plus, mais qui devient inutile 8c fouvent
nuifible ; parce que l’ennemi, en tirant deffus l
pour fe faire jour, envoie dans les lignes les éclats
des arbres fracaffés par le canon, qui font autant de
mal que les boulets.
Dans un pays de plaine, le terrein fe prête plus
facilement aux difpofitions ; mais, dans un pays de
bois 8c de montagnes, il faut adapter les difpofitions
au terrein.
Dans un pays de montagnes fur-tout, celles des
retranchements font beaucoup plus variées par les
finuofités des vallons 8c des crêtes de montagnes ,
par leurs diverfes profondeurs, par les encaiffe-
ments des torrents , par les chaînes de rochers 8c
de coteaux qui s’élèvent les uns au-deffus des
antres.
Lesretranchements qui défendent des paffages
& des gorges demandent beaucoup de*foins; le
plus effenticl eft d’en bien appuyer les flancs, en y
établiffant des redoutes. Il faut à cet effet, fe fervir
des fecours que le pays fournit. S il n y a point de
terre, on fait un parapet de pierres sèches, qui font
en grande quantité dans les pays de montagnes : on
y voit fouvent de vaftes côtes qui en font couvertes.
On y fait auffi dans les forêts des abattis de gros
arbres bien joints 8c liés les uns aux autres, 8c on
conftruit ainfi. d’affez bons retranchements.
11 faut garder les gorges 8c occuper les hauteurs.
Quoique l’inégalité du terrein rende toujours! approche
d’un camp très difficile , non-feulement pour
l’attaquer de front, mais même par quelques points,
il ne faut rien négliger pour fe bien garder partout.
Retranchez donc avec foin les paffages, les
gorges ; affurez-vous des hauteurs qui les dominent,
fur-tout du côté où vous pourriez etre
tourné, afin que l’ennemi ne puiffe. pas par un
, grand détour pénétrer jufqu’à votre camp, du côte
où vous auriez manqué de précaution.
Au refte l’ufage des redoutes eft ce qu’il y a de
plus généralement avantageux. Elles font propres
à un grand nombfé de fituations, 8c quelques-unes
peuvent fouvent fuffire pour arrêter 1 ennemi dans
un terrein étroit, pour l’empêcher de venir troubler
une marche critique, pour flanquer avanta-
geufement le front d’un pofte , ou celui d une portion
de ligne , pour appuyer les ailes d une armeé.
( Infiitut. milït. par M. le B. de Sinclair. ).
Dès que vous arrivez dans un camp oh. vous
avez deffein de vous établir pour long-temps, vous
vous y fortifierez ’ le mieux que vous pourrez;
quoique vous vous trouviez fupérieur en nombre
aux ennemis, 8c que vous n’appréhendiez pas pour
lors d’être attaqué. De cette manière, fi vous faites
de gros détachements, ( comme on eft fouvent
| obligé de le faire, même quand on ne s y attend
pas), le refte des troupes, le bagage , l’artillerie
8c les vivres feront fans danger ; la retraite de ces
détachements fera affurée. D ’ailleurs un moindre
nombre de gardes mettra votre camp a couvert
d’infulte ; ce qui foulagera beaucoup vos foldats.
Cæfar, 'dans la guerre qu’il faifoit contre ceux
de Beauvais, qui. a voient ruiné le pays , fe voyant
contraint d’envoyer fort loin au fourrage, 8c de
groffir par conféquent les efeortes de fes fourra-
geurs , prit la précaution de fortifier fon camp avec
plus de foin qu’à l’ordinaire, quoiquil ne gardat
point la défenfive, 8c qu’il fut venu au contraire
pour conquérir ce pays, dont il fe rendit maître
peu-après.
Jofeph fait obferver combien il étoit difficile de
furprendre les Romains ; 8c la raifon qu’il en
donne, c’eft qu’ils fe retranchoient par-tout. On
dira peut-être que fortifier un camp eft une grande
fatigue pour les troupes , une dépenfe pour le fou-
verain , en ce que les outils des pionniers fe
rompent ous’ufent, 8c un préjudice pour le pays à
caufe des fafeines 8c des piquets que 1 en y coupe ;
que par çonféquent c’eft donner lieu fans neceffite
B b b ij