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Les Romains avoient comme nous des appels.
Un tribun les recevoit, & les remettait au général
en allant demander Tordre ; ( App. bell. civ. L. F .):
C e qui prouve qu’ils étoient dans l’ufage de faire
des appels particuliers , dont vraifemblablement
leurs bas-officiers étoient chargés : ceux-ci les remettaient,
comme dans nos troupes , à leurs fupé-
rieurs , & ils paffoient ainfi depuis le décurion
jufqu’au tribun, & par celui-ci au chef de l’armée.
On verra , dans les fondions des différents grades ,
ceux qui font chargés de faire, de recevoir , & de
remettre les appels.
APPEL. On nomme ainfi la fommation qu’un
homme fait en fon propre & privé nom à celui
dont il croit avoir reçu une offenfe, de fe rendre
au jour, lieu, & heure marquée, pour y décider
leur querelle par la voie des armes. Les ordonnances
de nos rois infligent à ceux qui envoient
des billets d'appel les peines les plus graves.
( Fo ye i d u e l . )
APPOINTÉ. On donnoit ce nom à l’anfpeflade,
parce qu’il avoit des appointements ou une folde un
peu plus forte que celle du fimple foldat. On le
donnoit aufli aux foldats & officiers qui, pour des
raifons particulières, foit d’ancienneté de iervices,
foit de conduite fage ou d’a&ion valeureufe, rece-
voient une augmentation de paie : mais la chofe &
le nom font abolis aujourd’hui.'
L'appointé ou anfpeffade faifoit le fervice de
caporal, lorfqu’il n’y en avoit pas un nombre
fuffifant dans la_ troupe , foit compagnie , garde ,
ou détachement. Les plates à’appointés étoient
données dans chaque compagnie aux plus anciens
grenadiers ou fufiliers. L’ordonnance du 2.5 mars
1776, concernant la compofition. des troupes fran-
çoife, a fupprimé les appointés.
APPOINTEMENTS. C ’eft-la fomme d’argent
que le roi paye à chaque officier de fes troupes & de
fes places, annuellement ou à des époques déterminées
dans Tannée, comme par mois, trimeftre,
ou femeftre, pour fesfervices aéhiels.
Cette fomme, étant deftinée à la fubfiftance & à
l’entretien, eft payée par mois dans les troupes,
parce qu’il y a peu d’officiers qui puiffent l’attendre
long-temps. La plupart en ont un befoin abfolu &
journalier dans les camps. Il eft moins urgent dans
les garnifons, mais cependant indifpenfable-; puif-
qu’il y eft défendu de leur faire crédit, & qu’ils n’y
font que pour un temps allez court.
Le payement des appointements eft quelquefois
retardé pour les officiers en réfidence dans les places
de guerre. Comme ils y font pour un temps fort
long, & le plus fouvent pour le refte de leur vie ;
ils y trouvent du crédit, & fouffrent moins du
retardement des payements : il eft donc poffible
de les éloigner davantage. Cependant on doit
confidérer qu’il leur eft toujours préjudiciable,
parce que le crédit fe vend, & que fon prix eft
une perte pour eux.
Quant aux raifons d’après rlefquelle$ on doit -
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déterminer & limiter les appointements \ voye*
SO LDE .
APPROCHES. C ’eft le nom général fous lequel
on comprend touts les travaux que les troupes qui
affiègent une place font pour en approcher ; tels
que lés tranchées , les batteries, les fappes, les
logements fur le glacis, les gàlleries pour le partage
des foffés, les epaulements , &c. Foyeç s iè g e ,
P L A C E .
On donne aufli le nom d’approches au terrein
qu’il faut parcourir, pour attaquer un porte ou un
camp ; & Ton dit que les approches en font faciles,
difficiles, impraticables, bien défendues, commandées
, vues de touts côtés par le canon de l’ennemi
, &c.
APPROVISIONNEMENT. On comprend fous
ce nom toutes les munitions de guerre & de bouche,
& les provifions néceflaires dans une place afliégée.
Les anciens faifoient ordinairement dans leurs
places de plus grands approvifionnements que les
nôtres ; parce qué leurs lièges étoient plus longs,
& qu’ils les faifoient autrement & plus facilement
que nçus. Lorfqu’ils n’étoient pas furpris par l’ennemi
, dont l’ufage confiant j?toit le ravage des
terres j touts les habitants des campagnes fe reti-
roient dans la v ille, emportant tout ce qu’ils avoient
de vivres , emmenant touts leurs beftiaux , ne
laiflant que ce qu’ils n’avoient pas les moyens ou le
temps de tranfporter, & Yapprovifionnement étoit fait.
Ceux qui venoient ainfi dans la place n’y étoient
pas des confommateurs inutiles. Outre l’avantage
dont ils étoient en apportant leurs provifions, ils
fervoient à la défenfe dans ce temps où prefque
„ touts lès hommes étoient guerriers. De nos jours,
au contraire, loin de recevoir les habitants de la
campagne, on fait, fi l’on peut, fortir ceux des
villes. 11 faut apporter de loin les munitions, pour
ne pas affamer le pays circonvoifin, & pour laiffer
dès fubfiftances a ceux qui l’habitent. Ce ne font
pas les hommes qui ont changé, .ce font les cir-
conftances : fi elles étoient encore les mêmes,
nous ferions ce que faifoient les Grecs, les Romains
, & autres peuples de leur temps. Le progrès
dans la fcience de l’attaque des places a diminué
la durée des lièges & les approvifionnements. Je fuis
perfuadé qu’une défenfe bien conduite par un gouverneur
fécond en reffources feroit plus longue
qu’elle ne l’eft ordinairement , & c’eft fans doute
fur le mieux poffible qu’il faut calculer la quantité
des provifions. On ne doit donc pas rifquer par un
approvifionnement trop médiocre d’empêcher une
longue & utile défenfe : mais il ne faut pas non
plus concevoir Tefpérance chimérique de ramener
la durée des lièges du temps parte. Les nôtres ne
font & ne feront ni aufli courts , ni aufli longs
que ceux des anciens. On ne prend plus de place
d’emblée : on/n’eft plus vingt-huit ans, dix ans,
ou dix mois devant un rempart : nos progrès dans
l’attaque & la défenfe nous ont place.au milieu
de ces deux extrêmes. C ’eft d’après cette vérité
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q u’il faut régler Y approvifionnement fans prétention
outrée & fans négligence. ;
P (Les munitions de bouche font en général le
Iv in , l’eau-de-vie, le cidre, la bierre, & la viande
; fraîche ou falée : fçavoir ; boeuf, vache , mouton,
■ cochon, ou poules ôc autres volailles. Pour nourrir
I ces animaux, il faut de la paille, du foin , & des
I grains.
I On fale du boeuf & du cochon pour les garder 1 plus long-temps, & n’être pas obligé de les nourrir ;
>on a aufli des portions falés comme morues, ha-
| rengs, faumons-, &c. Les viandes fraîches fervent
| principalement pour les bleffés & les malades ; les
peaux peuvent être employées à éteindre les feux
d’artifice, & autres ufages.
Pour apprêter les viandes , il faut du fe l, du
beurre, de l’huile , & des grailles : il faut beaucoup
• de fromages. Les légumes fecs font une bonne
provifion : ils fe confervent long-temps & font
nourriffants, particulièrement le riz &- l’orge. On
aura aufli des pois , des fèves , des oignons, des
fruits fecs, comme raifins, figues, noix, noifettes,
pruneaux & autres que Ton sèche au four ; des
fçufages pour les beftiaux & la cavalerie ; de l’eau
fur-tout en abondance, & partant des puits ou
de bonnes citernes qui ne puiffent être rompues.
On ne peut pas compter fur les aqueducs, parce
que l’ennemi lés rompt toujours.
W' Il faut avoir aufli les inftruments propres à préparer
les vivres; des moulins à eau & à v ent, à
’cheval & à bras, placés de manière que l’ennemi
ne puiffe les détruire, des fours pour le pain, des
hachoirs pour la paille des chevaux & des beftiaux,
du boisa biûler , du charbon, ou de la tourbe. On fe
pourvoira aufli de toiles, de fouliers, de cuirs pour
en faire , de chandelle & d’huile à brûler, de
médicaments' pour les malades & bleffés.
La provifion de bifcuit feroit la meilleure qu’on
pût avoir, parce qu’il ne faut ni moulins ni bois,
■ ni fel, ni eau, ni feu pour l’apprêter, & qu’il fe
Iconferve' très long-temps ; mais les foldats & les
' habitants n’étant pas accoutumés à en manger,
feroient. mécontents qu’on leur en donnât ( J ) ).
fÿ Les approvifionnements fe font dans les places
d’une frontière où Ton veut être fur la défenfive.
Comme il feroit trop difpendieux & fouvent inutile
; de pourvoir toutes celles de première ligne ; il faut
Iétablir desmagafins dans les places du fécond rang;
& , lorfque les difpofitions & mouvements font
tconnoître les places dont l’ennemi fe propofe le '
j liège, on y trarifporte les munitions néceflaires:
j;. celles qui reftent dans les premiers magasins peuvent
lêtre employées au fervice des armées:, & remplac
é e s par d’autres ; s’il en eft befoin pour les opérations
fubféquerites de la campagne ou de la
| guerre. Paflons maintenant aux détails de ces appro-
f vifionnemenîs.
« Les différentes parties de la fortification, dit
Vauban, font de grofles maffes inanimées, dont
’ toute la vertu confifte dans leur folidité & dans
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la difpofition de leur figure ( défenf. des places i
p. 47) ; elles n’ont d’autre aéfion que celle qui leur
eft donnée parles hommes employés à leur défenfe.
Mais il faut nourrir ces hommes ; il faut leur fournir
toutes les munitions de guerre néceflaires pour combattre.
Ainfi la connoiflânce exaéfe de Y approvisionnement
dans toutes fes parties, & de leur quantité
proportionnée à la grandeur des places, à l’étendue
de leurs fortifications, & àu nombre des foldats
qui doivent les défendre, eft un des points
les plus importants de l’art militaire. Si on n’a pas
cette connoiflance , ou fi l’ayant ac.quife on la
néglige ; les places deftinées à protéger le royaume,
ne faifant pas la réfiftance dont elles auroient été
capables,,font de peu d’utilité. C ’eft en vain qu’on
les aura^ conftruites & entretenues à grands frais ; fi
Y approvifionnement y manque , la leule bravoure
des troupes & l’intelligence du plus habile gouverneur
ne les foutiendront pas. Elles tomberont
d’elles-mêmes ; & l’ennemi, n’étant arrêté que peu
de temps par ces foibles obftacles , pourra trouver
le temps & l’occafion de s’avancer dans le royaume.
Dans une place bien approvifionnée, une nombre
ufe & valeureufe garnifon' fait autant que les
ouvrages , & le proverbe qui dit qu’il nefi muraille
que de bons hommes , eft bien véritable ».
On déterminera donc Y approvifionnement d’une
place fur la force de la garnifon qu’elle peut &
doit recevoir pour la bien défendre , &. fur la
probabilité de la durée du fiège. On ne peut donner
à touts ces égards que/des approximations qu’il
faut cependant faire avec autant de juftefle qu’il
eft poffible. Il vaut mieux fans doute aller au-delà
du néceffaire ; mais il ne faut pas aufli trop excéder,
afin de n avoir pas a perdre &. détruire, ou abandonner
à l’ennemi une grande quantité de munitions.
Il faut donc fupputer d’abord la durée du fiège
que la place doit foutenir. a C ’e ft, dit M. de
Vauban ( défenf. des pl. p. p ) ce que nous allons
taire ici, plutôt pour fervir d’inftruéfion, que pour
en propofer une règle bien certaine ; parce que
toutes les places étant différentes les unes des
autres, il faut s’y conduire par rapport au plus
ou au moins de pièces qu’elles peuvent oppofer
a 1 ennemi , & félon que les avenues en font plu«
ou moins faciles. Au furplus il faut toujours fup-
poler deux chofes ; Tune , que la garnifon y fera-
Ion devoir du mieux qu’il lui fera'poffible ; l’autre
que l’ennemi l’attaquera par l’endroit le plus fort-
cé qm arrive fouvent : auquel cas il ne faut pas.
quun gouverneur brave & intelligent foit contraint
de le rendre avant le temps, faute d’avoir de
quoi prolonger fa défenfe, aufli long temps qu’elle
peut raifonnablement aller.
Nous fuppoferons donc une place régulière de
iix baftions bien revêtus & terraffés à l’épreuve
toutes fes demi-lunes revêtues de même, fon foffé ■
aüffi revêtu, foit qu’il foit feç ou plein d’eau • le
tout enveloppé d’un bon chemin couvert, palif-
iadé & traverfé, avec les glacis bien faits, & la ’