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foutiendra dans cet état la première crife, oppofera
la baionette à la fécondé , & ne fera obligée de
tirer qu’à la troifième ; au lieu qu’en arrivant avec
la baionette au bout du canon , elle eft obligée de
faire feu dès la fécondé.
H o n n e u r s , I n s p e c t i o n s , M a r c h e s .
D ’ autres objets moins graves appellent une garde :
elle fort pour rendre des honneurs militaires , ou
pour être infpeétée. Comme chaque foldat craint
d’arriver le dernier , ils fe jettent touts à la fois à
leurs armes ; & leur précipitation fait qu’ils courent
alors le rifque de fe bleffer ; il en eft de même,.
lorfqu’ils fe préfentent enfemble à la porte du corps-
de - garde, quand les armes font dans l’intérieur.
Si on veut que dans ces occafions la baionette foit
au bout du fufil, on peut l’y faire placer, quand
la garde eft fous les armes.
Quant aux marches en temps de paix, & dans
l'intérieur du royaume, l’article premier du titre IX
de l’ordonnance pour l’exercice des troupes, en
date du i er juin 17 76 , a réglé qu’on marcheroit
alors fans avoir la baionette au bout du canon.
E X E R C I C E S .
Si la baionette doit toujours être au bout du
canon , l’inftant de l’exercice eft celui, fans doute,
qui doit être le moins excepte. Mais, fi nous avons
prouvé l’avantage de la méthode oppofée , les fol-
dats ne feront-ils pas mis par elle à l’abri des petites
bleffures, qui font l’effet de leur mal-adreffe * de
leur précipitation , ou du peu de précaution qu’ils
prennent ? Nous ne nous arrêterons pas fur cette
dernière confidération : nous croyons avoir prouvé,
fans fon fecours, qu’en temps de paix la baionette
au bout du canon eft non - feulement inutile, mais
qu’elle eft même dangereufe.
T E M P S D E G U E R R E .
Combat contre Tinfanterie.
Les troupes combattent de loin avec les armes
de je t , ou de près avec celles d’efcrime : dans la
première de ces deux circonftances , puifqu’on ne
peut croifer la baionette, elle eft évidemment inutile
; elle peut même devenir dangereufe par la
trop grande précipitation avec laquelle le foldat
charge fon arme.
Dans les affaires qu’il paroitroit pofïible de
terminer avec la baionette, fi la propbfition de ne
faire briller cette arme qu’au moment où l’on
s’ébranle: pour chargerparoît d’abord problématique
; en y réfLéchiffant, elle devient évidente.
. C ’eft Feipérance & la confiance qui nous mènent
au combat, & qui nous font vaincre ,- pourvu
toutefois qu’elles* foient fondées fur quelque raifon
folide , ou du moins apparente. Quels font les
B A I
motifs fur lefquels le foldat peut .aujourd'hui"fonder
l’efpoir de la viéloire ? Il n’a aucune arme défen-
five qur le mette à l’abri des coups qu’on lui porte.
Ses armes offenfives font les mêmes que celles
de l’ennemi. Il fe croit plus courageux que fon
advérfaire ; mais, comme il eft toujours pénétré
de la même idée, elle ne fait fur lui, dans cet
inftant, aucune imprefîion nouvelle. D ’ailleurs,
comme fes armes pour combattre corps - à - corps
font les mêmes que celles dont i f étoit pourvu
pour combattre de loin, aucun événement nouveau
n’excite en fon ame cette flâme a&ive de
Fefpérance qui peut tout fur les hommes. Si on ne
faifoit, au contraire., mettre la baionette au bout
du canon, qu’à l’inftant où Ton prendroit-le pas
de charge; le foldat , peu familiarifé avec cette
arme, s’en formeroit une idée infiniment avanta-
geufe ; de cette idée naîtroit l’efpoir de vaincre ,
& cet efpoir pourroit être couronné par le fuc-
cès. A l’inftant où vous lui commandez de s’armer
de la baionette, il fe dira, fans que vous le lui infi—
nuïez... J’ai l’arme qui convient à mon courage :
cette arme dont je ne me fers que dans les occafions
importantes, cette arme qui m’a rendu vainqueur,
dès que j’en ai fait ufage, l’ennemi va
voir comme je l’emploie. Saififlez cet- inftant ,
marchez & vous vaincrez ; parce que le foldat,
avec cette nouvelle arme , fe croira un nouvel
être.
Si l’ennemi marche le- premier * & que les
circonftances vous autorifent à lui éviter une
partie du chemin, mettez la baionette, foyez
plus attaquant qu’attaqué ; la même caufe produira
le même effet.
Avant de pourfuivre cet examen., il ne fera pas
inutile de réfoudre quelques obje&ions qu’on
pourroit faire au fujet des affaires qu’on veut
terminer avec les armes d’efcrime.
La force de Finfanterie confiftant dans fon
enfemble, & dans l’union intime de fes membres,
l’aélion de mettre la baionette au bout du canon,
doit rompre, détruire cette ühion précieufe, &
le temps qu’il faut pour l’exécuter , doit refroidir,
l’ardeur du foldat ? Vaines objections ! L’aétion
de mettre la baionette au bout du canon eft trop
fimple, les mouvements quelle exige font faits
trop près du corps , pour qu’ils 'portent le trouble
dans une colonne ou dans une ligne ; & l’inftant
qu’elle demande eft trop court pour qu’il puiffe
rien diminuer de l’ardeur martiale du foldat : à
peine lui donnera-t-elle le moment de faire les
heureufes réflexions dont nous avons ‘ parlé ci •
deffus , & peut-être même le bruit de l’emboîtement
desbaionettes produira fur.l’ame des combattants
le même effet que l’entrechoque ment des
boucliers produifoit fur les foldats de l’antiquité.
Si la cavalerie pouvoit arriver fur les bataillons
avec l'a légèreté d’un trait & fans en être ap-
perçue , ils devroient fans ceffe être à couvert derrière
la feule arme qiv’ils peuvent lui oppofer avec
avantagé :
B A I
avantage.; mais comme le fantaflin a fouvent le
temps,malgré l’impétuoftté de la cavalerie, de fe
préparer à la recevoir en prenant l’ordre qui lui
eft le plus propre, & toujours en s’armant de là
manière qui lui eft la plus convenable ; l’infanterie
fera & fe croira plus en fureté derrière fa ba'io- ,
nette, ne l’ayant pas toujours au bout du canon,
qu’étant accoutumé^à l’y avoir fans ceffe; l’affail-
lant lui - même, peu familiarifé avec cette arme ,
en concevra une idée, plus terrible que s’il étoit
habitué à fon éclat. La connoiffance du coeur humain
donne, je l’imagine , quelque poids à cette
■ réflexion.
M A R C H E S .
L ’ennemi eft éloigné d’une armée en marche,
•ou il en eft proche. S’il eft éloigné , la baionette
eft inutile, & même dangereufe ; nous l’avons
prouvé plus haut. Quelque proche qu’il fo it ,
comme on a toujours .le temps de s’armer de la
’baionette, & que ce mouvement, loin de refroidir
l’ardeur martiale , ne peut que l’augmenter, il vaut
mieux, dans les marches en temps de guerre , porter
la baionette dans le fourreau.
F A C T I O N .
Le factionnaire , ayant plus à craindre en temps
de guerre qu’en celui de paix, a de plus grandes
précautions à prendre. La conduite dés anciens
militaires & leur expérience viennent encore nous
diéler des loix à cet égard. En'donnant deux baionettes
aux fentinelle.s Tes plus expofées , ils nous
prouvent qu’il eft indifpenfable de pourvoir ,les fac-r
tionnaires, en temps de guerre , d’une armé propre
a combattre l’ennemi corps - à - corps , & à les
mettre à l’abri des furprifes. Dans ce cas, une
epée forte & courte feroit d’une meilleure défenfe :
le foldat accoutumé à s’en fervir la préféreroit,
&. la baionette au Jpout du canon lui feroit inutile.
La coutume de ne placer la baionette au bout
du .canon qu’à l’inftant où l’on vpuclro.it- s’en fervir
, ne produira pas feulement les avantages que
nous venons de remarquer , elle permettra encore
de faire cette arme &. plus longue & plus forte ;
mais, avant de regarder cette addition à la force
& à la longueur de notre arme d’efcrime, comme
indifpenfable, il faut démontrer que la baionette
qui eft actuellement en ufage eft infuffifante , tant
contre les efeadrons que contre les bataillons ; & ,
comme nous ferions repréhenfibles fi nous faifions
connoître le vice de nos armes , fans leur en fubfti-
tuer de meilleures, nous propoferons une baionette
qui fuffiroit au fantalfin , foit contre le fabre , foit
contre le choc de la cavalerie, & lui donneroit
beaucoup d’avantage fur le fantaflin qui ne feroit
pas armé comme lui.
F O R M E E T P R O P O R T I O N S .
II. Le fantaflin ne s’arme de fa baionette , quand
Art militaire, Tome U
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il veut combattre le cavalier, que pour empecher
ce dernier de l’atteindre & de le frapper avec le
fabre. Mais le fufil armé de X&baionette eft - il affez
long pour remplir cette elpérance ?
Le fufil, que nous eonfidérons dans ce moment
comme une arme de longueur ,.ne depaffe 1 homme
qui s’en couvre que d’environ 46 pouces ; le cavalier
armé de fon fabre peut atteindre a 57 pouces,
& même plus loin, quand il porte les étriers courts.
L’arme du fantaflin eft donc trop courte dans cette
cirGonftancè.
Ce n’eft pas, dira-t-on, le fabre de la cavalerie
qui eft dangereux pour le fantaflin pendant qu’il
eft encore en ordre ; c’eft l’impétuofité avec laquelle
il arrive, c’eft l’impreffion qu’il fait fur
l’imagination du foldat ; c’eft le coup de poitrail
du* cheval : de quelque manière que le bataillon
foit armé, il n’èn fera pas moins enfoncé par
l’efcadron qui s’abandonnera fur lui.
Quand le cheval feroit aiifli brave que quelques
auteurs l’ont dit ; quand, excité par l’éperon , entraîné
par les chevaux qui l’environnent, pouffé
par ceux qui le fuivent, il ne feroit effraye ni
par les cris dès foldats, ni par le bruit & l’éclat des
armes, quand il foncéroit, ainfi que le fanglier,
fur l’épieu qu’on lui préfêntè, ( fuppofitions fauffes;
ou du moins outrées ) ; les dimenfions de cet epiea
ne feraient pas indifférêntes.
Pour le démontrer , comparons un bataillon,
dépaffé de fept pieds par fon arme de longueur
avec un bataillon qui ne le fera que dé trois
pieds dix pouces ; comparons encore une arme
tranchante , large, &. forte , avec notre baionette
grêle & foible., & voyons de quel côté fera
l’avantage ? Ce fera indubitablement de celui du
bataillon fraifé avec l’arme la plus longue & la
plus forte. La vue de cette arme , dont les bleffures
feront terribles, effrayera les cavaliers, ils
retiendront leurs chevaux; l’efcadron flottera, abordera
en défordre, & chargera fans fuccès. Mais,
quand la vue de l’armé que nous avons fup-
pofée ne produiroit pas fur l’ëfcadron un aufii
grand effet, l’avantage n’eri refterdit pas moins
au côté de l’arme la plus longue.
La cavalerie, a dit une de nos ordonnances
militaires , n e f redoutable pour l'infanterie qu a
Vinflant ou celle-ci ceffe de lui réfijler. Un des
moyens les plus fürs de rendre l’infanterie viCto-
rieiife çonfifte donc à lui faire concevoir 1 efe
poir de la viCtoire. Mais, fi quelque chofe peut
le faire naître, cë font affurément les armes
longues. En effet, le foldat couvert par une
arme de 7. pieds de longueur doit raifonner
comme il fuit. Le cavalier ne peut m’atteindre'
qu’à cinq pieds au plus ; ainfi le cheval aura
deux pieds de baionette dans le corps, avant
que j’aye à craindre de fon fabre la plus petite
atteinte. Le cheval bleffé fe cabrera, mais il ne
pourra tomber fur m o i, parce qu’il en fera
encore éloigné de cinq pieds : le cavalier ne