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sage de faite- par entre le feutre plus noir , & de
flatter la vue par Ppppofition des couleurs. Il ferait
donc préférable' : on doit permettre aux militaires
de rechercher l’agrément, lorfqu’il n entraîne apres
lui aucun inconvénient. On a dit que le bord
blanc étoit ufé beaucoup plutôt que le noir , parce
que la terre de pipe avec laquelle on l’entretenoit
brûloit la laine. Mais, en débaraffant cette terre
du principe cauftique quelle contient, on remédié
à ce défaut. Quant à la peine que donne l’entretien
du bord blanc , elle eft fi peu çonfidérable qu’elle
ne doit pas être comptée.
Il y a longtemps qu’on a dit avec raifon que
les mauvaifes marchandifes étoient toujours plus
chères que les bonnes. Cependant les corps militaires
ne paroifient pas encore être convaincus de
cette vérité. Pour épargner une fomme modique
fur chaque chapeau , ils mettent les chapeliers dans
la néceflité ou de perdre fur Ja ^fourniture , ou de
donner des chapeaux qui ont déjà été portes , qui
font mal faits , mal étoupés , mal foulés -, ou dans
lefquels ils font entrer du poil de boeuf ; & les !
troupes font ordinairement mal coèffées. Pourre- ,
médier à ces vices il faudrait, d’une part, que les
régiments payaffent les chapeaux un peu plus cher;
& , de l’autre, que les fourniffeurs fuffent non-
feulement obligés d’accompagner leur envoi d’un
certificat figné par deux chapeliers du lieu de leur
réfidence, qui attelleraient, que les chapeaux font
bien conditionnés, encore qu’ils fuffent obligés de
fe foumettre-àum fécond examen fait par deux autres
chapeliers jurés de la garnifon oh le régiment fe
trouverait. Ces jurés auraient le droit de réformer
touts les chapeaux qui ne feroient pas conformas a
l’échantillon arrêté^par le régiment, & repon-
droient perfonnellement de la bonté de la fourniture.
( C . ) .
COFFRE. ( Fortification.) . Logement creufe
dans un foffé fe c , de 1 5 ou 20 pieds de large
de 6 à 8 pieds de profondeur, couvert de -foli-
veaux élevés de deux pieds au deffus du plan du
foffé : cette petite élévation fert de parapet ; elle a
des embrafures pour y placer des pièces d’artillerie
, qui défendent la face du baftion oppofé &.
empêchent le paffage du foffé.
Le coffre diffère de la traverfe & de. la galerie ,
en ce que celle-ci fert aux afliégeants & 1 autre aux
affiégés. . .
On fe fervoit autrefois de ces fortes de coffres
pour repouffer les afliégeants au paffage du foffé;
mais ils ne font plus en ufage à prêtent : la capo-
nière répond exaâement à l’objet de ces fortes de
travaux, qui fe plaçoient ordinairement, non vers
le milieu de la courline comme la caponière, maiè
à peu de diftance des flancs.
COIN. Ordre triangulaire, t e chevalier Folard
a cru que cet ordre, dont les anciens hiftoriens
& ta&iciens ont parlé, étoit la colonne. M. de
Guishard & M. de Maizeroy ont adopté cette
-opinion, que M» Bouçhaud de Buffy a combattue»
c o i
Je vais rapporter les raifons alléguées de part &
d’autre. _ ( _ , . ,
« Il ne me feroit pas difficile, dit Folard, de
prouver, par les hiftoriens de la première antiquité,
que le terme 'de coin, ou.à’cmbolon, a tait
une très grande illufion aux auteurs qui ont écrit
de la milice des anciens, comme à nos commentateurs
modernes, qui ont traité cette matière. Je
m’étonne que Patritius y foit tombé comme les
autres. Le coin ne lignifie pas toujours un triangle
d’hommes, & peut-être ne l’étoit-il pas, mais, leu-
lement un corps, ou plufteurs , rangés fur beaucoup
de hauteur & peu de front, & il paroit tel
dans P olyb e, Thucydide, Xénophon, Amen ,
Plutarque ; & chez les latins, Cæfar, Tite-Live ,
& Tacite. Je me borne à celui-ci, & je dirai ieu-
lement que le terme de cunéus ne lignifie pas toujours
une figure triangulaire , mais une cohorte ,
c o h o r s . . . .
Tacite dit que les Germains fe formatent en
forme de coin ; mais on voi,t bien que par ce terme
il entend une cohorte, parce qu’il l’oppole a
Turma , c’eft-à-dire, à l’efeadron. D’Ablancourt ne
s’y eft pas mépris ; il a traduit ainfi : les Allemands
combattent par bataillons & par efeadrons ; mai§ cet
homme célèbre ignorait peut-être que ce mot
cunéus fignifioit plufieurs corps d infanterie ranges
fur beaucoup plus de profondeur que la cohorte
n’en avoit ordinairement ; & , lorfqu’on doublent
ou que l’on triploit les files y on fe fervoit du
mot de cunéus A l’égard des Germains , on voit
feulement qu’ils combattoient en phalange coupee
comme les Gaulois , c’eft-à-dire, avec de petits
intervalles ou des retraites entre les corps, ot
prefque toujours unis & ferrés comme les Grecs.
Cela fe voit par Cæfar dans la bataille contre
Ariovifte. Leur phalange fe trouvoit quelquefois
plus ferrée & plus: épaiffe que celle des Grecs ,
& telle que la'repréfente Homère au fiège de
Troye. Lorfque ceux-ci doubloient ou triploient
les files de quelque corps d infanterie pefamment
armée, on employoit le terme à’embolon.
Denys d’Halicarnaffe fe fert fouvent de ce mot ;
quoique les Romains ne fçuffent pas feulement fi
le triangle avoit jamais exifté. ,
J’ai remarqué que les Grecs, qui ont écrit des
guerres des Romains , fe font tervis du terme
d'embolon, lorfque les Latins ont employé celui
de cohors dans le détail des memes actions. Tite-
Live , qui a copié Polybe prefque par-tout, a pris
fouvenr Xembolon pour un triangle, lorfque par ce
mot l hiftorien grec entendoit une cohorte. Patritius
n’y a pas moins été trompe ; il a donné une armée
rangée par embolons vuides ou en angles failiants
ou rentrants à l’infanterie. Ælien , qui a fans doute
tiré cet ordre de fa tête, Ta baptifç du nom de
peplevmenon, c’eft-à^dire un ordre par lignes obliques
| de l’une à l’autre, ce qui me femble abfurde , fl
I Ælien a entendu des coins vuidés ou pleins. Pa-
i tritips a dorinç dans cette vifion, J’ai lieu de m en
1 * çîonnçr»
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étonner. Dans quel auteur de l’antiquité Ælien &
l’empereur Léon ont-ils trouve cet ordre de bataille
? Je fuis bien fur qu’ils ne l ’ont pris d’aucun.
Ils ont très mal imaginé.
Tout ce je viens de dire du coin ou du roflrum
d’Ælien , me rend plus hardi à croire qu’il n’a
jamais exifté ; mais ceci n’eft encore qu’une fimple
efcarmouche ; on va voir bientôt le combat en
forme contre cet auteur, & fon coin renverfé &
diffipé, de telle forte que j’efpère que les fçavants
taâiciens n’en parleront plus que pour s’en moc-
quer. Peut-il venir dans la tête d’un fantaflin , qui
fait quelque ufage. de fa raifon & de ion efprit,
qu’une évolution fabriquée de la forte , foit capable
de pénétrer une phalange, ou tout autre corps que
ce foit} Je préférerais l’ordre quadrangulaire vuidé
à une façon de combattre fi folle. 11 s'eft pourtant
trouvé des gens affez peureux pour le regarder
comme très redoutable. Il eft certain que le terme
d’embolon a trompé Ælien : là-deffus il a bâti cette
opinion ridicule., qu’Epaminondas avoit combattu
en forme de coin ou d'embolon à la bataille de
Leuélres. Patritius l’a cru tout bonnement ; ce qui
eft manifeftement faux par le témoignage même
de Thucidide.
Gette manière de combattre a duré trop longtemps
chez les Grecs & chez les Latins même,
pour croire qu’elle fût telle qu’Ælien & l’emper
reur Léon nous la repréfentent , & tant d’autres
taéliciens qui en ont été les échos. Ce font des auteurs
de la moyenne antiquité, & par conféquent
de très moyenne intelligence : les hiftoriens qui
ont parlé de cette manière de combattre , & qui
ont employé le terme d'embolon comme Thucydide
, Xénophon & Plutarque, qui l’avoient tiré
de ces deux premiers, ne parlent point d’une pointe
fi fubtile, Ils comparent le choc de ce corps à
celui d’un bélier qui frappe de fa tête contre ce
qui lui eft oppofé ». M. Bouchand de Buffy oppofe
aux raifons de Folard les raifons & preuves fui-
vantes.
« Il nous refte , dit-il, un fi petit nombre d’ouvrages
fur la taéiique ancienne, &. ces ouvrages
font tellement abrégés, que nous ne devons pas
nous flatter de connoître toutes les évolutions que
les Grecs & les Romains ont pratiquées : on peut
dire meme que , parmi celles dont les noms font
parvenus jufqu’à nous , il y en a dont il ne paraît
pas moins difficile de repréfenter la figure qùe de
déterminer les mouvements qui conduifoient à leur
execution. Ce défaut de lumières fuffifarites fur
une partie effentielle de la fcience militaire n’a
pu que nous être très défavantageux. En nous
cachant divers objets de comparaifon , il a refierré
la fphère de nos connoiffances, & retardé nos
progrès vers la perfection de l’art : peut-être il
no.us^ prive encore de plufieurs manoeuvres dont
»le genie tout militaire des anciens femble nous
répondre de l’excellence ; & celles que nous regardons
comme impoffibles & ridiç.iües pouvoient
Art militaire% Tome /,
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être faciles à . exécuter, & d’un grand effet dans
la pratique. *
C ’eft ce qui paroît être arrivé par rapport à
Yembolçs des Grecs , & le cunéus des Romains.
Quoiqu’Æ lien, V ég è ce , & d auttes auteurs ayent
parlé de cette évolution , comme ce qu’ils en
, ont dit n’eft .pas tout-à-fait exempt d’équivoques
ou de difficultés , le coin proprement dit a paffé
pour chimérique.dans l’elprit de quelques critiques
modernes, ou du moins fe font-ils crus en droit
de n’admettre aucune différence entre la difpofi-
tion d’une troupe dite formée en coin, & celle d’une
troupe ordonnée en colonne.
Cependant > de toutes les évolutions enfeignées
par Æ lien, le coin eft celle qu’il femble avoir expliqué
avec le plus de foin, & qu’il eft moins poffible ,
, en fuivant littéralement le texte de l’auteur de
confondre avec quelque autre ordonnance que ce
foit.
Ælien diftingue deux fortes de coins ; l’un dont
on faifoit ufage dans la cavalerie, & l’autre dans
l’infanterie.
u Les Scythes, dit-il, & les peuples de Thrace,
rangeoient leurs efeadrons en forme de coin ; les
Macédoniens fuivoient auffi la même méthode :
ils la tenoient de Philippe, l’un de leurs rois , qui
paffe pour en être l’inventeur. Ce prince la croyoit
très fupérieure à l’ordonnance quarréé ; parce que ,
dans une troupe difpofée en coin, aucune de lès
parties n’efl: dépourvue d’officiers ; qu’au moyen de
fa tête aigue , elle fe porte en avant avec beaucoup
de légèreté, s’infinue fans peine dans les
moindres intervalles , & qu’elle exécute enfin toutes
fortes de converfions en beaucoup moins de temps
que les efeadrons quarrés.
Arrien , dans fa ta&ique, qui n’eft qu’une copie
de celle d’Ælien, ajoute qu’un corps formé en coin,
a plus de force pour percer & pour rompre une
autre troupe! >
- Ælien, après avoir décrit la manière de former
l’efpèce de lofange à laquelle il donne des rangs
& des files , dit que la moitié de ce lofange eft
préçifément ce qu’on nomme un coin , un éperon ;
que fa figure eft exactement triangulaire , & qu’on
obfèrve ,. en le formant, la même proportion que
'dans le lofange , d’où il fuit qu’il ne devoit y
avoir qu’un féal cavalier à la tête du coin, trois
au premier rang, cinq au fuivant, &. ainfi fuccef*
fivement jufqu’au dernier.
Il eft marqué dans le vingt-neuvième chapitre
qu’une troupe d’infanterie , lorfqù’elle voit fondre
fur elle un efcadron en forme de coin, n’a point
de meilleur parti à prendre que de s’ouvrir par
le centre , & de fe partager en deux divifions à
fronts oppofés , foit qu’elle veuille éluder la violente
rapidité de l’elcadron, ou lui oppofer une
vigoureule réfiftance. On répète, dans le même
endroit, que l’invention de cette ordonnance étoit
attribuée à Philippe , r-ci de Macédoine , & que
ce prince avoit accoutumé de placer aux trois
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