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l ’eau. Je prouverai bientôt qu’il eft utile de faire
donner à manger & à boire aux troupes, avant
de commencer le combat. Non-feulement je vou-
drois que les foldats portaient du pain ,dè la viande
cu ite , & de l’avoine pour un jou r; ce qui ne
les embarrafferoit pas beaucoup ; je voudrojs même
que , derrière un pont, un défilé , ou dans quelque
place éloignée d’une demi-marche, il y eût des
mulets chargés pour deux autres jours d’avoine , :
de pain, d’eau-de-vie, de fromage, de quelques
viandes cuites, falées ou fraîches.
Je propofe ces vivres chargés fur des mulets, afin
qu’ils puiffent fuivre votre armée vaincue ou vic-
îorieuiè, par quelque chemin qu’il lui convienne de
prendre , &. qui peut-être ne feroit pas praticable
pour les chariots. On peut mettre fur des charrettes
la réferve des vivres néceffaires pour les hommes
employés au fervice de l’artillerie , parce que tout
chemin par où le canon paffe fera bon pour les
charrettes.
Je propofe de l’eau-de-vie, parce qu’une plus
petite quantité fuppléeù une beaucoup plus grande
quantité de v in , & que par conféquent le iranfport
en eft plus facile.
Je propofe du fromage ou de la viande cuite ;
afin que le foldat ne perde pas, pour l’apprêter,
Jes heures nécefïaires à fon fommeil. Les troupes
haraffées par la fatigue de la bataille, & par celle
de la marche , foit qu’elles pourfuivent l’ennemi,
ou qu’elles faffent retraite, ont befoin de repos ,
& d’un meilleur aliment que du pain & de l’eau.
Comme , après une bataille, il manque toujours
beaucoup d’hommes ; il fuffira, pour les valets &
les chevaux, de faire le compte des rations, comme
fi les régiments étoient complets ; en ajoutant feulement
les rations néceffaires pour les charretiers ,
& autres perfonnés de l’artillerie , des vivres , &
de l’hopitab
J e propofe cette réferve de vivres un peu éloignée
; parce que, fi les ennemis l’apprenoient ,
fis profiteroient eux-mêmes d’un avantage préparé
pour votre armée. Je mets cette réferve. à l’endroit
vers lequel, fuppofez que vous foyez battu , vous
méditez de faire retraite , & je veux qu’elle ait une
efeorte conduite par de bons guides, & commandée
par des officiers de beaucoup de valeur , de fageffe,
de d’a&ivité ; afin qu’elle fafî'e promptement, &
.à propos , touts les mouvements que vous ordonnerez
par écrit, ou par un aidé-de-camp connu
d ï vós troupes.
Si vous prévoyez qu’après avoir fait retirer le
gros de l’artillerie, des vivres , & de l’hôpital,
vous manquerez des voitures nécelfaires pour la
.réferve des vivres que je propofe, & pour'les
munitions; envoyez quelques jours auparavant
dans les lieux voifins, pour y prendre les chevaux ,
les mulets, les charrettes, les cordes , & les bâts
dont vous croirez avoir befoin. Mettez le tout
fous une bonne garde , de crainte que les payfarts,
ne s’échappent avec leurs voitiires; & „donnez Je
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commandement de cette garde à des officiers dont
vous connoilfez la prudence, pour empêcher que
les foldats ne frappent fans lùjet les maîtres de
ces voitures , qu’ils ne pillent les vivres , & -ue
les laiflent échapper pour de l’argent.
M U N I T I O N S .
H ô p i t a l a m b u l a n t .
Suivant l’ordre donné pour former l’armée en
bataille , les Colonels prendront leur temps pour
faire manger les foldats ; quand même il taudroit
devancer l'heure accoutumée ; des troupes qui
n’auroient pas pris quelque nourriture manque-
roient de forces.
Le Conful Appius Claudius, avant d’attaquer
les Carthaginois , qui alîiégeoient Mefiine , donna
ordre aux Romains de devancer l’heure accoutumée
pour manger. '
L’Empereur Léon veut que les foldats portent
de l’eau dans des bouteilles de cuir, ou de petits
barils, afin de fe rafraichir dans l’ardeur d’un long
combat, dans certains moments où l’occafion
peut le permettre ; il faudroit même , dit-il, quand,
l’armée eft en bataille , faire paffer dans les ligues
des chariots chargés d’eau , afin que chaque foldat
pût boire fans fortir de fon rang , & appaifér une
foif qui devient infuportable, lorfqu’elle eit augmentée
par la chaleur, par la fatigue , & par la
pouffière. Cet avertiffement ne paroîtra méprifable
qu’aux perfonnes qui manquent d’expérience.
Les Gaulois , qui attaquoient le camp de Titus-
Sempronius Longus, fe virent obligés, à l’heure
de midi, d’abandonner le combat, ne pouvant plus
réfiftei à la chaleur & à la foif.
Perlée, roi de Macédoine, s’étant mis en marche
pour venir attaquer l’armée Romaine, commandée
par le Conful P. Licinius Craffus , fit porter de d’eau
fur des charrettes , afin de rafraichir fes foldats avant
la bataille, & de ne pas les laiflér s’engager dans
le combat déjà abattus par la chaleur & la foif ;
cette, précaution contribua beaucoup'à la vi&oire
qu’il remporta.
L’expédient que l’Empereur Léon propofe ,• de
faire porter de l’eau par les foldats , eft préférable ;
fur-tout lorfqu’il eft à craindre qu’ils ne trouvent
pas d’eau pendant une marche entière ; foit qu’on
vienne à faire retraite -ou à pourfuivre l’ennemi.
Parmi ces charrettes chargées d’eau -, je voudrois
qu’il y en eût quelques-unes d’eau-de-vie ou de
vin ; ces boiffons prifes modérément enflamment
le fang , donnent de la vigueur, & banniffent la
crainte, fans rendre les foldats ni moins dociles
pour obéir ,’ni moins forts pour agir. Les officiers ,
qui connoiffent ce que chaque foldat de leur compagnie
peut fupporter d’eau-de-vie ou de v in ,
feront préfents à cette diftribution , afin qu’aucun
ne boive au-delà ; l’excès feroit aufti dangereux,
que la modération peut être- avantageufe. ■
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Prefque toutes les nations du Nord ne donnent
j)as feulement à leurs troupes de l’eau^de vie ou du
vin avant un combat ; elles y melent meme quelques
conférions, qui rendent ces boiffons plus fortes.
Suivant une ancienne coutume établie, en Suède ,
les rois , à leur couronnement, buvoient un grand
verre de v in , &. promettoient enfuite avec ferment
d’étendre les frontières du royaume , & de faire
conftamment la guerre aux ennemis de la nation.
Les officiers des compagnies examineront, quelques
heures avant le combat, fi les canons dès fufils
ont été bien lavés & bien efïuyés ; fi on y a brûle
lin peu de poudre , foit pour s’affurer qu’il n y eft
point refté quelques petits morceaux de linge ,
foit pour ôter l’humidité ; fi les baffmets font bien
nets; fi les baguettes ne font point trop forcées,
dans les portes baguettes ; fi les baïonettes font
bien ajuftées , les pierres bien mifes , & fi elles
frappent à-peu-près vers le milieu de la batterie ;
les pierres trop longues caftent au premier coup,
& celles qui font trop courtes ne font pas feu.
Lorfque -les baguettes font trop forcées, on les
racle avec un couteau, où on les frotte d’un peu
d’huile ou de lavon.
Ils auront foin que le cuir qui entoure la pierre
dans le chien ne foit. ni trop mince , parce que
la pierre cafferoit, ni plus long que la mâchoire
du chien , parce qu’il empêcheroit que les étein-
, celles ne tombaffent fur le baffinet; que les platines
ïoient huilées , mais de manière que l’huile ne
touche point la lumière , & que celle du reffort de
la batterie-ne coule point dans le baffinet.
Je fuppofe qu’on donne aux régiments qui
- entrent en campagne toutes les munitions dont
ils ont befoin , & qu’à mefure que ces munitions
fe confomment dans les opérations particulières,
on les remplace ' par celles qu’on tire du parc de
l’artillerie. Mais, lorfqu’un foldat lesdiffipe mal à
propos hors du fervice, il eft du devoir de l’offi-
çier de retenir fur fa paye ce qu’il faut pour acheter
fans délai ce qu’il a diftipé : autrement les foldats
vendent les munitions aux payfans, ou les laiffent
prendre par négligence.
Si ma mémoire ne me trompe, les balles de
fufil de l’infanterie efpagnole font du poids de
fix huitièmes d’once, & d’un diamètre moindre
de deux huitièmes que lé calibre du fufil; afin
qu’une balle, avec le papier de la cartouche qui la
renferme, puiffe entrer librement, lorfque le canon
commence à être fa le. Par conféquent vingt balles
font- le poids d’une livre de dix - huit onces. On
peut compter une livre de poudre, pour trente
coups , en y comprenant l’amorce , & quelque peu
de réferve pour amorcer de nouveau, lorfque la
première amorce eft répandue ou devenue humide
dans les gardes ou dans le camp. Je voudrois donner
à chaque foldat. d’infanterie trente, coups à
tirer , pour lefquels il faut par co-nféquent une
livre de poudre , & une livre & demie de plomb
en trente cartouches ; en laiffant dans le fourni-
Art militaire. Tome I.
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ment du foldat la réferve de poudre fuffifânte
pour amorcer une fécondé fois, fans être oblige
de rompre les cartouches, qu’il me paroit important
de divifer & de diftribuer de la manière fui-
vante.
Vingt à fimple balle, pour tirer depuis la distance
de trois à quatre cents pas jufqu’a cent
cinquante.
Cinq avec trois balles, qui, enfemble, feront le
poids de la balle de calibre , pour tirer depuis
cent cinquante pas juf qu’à Soixante- quinze.
Cinq avec fix petites balles , qui feront enfemble
le poids de la balle de calibre, pour tirer depuis
foixante-quinze pas, jufqu’à ce que lés ennemis
abordent, & qu’on en vienne à l’arme de main y
parce que , plus il y aura de balles dans le fufil ,
plus on bleffera d’ennemis , pourvu que l'éloignement
ne foit pas trop grand.
On doit convenir que , fi un coup de fufil
chargé à balle bleffe un 'foldat à l’épaule ou ail
bras, ce rnême coup, fi le fufil eût été chargé
avec plufieurs petites balles , auroit vraifembla-
blement bleffé de plus les foldats voifins ;& que,
fi un coup, tiré à fimple balle, paffe un demi-
pied au - deftus des têtes des ennemis, ce même,
coup tiré avec un nombre de petites balles , en
auroit atteint quelques-uns. On peut me dire
qu’en chargeant les fufils avec trois ou fix petites
balles, on bleffe un plus grand nombre d’ennemis ,
mais qu’on en tue moins. Je réponds que dans
une bataille il fuffit de les mettre hors de combat.
D ’ailleurs je penfe que ces petites balles d’un
huitième d’once , ou de deux huitièmes , a la distance
que j’ai propofée, tuent aufli bien que les
balles de calibre, à moins que les ennemis 11 ayent
de fortes armes défenfives ; & en ce cas, au lieu
de petites balles, il faudroit fe fervir de balles
d’une once.
On peut donner à chaque carabinier d’infanterie
quatre coups de poudre de plus , & quatre
balles d’une once pour tirer avec fon fufil raye
depuis la diftance de fix cents cinquante pas jufqu’à
celle de quatre cents. Je propofe, ces balles
plus groffes ; parce que , fi elles n’entroient pas à
force de coups de marteau , donnés fur la petite &
la grande baguette de fer, elles porteroientmoins
loin que les balles des fufils ordinaires : la poudre
s’éventeroit par les rainures du canon carabiné,
au lieu que dans les fufils elle fait tout fon effort
contre la balle. Pour tirer cette balle d’une once
avec le fufil ra y é , il ne faut que la même quan-
! tité de poudre qu’on emploie pour les autres : la
i réfiftance de la balle chaffée avec la baguette de
fer fupplée à la poudre qui manque , relative-
! ment à la proportion du poids,
i Je donne feulement quatre balles par fufil rayé
j à chaque carabinier , & le même nombre de car-
l touches qu’aux autres foldats ; parce que, depuis
! l’inftant où les ennemis fe font approchés jufqu’à
i la portée du fufil ordinaire, les carabiniers chargent,.
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