
On peut relever le courage des liens , & frapper
fes ennemis de terreur, en faifant annoncer par de
grands cris que le général ennemi a été tué ou fait
prifonnier.
Pour répandre la confternation dans le camp d Ho-
lopherne parla nouvelle inopinée de la mort de ce
général, Judith confeilla de donner le fignal de l’alarme
; afin que les ennemis, accourant à la
tente de. leur chef-, 8c le trouvant fans vie , fuffent
effrayés &. intimidés. En effet, l’étonnement &
la crainte dont les troupes d’Holopherne furent
laifies à cette vue ne leur préfentèrent d’autre
parti à prendre que çelui de chercher leur falutdans
la retraite & dans la fuite.
Le prince Sophien, en 1585 , défit les Turcs, en
leur montrant la tête de leur Sacha, tué dans le
çomb.àt.
A la b a ta ille de Cr.onion , les troupes que Denys
commandoit commençoient à faire plier les Athéniens
: mais elles s’enfuirent, fans qu’il fut poffible
de les retenir , Jorlqu’elles apprirent qu a 1 autre
aile Leptine, premier général de Denys, avoit
été tué.
Si les ennemis font courir le bruit que vous avez
été tué ou fait prifonnier, montrez-vous a vos
lignes, afin de détromper vos troupes, dont les
ennemis vouloient tenter d’abattre le courage. Si
un de ces malheurs vous eft arrive f le général
qui, après vous , doit prendre le commandement
de l’armée tâchera de lui cacher ce fâcheux accident.
Jugurtha combattant contre les Romains? leur
montra fo.n épée langlante, en criant qu’il venoit
de tuer leur conful Marius. Cette nouvelle jetta
tant d’effroi & de défordre parmi les Romains
qu’ils auroient été entièrement défaits, fi d abord
Sylla, ôc enfuite Marius lui-même , netoient
accoures pour détruire ce faux bruit.
Dans un combat des Romains contre les Tof-
çans, il £e répandit que l’un des çonfifls avoit perdu
la vie , Ôc Fabius en effet avoit reçu quelques
bleffufes. Manlius Jvoyant la çpnfternation des Romains.,
à cette nouvelle, affu.ra aux légions que
Fabius étoit vivant, ôc même qu’il avoit battu le^
ennemis à la droite. Il raffermit ainfi le courage
chancelant des Rpmains, Ôc remporta la yiç-
toirp.
P r é c a u t i o n s p ^ n s I A v i c t o i r e ,
'Lorfque l’armée ennemie, pu une partie dp cette
armée, plie tout d’un coup fans quelque pécçmté
vifible, & ,fe retire vers un lieu couvert, coup £
par des défilés, ou qui ne vous eft pas connu,
ne ppurfiîivez qu’avec beaucoup dp circonfpecr
tion : elle ne .feint pe.ut- être cette fuite ôc cette
retraite que potur vous attirer dans une pmbufcade ,
6c charger avec .avantage vps .troupes, qui, dans
une pourfuite , pourront', ainfi qu’il eft ordinaire ,
ne pas çonferver l’ordre np.cpffaire, ou arriver Jes
unes après les autres. Il lé peut auffi que les ennemis
veuillent vous attirer dans un terrein qui,
étant favorable à l’efpèce de leurs troupes, à leur
nombre, 6c à leur manière de combattre, vous fera
défavantageux dans quelques-unes de ces circonf-
tances prefque toujours déciftves pour le fuccès
des batailles.
Hannon, combattant contre les Romains-, feignit
de faire retraite, 6c les attira dans une embuscade.
Les Carthaginois , faifant volte face , les attaquèrent
de front en même-temps que les troupès
de l’einbufcade les chargeoient en queue. Par un
pareil ftratagème , Philopoe^ien , préteur d’Achaïe ,
battit Navide, tyran de Lacédémone ; Thomyris*
reine des Scythes, défit Cyrus ; 6c Guillaume le
Conquérant, Haralde 11, roi d’Angleterre.
Conftantin Oftroviski, général de Sigifmond I
roi de Pologne , ayant feint de faire retraite pendant
le fort du combat, battit, près du châteiau
d’Orsha, les Mofcovites, commandés par Céladin#
Celui-ci pourfuivit les Polonois jufques dans un
lieu ou étoit placée une nombreuse artillerie ; qui,
ayant fait fur les Mofcovites une furieufe de-
charge , à laquelle ils ne s’attendoient nullement,
les mit dans un grand défordre, dont les Polonois
1 profitèrent pour revenir à la charge.
Mithridate, feignant de fuir devant les Romains,
les attira dans un terrein bourbeux, oh fes troupes
eh firent un carnage horrible. Battus, roi desTar-
tares, mit en ufage le même artifice contre les
troupes de Bêla IV, roi de Hongrie. Les troupes
de celui-ci, pefamment armées, ne pouvoient fe
remuer dans les terreins fangeux oh elles s’etoient
engagées J de forte que les Tartares, armes a la
légère, étant revenus à la chargeeurent peu de
peine à les vaincre.
Dans le combat entre Cléomène, général de
Sparte, 8c Lyfiade, commandant des troupes d A-
chaïe, Cléomène, en fe retirant, attira l’armée
ennemie dans un terrein embarraffé d’arbres 6c de
foffés, pfi il 1# défit.
Si le pays par lequel les ennemis font retraite ,
pendant que le combat parpît encore indécis , eft
un pays uni 8c découvert, vous devez prefumer
qu’ils manquent de punitions, pu qu’ils ont eu un
avis vrai ou faux que la b ataille va mal pour eux
dans quelqu’autre partie de la ligne : profitez de
leur première frayeur pour les charger avec impé-r
tuofité du côté qui plie, avant qu’ils puiflent être
détrompés ou rétablir lo combat, s’il leur eft en
effet défavantageux dans -quelqu’autre endroit.
Dans i’une ou l’autre de ces circonftanc.es, inftruir
fez vos troupes des conjectures favorables fur lesquelles
yous fondez le découragement des ennemie.
' A la bataille .d’Arbelle, Macée, qui commandoit
la cavalerie de la droite de Darius, avoit
prefque mis en déroute la gauche d’Alexandre ,
que Parmenion conduifoit ; Ôc , profitant de ce Premier
fuccès, pouffoit vivementi’etinemi, lorfqu’il
apprif
qu’il apprit qu’Alexandre avoit mis en fuite M e
gauche des Perfes. Son ardeur fe rallentit ; il arrêta
les troupes, ôc peu après fit retraite. Par cet événement
, fi peu attendu, Parmenion comprit qu’il fal-
loit que l’aile oh commandoit Alexandre eût battu
les ennemis. Auffi-tôtil en répand la nouvelle parmi
fes troupes ; elles reprennent courage, font un nouvel
effort contre celles de Macée, 6c les contraignent
à -changer leur retraite en fuite précipitée.
Don Diegue d’Ordaz, un des généraux de Cortès.,
mit en déroute les peuples de Tabafco, en les
attaquant av-ec plus de vigueur, dès qu’il les vit
fe rallentir, parce qu’ils avoient appris que la cavalerie
de Cortès venoit les charger par derrière.
Si, pendant le combat, quelques troupes des
ennemis prennent la fuite, détachez apres elles de
la cavalerie pour les pouffuivre, fans leur donner
le temps de fe retirer’, mais que cette’cavalerie
foit en plus petit nombre que les fuyards : elle
pourroit vous être néceffaire durant la bataille ,
puifque je fuppofe que le gros de l’armée ennemie
tient encore. Les officiers qui étoierit à la bataille
de Saragoffe, donnée en 17 10 , peuvent y avoir
appris combien cette règle çA importante.
A la bataille qui fe donna en 1264, entre Henri
III, roi d’Angleterre, ôc Simon de Montfort, comte
de Leyceftre, le prince Edouard, commandant une
partie de l’armée du roi fon frère, mit en fuite les
habitants de Londres, qui lui étoient oppofés : mais,
ayant pourfuivi trop loin les fuyards avec beaucoup
de troupes, ce commencement de viéloire
caufa la perte de la bataille. Montfort s’étant ap-
, perçu qu’Edouardpourfuivoit les fuyards avec une
grande partie de l’armée du roi, vint fondre fur le
refte, ôc le défit avant que le prince pût revenir à
leur fecohrs.
C’eft pour avoir pourfuivi les fuyards avec trop
de troupes, que Seleucus Nicanor perdit la bata
ille d’Iffè contre Démétrius Poliorcète ; que
Cromwel défit à la bataille d’Oxford l’armée de
Charles I , roi d’Angleterre ; ôc que Macfianidas,
tyran de Sparte ,• fut vaincu près du temple de
Neptune par Philopoemen, préteur d’Achaïe. Po-
lybe blâme extrêmement la faute que fit Macha-
nidas, en pourfuivant les fuyards avec toutes fes
troupes étrangères : tjl-çe que leur f r a y e u r , dit-il,
n e fu jjifo it p a s p ç u r entretenir leur fu it e ?
Après avoir fait un détachement convenable
pour fuivre ceux des ennemis qui fuient, celles de
y o s troupes qui excèdent le front de la ligne op-
polee feront un mouvement de converfion pour
la prendre en flanc. Si le yuide que les fuyards ont
lailfé eft au centre , les régiments de votre .armée
qui répondent à ce vuide y entreront ; ceux de
la droite, par un quart de converfion à gauche ,
6c ceux de la gauche par un quart de converfion à
droite , chargeront les çnnemis en flanc ; pendant
que ceux qui le qr font oppofés les attaqueront de
Vont. ' ’ * ~ - , <V s '
^olybe, parlant des fautes que fit Machaflidas à
A r t militaire. Tome /•
la b ataille contre Philopoemen, dit que lorfque les
troupes étrangères d’Achaïe.commencèrent à fuir
& laifsèrent ainfi leur armée fans aile droite,
Machanidas, au lieu de pourfuivre les fuyards
avec un fi grand nombre de troupes, devoit envelopper
l’armée de Philopoemen. r
Si vos régiments ne font pas formes fur allez de
hauteur, pour que quelques rangs puiflent faire le
quart de converfion dont je viens de parler, oc
les autres maintenir le front de la ligne ; faites avancer
ceux des corps détachés entre les lignes , qui
font les plus voifins, pour remplir le vuide que
laiffent les bataillons ou les efeadrons que vous
. jugez néceffaire pour ce mouvement.
Si, outre les troupes qui pourfuivent les fuyards,'
ôc celles qui attaquent en flanc, il vous en refte
encore quelques-unes de celles qui ont vaincu ÔC
mis les ennemis en fuite , envoyez-les promptement
au fecours de quelqu’autre pofte de votre
ligne, peu éloigné, oh le combatferoitdouteux ÔC
défavantageux.
Pantoeadas, général Thébain, employa utilement
ce précepte à la bataille de Delium, quil gagna
contre les Athéniens, 6c Flaminius a celle do
Cynocéphale contre Philippe , roi de Macédoine.
Avertiffez vos troupes qu’elles ne doivent pas
fe charger de prifonniers, avant que la viéfoire loir
bien allurée. Ces prîfonniefs occupenrun certain
nombre de foldats néceffaires pourries garder, pu
pour les conduire à un lieu défigné ; ôc s’il arrive
que ces heureux commencements viennent à
changer, les prifonniers profitent de la moindre
négligence de ceux qui les gardent, pour prendre
les armes que dans un jour de combat 1 on trouve
fur tout le champ de b ataille .
Les prifonniers faits par les troupes d’Alexandre
à la bataille d’Arbelle prirent les premières armes
qu’ils rencontrèrent, & firent balancer pendant
quelque temps le fuccès de cette journée.
Le bacha Méfeth, -commandant les troupes
d’Amurat II, fut défait ôc tué 4 la b ataille que
Jean Huniade gagna, parce que les nombreux
efclaves que le bacha tvaînoit après lui, ayant
brifé leurs chaînes pendant le fort du combat, fe
faifirent des premières armes qu’ils trouvèrent; ôc ,
attaquant les Turcs avec cette fureur que l’amour
de la liberté 6c les mauvais traitements infpirent ,
fis les mirent en défordre,
Ôn doit excepter de cette règle les officiers de
diftinéfion, qu’il faut envoyer auffi-tôt au dernier
corps de réferve, de crainte que les ennemis ne
les repriffent, fi le fprt du combat venoit à changer.
Ayez foin de les faire conduire par quelques
perfonnes de confiance, incapables de fe laiffer
corrompre par de l’argent, ou par la promçffe d un
emploi plus confidérable parmi les ennemis. Une
petite bourfe d’or tira, en 1708 , un commandant
des volontaires , des mains de deux^ dragons
qui l’ay oient fait prifonnier} ççtte infidélité devroiç