
le combat, fur les ennemis , qui peuvent être uniquement
attentifs à défendre leur front ; & qui,
parce que la poufïière ou un brouillard les empêche
de découvrir de loin , ( ce qui feroit unev
circônftance favorable , ) , ne s’apercevront de la
marche de votre détachement, que quand il fera
fort proche. Pçlybe , en parlant de l’embufcade
d’Annibal, qui fut caufe de la défaite de Minutius ,
dit : qu‘après le lever du foleil 3 pendant que chacun
êtoit occupé à obferver ce qui fe pajfoit fur la colline,
il arrivait continuellement des troupes de l ’embufcade ,
fans que les Romains s ’en apperçujfent.
. Scipion l’Afriquain, qui livra bataille en Efpagne
à Indibilis &. Mandonius, dans un terrein fi étroit
que plufieurs troupes romaines étaient inutiles
détacha , en commençant le combat,. toute fa
cavalerie , fous les ordres de Lælius : celui-ci, après
avoir pris un grand circuit, vint fondre lur l’arrière
des Efpagnols, pendant que Scipion les atta-
quoit de front ; il remporta par ce moyen une
viéioire complette..
Dans une femblable occafion, Sc avec un égal
luccès , Syphax , roi de Numidie , fit un détachement
d’une partie de fon armée ,. dans un combat
contre les M allé fyles.
Vous aurez pu remarquer que j’incline beaucoup
à ce que les troupes de -l’embufcade foient de cavalerie
*. j’y trouve en effet quelque avantage. Outre
que les mouvements néceffaires pour cette opération
feront plus prompts ; fi les ennemis découvrent,
avant le temps, vôtre embufcader vous ne perdrez
aucun foldat, ou du moins très peu, lorfqu’elle fera
compofée de cavalerie légère, & qu’elle n’aura
pas de défilé à repaffer. Ainfi, la qualité du terrein
peut donner lieu à fexception de la règle ; parce
qu’il n’y a rien de plus fage que de placer chaque
troupe fur le terrein qui lui eft propre , foit qu’elle
doive combattre en ligne, ou former une embultade.
Sur les trois derniers exemples que je viens de
rapporter , j’obferve que Tite-Live dit en général
de Syphax qu’il détacha une partie de fon armée ,
& de Scipion, qu’il détacha fa cavalerie. ; parce
que le terrein où le gros de l’armée romaine devoit
combattre n’étoit pas ; propre pour la cavalerie.
Polybe, parlant de l’embufçade d’Annibal. contre
Minutius, nous apprend qu’elle étoit. compofée
de cinq mille hômmes d’infanterie &c de. cinq
mille chevaux; parce que le combat devoit commencer
fur une montagne; terrein plus propre pour
l ’infanterie; mais qui fe terminoit, vers, 1e. bas ,
en une grande, plaine ; terrein plus convenable pour
la cavalerie. A
Les anciens , poiu» rompre les lignes des ennemis
, faifoient avancer, des chars armés de. faulx ,
&' des éléphants. Il eft inutile de m’étendre fur
cette manière, puifque ces. chars armés.de faulx ,
êc ces éléphants , dont aujourd’hui on ne tireroit
aucun avantage, ne font plus d’ufage dans les armées.
Je renvoie à ce que j’en ai dit en traitant
delà, guerre offenfive,. Cependant, compte il eft
toujours avantageux d’enfoncer la ligne des ennemis
fans rompre la fienne, je voudrois faire avancer
des pelotons détachés de grenadiers , ou de
foldats d’élite , fur la valeur & la fermeté defquels
on pût fûremènt compter ; parce que s’ils venoient
à reculer , ils mettroient eux-mêmes le défordre ■ ;
& jetteroient quelque frayeur parmi leurs corps*
Par cette raifon, lorfque les Allemands Font avancer
de femblables pelotons, ils les compofent toujours
de leurs grenadiers..
La pratique des anciens étoit conforme à ce que je
propofe. Lorfque les ennemis étoientfort proche ,
ils détachoient quelques petites troupes formées
en coin ; ordre de bataille, qui, même aujourd’hui',
avec nos armes , conviendroient parfaitement à
ces pelotons qu’on fait avancer ; parce que cette
figure du c o i n d o n t l’angle regarde le front des
ennemis,, eft très propre pour rompre la ligne ennemie
, & pour remplir infe;nfi.bleme.nt le vuide qu’il
ouvre ; & , comme le coin eft garni de- baïonettes
par fes.- côtés, & couvert par derrière par l’armée
amie, on peut dire qu’il n’y a aucune de fes parties
qui foient foibles..
Lorfqu’il a fait une ouverture dans-.la ligne ennemie
les troupes qui. compofent le côté droit de
ce coin , doivent charger en flanc les ennemis par
le même côté ; & celles qui formeront le côté?
gauche, chargeront en flanc par ce côté ; afin que
vos lignes entières-, qui attaqueront immédiatement
agrès, trouvent les ennemis, dans un glus grand,
défordre. V. C oin.
I N F É R I O R I T É E N T R O U P E S .
D I S T A N C E E N T R E L E S L I G N E S .
S i votre armée, eft inférieure en toutes fortes
de.troupes , choififfez, pour le combat, un terrein.
étroit, où les ennemis ne puiffent pas trop étendre-
leur front, &. envelopper , avec les ailes de leurr
armée, celles de la vôtre.
Alexandre dduto.it s’il fortiroit des ter reins,
refferrés, de la Cilicie, pour venir, à la rencontre
de, Darius, qui marchait.à-lui par des campagnes,
découvertes ; mais enfin,,par le. confeil de Par-
ménion, il fe détermina à l’attendre dans cet en-,
droit, où Darius , avec cette multitude dè troupes
qu’il train oit avec. lui», ne pouvoit pas étendre fes.
lignes plus qu’Alexandre la vi&oire confirma.
bientôt que. ce confeil de Parménion étoit.fage Ô£
falutaire.
Lorfque vous ne. rencontrez pas . ce terrein ref-
fené ; tâchez d’affurer une de vos ailes, par la-'
mer , un marais-, une. rivière ,, un grand canal
une.montaghe , dont l’abord, foit difficile aux ennemis
, par une place ou un village,, dont von«-,
fermerez-les avenues ;, couvrez l’autre-avec de
l’artillerie , des chevaux de frife , ou des lignes,
de chariots garnies de pierriers , & foutenues pas:
une bonne moufqueterie,. -Si vous., attendez, des
pied ferme, vous pouvez, depuis le flanc de la
première ligne jufqu’à celui de la fécondé , faire
un abattis a’arbres , ou un folié, avec fon parapet.
Lorfqu’en 155.8 , le maréchal de Termes fe
retiroit de Dunkerque , comte d’Egmont fe mit
en marche pour venir l’attaquer avec les troupes
d’Efpagne. Le maréchal_fit halte , avec fon armée,
dans un pofte où il avoit d’un côté la mer , de
l ’autre les dunes ; & , fi les François, malgré fes
fàges précautions, perdirent la bataille dans cette
occafion, ce ne fut point qu’ils n’euffent foutenü
fans défavantage l’attaque des Efpagnols, très fu-
périeurs en nombre ; mais uniquement parce que
quelques vaifiaaux , qui faifoient voile dans ces
mers, fe trouvèrent par hafa'rd a portée du combat,
& s’étant approchés, ne cefsèrent de canonner
l’armée françoife , qu’elle n’eût été mife en défordre.
• L’aîchiduc Albert , qui vint pour fecourir.
Amiens , dans le deffein de livrer bataille à
Henri IV , fuppofé qu’il fortît de fes lignes , mar-
choit ayant à fa droite la rivière de Somme ,
qui le mettoit hors d’infulte , & il avoit couvert
fon aile gauche par de longs rangs de chariots ,
attachés, de trois en trois. Lorfque le marquis Am-
broife Spinola préfenta le combat au comte Maurice
de Naiïau, il marchoit ayant fes ailes couvertes
par de doubles rangs de chariots, parmi lefquels
il y avoit .quelque légère artillerie , & lin bon
nombre de fufiliers.
Si la fituation du terrein, & les principes de
l’art ne vous permettent de couvrir qu’une de vos
ailes, mettez à l’autre la plus grande partie de
votre cavalerie , & vos meilleures troupes. Je l’ai
déjà prouvé par l’exemple de Pompée. Végèce ,
qui eft de ce fentiment, veut même que toute
la cavalerie forme une des ailes, lorfque l ’autre j
fie trouve fortifiée par la fituation du terrein.
, S’il ne vous manque que peu de troupes pour
appuyer vos ailes fur un terrein fort par fon affiete ,
ou .pour mettre votre armée fur un front égal à
celui des ennemis, ne donnez à vos lignes que
trois rangs de hauteur, afin de vous lèrvir du
quatrième pour prolonger vos ailes ; car il eft
beaucoup moins défavantageux de vous priver du
feu de ce quatrième rang , que de ne pas appuyer
vos ailes ; partie par laquelle fe perdent ordinairement
, ou fe gagnent les batailles.; & de ne pas
éviter que les ennemis les enveloppent avec un
front plus étendu.
Vous pouvez auffi. un peu moins ferrer les
troupes, mais fans laiffer des. vuides par où la
cavalerie ènnemie puifle pénétrer : alors les foldats
manieront mieux leurs armes, que s’ils étoient trop
ferrés. Un autre avantage que vous vous donnez ,
en étendant le front de votre armée , eft d’éviter
que les ennemis ne jugent, par le peu de terrein
qu’elle ôccupe, qu’elle n’eft pas nombreufe ; ce
qui pourroit relever leur courage.
Quinte-Curfe, parlant de la première difpofi«
tion qu’Alexandre fit de fes troupes à la bataille
d’Arbelles, dit qu’il donna ordre à ceux qui com-
mandoient les ailes de les étendre , pour éviter
qu’elles ne fuffent enveloppées.
Ti.tiis, à- la bataille dé Tarichée, affoiblit extrêmement
la hauteur de fes troupes, pour oppqler
un front égal à celui de fes ennemis ; de crainte
que , s’ils venoient à connoître qu’il étoit inférieur
en nombre , ils ne marchaflent au combat avec
cette aflùrancé qui donne ordinairement la viéloire.
Si nonobftant ce que je viens de propofer, il
vous manque quelques hommes pqur aflùrer vos
ailes , faites votre fécondé ligne moins longue que
la première , & compofez le corps de réièrvé de
moins de troupes que vous n’en avez en fécondé
ligné. Il n’y aura pas même d’inconvénient à
fe paffer du corps de réferve , fi vous poftez
entre les lignes les troupes détachées dont j’ai
parlé. De quelque manière que ce fo it, l’expérience
nous apprend que la premièré ligne , vaincue
ou viâorieule, décide ordinairement du fuccès.
Ainfi , fans vous embarraffer fi votre fécondé ligne
eft moins nombreufe, tâchez que la première ioit
du moins égale à celle des ennemis.
Il faut non-feulement aflùrer vos ailes, mais
encore'votre arrière lorfque vous êtes très inférieur
en nombre , de crainte qu’un corps de troupes
ne vienne fondre fur vous par derrière pendant
le combat.
Charles Martel , pour ne pas fe voir expofé
à ce danger , appuya fon arrière-garde à la rivière
de Lo ire , dans la bataille contre Abderamen ,
dont l’armée étoit très fupérieure en nombre.
Caftmir, roi de Pologne , qui , en 1651, gagna
la bataille de Beretzko , quoiqu’il fût très inférieur
en nombre de troupes , fit couper les ponts d’une
rivière, où il avoit appuyé*l’arrière-garde de l’armée
polonoife , pour éviter que les Tartares & les
Cofaques , paffant fur ces ponts , vinffent l’envelopper
de touts côtés.
Vous m’objeâerez qu’en couvrant ainfi l’arrière
de votre armée par la mer, une rivière, un marais
, ou par des montages inacceflibles, les premières
troupes qui feront mifes en défordre mettront
la confufion parmi toutes'les autres : je
réponds qu’on évite cet inconvénient , en laiflant
entre les lignes & la rivière le terrein néceflaire
pour que les troupes puiffent fe , former. Quant
à la fécondé obje&ion qu’on pourroit me faire ;
fçavoir, que c’eft rendre la retraite plus difficile
à une armée , fuppofé qu’elle foit battue; je ren-
voie à ce que j’ai dit à ce fujet : j’ajoute feulement
qu’un général, qui va préfenter le combat ou le
foutenir , doit plutôt penfer à le gagner, qu’à fe
retirer après l’avoir perdu.
Le conful Flaminius, avant de combattre les
Gaulois inlùbriens , fit-couper le pont par où les
Romains auroient pu faire retraite, afin de les obliger
à de plus grands efforts pour remporter la victoire
: mais il forma fon arrière-garde ü près de la
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