
ou de l’artillerie, il leur reviendra une partie du
butin proportionnée au rang militaire que leur
donnent leurs emplois.
En Ei'pagne un commiflaire ordinaire a rang de
Valium!* valp f im commiflaire ordonnateur
, de colonel, ou de brigadier; u»Intendant.
de maréchal de camp : la part des autres perfonnes
de l’état-major de l’armée, qui n’ont point de rang
militaire , pourra fe régler proportionnellement
.à leurs appointements.
L’aumônier & le chirurgien-major entreront
dans la répartition comme lieutenants ; le Ample
tambour comme foldat , & le tambour-major
comme fergent.
•Les magaflns & l’artillerie que l’on prend fur
les ennemis appartiennent au prince. Il y a des
miniftres qui demandent pour le roi le cinquième
de toutes les prifes : c’eft là , s’il m’eft permis de
me fervir de l’expreflion, couper les ailes aux
partifans.
Quand une place a befoin de viande , ou de
quelques autres munitions de bouche qu’on envoie
chercher de deflein formé dans le pays ennemi,
les troupeaux, ou les munitions qu’on en
rapporte, appartiennent au R o i , qui les fait distribuer
, comme il le juge à propos : cependant
on doit toujours donner quelque gratification au
détachement.
Quelques-uns prétendent que les armes & munitions
de guerre qui fe trouvent fur le champ
de bataille appartiennent au prince. Je propol'erai
dans la fuite un expédient que le général viélo-
rieux peut employer à cet égard , en parlant des
timbales , des drapeaux, & des étendarts ,.que l’on
prend aux ennemis.
Lorfque vous ferez prêt à combattre , faites
publier un ban, pour défendre que perfonne ne
s’avance vers l’armée ennemie, fous prétexte d’aller
r.econnoître , de faire une efcarmouche, ou pour
quelque autre motif que ce puifle être; parce que
quelques-uns pourroient fe fervir de cette feinte
pour déferter , & aller iiiftruire les ennemis de
votre ordre de bataille, de l’endroit que vous
avez choift pour votre polie, de l’habit que vous
portez & du cheval que vous devez monter :
ce qui pourroit vous expofer à plufieurs inconvénients
, & à un grand danger pour votre personne.
Une autre raifon qui doit vous porter a faire
cette défenfe , c’eft l’avantage .d’éviter que les
valets & les vivandiers , & quelquefois même les
foldats , mais fur-tout les vagabonds , qui, fous le
nom de partifans & de volontaires, l'uivent les
armées , ne s’avancent, lorfqu’à la faveur d’une
haie , d’un r a v i n o u d’un bois, ils imaginent
pouvoir .enlever un .cheval ou un mulet : alors
le premier parti que le hafard leur fait rencontrer,.
leur donne l’épouvante ; ils prennent la fuite , &
jettent la terreur & le défordre parmi les troupes ,
pn publiant que les ennemis font en grand nombre ?
& d’une fiere contenance : ce qui eft toujours
l’excufe de ceux qui fuient. E t , comme la frayeur
fait qu’on fe figure toujours beaucoup plus qu’on
ne v o it , ils répandront le bruit d’une embufcade,
à laquelle les ennemis n’auront pas même penfé :
& « quoique tout ce qu’ils difent ne foit que fan-
taftique & un effet de leur crainte , rpla intimide
les foldats, qui, à la première pouflière
qu’un de vos partis ., ou que dix moutons ou
dix boeufs élèvent, s’imaginent qu’il y a-une embufcade
à cet endroit.
Dans une rencontre que Cæfar eut près de la
Sambre avec les Serviens, ceux-ci étoient déjà en
quelque défordre, lorfque les valets & les vivandiers
de l’armée romaine coururent au pillage. Comme
ils s’avançoient dans cette vue , ils furent épouvantés,
prirent la fuite avec précipitation , & jet—
terent une A grande frayeur dans la cavalerie des
Trévires qu’elle abandonna le combat , parce
qu’en voyant la fuite de ces valets & de ces vivandiers
, elle crut la bataille perdue-; d’autant
plus qu’une inégalité du terrein l’erapêchoit de voir
le refte de l’armée romaine. Cet accident mit
Cæfar dans un extrême danger , jufqu’à ce que
deux légions qu’il avoit laiffées pour la garde du
bagage vinflent le féconder. Ceux qui s’avancent
pour faire l’efcarmouche font quelquefois des
volontaires de diftinélion, qui veulent paroître,
& acquérir de la gloire ; mais, à moins qu’ils n’ayent
à leur tête des officiers fages & expérimentés ,
c’eft laifler expofer mal à propos ces jeunes gens,
nés pour braver des périls plus néceflaires & plus
utiles.
Les partis avancés & les grandes gardes ne
doivent , à la veille d’une bataille, ni engager
de combat, ni attendre l’ennemi dans quelque
endroit où il puifle les y forcer, excepté que la
nature favorable du terrein & la fupériorité du
nombre ne leur donnent tout lieu d’efpérer quelque
avantage ; car les foldats prendroient à mauvais
augure un prélude défavamageux. Si quelques petits
corps doivent commencer l’a é t io n a y e z foin de
les compofer d’officiers & de foldats d’élite.
Quinte-Curfe, parlant des pentes rencontres
qui précédèrent la bataille entre Porus & Alexandre,
dit , « que chacun des deux Rois étoit attentif
» .à l’événement de ces petits combats , parce que
» l’un & l’autre en tiroient des augures funeftes-
» ou favorables pour de fuccès de la bataille.
Le. maréchal.dé Montluc rapporte dans fes commentaires
qu’il regarda comme perdue la bataille
donnée près de Sienne par je maréchal Strozzi,
longtemps avant qu’elle fut engagée ; parce que
les troupes d’Efpagne , commandées par le marquis
de Marignane, avoient toujours eu l’avantage dans
toutes les rencontres qui précédèrent cette bataille•
E X H O R T A T I O N S DES O F F I C I E R S .
Souvent les perfuaf;ons d’un officier eftimé font
plus d’effet que les ordres du général, fur-tout
A cet officier fçait ajouter des réflexions fur les
avantages attuels & réels. Faites donc enforte
que les officiers confeillent ce que vous ordonnez ;
qu’fis tâchent d’infinuer à. leurs foldats qu’il y a
moins de péril pour eux en faifant tête à l’ennemi
, qu’en lui tournant le dos ; parce qu’en
ceflànt de fe défendre , on eft expofé à toute
la fureur de fes coups.
Pour éviter que les foldats n’abandonnent le
combat par la crainte du danger , U fera bon que
vos officiers leur repréfentent qu’il y aura pour
eux un plus grand danger , joint au deshonneur ,
s’ils ne font pas leur devoir , & quils leur apprennent
les précautions que vous avez prifes pour^
leur fureté , de même que pour punir ceux quif
manqueroient de- courage &. de fermeté.
Les officiers feront aufli comprendre à leurs
foldats qu’ils agiroient contre leur honneur , &
contre leur propre intérêt, s’ils fe débandoient
avant le temps pour le pillage ; parce que , A les
ennemis venoient à fe rallier & à gagner la bataille ,
ceux qui fe feroient chargés de butin le perdroient
avec la vie , & pour donner plus de forte à cette
inAnuation, vos officiers doivent leur citer les
exemples que j’en ai rapportés, ou tels autres,
que l’hiftoire ou leur mémoire leur fournira.
Si les troupes ennemies ont reçu l’ordre de ne
point faire de quartier ; ou A dans, une autre
occaAon elles ont refufé d’en faire , informez en
vos foldats., aAn q^e cette cruauté , & la crainte
de perdre la vie.,. s’ils ne. remportent la viéloire ,
les engagent à. une réfiftance opiniâtre , « & qu’ils
trouvent dans l’indignation , la fureur & le défef-
poir , le falut qu’ils ne peuvent, attendre de. l’ennemi
, s’il étoit vainqueur. ».
Le marquis de Pefcara , général de l’infanterie
d’Efpagne, At courir le bruit dans fon armée , à
la bataille de Pavie , que les François venoient
déterminés à ne point faire de quartier. Ce bruit
irrita les Efpagnols , & fervit à leur faire gagner
cette bataille» , . .
Pendant que Philippe Vifconti afliégeoit Brixia,
les Vénitiens excitèrent les habitans de cette place
à une défenfe opiniâtre, en faifant jetter dans-la
ville avec des flèches quelques lettres qui.paroif-
foient écrites par des gens affectionnés pour les
afliégés ; on les y avertifloit de ne fe fler à aucune
capitulation ; parce que l’intention. fecrette des
affiégeants étoit de n’épargner ni âge ni fexe ,
& de faire tout périr par le fer & par le feu.
Chirifophe, Cléanor, & Xenophon , capitaines
grecs, q u i, après là mort du jeune Cyrus ,flrent
cette fameufe retraite , animoient leurs foldats
contre les Perfes , en leur repréfentant qu’il ne
leur reftoit pour fauver leurs v ie s , nulle autre
voie que la vi&oire ; puifque ces mêmes Perfes,
<qui les pourfuivoient avec Tiflapherne, avoient
fait mourir dans, les tourments. Cléarque. & les 1
officiers grecs pris les armes à la main, & même
pendant la trêve.
Il fera bon de répandre parmi les foldats que
vous êtes en intelligence avec quelques troupes
des ennemis, afin qu’ils fe préfentent au combat
avec plus de confiance , &• qu’ils foient plus af-
furés du fuccès. Ce que je conseille ici fut autrefois
pratiqué avec beaucoup d’avantage par Iphi-
crate , & par Fulvius Nobilior contre les Sam-
nitesi
[ N. B. Obfervez cependant que, s’ils apprennent
que vous les avez trompés , vous perdrez
toute leur, confiance. La vérité en toute circonf-
tance eft le plus grand de nos avantages. 1.
S U P E R S T I T I O N . P R É S A G E S .
Il eft néceflaire qu’à la veille de la bataille les
troupes, lifent fur votre vifage un air de gaité &
de ' joie , qui leur foit un aflùré préfage de la
viéloire : les foldats attentifs alors à votre contenance
jugent du fort heureux ou malheureux du
combat par cet air gai ou morne qu’ils remarquent
dans leur général, « ce vifage riant, cet air intrépide
&. aflùré , qu’Alexandre fit voir à fes foldats
avant, la bataille d’Arbelle, furent pour eux un:
preflentiment certain de la viéloire ».
Un peu avant la' bataille- de Cannes , AnnibaL
monta, fur une hauteur, pour obferver la marche ••
des Romains. Un nommé Gifcon lui dit avec
étonnement que . l ’armée ennemie lui paroiffoit
extrêmement nombreufe. Si quelque chofe me
furprenoit, lui répondit- Annrbal, c’eft que parmi:
tant d’hommes dont l’armée romaine eft compofée,.
il ne s’en trou ver a aucun qui s’appelle Gifcon comme
toi. Cette plaifanterie , divulguée parmi les troupes •
d’Annibal f leur înfpira. beaucoup de courage ; ■
parce que cette préfence d’efprit, & ce ton enjoué
de leur général leur parurent-être un prefage
favorable,.
Plutarque rapporte que ce qui ranima Anguliè-
rement la valeur des troupes, de Xénophon & de
Cléarque dans le combat contre les Perfes , c’efb
que ces deux généraux y montrèrent toujours uïï
vifage gai & ferein.
S i,, avant la bataille, il furvient quelque accident,
dont le foldat ignorant & groflier pourroit-
fe. former un funefte. augure, donnez-y promptement
quelque. favorable interprétation , qui ,
loin d’intimider vos troupes , relève leur courage» •
Au commencement de la bataille de Cerignoles,
le fe.u prit au magafin à poudre de l’armée d’Espagne.
Le général efpagnol Comtale Fernandez,,
craignant que cet accident n’effrayât fes troupes,,
s’écria : nous fommes vainqueurs ,* Dieu nous Van- |
nonce clairement , il nous fait entendre que > pour'
remporter la vï&oire., nous n avons pas befoin de "
notre artillerie. Quelques-uns prétendent, qu’il dit i
courage , mes amis, courage ; le ciel fait déjà de& *
feux de joie pour notre. viÈtoire«--.