
commandement^ particulier qu’après avoir donné
de* preuves réitérées d’intelligence & de prudence;
Dans 1 artillerie on ne commande en chef une
batterie qu’après plufieurs années d’étude & d’ex-
perience. Dans l’infanterie, au .contraire , un officier
p eu t, dès la première campagne , être chargé
d’une opération particulière, & les officiers y font
toujours nommés à tour de rôfe.
L impéritie^ d un jeune officier de marine peut
faille perdre a l’état un bâtiment léger, peut ex-
çofer un vaiffeau de ligne à fe brifer contre un
ecueil ; 1 ignorance d’un officier d’artillerie peut
etre caufe qu’une batterie ne produife pas tout
1 effet dont elle étoit fufceptible ; mais le falut
a une armee entière ne dépend-il pas fréquemment
oe ia mamere dont un officier particulier fe conduit
dans un pofte avancé ? Combien de fois un
camP, n a-t-il pas été furpris, une ville n’a-t-elle
pas été forcée , & une armée mife en déroute,
Par^ q u un officier , chargé de garder un pont ou
un ^’avoit pas appris la manière de le garder
oc de le défendre.
Les officiers particuliers d’infanterie & de cavalerie
étant pendant la paix prefque toujours
fous les yeux de quelque officier, fupérieur, l’inf-
t uéhon leur en eft moins néceffaire ; il ffiffit
qmls lçachent obéir : ;mais il n’en eft plus ainfi
pendant la guerre ; il fe préfente dans les camps
mille circonftances où ils font obligés d’agir diaprés
eux- memes. Quelle conduite tiendront - ils • fi
par l’etude de l’art de la guerre , & par des’ réflexions
profondes fur la conduite des militaires
qui les ont précédés, ils ne fe font pas mis à portée
oe prendre le parti le plus avantageux ? ( Voyez
M oeurs.) . Encore une réflexion. On exige que
les officiers fupérieurs ayent de l’inftruâion & des
talents, & on les tire cependant d’une clafle de
militaires a qui on n’en fuppofe point, & à qui
on ne cherche même point à en donner : quelle
foule de contradiâions ! Pour les faire difparoître .
nous n’avons qu’à le vouloir, & bientôt nous
Jetons témoins de la révolution la plus heureufe.
j Ur !a Produire , employons dans Knfanterie &
dans la cavalerie le même moyen dont on fai
uiage dans la marine , dans l’artillerie , & dans 1,
geme. Il confifte à ne donner à un jeune gentilhomme
la permiffion de porter Un uniformi
qu apres lui avoir fait fubir un examen public S
rigoureux fur toutes les connoiffances qui fon
néceflaires aux officiers particuliers. Quoique 1(
moyen que nous venons de propofer foit d’un«
execution fa d e , qu’il foit le feul dont on puiff«
attendre des avantages réels , réfutons d’aborc
quelques objeflions qu’on pourroi't nous faire.
^ Comment , dtra-t-on , les gentilshommes qu'
n ont qu une fortune très bornée , comment ceux
qui en (ont totalement dénués, pourroient-ils procurer
à leu,s enfants l’inftnâion qu’on exigera
d eux ? Comment pourront-ils les entretenir dans
ies endroits où l’on établira des cours de la
fcience militaire ? Cette objection eft raifonnable
& bien fondée. L’ancienne nobleffe, dont l ’unique
defir eft de confacrer fes jours au iervice de l’état,
mérité que, dans les nouvelles inftrùéfions militaires
y on ait pour elle les plus grands égards.
C e ft ce qui nous a engagés à demander que tout
gentilhomme qui aura acquis allez de connoif-
iances pour etre admis dans un régiment, reçoive,
après fon examen rne gratification qui puiffe le
dédommager des depeniès que fon éducation militaire
lui aura occafionnées. Ce dédommagement
pourroit confifter dans une gratification de 600
livres ; on la remettroit à l’élève lors de fon entrée
dans un régiment : elle lui procureroit les objets
neceffaires à fon nouvel état. Le gouvernement
fera-t-il jamais quelque avance qui lui donne des
retours auffi heureux ? Quelle comparaifon peut-
on faire > en effet, entre le fervice d’un officier qui
fera entre dans l’etat militaire pourvu de toutes
les connoiffances qui lui font néceffaires, & celui
fffjg jeune gentilhomme qui fortira d’une maifon
d education où il n’aura acquis aucune idée du
metier qu’il a embraffé ? A la gratification de 600
livres, ne devroit-on pas ajouter une nouvelle
grace ou plutôt joindre une nouvelle preuve d’équité
? Elle confifteroit à regarder comme un fer-
,vice aéfif l’année que le jeune gentilhomme feroît.
’ cenfe avoir employée à fon inftruéfion militaire*
Vingt-huit ans de fervice, remplis par un jeune
homme qui en paffe cinq ou fix à s’inftruire ,
peuvent-ils être comparés à vingt-fepr ans remplis
par un militaire déjà inftruit. Les élèves des
•écoles militaires , & les pages, ne devroient pas
jouir de la gratification pécuniaire dont nous v e nons
de parler l’état s’eft acquitté avec eux ,
avant qu’ils euffent rien fait pour lui.
Pour exciter encore plus vivement l’émulation
de la jeune_ nobleffe , ne pourroit-on pas partager
en quatre claffes les jeunes élèves qui chaque année
auroient été jugés dignes d’être admis au grade
d’officier? La première claffe, compofée de dix
fujets, pourroit recevoir pour récompenfe deux
années de fervice &. une gratification extraordinaire
de 600 livres ; la fécondé claffe , compofée
de vingt fujets , pourroit obtenir deux ans de
fervice & 300 livres de gratification extraordinaire;
la troifième, compofée de quarante fujets,
auroit feulement deux ans de fervice en gratification
; & la quatrième n’auroit que l’année & les
600 livres ordinaires.
Les gratifications extraordinaires feroient payées
»aux élèves , dès le moment où ils auroient joint leur
corps : les colonels devroient être obligés de fuivre
dans leur nomination le rang que l’inftruéfion des
eleves leur auroit donné : les élèves des écoles
militaires ,& les pages, devroient concourir pour
obtenir ces gratifications extraordinaires. Nous ne
parlons pas du nombre des examinateurs ,' des
qualités-qu’ils devroient avoir, des droits dont ils
pourroient joyir 9 de la manière dont ilsdevroien?
faire leurs examens, des villes que l’on pourroit
choifir pour cet objet ; les bornes de cet ouvrage
ne nous permettent pas d’entrer dans ces
détails.
On objeéfera encore que , les connoiffances
militaires néceffaires aux officiers particuliers
n’étant point renfermées dans le même ouvrage ,
les jeunes gentilshommes ne fçauront en quel
endroit ils peuvent les puifer. Aucun des auteurs
militaires connus jufqu’à ce jour, n’a raffemblé ,
j ’en conviens, tout ce qui eft néceffaire à l’inf-
truéiion de ceux qui ie deftinent à exercer l’art
de la guerre : mais, avant peu, nous aurons peut-
être un effai en ce genre ; &. pourquoi cet effai
ne produiroit-il pas quelque traité complet de la
fcience de l’officier particulier ? Jufqu’à ce moment
defirable , les différents articles de ce diâionnaire ,
qui font relatifs à l ’objet dont nous fommes actuellement
occupés, ou l’effai que nous venons
d’annoncer, pourront fuppléer , juiqu’à un certain
point, à ce qui nous manque. Nous n’avions
point d’ouvrages de ce genre pour les ingénieurs ,
les artilleurs, & les gardes-marine , avant l’établif-
fement des examens qu’on exige d’eux, & nous
en avons aujourd’hui.
Les élèves , dira-t-on peut-être encore, apprendront
feulement de mémoire les principes fur
lefqüels ils devront être examinés, & par confé-
quent ils ne feront pas réellement beaucoup plus
inftruits qu’ils ne le font aujourd’hui.
Nous ne fçavons pas auffi - bien ce que nous
avons appris de mémoire feulement, & fans le
comprendre, que ce qui eft entré dans notre efprit
par la voie de la réflexion ; mais ne vaut-il pas mieux
fçavoir ainfi que ne rien fçavoir , & n’eft-ce pas
ainfi qu’on apprend d’abord la religion même ? On
n’oublie jamais entièrement ce que Ton a appris
dans fa jeuneffe , & on eft quelquefois étonné de
retrouver dans l’âge mûr. des chofes qu’on avoit.
perdues de vue depuis la plus tendre enfance. D ’ailleurs
, une feule lecture ne fuffit - elle pas pour
nous rendre préfentes les connoiffances que nous
avons poffédées autrefois ? Lorfque les jeunes militaires
verront mettre à exécution dans les camps
de paix, ou dans lesexercices de leurs garnifons,
ce qu’ils auront appris pendant leur éducation,
toutes leurs idées fe réveilleront & fe clafferont
d’elles-mêmes. Les explications de leurs profef-
feurs, & les réflexions qu’ils auront faites, fe représenteront
à eux & viendront répandre une vive
lumière fur les objets qu’ils auront fous les yeux.
Qu on ne croie pas que les connoiffances néceffaires
aux officiers particuliers foient hors de la
portée des jeunes gens qui ont atteint leur 12e
annee : s’ils ont de l’aptitude, de la volonté, un
profeffeur intelligent, & un ouvrage élémentaire
bien fait, ils ne rencontreront aucune difficulté capable
de les arrêter , & leur mémoire ne fe chargera
que des objets que leur efprit aura parfaitement
conçüs. . . • , _ . ..
Après avoir fait voir que le moyen des examens
eft d’une exécution fimple & facile, il nous refte
à montrer qu’il eft feul capable de produire le bien
que nous délirons.
Si, pour engager les jeunes officiers François à
s’inftruire, il n’avoit fallu que leur fournir les livres
propres à cet effet ; fi l’on n’avoit eu befoin que
de leur procurer des maîtres capables de leur en-
feigner les principes de l’art de la guerre ; s’il n’avoit
fallu qu’exciter leur émulation par desrécompenfes ,
les troupes Françoifes feroient compofées d’officiers
très inftruits : le gouvernement a prodigué
touts l e s fecours qui ont dépendu de lui. 11
créa d abord le corps des cadets j il a érigé depuis
ie monument à jamais glorieux de l’école\mili-
taire ; il a fondé dans plulieurs villes du royaume
des collèges où les jeunes citoyens peuvent recevoir
une éducation toute militaire ; il a enfin
établi les cadets gentilshommes à lafuite des corps.
Cependant , comme les jeunes officiers ne font
pas auffi généralement inftruits qu’on pourroit
le -■ defirer , on peut conclure que les moyens
fi1*?? a employés jufqu’à ce jour ne font pas
luffifants : il faut donc en créer de nouveaux ;
il faut abandonner la perfuafion , puifqu’elle n ’â
produit aucun heureux effet & recourir à la contrainte.
Mais comment l’emploirons - nous , &
dans quelle circonftance en ferons-nous ufage ?
Attendrons-nous que les jeunes militaires ayènt
joinr leurs drapeaux , pris l’habit uniforme & reçu
leur brevet ? Ou bien exigerons - nous qu’avant
detre infcrits parmi les défenfeurs de la patrie,
ils ayent acquis toutes les connoiffances qui leur
font néceffaires ? Le dernier parti paroît être
aujourd hui le feul qu’on puiffe prendre.
, Çorfqu’un jeune gentilhomme eft placé dans un
régiment tranquille fur fon fort, croyant n’avoir
plus rien à efpérer que du temps , il fe laiffe entraîner
par l’exemple de fes camarades; il n’écoute
plus que la voix lëduifante des plaifirs ; il s’abandonne
à fes folles pallions ; & , mettant fon éloignement
pour l'étude & pour le travail fur ie
compte des devoirs aâifs qui lui font impofés, il
vit dans une ignorance profonde. Cependant
la trompette guerrière fe fait entendre ; l’armée eft
raffemblée ; le jeune officier eft détaché le lendemain
du jour ou il a joint fes drapeaux, &c
on lui confie la garde d’un défilé , d’un pont, ou
de quelque autre point très important. Qui ofera
répondre que fon impéritie ne fera pas évanouir
dès le premier inftaht l’efpoir d’une campagne
entière ? . ' > r t>
En employant avec juftice les récompeniès &
les punitions , on parviendrait, j’en conviens, à
augmenter le nombre des officiers inftruits ; mais
ce moyen ne paroît pas fait pour produire une
inftrudion générale , & iljeroit fuivi d’une foule
d’autres inconvénients.
Comme on leroitobligé, d’après ce fyftème, d®
punir avec rigueur les officiers qui ne mettroieat