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M. d’Asfeld , qui les commandoit î leur dit que
ce mouvement des troupes de la première ligne
ne fe.faifoit que par un ordre exprès : il arrêta
ainfi les Tiennes , pour les mener enfuite à la charge
dans un moment plus favorable. Cette fage conduite
de M* d’Asfeld, au fentiment des officiers
les. plus habiles, contribua beaucoup à la viéloire,
que remporta l’armée des deux couronnes, commandée
par M. le duc de Berwick.
Faites bien comprendre aux troupes qu’un de
vos plus grands foins fera d’obferver avec quelle
valeur chacun fe comportera dans l’aâion , afin
qu’il puiffe recevoir une récompenfe proportionnée
à ce qu’il aura mérité.
Darius , qui, félon la coutume de fon- pays ,
étoit porté fur un. char , difoit à fes troupes que
c’étoit moins pour fuivre fufage que pour être vu
de fes foldats , 8c mieux juger de leurs aélions. : ;
On me dira peut- être que ces harangués ne
font plus d’ufage : cependant on en trouve plufieurs
exemples dans l’hiftoirë moderne. Guillaume III
de Naffau parloitfouventà fes troupes, foit avant
de livrer un combat , foit avant de donner un af-
faut. En 1 7 0 6 , le roi d’Efpagnevoyant fon armée
diminuer extrêmement par la défertion, les troupes
abattues par le trille état .ou la levée du flége de
Barcelonne , la perte d’Alcantara , 6c de Ciudad
Rodrigue, le foulèvement de l’Arragon, de Valence.,
de la ;Catalogne , 6c l’entrée des alliés à
Madrid, avoient réduit la Monarchie , tint à fes
troupes un difcours très çourtr, mais très expreffif ;
& dès ce jour la défertion fut entièrement, arrêtée ;
l’efpoir. 6c le: courage fuccédèrent à l’abattement ;
6c l’on vit., par les larmes des officiers 6c des fol-
dats, combien ces paroles du prince avoient attendri
leurs coeurs 6c ranimé leur fidélité.
Quoique ces difcours ne^ foient plus, en ufage,
un général ne peut-il pas les- employer dans les
ocçafions importantes ? Y doit-on fuivre la mode,
comme on la fuit pour un vêtement ?. Ne faut-il
pas employer tout ce qui eft utile 6c avantageux ?
Parmi les maximes de guerre du. fage empereur
Léon, je trouve ces paroles. : « Si vous joignez
aux difpofitions naturelles l’étude 6c l’exercice né.-
ceffaires pour bien parler r il vous fera facile de
ranimer le courage de ceux qui- craignent les batailles.
, 6c de conloler votre armée fur les malheurs
qu’elle a foufferts. Un difcours, qu’on fçait adrefîer
aux troupes avec prudence , peut donner, de grands
avantages ».
Polybe dit de Scipion l’Afriquain r, u qu’il avoit
le talent d’infpirer , par fes difcours, le courage
6c la confiance à touts ceux qui l’écoutoient, 6c de
faire naître en eux les pallions & les mouvements
dont il vouloit qu’ils fuflent animés ».
En 1641 , le marquis de Los- Vêlez harangua fes
troupes avant de les envoyer à Taflaut du fort de
Montjoui à Barcelonne; le marquis de Terré eufa
fuivit cet exemple dans une occafion femblable :
Charles I , roi d’Angleterre, 6c les parlementaires,
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haranguèrent chacun les troupes de leur parti S
Alexandre Vitelli fit un difcours aux troupes impériales
avant de le^ conduire à l’affaut de Bu de.
l’empereur Charles IV exhorta fon armée avant la
bataille qu’il gagna près de Mulberg contre l’électeur
de Saxe , 6c en 1651 , le duc Jérémie,
harangua fesPolonois.avant la bataille de Beretzco,
qu?il gagna contre, les Tartares 6c les Cofaques.
Ne haranguez pas votre armée pour des operations
de peu de conféquence ; de crainte que ces
difcours,. auxquels vos troupes feroient accoutumées,
n’euflent plus la même force, dans.les occa».
fions ou ils feroient le plus néceflaires.
Touts les peuples ont invoqué leurs dieux avant
de combattre , 6c plufieurs fe font flattés d’avoir,
été exaucés. Mais l’être fouverain ayant établi des
loix pour le gouvernement du monde , il n’y a
pas lieu d’efpérer qu’il veuille chaque jour altérer
ces loix par des prodiges. 11 laifle agir les caufes
fécondés qui ont la plus grande part aux fuccès
heureux ou malheureux de toutes, les entreprifes^
Joignez donc à la prière.la diligence, la précaution
, la prudence., 6c l’aélivité. N’ayez pas de
vous-meme , 6c de vos mérites , allez de préfomp-
tion pour croire, que tout, fe fera par miracle, eft
votre faveur.
Judas Machabée, après.avoin imploré.le fecours
divin contre. Nicanor , attendoit la.viéloire de la
valeur de fes troupes. «Elles.- invoquoient le feigneur
dans leurs coeurs., dit récriture ; mais en même-
temps elleSfe fervoient:de toute la force de leurs bras
pour combattre avec vigueur , 6c elles ne firent
pas périr moins de trente cinq mille hommes ». '
Les anciens avoient beaucoup de foi. à la.pr.o-
te£lioft de: leurs dieux *, cependant Caton pariant
au. fénat contre Catilina., dit.à.ce traître , « que. ce
n’efl pas uniquement par des voeux 6c des facrL-
fices qu’on peut obtenir le fecours du ciel ; mais
qu’il faut, veiller à la fûreté de.l’état, agir prudemment
, prendre de fages mefures.., 6c qu’on implore
en vain le fecours des dieux., quand on s endort
dans une lâche indolence ».
Plutarque blâme Perfée de ce que , dans le
combat.contre Paul Emile , il avoit abandonne fes
troupes, 6c s’étoit retiré à l’écart pour jacrifier a
Hercule. « Ce dieu, dit-il , n’écoute point les lâches,
prières de ceux qui agiffent lâchement ».
IL loue au contraire Paul Emile, de ce quen
/ même-temps qu’il fe recommandoit aux dieux ,.il
combattoit valeureufement à. la tete de fon.arnvee.
DISPOSITIONS PENDANT LE COMBAT.
P o s t e d u g é n é r a l .
J’ai dit que le général , après avoir rangé fes
troupes 6c fait fes difpofitions, doit fe pofter vêts
le centre , devant la fécondé ligne. Cependant, fl ,
à peu de diftance, foit vers la première ligne ou
la fécondé , foit vers les ailes , il fe rencontra
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quelque petite colline , d’oii vous pourrez ^ mieux
obferver ce qui fe pâlie dans les deux armees, 6c
donner plus à propos les ordres convenables ;
préférez 'ce pofte plus avantageux que fl vous etiez
dans un terrein bas, ou fl vous vous trouviez au
milieu du combat.
Polybe blâme Marcellus de s’être expofé fans
néceffité à un polie dangereux, où ce conlùl perdit
la vie. Il dit à ce fujet, « que celui qui commande
les armées doit éviter juiqu’à ces lbrtes de dangers
, qui ne peuvent pas même palier pour tels .
a l’égard de les troupes ».,
Si , en vous expofant volontairement , vous
venez à être tué ou a être fait prifonnier , vôtre
armée , qui relie fans chef devient un m-onftre a
plufieurs têtes ; tandis-, que le bruit du malheur
furvenu au :général le répand, perfonne ne commande
; peu après chacun commande ; 6c, comme
la nouvelle ne peut demeurer fecrete, parce que
le bruit de là chute, ell toujours proportionné à
la hauteur 6c à la grandeur de l’édince qui croule ,
vos troupes perdent courage., 6c celles des ennemis
le recouvrent , ou s-animent d’une nouvelle ardeur..
A la bataille de Salamine, le général des-Peifes
fut tué au commencement du' combat, 6c fa mort ,
fut fuivie du plus grand défordre.. « Quelques-uns
des chefs commandoient. une chofe , 6c quelques
autres une autre ; les Athéniens, voyant cette con-
fufion, chargèrent les Perles avec plus de vivacité.
Il importe au fervrce du prince., 8c à votre
armée, que , même après, la bataille gagnée ou
perdue, vous conferviez votre vie : celui qui vous
fuccéderoit dans le commandement auroit des
idées différentes fur les. mefures que ^ vous avez
prifes , par rapport à l’un ou à l’autre evenement;
6c , dans la nouvelle route qu’il fuivroit, il ne fçau-
toit ni profiter auffi bien. de la viéloire ni conduire
auffl; prudemment la retraite des troupes.
C’eft ce qui fe. vitdans la bataille que gagnèrent
les Suédois, en perdant Guftave Adolphe : ils-n en
retirèrent pas à beaucoup près autant d’avantage
que Guflave l’avoit fait de fes viéloires précédent^.^
1.
<c Lorfque l’armée eft défaite , dit Polybe, fi le
général furvit, la fortune peut lui.fournir diveffes
©ecafîons de réparer fa perte ; mais , s’il eft tué ÿ
quand inême fon arméeferoit vielorieufe, la. victoire
eft inutile ,- parce que lui feul fçavoit tout ce
qu’il avoit concerté 6c diipofé pour profiter pleinement
de la viéloire ».
Le. même auteur, après plufieurs éloges de la
. valeur d’Afdrubal , 6c de fon habileté dans la
guerre , le loue de ce que ,. dans les combats , il
'prenoit -des précautions, particulières pour la con-
lervation de fa perfonne.
Touts les officiers généraux 6c les. brigadiers
feront inftruits du pofte où vous avez rélolu de
vous tenir , pour recevoir promptement les avis
qu’ils- v.ous donneront6c qui ne. vous parvien-
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droîent que plus tard, fi vous étiez dans un mouvement
perpétuel de cote 6c d autre ; ce retardement
des avis qui vous leroient envoyés rendroit-
fouvent vos ordres inutiles , parce qu ils n arrive-
roient pas allez tôt. C’eft une nouvelle raifon pour
que le général fe-thoififfe un pofte fixe;
Si vous êtes obligé de quitter ce pofte, parce quc-
votre prélence eft absolument neceflaire- ailleurs
laiffez-y le maréchal de camp de réferve, ou le ma--
réchal général des logis, ou le major general, pour
recevoir les avis qu’on vous enverra des differentes’
parties de l’armée ; 6c pour ordonner ce qu’il jugera
néceffaire, lorfqu’il croira qu’il feroit dangereux
d’attëndre vos ordres. Cependant le maréchal de:
camp , ou le major général, vqus fera fçavoir ce-
qu’il a déterminé ; 6c , 11 la chofe ne demande pas-
une extrême célérité , ou-fl l’éloignement de votre-
perfonne n’eft pas confidérable, il doit* apprendre
à l’officier- porteur de. l^avis- l’endr-oit ou vo,us
vous, trouvez , afin qu’il vous aille chercher.
S i, de votre pofte , vous voyez que les troupes*
I ont befoin de votre préfence, loit pour attaquer*
avec plus-; de vigueur , foit- pour foute-nir le choc
avec plus de fermeté ; allez vous mettre à leur
•tête, pour les animerpar- votre exemple 6c par-vos-
paroles ; vous ne devez veiller à votre-fureté, 6c
éviter les périls ordinaires., que pour vous expofer-
aux plus grands, lorfque le bien de votre armée
le demande. C’eft le moment de- penfer que la
mort arrive tôt ou tard , 6c qu’une fin glorieufe
eft ce qu’il y a de plus defirable. La mort feule
peut faire juger du courage qu’on a montré, pendant
fa vie. G’eft le dernier moment qui: décide de. la
plus longue vie.
Le fpartiate Gallieratidas , à- qui les devins
avoient prédit qu’il môurroit à la bataille d'Ar-
ginufe, « s’efforça, dit Diodore , de mourir, le
plus glorieufement qu’il lui fût poffible ».
Périarque-, général de l’armée navale.de Sparte a
Phyfcum , voyant la bataille perdue. crut qu’iL
étoit indigne de fon cara&ère : de furvi^e à fa
défaite, 6c dirigeant fa galère contre les. ënnemis,,
il combattit jufqu’à la mort , pour ne pas. faire
deshonneur à fa patrie...
Le chevalier Bayard, bleffé. à mort, dans- la r extraite
deRiagras ,fut retiré;de la mêlée par quelques»
uns des fiens ,. 8c. porté au.pied d un arbre , ou il
voulut avoir le vifage tourné, vers l’*ennemi , afin
de ne pas,lui préfenter. le dos au moment.qu’il
expiroit.
Bonnivet , général du même prince •, voyant'
que la bataille.de Pavie , qui s’étoit donnée par fon ■
eonfeil, étoit perdue ,_aima mieux mourir en combattant
. que de fauver fa vie par la fuite. -
Jean , roi de .Bohême., voulut, - quoiqu- aveugle,,
fe trouver à,la. journée de Crécy. Dès qu’il apprit
que les François, fes alliés, .-avoient perdu, la bataille
, il. fit . attacher les rênes de fon ■ che.val à
j celles des chevaux de. deux de fes chevaliers , 6c
1 fe.fit.conduire.ainli au milieu, des.Anglpis ,.oùôL