
imagina la hache, d’abord employée comme outil,
enluite comme arme guerrière. Mais elle avoit le
désavantage de ne frapper que de près, & de n’être
qu arme offenfive. Ses coups dévoient être fouvent
^revenus par ceux de l’épée. On donna un tranchant
a celle-ci avec plus de largeur , & on la changea
en fabre ; celui-ci fut varié fous plufieursformes.
Enfin , la faulx, inventée pour un meilleur ufage,
fut auffi employée à la deftru&ion des hommes.
On tenta enfuite de réunir plufieurs ufages dans
une même arme : l’épée eut en même temps la
pointe & les deux tranchants , afin de frapper
d eftoc, de taille & de revers. On voulut donner
à la hallebarde les avantages de la lance & celui
de la hache ; mais le coup , trop loin de la main ,
fe trouva mal allure , & ces armes compofées ,
mifes à l’épreuve , furent inférieures aux armes
fimples.
A r m e s d e j e t ,
La diftance à laquelle les armes d’efcrime peuvent
atteindre , n’excèdent pas la longueur du bras ,
jointe a celle de la partie de Y arme qui dépaffe
le poignet. 11 ne fuffifoit pas à l’homme de combattre
d’aufli près. Tantôt il eût befoin d’atteindre
de loin un animal fugitif, tantôt d’attaquer un
ennemi, foit homme , foit bête féroce, avec un
moindre danger. Les premières armes de jet qu’il
employa furent fans doute les pierres. La jeune
fauvage d’Orléans a dit avoir eu une compagne
que dans une difpute elle avoit tuée d’un coup de
pierre aufront.il paroît que l’iifage en a été continué
long-temps , puifque nous voyons les héros de la
Grèce l’employer fi fréquemment dans les champs
troyens. Agamemnon y combat avec la pique ,
Tipéelÿ & de grandes pierres. Heélor faififfant de
fa main robufte une pierre noire , grande, inégale,
en frappe à fon milieu le terrible bouclier de fept
peaux de boeuf dont fe couvroit Ajax , & l’airain
en retentit. Ajax levant une pierre beaucoup plus
grande ,1a faittourner, la jette de toute fon immenfe
force & brife le bouclier d’un coup femblable à
celui d’une meule. Près des vaiffeaux le grand Ajax
fils de Télamon renverfe Heéror avec la même
arme ; ailleurs Heélor brife la tête d’Epigée ; Pa-
trocle en frappant Sthénélaüs lui rompt les mufcles
du cou j les Grecs les emploient à la défenfe de
leur camp, comme dans les temps poftérièurs on
en fit ufage pour celle des villes & des défilés dans
les montagnes. On la revoit même dans les
combats aux plus beaux temps de la Grèce. A la
bataille de Platée, le fpartiate Arimnefte tua Mar-
donius d’un coup de pierre à. la tête. Dans Argos
une tuile dirigée par la main d’une mère qui voyoit
fon fils attaqué par Pyrrhus, ôta la vie à ce conquérant.
La fécondé arme de jet après la pierre a pu être
le bâton fimple, enfuite le bâton pointu ou l’épieu.
On ne dût pas tarder à le garnir d’une pointe, &
on en fit le javelot, qui, fuivant les différentes I
nations & les formes qu elles lui donnèrent, fe
divifa^ en plufieurs efpèces. On eut la javeline ou
long javelot, le dard ou petit javelot, la hafle,
le verutum , le contus , la framéa , le goefum , la
catéïa , le maçare, Yangon, la pagaie.
On a même employé les flambeaux. Les Fidé-
nates, attaqués dans leur ville par les Romains ,
ouvrirent tout-à-coup les portes, & il enfortit
une troupe qui portoit des armes inconnues juf-
qu’alors : elle tenoit en main des flambeaux. Les
légions , d’abord effrayées de ce nouveau genre
de combat, revinrent de leur furprife à la voix du
dittateur Mamercus Æmilius. Elles reçutent une
partie de ces flambeaux lancés par l’ennemi, lui
arrachèrent les autres , & les deux armées fe virent
munies de cette arme nouvelle qui ne préferva
point les Fidénates de la défaite, & même de la
prife de leur ville.
Les prêtres des Falifques la renouvellèrent avec
auffi peu de fuccès ; quoique, pour augmenter
l’effroi, ils y euffent joint des ferpents , ou leur
apparence. Ils coururent au camp romain , fem-
blables à des furies : & déjà les foldats épouvantés
abandpnnoient leurs retranchements, lorfque
le conful Fabius Ambuftus , les autres officiers,
& les tribuns les y ramenèrent en les raillant de
cette terreur puérile.
On a pu fe fervir auffi d’inftruments deftinés
à d’autres ufages : dans le befoin ou la chaleur
du combat , tout devient arme , furor arma mi-
niflrat.
D E S A RM E S MÉ CH A NI Q U ES.
A r m e s n e u r o b a l l i s t i q u e s .
La portée de Y arme de je t, lancée par la feule
force du bras , étoit peu confidérable. L’intelligence
de l’homme y joignit bientôt une puiffance
extérieure. L’idée en fut fans doute empruntée d’un
jeune tronc, d’une branche d’arbre, ou d’un bâton
courbé avec effort, qui fe rétablit par fon élafticité.
On imagina d’adopter aux deux extrémités un lien
qui fervît à courber la verge élaftique , & la première
arme méchanique , l’arc fut inventé. Le trait,
touchant d’une part le milieu du bois, de l’autre
la corde , reçut le mouvement du reffort qui fe
rétablit, & fa portée devint trois ou quatre fois
plus grande. Cette arme fimple eft , pour ainfi
dire, de touts les temps & de touts les lieux. Il
eft vraifemblable qu’elle a précédé la fronde.
Quoique celle-ci l’emporte par la fimplicité , elle
n’avoit pas comme l’autre de modèle dans la nature.
Il falloit ou un cas fortuit pour la découvrir,
ou un plus grand effort d’imagination pour l’inventer.
E t, fi la fronde fut trouvée la première
chez quelques nations, l’ufage de l’arc dût prévaloir.
Supérieur aux armes que la main lance,
tant par la force que par l’intervalle , &. la fureté
de la dire&ion , il l’eft auffi à la fronde par
ce dernier avantage : ainfi nous trouvons Tun
chez touts les peuples, l’autre en peu d’endroits.
( Voye£ A r c .).
Ces deux armes ne jettoient que de petites
maffes & des traits légers. Ce n’étoit point affez
pour le génie rapace & deftrutteur de la guerre.
Comme il s’accroît en avançant, ainfi que la discorde
&. la renommée, il voulut des armes plus
fortes , des traits capables de percer ou de ren-
verfer plufieurs hommes d’un feul coup, des malles
qui puffent écrafer un grand nombre à la fois &
détruire les murailles. Les progrès de la méchanique
fécondèrent ces vues meurtrières. On imagina
des machines plus forces pour lancer plus loin
dç plus gros traits. Un fût adopté à l’arc , pour
recevoir & diriger plus fûrement la flèche, com-
pofa la catapulte , qui, fuivant fa grandeur & fa
for me, reçut les noms d'oxybele, fcorpïon, dorybole.
On imita auffi, & l’on aggrandit l’effet de la fronde
par l’invention de la balifte , & de fes efpèces
nommées monangon , fphendone ou fronde, onagre,
fundibale , &c. Enfin, on réunit les deux genres ,
& la même machine jetta des traits & des pierres.
Elle fut alors nommée polybole. ( Voye^ DiClionn.
d’Antiquités. ).
M a t i è r e s d e s a r m e s .
On employa d’abord les bois durs, la pierre,
& les os à faire des couteaux , des poignards , des
haches , & des épées. On plaça enfuite des pointes
de ces mêmes matières au bout d’une hampe.
Lorfque les métaux & l’art de les travailler fut
connu , ce qui n’arriva que fort tard , les armes en
furent faites. L’or , l’argent, & le cuivre, ou un
mélange de ces métaux, ont fervi fucceffivement
a cet ufage , fuivant les progrès qu’a faits la métallurgie.
Une ancienne tradition des Egyptiens
portoit que l’art de travailler l’or & le cuivre fut
trouvé dans la Thébaïde au temps d’Ofiris , &
qu’on en fit des armes pour combattre les bêtes
féroces. Le fer, quoique plus utile, eft beaucoup
plus difficile à trouver, à fondre , à rendre duélile :
il n’a été connu que beaucoup plus tard. Homère
ne parle guère que d'armes de cuivre. Celles des
Romains ont été faites avec ce métal pendant plufieurs
fiècles. Les anciens lui donnoient unç trempe
comme on la donne aujourd’hui au fer : M. le
comte de Caylus en a préfenté à l’académie des
belles-lettres , qu’il avoit rendu auffi dur que le fer
de nos armes. Toutes les anciennes armes romaines
que nous avons font de cuivre. Celles des Egyptiens
étoient du même métal. Job a parlé d’arcs de
cuivre : il eft vrai qu’il parle auffi & armes de fer.
Les Maffagétes employoient le cuivre à faire des
piques, des carquois, & des haches. Les armes qu’on
trouve dans les anciens tombeaux en Angleterre,
en Suiffe, en Allemagne, & dans tout le Nord
font de cuivre. T elles étoient auffi les armes des
Américains, lorfqu’on a découvert cette partie du
monde. Les haches trouvées dans les fépulcres péruviens
étoient de cuivre ; les Japonois & d’autres
peuples de l’Afié emploient encore ce métal à faire
des armes. • • ' ' “■*
Lorfqu’on a fçu travailler le fer, on l’a employé;
comme le cuivre , & l’ufage en eft auffi très ancien.
Je viens de dire que Job a parlé d’armes de fer.
Moyfe a dit que celui qui porteroit un coup mortel
avec le fer , feroit coupable d’homicide 8c mourroit
lui-même. ( Numer. c. X X X V , v. 6.).
A r m e s K a t a b a l i s t i q u e s .
D’autres befoins firent employer d’autres moyens
mécaniques. Il fallut renverfer des murs, pour
joindre l’ennemi qu’ils protégeoient. On inventa le
bélier, dont les coups redoublés ébranlèrent & firent
tomber les remparts : ces grandes & fortes machines
de guerre font d’une haute antiquité : un paffage du
Deutéronome paroît en faire mention. Si quaautetn
ligna non funt pomifera fed agreflia, & in coeteros
apta ufus ; jiiccinde 6* infime machinas, donec -captas
civitatem quoi contra te dimicet. ( C. X X , v. 20. ). « Si
quelques arbres ne font pas fruitiers, mais fauvages,&
propres à un autre emploi, coupe-les, & conftruis
des machines , jufqu’à ce que tu prennes la ville
qui combat contre toi ». D’autres paffages de l’e-
criture prouvent que ces armes etoient connues
au temps d’Ofias, environ huit cents ans avant
l’ère chrétienne, vers l’an du monde 3 *9 4 * Dans
la fuite on imagina le bélier à tariere &• le corbeau
démoliffeur.
L’homme employa auffi de bonne heure une
autre efpèce d'arme qui lui fervit a fondre fur
l’ennemi avec plus de promptitude , a le heurter ,
le renverfer , le fouler aux pieds. Ce fut le cheval ;
qui, réduit en fervitude pour des ufages civils St
paifibles, fut employé enfuite à la guerre. Il paroît
que le roi d’Egypte avoit de la cavalerie lorfqu’il
pourfuivit les lfraélites, & Job parle du cheval ÔC
de celui qui le monte. Suivant Hérodote & Dio-
dofe , les. Egyptiens & les Scythes ont employé
le cheval à porter les guerriers & à les traîner dans
un char, en des âges fi éloignés de nous que 1 e-
poque en eft effacée. Il femble que dans ces temps
où les troupes combattoient avec peu d’ordre, le
cheval , monté par un cavalier, a dû être plutôt en
ufage que les chars, plus facile^ à éviter. Mais
ces origines , prefque toujours incertaines, dépendent
des lieux & des circonftances, & ne partent
d’un même point ni du temps ni de la terre. Le
cheval a pu être monté par l’homme dans la
Phénicie, dans la Numidie, & aux bords du Pont-
Euxin, avant que les chars y fuffent connus ; tandis
que dans la Grèce l’ufage des chars a précédé celui
des chevaux montés : tout ce qui eft poffible à
l’entendement humain appartient à l’homme dans
touts les pays ; donnez-lui le befoin, la matière ,
& le temps; il inventera également par-tout.
Le cheval fut employé comme une arme propre
à rompre les. rangs, à renverfer les troupes, à y
P ij