
piéthode prefcrivoit que les bords de la chauffée
tulfeiit armées de groffes pierres , fur lefquelles les
cailloux, étant appuyés, paroiffoient rifquer d’autant
Tnoins de céder au poids des voitures que ces bordures
étoient encore contrebuttées par l’élévation
des terres de I encaiffetnent. La nouvelle académie
a décidé que cet encaiffement fuffifoit, & même
que les bordures étoient nuifibles , en ce que le
rouage venant à les dérange_r, il falloir pour les rétablir
ouvrir les te: res de l’encaiffement, ou faire
une large, brèche à la chauffée dont le cailloutis
remplacé ne pouvoit plus reprendre autant de
conhftence que celui qu'on en a voit tiré, & qui
avoit fait corps avec la partie contiguë : ceci eft
un problème à réfoudre par des raifonnements appuyés
fur l’expérience. On prétend qu’elle eft favorable
a la nouvelle méthode ; cependant la durée
des chauffées romaines, appuyées de groffes bordures
oi meme de dales qui les léparoient des chemins
de terre , au rapport du fieur Gautier qui a pris les
profils de plufieurs ; cette durée , dis-je , pourroit
contrebalancer le témoignage des modernes , 8c
faire penfer que le défaut de nos bordures pourroit
naître de la manière dont nous les employons.
Quoi qu’il en fo it, voici la conftruCfion prelcrite
pour nos chauffées d’empierrement, telle que j’ai
promis de la décrire pour prouver leur folidité.
Après avoir fait la tranchée qui doit fervir à
1 encaiffement, ôn pofe tout au fond des pierres
rangées à la main fur leur champ ou plus grande
epaiffeur ; ce qui compofe un pavé brut & mal uni.
Quand ce premier lit eft achevé on y répand du
gravier ou du fable pour en garnir & remplir touts
les joints jufqu’à la fuperficie qui en eft arrofée ;
fur cette couche, on étend des pierres ou des cailloux
de moindre groffeur, qu’on recouvre pareillement
de fable ; enfin, diminuant toujours la groffeur
du caillou, on termine la chauffée par le plus menu
recouvert comme deffus ; & l’on obferve que fa fu-
perficiê foit bombée en forme de bahut, pour que
les eaux Ven écoulent dans les foffés latéraux. 11 y
en a qui prétendent que la chauffée feroit plus
folide fi l’on pratïquoit ce bombement fur le plafond
même du terrein de la tranchée , parce qu’alors les
reins de la chauffée qui fouffrent le poids & le
frottement desroues, étant auffi épais que le milieu,
suroient plus de^réfiftance. Plus ces chemins font
fréquentés , plutôt ce rnaffif fait corps & devient
folide ; enforte que , fi les dégradations que les
.voitures & les chevaux y font au commencement
font bien réparées pendant trois ou quatre ans ,
il y a très peu de chofe à faire par la fuite.
On trouve quelquefois,dans le cours dun chemin
très avancé, des terreins fpongieux , & qui ont fi
peu de conffftance qu’aucun corps folide ne peut
V y foutenir : ils s’y enfoncent ou fubitement ou in-
fènfiblement ; 8c plus on voudroit les recharger
plus on précipiteroit leur ruine. J’en connois où
les chauffées entières ont difparu , 8c où des fondes
de cinquante pieds de hauteur n’ont point trouvé
de fond. Il n’eft plus temps de reculer ; & toutefois
les reffources contre un pareil événement font
auffi peu nombreufes que difficiles. On-ne m’en a
enfeigné que deux, dont l’une eft le grillage , où
affemblage de pièces de bois qui fe croifent quar-
rèment ; 8c l’autre un fafcinage fpacieux qu’on
retient le mieux qu’il eft poflible avec des piquets,
8c qu’on charge enfuite de terres folides.
Ailleurs, on rencontre des bancs de glaife dont
il eft facile de venir à bout, s’ils n’excèdent pas
la largeur de la chaullée : mais -, s’ils, régnent fur
toute la largeur du chemin, il eft difficile, ou du
moins très pénible de les mafquer fi exactement
que les glaifes ne reviennent pas à la fuperficie,
fur-tout s’il y a des glacis en contrehaut ou en
contrebas.
Plus loin , il fe préfente d’autres difficultés à
vaincre. Tantôt ce font des plaines fi baffes qu’aux
moindres crues d’une rivière voifine elles font
couvertes d’eau ; tantôt des marais qu’on ne peut
deffécher par des faignées. Dans ces deux cas , il
n y a d’autre remède quede conftruire des chauffées
ou levées percées d’arches.-
On peut mettre encore au rang des difficultés
çonfidérables qui fe prélentent dans quelques provinces
du royaume, des chaînes de montagnes fi
longues qu’on ne peut les contourner , 8c qu’il faut
profiter des premières gorges où l’on trouve moyen
de pratiquer une rampe à mi-côte pour y tracer un
chemin, quelquefois même dans ie> roc qu’il faut
miner. Il ne faut pas aller en Auvergne ni aux
Pyrénées pour en voir des exemples ; il y en a un
fameux à Tarare fur la route de Lyon , & un
autre à Roulleboife fur la baffe route de Paris à
Rouen. J’ai parcouru à pied cette dernière montée,
8c il m’a paru qu’elle nè pouvoit être mieux traitée
fans fe jetter dans une dépenfe fuperflue , qui même
n en auroit que peu diminué la roideur. On fe borne,
a donner à" ces paffages efcarpés une largeur fuffi-
fante pour deux voitures , 8c on fauve les périls
du précipice, par un mur de parapet, par une banquette
de terre, des barrières ou des bornes, quelquefois
par des arbres dont les intervalles font
garnis d’une haie d’épines. Celui qui traitera en
grand cette matière indiquera pour touts ces cas
les expédients convenables à chaque efpècè , &
les appuira de profils qui en démontreront l’exécution.
J’ai réfervé pour le dernier article ce qui eft le
plus digne d’exciter fon émulation ; c’eft le projet
d’un grand pont fuppofé à conftruire fur une rivière
navigable. Quoique plufieurs auteurs enayent
donné des modèles, & que les deffeins de ceux
qui ont été conftruits de nos jours, foient des plus
beaux qu’on puiffe propôfer ; je. ne fçais fi aucun
architeae s’eft jufqu’ici avifé de donner féparément;
les plans , les coupes , & les développements des
différentes parties qui compofent cette forte d’ouvrage
, avec ceux des batardeaux, des machines*
8c des inftrumeats dont on fe fert tant pour les
épuifements que pour les autres operations de 1 art ;
le tout dans l’efprit de l’inftruéfion que je demande
pour la portion du public qui n eft pas de la pro-
feffion , 8c encore plus particulièrement pour
l’homme d’état qui doit préfider à la dire&ion- de
cette matière. Sans doute, les devis contiennent
l’équivalent de ce détail ; mais t eft pour 1 entrepreneur
qui eft préfumé entendre la manoeuvre,
& non pour les gens de lettres qui ne peuvent y
comprendre que fort peu de chofe, faute de fçavoir
la fignification des termes de l’art, la forme des
machines, la figure des engins 8c des outils, 8c les
vîifages auxquels on.les emploie.
J’exhorte donc l’artifte zélé qui entreprendra de
nous donner ces éléments de l’architecture publique
relative aux chemins, à dreffer d’abord une table
alphabétique de toutes les natures 8c qualités de
matériaux qu’on y emploie , de toutes les machines,
engins, oc outils qui fervent aux opérations
de l’art, èc des termes de là manoeuvre , avec des
définitions fi claires , 8c des deffeins qui repréfen-
tent fi exactement chaque opération, qu’on puiffe
par ce double fecours , fuivre pied à pied l’exécution
d’un devis 8c en concevoir l’effet total.
Le feu fieur Gautier, qui , dès 1714:, étoit i-nf-
peéteur des ponts 8c chauffées , femble avoir prévenu
mes deffeins dans un traité des ponts, imprimé
à Paris , chez André. Cailleau en 1716;
mais fon livre , ainfi qu’un traité du même auteur
furdes chemins, publié en 1721 , eft d’un ftyle ft
bas quTudépendamment de bien des puérilités que
l ’un 8c.l’autre contiennent, ils ne peuvent fervir
que de titre 8c de forme pour en faire un bon tel
que je le demande , de la main d’un grand maître ,
& qui écrive avec affez de pureté pour ne pas
ajouter l’ennui de la diéfion à la féchereffe de la
matière. A la vérité., ce talent de bien écrire n’eft
pas commun parmi les hommes d’art ; mais il n’y
eft pas non plus ft rare qu’on ne puiffe facilement
les trouver. Cet ouvrage feroit ft utile pour les
fujets qui fe dévouent au fervice de l’état dans
cette partie ; 8c il tendrait ft vifiblement à la propagation
de l’architeéhire publique , s’il contenoit
de bonnes dïffertaiions , qu’il n’eft pas douteux que
le gouvernement ne fît avec plaifir la dépenfe de
rimpreffion 8c celle de la gravure des planches.
Ces differtations rouleroient fur la pouffée des
voûtes & des terres, fur l’ouverture des arches
la plus convenable , relativement aux différents
lits & cours des rivières, au volume 8c à la rapidité
des eaux ; fur la forme la plus belle & la
plus folide qu’on puiffe leur donner , qui paroît
etre le plein ceintre ; & fur le dernier degré jufques
auquel on peut s’en éloigner en les furbaiffânt ,
pour ne pas s’expofer à des accidents dont un feul
exemple devroit interdire touîs les autres. Il eft
trop dangereux de permettre des épreuves à la
pure vanité, fur des ouvrages dont J’immenfné de
la depenfe intéreffe fi fort l’état, & .qui n’ajoutent
rien a la beauté deToirvrage,, Eft-il même décidé
que la réduction outrée du nombre des arches
procure de l’épargne. Les frais de l’appareil extraordinaire
qu’exigent celles dont l’ouverture eft ex-
ceffive , n’équivalent-ils pas à celui du rnaffif des
piles qu’on fupprime ? Je l’ignore, mais je fens
qu’une fixation fur cet objet, fi elle eft pratiquable,
feroit infiniment avantageufe.
Je defirerois enfuite qu’on difcutât les problèmes
qui naiffent du cara&ère des torrents du Dauphiné,
tels que le Drac , l’Izère , la Romance , la Greffe j
pour voir s’il y auroit des remèdes à efpérer contre
leurs irruptions fubites. Les hommes qui jufqu’à
préfent les ont examinés , ont-ils été affez attentifs
pour tout voir , & affez habiles pour avoir tout
prévu ? Le feul intérêt de -conferver Grenoble ne
mériteroit-il pas qu’on réunît les avis de touts les
fçavants en ce genre ; 8c ce motif n’eft -il point
infiniment fortifié par la vue d’éviter les dépenfes
extraordinaires qui furviennent fi fouvent ?
Une differtation fur le parti qu’on a pris de bâtir
un rnaffif continu tout au travers de l’Ailier à
Moul ins, pour y ériger un pont : cette differtation,
dis-je , ne feroit-elle pas curieufe 8c digne du gouvernement,
qui doit mettre au nombre de fes foins
celui d’inftruire fon fiëcle 8c la poftérité ? l’Ailier
n’eft pas la feule rivière dont les enfablements
foient également inconftants & profonds. Il eft du
moins certain qu’enfiuppofant, comme je le crois,
fur la réputation de l’ingénieur qui conduit cet ouvrage,
que le pont de Moulins ne fût fufceptible
d’aucun autre genre- de conftruéfion pour être folide;
l’architeâure ne pourroit que gagner à l’examen
des raifons qui ont fait donner la préférence à celui-
ci , ne fut - ce que pour s’y tenir invariablement
dans un cas femblable. Il fuffiroit même , je penfe,
pour exciter les fçavants à communiquer leurs avis
fur des queftions problématiques , qu’on imprimât
lés devis de touts les ouvrages fameux , avec leurs
plans, profils, & élévations. Ils ne font pas affez
fréquents pour rendre cette dépenfe effrayante, &
cependant, à l’exception du pont-de Blois, je n’ai
point appris qu’on l’ait fait pour aucun, autre. Celui
de Coropiegne conftruit depuis trente ans:.ceux
du Cher à Tours, fi dignes d’être connus 8c imités.,
le pont d’Orléans qui touche à fa fin ; & enfin celui
de Saumur qui vient d’être fondé d’une façon fi
nouvelle &rfi heureufe , ne méritent-ils pas d’ho-
norer les fafies de la nation , & que les noms de
leurs auteurs y foient gravés en caractères dignes
de leurs, talents. ( E (fai f u r les ponts & chauffées ,
p a r M. Boulanger, i/2^12 , Amfierd. 1759. )•
Ces voeux viennent d’être remplis par M. Per-
ronet, dans fon grand ouvrage lùr cet objet. Nous
y renvoyons , 8c n’en ferons point ici un éioge
que le nom de fon auteur fait infiniment mieux.
Chemin - couvert. ( Fort if. ). Ce chemin ,
large de cinq à fix toifes , régnant le long de la con-
trefcarpe , ou bord extérieur du folié, eft couvert
du côté de l’ennemi par une élévation de terre
d’environ fix pieds de hauteur , qui lui fert de pa